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La genèse du projet
En entretien avec Francopresse, des représentants de la SANB apportent des clarifications quant à l’origine du projet.
En mars dernier, l’organisme a lancé le portail Exact NB en collaboration avec une entreprise bilingue de Bathurst, WebSolutions.ca. Il s’agit du fruit d’environ un an de travail appuyé par une subvention de Patrimoine canadien pour la lutte contre la désinformation en matière de langues officielles.
Cette nouvelle plateforme fonctionne selon les normes en matière d’exactitude de nouvelles de l’International Fact-Checking Network et a été créée à partir du système Fact Press. Le responsable des communications à la SANB, Éric Dow, explique que cette technologie permet notamment de privilégier le contenu qui a été vérifié dans les moteurs de recherche et dans les médias sociaux.
L’une des motivations derrière ce projet est d’outiller la population pour répondre aux fausses nouvelles propagées sur Internet par des groupes hostiles au bilinguisme au Nouveau-Brunswick.
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Une demande axée sur la crise sanitaire
Dans cette même optique, la SANB a proposé un autre projet dans le cadre du Programme de contributions en matière de citoyenneté numérique de Patrimoine canadien. La demande prévoyait des investissements en recherche pour mieux comprendre le phénomène de la désinformation, perfectionner la technologie utilisée pour développer le portail Exact NB ainsi que développer une expertise technique locale et francophone en la matière.
Dans le contexte de la COVID-19, le gouvernement fédéral a revu ses priorités et a invité la SANB à soumettre un nouveau projet. L’organisme acadien a donc décidé de mettre son second projet lié aux langues officielles sur la glace pour l’instant et d’aller de l’avant avec une nouvelle demande axée sur la crise sanitaire actuelle.
«Si cette technologie n’est pas développée au Nouveau-Brunswick, elle sera développée à Toronto. Je pense qu’il est préférable de voir cette expertise se développer chez nous et de dire que nous sommes en train d’innover en Acadie», mentionne Éric Dow.
La SANB précise que l’un de ses objectifs est que les outils technologiques développés dans le projet sur la COVID-19 soient éventuellement mis au profit de la lutte à la désinformation sur les questions linguistiques.

«Il s’agit d’un nouveau financement»
Des questionnements persistent à savoir si la SANB était l’organisme le plus approprié pour recevoir une telle subvention dans le contexte actuel, compte tenu de l’expertise des médias communautaires francophones dans la production d’information de qualité.
En réponse à ces critiques, le responsable des communications de la SANB soutient que «le but de cette plateforme [sur la COVID-19] n’est pas de faire du journalisme. Le but est de faire de la littératie numérique. Nous concevons ce projet comme un complément au travail journalistique fait par les médias traditionnels.»
Le directeur général de l’organisme précise également qu’il ne s’agit pas de fonds gouvernementaux destinés à soutenir le travail journalistique, ni spécifiquement pour les communautés francophones.
Patrimoine nous a financés dans un programme qui n’est pas lié aux langues officielles. C’est un programme auquel nous n’avons généralement pas accès. Il s’agit donc d’un nouveau financement. On ne veut pas enlever le pain de personne.
Un projet critiqué
Ces précisions n’apaisent toutefois pas l’ensemble des critiques à l’égard du projet. Anthony Azard, directeur général de la station 93.5 Codiac FM, déplore que les médias radios et écrits n’aient pas davantage été inclus dans le projet.
«Pour qu’il y ait littératie numérique, il faut du contenu, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait des nouvelles pour alimenter cette plateforme-là pour établir la vérification des faits», souligne-t-il. Or, les partenaires éventuels dans le secteur des médias ne semblent pas avoir été consultés par la SANB dans la phase de préparation de la demande.
«L’Association des radios communautaires acadiennes du Nouveau-Brunswick (ARCANB) n’a pas été contactée pour être partenaire de ce projet-là. Nous avons appris comme tout le monde l’obtention du financement dans la presse», explique le directeur général de l’organisme, Jean-François Cochet.
Même si la SANB ne souhaite pas divulguer l’ensemble des partenaires du projet à l’heure actuelle, Éric Dow précise qu’une demande de partenariat a été rejetée par Radio-Canada.
De plus, à la suite de l’obtention de la subvention, un résumé du projet a été partagé avec l’ARCANB, avec qui la SANB souhaite évaluer les possibilités de collaboration. Toutefois, dans la perspective d’Anthony Azard, cette possibilité de partenariat arrive sur le tard. «Quand on dépose une demande de subvention, on établit des partenariats avant de déposer une demande.»

Des sorties du président de la SANB qui jettent de l’huile sur le feu
Malgré tout, Jean-François Cochet de l’ARCANB ne remet pas en cause le processus d’attribution de subventions par Patrimoine canadien ni l’intérêt du projet. Il souligne d’emblée la valeur ajoutée que le réseau de radios que son organisme représente pourrait ajouter à l’élaboration de la plateforme de lutte contre la désinformation.
Toutefois, il déplore les sorties médiatiques du président de la SANB, Robert Melanson, qui constituent un frein important à une collaboration éventuelle. «»
À l’instant, le principal blocage ce sont les propos de Robert Melanson dans l’ensemble de la presse. […] Avec les sorties du président de la SANB, c’est difficile d’avancer sur une collaboration entre les associations. J’avais l’impression que ni l’ARCANB ni la presse écrite n’étaient prévus comme partenaire du projet vu les sorties que j’ai vu passer dans la presse.
Une entrevue de Robert Melanson diffusée le 23 avril sur les ondes de la radio de Radio-Canada à l’émission La matinale a particulièrement fait réagir. Lors de cet entretien, il a notamment vanté le mérite de la SANB d’avoir pris l’initiative de déposer une demande.
Anthony Azard nuance cette affirmation en soulignant le contexte particulier dans lequel la SANB a soumis une demande concernant la COVID-19. «De dire que la SANB a eu le mérite de déposer une demande, que le ministère aurait lancé l’appel à tous, c’est faux.»

Lors de cet entretien à Radio-Canada, M. Melanson a aussi indiqué que la SANB doit se prononcer sur une diversité d’enjeux, en particulier lorsque les Acadiens sont désavantagés. Ces propos ont été mal perçus par les intervenants du secteur médiatique.
«Jeter le discrédit sur l’information provinciale était mal fait, car je ne pense pas que ni mes journalistes, ni l’Acadie Nouvelle, ni d’autres médias tels que Radio-Canada se permettraient de sortir une information si elle n’est pas sure et vérifiée», mentionne Jean-François Cochet.
Dans la perspective de M. Cochet, la SANB se doit de mieux communiquer les informations par rapport à ce projet si l’organisme désire atténuer les tensions actuelles, en plus de corriger le tir par rapport aux propos ambigus du président Melanson. Pour lui, «il y a le message que l’on veut envoyer et le message tel qu’il est envoyé. L’écart entre les deux est assez grand à l’instant.»