
Quelques personnes ont assisté au Sommet en présentiel à l’Université Saint-Paul.
«Le volume d’informations recueillies est immense. Au terme de ce grand exercice de consultations et mobilisations, on voudra en dériver une vision. La tâche peut sembler herculéenne ; elle ne l’est pas», a assuré la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Liane Roy, lors de la cérémonie d’ouverture du Sommet.
«Je reviendrai au mot que nous avons entendu si souvent lors des 11 sessions qui ont marqué les États généraux : collaboration. Tout ce que nous avons réussi à créer et développer comme leviers pour vivre en français dans nos communautés, nous l’avons fait en unissant nos forces et en créant des mécanismes de concertation», a ajouté Liane Roy en soulignant les multiples victoires de la francophonie au fil des ans.
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S’enligner vers une francophonie «ouverte et multiculturelle»
Le conférencier Joel Belliveau, chercheur en résidence au Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) de l’Université d’Ottawa et professeur émérite de l’Université Laurentienne, a ensuite évoqué que «nos sociétés vivent aujourd’hui une autre grande transformation – une transformation qui testera une nouvelle fois, selon moi, les capacités des institutions francophones en contexte minoritaire de garantir la reproduction de leurs communautés».
«Encore une fois, leur succès dépendra en partie de l’adaptation des collèges et universités», a ajouté Joel Belliveau.
Pour le chercheur, cette transformation en est une de «décolonisation des mentalités» et de «dé-ethnicisation des identités», alors que le Canada en tant que collectivité politique «est venu à se définir par sa diversité interne et à valoriser ses liens avec les cultures du monde entier».
S’il estime qu’il s’agit là d’une bonne chose, il demeure que cela pose certains défis pour les francophones en milieu minoritaire d’après Joel Belliveau :

Pour les francophones du Canada, comme pour bien des groupes minoritaires, l’ethnicité donnait une consistance à nos communautés ainsi que des frontières quasi tangibles. […] Or, elle est terminée cette époque où être francophone allait de soi. Désormais, on devra trouver une nouvelle manière de donner corps à nos communautés, sinon elles risquent de se dissoudre elles aussi dans le malstrom anglo-canadien pluraliste.
La voie pour aller de l’avant est selon lui de développer «une francophonie tout aussi ouverte et intégratrice que la société canadienne dans son ensemble», une réalité qu’il observe de plus en plus dans les établissements postsecondaires et dans les politiques d’immigration.
Le chercheur encourage donc le milieu à viser une offre attractive pour que plus de francophiles et d’immigrants francophones rejoignent les établissements postsecondaires, tout en ne négligeant pas les étudiants franco-canadiens.
«Nos francophonies seront des collectivités ouvertes et multiculturelles ou elles ne seront pas», prévient Joel Belliveau.
Créer des liens entre les communautés et les établissements
Tout au long des États généraux, cinq rapporteuses et rapporteurs se sont intéressés à des segments spécifiques liés au postsecondaire : le communautaire, le collégial, la jeunesse et l’universitaire.
Le premier jour du Sommet fut l’occasion de les entendre sur les défis et solutions entendus.

Serge Quinty, directeur des communications de la FCFA.
Serge Quinty, directeur des communications de la FCFA, a mis en lumière la «perception de l’établissement postsecondaire pas uniquement comme un lieu d’enseignement, mais comme une institution de la communauté qui est nécessaire à son épanouissement».
Pour que des rapprochements se concrétisent, il rapporte l’importance d’établir de bons canaux de communication et de s’assurer que les étudiants — notamment ceux de l’étranger — puissent s’intégrer à la communauté durant leurs études.
Concernant notamment les étudiants africains, qui se feraient refuser en grand nombre l’accès aux établissements postsecondaires francophones en situation minoritaire par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Serge Quinty estime qu’il s’agit là d’une «contradiction qui doit être résolue. Le gouvernement fédéral doit absolument lever le critère qui exige que les étudiants et étudiantes démontrent leur volonté de retourner dans leur pays à la fin de leurs études».

La présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française, Marguerite Tölgyesi.
La présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), Marguerite Tölgyesi, a pour sa part souligné l’importance d’inclure davantage les jeunes dans les décisions qui concernent le postsecondaire : «Ils sont les seuls à connaitre leur réalité, leurs besoins et leurs expériences en tant qu’étudiants. Plus souvent qu’autrement, ce sont eux qui vivent les conséquences des coupures de programmes, du manque de personnel qualifié, des services déficients, etc.»
Citant la minisérie Parlons-en!, créée par la FJCF pour «sensibiliser la population à la réalité et aux défis que vivent les jeunes d’expression française en contexte d’études postsecondaires», la présidente a souligné certains enjeux des étudiants et a mis en lumière des solutions possibles, dont plus de collaboration et de mobilité entre les établissements, une meilleure transition du secondaire au postsecondaire et «de considérer nos établissements comme étant au service de la communauté francophone canadienne au sens large au lieu d’avoir une perspective purement centrée sur nos milieux respectifs».
Sommet des États généraux sur l'éducation postsecondaire en contexte francophone minoritaire
Les 24 et 25 mars 2022
Un «statut spécial» pour le postsecondaire francophone?
Au niveau des liens avec les gouvernements, l’une des idées évoquées a été d’accorder un «statut spécial» aux universités francophones en milieu minoritaire, «statut qui permettra de mieux les protéger» d’après Sophie Montreuil, directrice générale de l’Acfas.

Le financement offert à ces établissements universitaires doit être stable, suffisant et équitable. Il faut aussi davantage de transparence de la part des gouvernements provinciaux pour qu’il soit possible de savoir où vont les montants du fédéral en éducation.
Elle rapporte qu’il a aussi été suggéré au cours des ateliers «que les transferts fédéraux soient faits au nom de la Loi sur les langues officielles et de la vitalité des communautés plutôt qu’au nom de l’éducation pour que les communautés francophones reçoivent et gèrent directement ces fonds», comme cela est fait au Campus Saint-Jean dans le domaine de la santé.

Mélanie Cwikla, directrice de l’École technique et professionnelle de l’Université de Saint-Boniface, a participé à distance.
Mélanie Cwikla, directrice de l’École technique et professionnelle de l’Université de Saint-Boniface, a pour sa part rappelé que «les priorités de la communauté francophone ne sont pas nécessairement les mêmes que [celles de la majorité], il faut trouver des moyens de faire comprendre ça au gouvernement».
Elle a aussi observé que les établissements postsecondaires «protègent [leurs] acquis et n’osent pas toujours travailler ensemble, on voit l’autre comme une menace un peu» et que cela nuit aux étudiants.
«Il faut s’arrêter et qu’on regarde les barrières qu’on se crée […] Il faut qu’on pense à l’étudiant d’abord et avant tout et qu’on trouve des moyens de faciliter son accès à des programmes en français, que ça soit collégiaux, universitaires» ou autres, a défendu Mélanie Cwikla.
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