On parle souvent des soldats et des jeunes hommes qui ont dû s’enrôler en raison de la conscription et partir au combat. On sait aussi que les femmes ont dû les remplacer entre autres dans les usines en raison du manque de main-d’œuvre. Certaines se sont retrouvées à fabriquer des munitions alors que d’autres remplaçaient des rôles essentiels et devenaient mécaniciennes ou chauffeuses de taxi.
On parle très peu de l’agriculture au temps de la guerre, mais les fermiers au Canada ont aussi eu besoin d’aide puisque tous les hommes (ou presque) étaient partis! La production alimentaire était essentielle durant les temps de guerre. La pénurie de main-d’œuvre dans le domaine agricole durant la Première Guerre mondiale a forcé le gouvernement et les secteurs privés à embaucher des jeunes femmes et des filles des écoles secondaires et des universités pour venir en aide aux agriculteurs. Des jeunes hommes (trop jeunes pour le combat) avaient déjà été embauchés en tant que «Soldats de la terre», mais ce n’était pas assez.
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Le gouvernement de l’Ontario procéda donc à l’embauche de femmes et jeunes filles dans le cadre d’une initiative nommée le Corps de service agricole (Ontario Farm Service Force). Ces filles nommées «farmerettes» étaient formées pour aider dans toutes sortes de travaux agricoles. Les tâches étaient diverses telles que des travaux aux champs (labourer, planter, récolter), du désherbage, de la récolte de fruits et légumes, du travail dans les vergers, ou bien de l’aide avec les animaux et la traite des vaches laitières.
Pour mettre quelques chiffres, en 1918 ce sont 2 400 femmes qui ont récolté des fruits dans le sud de l’Ontario, plus précisément dans la vallée du Niagara. Elles étaient des milliers dans l’ensemble de la province.
La Young Women’s Christian Association (YWCA) a également pris en charge le recrutement et l’hébergement de plusieurs de ces filles dans des camps où ces dernières étaient souvent logées et nourries en échange de leur aide pour le travail agricole. Certaines étudiantes, qui avaient de bonnes moyennes à l’école, pouvaient même être exemptées des examens de fin d’année en échange des 13 semaines réglementaires de travail demandées.
Les camps pouvaient rassembler plusieurs dizaines de filles qui pour la plupart provenaient des villes. Elles pouvaient être requises à différents endroits, selon les jours et les besoins du matin. Les participantes pouvaient venir d’aussi loin que North Bay, dans le Nord de l’Ontario, pour travailler dans le sud de la province.
Dans un document original du gouvernement ontarien des travaux publics Women’s Work on the Land – How You May Assist in Food Production this Summer on peut y lire que bien que les travaux de plantation débutent en mai et que la saison des pommes peut s’étaler jusqu’en novembre. La demande étant la plus forte du 15 juin au 15 octobre et en particulier du 15 juin au 15 août. Le quart de travail, d’environ 8 heures à 10 heures par jour, était rémunéré à la hauteur de 10 à 15 cents l’heure environ. Les «bonnes travailleuses» pouvaient même espérer gagner jusqu’à 20 cents l’heure. Selon les milieux, des tarifs à la pièce pouvaient aussi être observés au lieu d’une tarification à l’heure.
Par exemple pour cueillir des fraises, des framboises ou des mûres une femme pouvait s’attendre à être payée 2 cents le litre alors que pour des cerises cela pouvait aller jusqu’à 20 cents pour un panier de 15 livres. Dans le secteur laitier, le tarif attendu était de 15 $ par mois, incluant la pension.
Bien que la Seconde Guerre se soit terminée en 1945, certaines farmerettes ont parfois travaillé sur les fermes jusqu’en 1952-1953. À leur façon, ces jeunes filles et femmes ont protégé notre agriculture canadienne et ont participé aux efforts de la Première et Seconde Guerre mondiale en aidant le Canada.
Si cela vous intéresse d’en apprendre un peu plus sur les farmerettes, un livre (uniquement en anglais) a été publié en 2019 rassemblant les mémoires d’une cinquantaine de farmerettes. Écrit par Shirleyan English, elle-même farmerette au cours de sa jeunesse et Bonnie Sitter une femme avide de faire connaitre ces histoires, l’ouvrage s’intitule Onion Skins and Peach Fuzz: Memories of Ontario Farmerettes.