Étonnamment, les origines de la fondation de Gaza et d’Israël se rejoignent dans le temps et l’espace. Le temps est celui de la fin de l’âge du bronze. L’espace est celui du pays de Canaan.
La région de Canaan était située le long de la rive est de la mer Méditerranée et, selon les sources, s’étendait jusqu’au Jourdain. Elle correspondait plus ou moins aux territoires actuels d’Israël, du Liban, d’une partie de la Syrie et de l’ouest de la Jordanie.
Parmi les nombreuses théories émises sur l’origine du nom Canaan, l’une veut qu’il provienne d’un des petits-fils de Noé.
Coincé entre les empires de la Mésopotamie et de l’Égypte, Canaan avait réussi à ériger plusieurs cités-États et à connaitre des périodes de prospérité.
Canaan a été longtemps dominé par l’Égypte, qui en avait fait sa province «asiatique», sans pour autant en assimiler les habitants.
Au cours du XIIe siècle toutefois, tout bascule. La domination égyptienne se termine et de nouvelles populations s’installent sur la rive méditerranéenne de Canaan.
C’est le cas notamment des Phéniciens, dans le nord, vers le Liban actuel, et des Philistins, dans le sud, sur un petit territoire entre l’Égypte et la région actuelle de Tel-Aviv, en Israël. La grande partie du territoire des Philistins constitue aujourd’hui la bande de Gaza.
Philistins et Israélites : des voisins ennemis
Les Philistins seraient venus des iles de la mer Égée, peut-être de Crète. Les Égyptiens les incluaient parmi les «peuples de la mer» qui avaient tenté de les attaquer, sans succès. Une fois à Canaan, les Philistins ont érigé à leur tour des établissements qui ont évolué en cinq cités-États : Gaza, Ascalon, Gath, Ashdod et Equrōn.
À peu près à la même époque (les dates sont imprécises), la Bible nous dit que les Hébreux, fuyant l’Égypte, ont traversé le désert du Sinaï pour migrer à Canaan, la «terre promise» par Dieu au patriarche Abraham, à son fils Isaac et au fils de ce dernier, Jacob.
Un mot sur ce Jacob, car c’est un personnage important. La Bible raconte qu’après avoir lutté avec Dieu (ou son ange) toute une nuit, Jacob reçoit le nom d’Israël (qui signifie «celui qui a été fort contre Dieu» ou qui a «lutté contre Dieu»).
Ce sont les descendants des douze fils de Jacob qui formeront les «douze tribus d’Israël», aussi nommées «Israélites», et qui envahiront le Canaan des centaines d’années plus tard.
Les Israélites combattront farouchement les Cananéens et finiront par occuper tout le pays. Tout… sauf la petite bande de terre où vivent les Philistins.
Des rivalités légendaires
Les deux peuples deviennent ennemis. Au départ, ce sont les Philistins qui ont le dessus, étant mieux équipés. Ces conflits inspireront d’ailleurs plusieurs récits – ou légendes – bibliques comme celui de Samson et Dalila.
Après 40 ans de domination par les Philistins, le peuple d’Israël est libéré par un envoyé de Dieu : Samson. Il est doté d’une force extraordinaire. Il épouse d’abord une Philistine et se rend à Gaza, où sa femme est tuée par les siens à la suite d’une série d’évènements violents.
Beaucoup plus tard, Dalila devient la maitresse de Samson. Poussée par des Philistins, elle soutire à son amant le secret de sa force, soit sa longue chevelure, qu’elle lui coupe ensuite pendant qu’il dort.
Les Philistins s’emparent alors de Samson, lui crèvent les yeux et l’enferment à Gaza. Une fois ses cheveux repoussés, Samson écarte les colonnes du palais, qui s’écroule en tuant des milliers de Philistins, ainsi que lui-même.
Selon un autre récit biblique, les Philistins avaient réussi à capturer l’arche d’alliance, ce coffre sacré des Israélites contenant les Tables de la Loi données à Moïse par Dieu. Mais chaque ville où ils transportent l’arche est frappée par la colère de Dieu, ce qui amène les Philistins à rendre le précieux coffre au peuple d’Israël. L’arche finira par disparaitre mystérieusement et on la cherche encore…
Les deux peuples s’affronteront encore symboliquement par l’entremise du Philistin Goliath et d’un jeune berger nommé David. Selon l’histoire bien connue de l’Ancien Testament (et aussi brièvement du Coran), le jeune berger terrasse le géant philistin grâce à sa fronde.
David deviendra par la suite roi d’Israël et se rendra maitre du territoire des Philistins. Mais à l’instar de la lointaine conquête égyptienne, le territoire qui allait devenir Gaza demeure distinct.
Gaza : les portes tournantes
Comme toute la région du Proche-Orient, Gaza changera plusieurs fois de mains avec les empires qui se succèdent : assyrien, égyptien à nouveau, babylonien, perse et grec.
Gaza tente à cette époque de résister au passage d’Alexandre le Grand en route pour conquérir l’Égypte. À l’issue d’un siège de deux mois, les troupes d’Alexandre massacrent ou réduisent à l’esclavage une grande partie des habitants de Gaza.
La période grecque dure près de 200 ans, suivie de la mainmise romaine sur le territoire, exception faite de la brève conquête juive par les Maccabées. C’est d’ailleurs l’empereur romain Hadrien, pour se venger de la révolte juive, qui baptisera tout l’ancien pays de Canaan du nom de «Palestine», un dérivé de Philistins.
Gaza est ensuite conquise tour à tour par les Arabes, les Croisés, Richard Cœur de Lion, Saladin, les Mongols, les Mamelouks, les Ottomans et les Britanniques.
Après la guerre suivant la déclaration d’indépendance d’Israël en 1948, la «bande de Gaza» redevient une entité distincte, faisant partie de la Palestine, mais administrée par l’Égypte jusqu’à ce qu’Israël s’en empare lors de la guerre des Six Jours en 1967.
Le passé revient. Aujourd’hui, Israël et Gaza s’affrontent toujours, plus de 3000 ans après leur premier contact, en terre de Canaan.