Certes, le résultat n’est pas à la hauteur des espérances des féministes, et de nombreuses pistes d’amélioration sont envisageables.
Il n’empêche que cela reste un pas dans la bonne direction : celle d’une prise de conscience politique de la nécessité de réfléchir aux éventuelles conséquences différentes sur les femmes, les hommes et les populations vulnérables d’une action que l’on pourrait penser neutre de prime abord.
L’apparente neutralité du déneigement
Prenons un exemple malheureusement toujours de saison : le déneigement. Rien ne vous semble plus neutre qu’un plan de déblayage? Détrompez-vous!
Dans la plupart des villes, lors d’une tempête de neige, l’on s’affaire prioritairement à dégager les axes routiers principaux, puis les rues secondaires et, enfin, les trottoirs.
Cette méthode vise notamment à permettre aux travailleurs et aux travailleuses de se rendre sur leur lieu de travail rapidement.
Depuis 2010, la ville de Karlskoga, en Suède, aborde le problème différemment : les trottoirs sont déneigés en premier, en priorisant les alentours des crèches et des écoles, puis des hôpitaux et des administrations.
Cela facilite les déplacements des femmes, des enfants, des jeunes et personnes âgées. Plusieurs études ont en effet démontré que ces derniers utilisent davantage les trottoirs et les pistes cyclables pour leurs activités quotidiennes, tandis que les hommes priorisent les chaussées.
L’argument-massue de la petite bourgade suédoise pour justifier ce déneigement féministe? Il est plus facile de se déplacer sur 10 cm de neige en voiture qu’avec un landau ou un vélo. Résultat : la ville a enregistré une baisse spectaculaire des chutes et des blessures durant l’hiver, désengorgeant par le fait même ses hôpitaux et réduisant ses dépenses en santé.
Remettre en question ses présupposés
Cet exemple démontre bien l’intérêt d’analyser les politiques publiques en fonction de leur impact genré sur la population, mais également en tenant compte de facteurs tels que l’âge, le revenu ou l’origine des personnes.
C’est en portant attention aux besoins réels des gens, et plus particulièrement des groupes les plus vulnérables, que nous pourrons construire un espace public inclusif, où chacun se sent légitime et libre de circuler.
C’est bien beau de construire à grands frais un nouveau terrain de soccer, mais si en réalité seule une partie de la population l’utilise — pour toute une série de raisons allant de la construction sociale des rôles genrés au poids de la culture et des traditions, en passant par une accessibilité réduite – , ce sera de l’argent qui ne servira pas la communauté.
C’est bien joli de vouloir relancer l’économie à tout-va ; de mettre en place des incitatifs financiers pour la création d’entreprises, de construire des autoroutes, des oléoducs et des petits réacteurs nucléaires. Mais si rien n’est mis en place pour contrebalancer les impacts disproportionnés de la crise actuelle sur les femmes et les populations vulnérables, ce sera in fine un échec pour l’ensemble de la société.