« Vous avez entendu que la PEI Litteratie Alliance a perdu son financement du gouvernement fédéral. C’est la même chose dans toutes les provinces. Au Nouveau-Brunswick et dans toutes les autres provinces où il y a un organisme francophone et un organisme anglophone, les deux ont été coupés. Les compressions ont commencé sous le gouvernement Harper, et elles ont été maintenues par le présent gouvernement », dit le président de Collège de l’Île.
Selon Donald DesRoches, le gouvernement continue de financer l’alphabétisation. « Nous au Collège, nous avons du financement pour embaucher des tuteurs pour nos étudiants au GED, parce que ça conduit au marché du travail, ou en tout cas, ça améliore l’employabilité. Mais pour les personnes qui sont dans une démarche plus large et plus orientée sur leurs progrès personnels, il n’y a rien », déplore Donald DesRoches.
Le président du Collège de l’Île est aussi président du Conseil acadien de Rustico, un organisme qui compte sur l’engagement de personnes dévouées. Ces personnes pourraient contribuer encore davantage à eux-mêmes et à leur communauté, si leur niveau de confiance pour prendre des responsabilités était rehaussé. Aujourd’hui le travail de développement communautaire exige de hauts niveaux de compétences essentielles.
« L’alphabétisation et la littératie, ce n’est pas seulement la lecture et l’écriture, et la numératie. C’est le fonctionnement en société, la capacité d’analyser et de remettre en question ce qu’on entend dans les médias sociaux, c’est la capacité de transmettre des valeurs à nos enfants, et de leur servir d’exemple positif, c’est aussi la capacité d’imaginer une vie différente. Et c’est dommage, mais le gouvernement n’a pas rétabli le financement qui pourrait permettre de rencontrer la personne là où elle est et de l’accompagner dans son cheminement vers le mieux, si le résultat visé n’est pas spécifiquement le marché du travail ».
En plus d’être président du Collège de l’Île et du CaR, Donald DesRoches est aussi président du Réseau pour le développement de l’alphabétisme et des compétences. Il s’agit d’un organisme national qui regroupe un intervenant francophone par province et territoire, et qui s’appelait autrefois la Fédération canadienne pour l’alphabétisation en français.
« Nous n’avons plus de financement de base depuis plusieurs années. Nous avons brûlé tous nos surplus accumulés et maintenant, il ne reste rien. En 2016, nous avons participé aux consultations pancanadiennes sur les langues officielles. Nous y avons fait valoir l’importance de financer l’alphabétisation familiale, pour aider le parent à préparer son enfant, et lui-même par le fait même, au système d’éducation en français, surtout dans nos milieux minoritaires. Nous espérons que la prochaine enveloppe de la feuille de route fédérale tiendra compte de cela, et de l’importance de soutenir les citoyens dans leurs démarches visant un meilleur niveau d’alphabétisme ».
Donald DesRoches est d’avis que l’État canadien néglige son devoir envers le mieux-être de ses citoyens, en limitant son financement aux initiatives qui visent directement l’employabilité.
« Il y a plus dans la vie que le travail. L’alphabétisation, la littératie ou l’éducation des adultes, de façon plus large, peut aboutir à un meilleur emploi, en augmentant la confiance de la personne dans ses compétences. En passant, cette personne prend conscience de sa valeur dans le fonctionnement de la démocratie, de sa valeur comme parent, comme bénévole sur des conseils d’administration, dans nos organismes et de sa valeur comme personne tout court », insiste Donald DesRoches.
Selon lui, ce n’est qu’en donnant à la personne un espace structuré, centré sur ses besoins spécifiques, qu’on peut l’amener à imaginer sa vie autrement, à penser que peut-être, elle pourrait travailler à temps plein, ou siéger au bureau de direction de la SSTA ou se présenter en politique. Et faute de financement, aucun organisme n’est en mesure de procurer aux apprenants un espace qui leur convient.
Il y a en général, cinq niveaux d’alphabétisation. On estime qu’il faut un niveau 3 pour fonctionner quotidiennement dans la société. Pour des concepts plus complexes, ça prend le niveau 4 ou 5. On estime que 50 % de la population canadienne est analphabète fonctionnelle.