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le Vendredi 12 juin 2020 11:50 Sciences et environnement

De 20 à 40% plus de déchets par ménage

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Les ménages canadiens ont vraisemblablement produit plus de déchets en raison de la COVID-19. — Brian Yurasits – Unsplash
Les ménages canadiens ont vraisemblablement produit plus de déchets en raison de la COVID-19.
Brian Yurasits – Unsplash
FRANCOPRESSE – Les masques jetables ne sont plus seulement portés par les professionnels de la santé et les sacs en plastique ont repris la place des sacs réutilisables, qui ont été bannis pendant plusieurs semaines de certaines épiceries. Ces derniers mois, gouvernements, entreprises et particuliers ont mis l’accent sur la COVID-19, mettant de côté les questions environnementales et occasionnant une augmentation des déchets des ménages.
De 20 à 40% plus de déchets par ménage
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Que ce soient les commandes en ligne, les plats à emporter, le ménage du printemps ou le télétravail, les sources de déchets sont multiples selon Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED).

«Quand les poubelles débordaient, [les gens] mettaient les déchets et les matières résiduelles dans le bac de récupération», a-t-il constaté dans les dernières semaines.

Ses premières estimations indiquent que les ménages québécois jetteraient entre 20 % et 40 % plus de déchets qu’avant la pandémie.

Rahim Baba, consultant certifié par ECO Canada en système de gestion intégrée de l’environnement et en gestion des déchets et professeur de l’Université d’Ottawa, croit que les ménages canadiens ont produit davantage de déchets, mais que les entreprises en ont généré moins qu’en temps normal. Une étude sera nécessaire pour déterminer s’il y a une différence dans la quantité totale de déchets.

Jean-Charles Labarre – Spin Prod

Sacs en plastique dans les épiceries 

Pendant plusieurs semaines, les épiceries du groupe Loblaws n’ont plus accepté de sacs réutilisables, ouvrant ainsi la porte aux sacs de plastique. L’entreprise évoquait des «raisons de sécurité» sur son site Web.

Par courriel, Loblaws assure que toutes ses épiceries acceptent désormais les sacs réutilisables, mais «pour assurer la sécurité de tous et limiter les contacts, certains magasins demandent aux clients qui les utilisent de bien vouloir emballer eux-mêmes leurs achats».

L’entreprise n’a pas donné suite aux demandes d’entrevue.

«Tout le monde s’est un peu improvisé expert en virus et on a interdit les sacs en plastique par crainte de contamination, soutient M. Ménard. Mais la raison scientifique, elle a pas été démontrée selon moi.»

Selon le site Web du gouvernement du Québec, «des données expérimentales récentes» indiqueraient que le virus pourrait survivre jusqu’à trois jours sur du plastique, soit deux jours de plus que sur du carton et un jour de plus que sur de l’acier inoxydable.

«Il y a aussi certainement eu beaucoup de pression de la part du lobby du plastique pour ça. Et le fait que ça faisait moins de travail pour les gens dans les épiceries», ajoute Karel Ménard.

[Le lobby du pétrole] c’est un grand lobby qui marche beaucoup, beaucoup pour qu’on ne pense pas à d’autres solutions.

— Rahim Baba, consultant et professeur à l'Ottawa

Il existe d’autres solutions moins dommageables pour l’environnement, comme les sacs en polymères biodégradables.

«Dès qu’il y a un contact avec l’eau, [le sac] se dissout dans l’eau», dit-il en précisant qu’il ne reste pas de petites particules.

Courtoisie Rahim Baba

Des poubelles pour masques

Les masques font désormais partie du quotidien, que ce soit au bureau, au supermarché ou dans la rue. Malheureusement, certains gisent même sur le sol.

Promenez-vous dans la rue. Maintenant, ce n’est pas rare de voir des masques ou des gants un petit peu partout, notamment à la sortie des magasins. Les gens, ils sortent du magasin, ils enlèvent leur masque. Je trouve ça complètement irresponsable.

— Karel Ménard, directeur général du FCQGED

Selon Marc Olivier, chimiste spécialisé en environnement et en gestion des matières dangereuses et professeur à l’Université de Sherbrooke, les masques sont considérés comme étant des déchets de soins hospitaliers banals au Canada. Autrement dit, il faut les jeter dans une poubelle ordinaire.

Contrairement aux gouvernement de l’Ontario et du Canada, qui indiquent le la poubelle doit être munie d’un sac, le gouvernement du Québec précise que la poubelle doit être fermée et hors de la portée des enfants.

SANEXEN, un membre du groupe LOGISTEC qui se spécialise dans les services environnementaux comme la restauration de sites et la gestion de sols contaminés et de matières résiduelles, a lancé la BOX-19.

«À l’interne, on a voulu se prémunir pour pouvoir bien gérer les déchets», dit Mathieu Germain, directeur du développement stratégique, en soulignant que SANEXEN est formée d’ingénieurs et de scientifiques soucieux de l’environnement.

Ce service maintenant offert aux entreprises leur permet de jeter les masques et les gants de leurs employés dans la poubelle fournie. SANEXEN collecte ensuite les masques et les gants, désinfecte la poubelle et incinère les déchets pour produire de l’électricité. Le prix varie selon la ville et le bâtiment de l’entreprise, entre autres, mais débute à 395 $ par mois.

Selon la brochure de la BOX-19, «une mauvaise élimination de ces articles potentiellement contaminés pourrait aggraver les risques de contamination de nos travailleurs».

LOGISTEC

Selon M. Olivier, SANEXEN mise sur la peur pour s’enrichir, ajoutant que ce type de déchets peut être jeté dans une poubelle ordinaire.

«C’est sûr qu’eux autres, ils sont en train de miser sur une peur, une peur panique au virus en offrant un service qui doit être assez payant, merci.»

«C’est une position très décevante, dit M. Germain. On est des scientifiques. On est des gens techniques. Et puis, il n’y a aucun fait qu’on avance qui est là pour créer des fausses peurs».

Un avenir vert?

Sacs en plastique, masques jetables, commandes sur Internet, plats à emporter ; l’environnement a semblé prendre du recul dans la liste de priorités des Canadiens ces derniers mois.

Tout le monde est pour l’environnement, mais il n’y a personne qui veut faire des efforts, il n’y a personne qui veut payer pour. C’est un peu comme la marmite qui commence à chauffer. On s’habitue à l’eau tiède, puis à l’eau chaude jusqu’à ce que finalement on bouille comme un homard et on meurt

— Karel Ménard, directeur général du FCQGED

Selon M. Ménard, la pandémie a démontré qu’une action collective rapide est possible lorsque les effets sont ressentis par la plupart des gens, ce qui n’est pas encore le cas des changements climatiques.

Plusieurs se demandent si la COVID-19 entrainera des changements majeurs dans la société, notamment dans la lutte contre les changements climatiques. Il y a été remarqué que plusieurs animaux ont fréquenté davantage les centres urbains dans les derniers mois.

Le professeur Rahim Baba espère que cette crise saura démontrer l’importance de l’être humain et de son environnement.

«On doit penser à l’être humain comme quelque chose de précieux. On doit penser à tout ce qui peut nous réunir pour qu’on puisse avoir une meilleure vie sur Terre.»