Invitée au comité permanent du Patrimoine canadien d’abord et sénatorial des Transports et communications le lendemain, la présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada a affirmé que les francophones en situation minoritaire étaient «au cœur du mandat» de Radio-Canada, notamment via un processus de consultation.
Celui-ci aurait été suivi avec «assiduité», explique la PDG, pour comprendre les besoins des communautés de langues officielles en situation minoritaire (CLOSM).
«Le service aux francophones [en situation linguistique minoritaire, NDLR] porte sur les mêmes enjeux de changements dans la consommation de médias. On doit s’adapter à ce que représente la francophonie moderne», dit-elle.

La PDG de CBC/Radio-Canada était devant les deux comités du Parlement cette semaine pour présenter les priorités de la société d’État.
Plan francophone de Radio-Canada : rejoindre les nouveaux arrivants
C’est cette «francophonie moderne», modelée par l’immigration, explique la PDG de Radio-Canada, qui fait que la société d’État vise les nouveaux arrivants, la façon dont ils peuvent les atteindre, surtout, via leurs plateformes numériques.
Les plateformes donnent une «force» aux histoires locales relayées par Radio-Canada, car elles remontent et nourrissent ainsi les informations nationales, a insisté Jean-François Rioux, directeur général des services régionaux de Radio-Canada, devant les sénateurs.
«Souvent, une grande partie d’une histoire qui va sortir à Toronto ou Vancouver vient de l’extérieur de la province, majoritairement du Québec. Donc, il y a un intérêt pour savoir comment les francophones vivent dans leurs régions» a-t-il présenté en comité mardi.
C’est un début de réponse pour intéresser les nouveaux arrivants, parce que la manière de les rejoindre est un «enjeu».
CBC/Radio-Canada veut devenir un «service public national»
Dans les comités parlementaire et sénatorial, la PDG de CBC/Radio-Canada a présenté les «trois piliers» sur lesquels la société d’État se basera pour s’orienter dans les cinq prochaines années.
La direction vise une proximité avec des communautés oubliées dans des régions moins couvertes.
En comité parlementaire lundi, Marie-Philippe Bouchard a évoqué un «désir de rétablir une présence journalistique dans un grand nombre de communautés», avec une vingtaine de journalistes recrutés pour cela partout au Canada.
La PDG veut aussi avoir une agilité numérique en facilitant l’accès à leur contenu et jouer un rôle rassembleur.
Coordination avec les médias privés et plus locaux
Pour ce rôle rassembleur, CBC/Radio-Canada planche sur une collaboration notamment avec les médias privés et locaux.
Je suis très préoccupée de voir le sort de nos collègues, avec les revenus publicitaires à la baisse. Ce contexte fragilise le potentiel de maintenir l’écoute aussi forte
Elle a expliqué qu’elle veut «réduire les couts qui étranglent tout le monde», ce qui comprend Radio-Canada et les médias privés locaux au Canada.
Selon la PDG, cette collaboration se traduirait par un partage de cout d’un sondage avec un collectif de journalistes ou des images pool partagées, mais pas chargées aux plus petits médias. «Radio-Canada veut agir en “polinisateur” et non-concurrent», a-t-elle affirmé.
De plus, les jeunes, les nouvelles et nouveaux arrivants et les gens insatisfaits de Radio-Canada sont les publics prioritaires à conquérir pour la société d’État.
Les priorités dans un contexte de réduction budgétaire
En entrevue avec Francopresse à la suite du comité sénatorial, Marie-Philippe Bouchard a expliqué ne pas savoir si le ministère des Finances du Canada allait couper dans le budget de CBC/Radio-Canada.
«On a fait un plan stratégique en ne sachant pas ce qui allait nous arriver, entre plus 150 ou moins 200 millions de dollars. C’est sûr que ça a de gros impacts dans un sens ou dans un autre. Probablement que la vérité est quelque part au milieu. Et donc, l’objectif était de se donner des orientations très précises pour pouvoir faire des choix prioritaires, soit en réinvestissement, soit en protégeant.»
La société d’État a perdu environ 2 % de son financement public en 2023-2024.
Demande d’un portrait «plus juste» des producteurs francophones minoritaires
Le sénateur acadien René Cormier a de son côté demandé à l’équipe de direction de Radio-Canada des données plus justes pour distinguer les producteurs indépendants francophones canadiens de l’extérieur du Québec.
«Il y a un enjeu sur la méthode de calcul de la Société Radio-Canada dans ses rapports au [Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC)] pour comptabiliser les dépenses des émissions francophones canadiennes des producteurs indépendants des CLOSM», a-t-il précisé.
Marie-Philippe Bouchard a assuré que «même si on détricotait [les deux], on verrait que l’essence de l’enveloppe qui va aux émissions francophones va aux producteurs en milieu minoritaires».
Elle a toutefois souligné que Radio-Canada avait besoin de l’appui du CRTC si la société s’embarquait pour faire la distinction entre les deux dans ses rapports.
«Il faut aussi que le producteur francophone en milieu minoritaire soit majoritaire» au sein de l’équipe de production pour compter, a-t-elle nuancé. Comme un producteur qui est à la tête du processus de décision, et non un poste de producteur adjoint.
Marie-Philippe Bouchard a aussi affirmé que Radio-Canada pouvait servir «d’entremetteurs» entre les productions francophones québécoises et les productions francophones des autres provinces et territoires.
Ce maillage avec les producteurs du Québec peut être une opportunité pour avoir la capacité de réaliser des projets que les producteurs francophones des CLOSM ne pourraient faire seuls
La polémique Gem
La commissaire à l’information a demandé à CBC/Radio-Canada de divulguer le nombre d’abonnés payant sur Gem, la plateforme de contenu audiovisuel de CBC/Radio-Canada. Jusqu’ici, la société d’État refuse, évoquant des conséquences sur les négociations commerciales entourant l’intégration de Gem à d’autres services de diffusion en continu.
La question est revenue en comité parlementaire lundi. Pressée sur cette question par plusieurs députés conservateurs, Marie-Philippe Bouchard n’a pas donné de chiffres.
Elle a toutefois révélé que 5,3 millions de personnes «utilisaient» Gem. «Ça ne veut pas dire qu’ils sont [des abonnés payants] pour autant», a contrecarré le député conservateur Kevin Waugh.