le Mercredi 8 octobre 2025
le Mercredi 8 octobre 2025 6:30 Chroniques et éditoriaux

Francophonie : l’importance de donner l’exemple

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
La lieutenante-gouverneure de l’Ontario, Édith Dumont (au centre avec le drapeau), menait la marche pour le 50e anniversaire du drapeau franco-ontarien à Sudbury, le 25 septembre.  — Photo : Julien Cayouette – Francopresse
La lieutenante-gouverneure de l’Ontario, Édith Dumont (au centre avec le drapeau), menait la marche pour le 50e anniversaire du drapeau franco-ontarien à Sudbury, le 25 septembre.
Photo : Julien Cayouette – Francopresse

FRANCOPRESSE – Lors d’une entrevue donnée à l’occasion des célébrations du 50e anniversaire du drapeau franco-ontarien, qui ont eu lieu le 25 septembre dernier, la lieutenante-gouverneure de l’Ontario, Édith Dumont, soulignait l’importance de s’exprimer en français sur la place publique.

Francophonie : l’importance de donner l’exemple
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En fait, ce n’est pas seulement important : c’est essentiel.

Les Franco-Ontariens, disait Édith Dumont, ont la responsabilité de s’exprimer en français, pour ainsi rappeler haut et fort l’importance de pouvoir utiliser leur langue maternelle.

Parler français dans l’espace public c’est aussi, a-t-elle ajouté, une façon d’honorer le passé et de se souvenir des luttes menées pour protéger notre langue.

Des luttes qui se poursuivent, car il ne faut jamais «tenir pour acquis nos acquis».

En insistant sur l’importance d’une présence francophone dans l’espace public, la lieutenante-gouverneure cherche à affirmer la légitimité du français au pays.

Ce qu’elle a dit, bien des gens le pensent. Bien des gens pensent aussi que la majorité anglophone canadienne ne porte pas suffisamment attention à la situation précaire du français au pays, à commencer par de nombreux élus.

À lire : Discours du Trône : la francophonie minoritaire évoquée, mais «peu considérée»

La nomination de Mary Simons comme gouverneure générale était un pas important pour la vérité et la réconciliation, pas pour le leadeurship en francophonie. 

Photo : Sgt Johanie Maheu – Rideau Hall

Réparer les pots cassés?

Édith Dumont est la première Franco-Ontarienne à être nommée lieutenante-gouverneure de l’Ontario. Elle occupe une fonction hautement honorifique, mais pour laquelle les symboles jouent un rôle essentiel.

Sa nomination avait été chaudement applaudie par la communauté francophone et par la classe politique. Mais si cette nomination doit être saluée, il ne faut pas non plus être dupe. Elle est survenue après plusieurs décisions politiques malheureuses.

Ainsi, Justin Trudeau avait nommé une lieutenante-gouverneure unilingue anglophone au Nouveau-Brunswick, pourtant la seule province officiellement bilingue au pays. Il avait aussi choisi Mary Simon comme gouverneure générale du Canada, alors qu’elle était incapable de s’exprimer en français.

Quant à Doug Ford, premier ministre de l’Ontario, il s’était empressé de sabrer dans les services en français dès son arrivée au pouvoir, en 2018, notamment en abolissant le poste de commissaire aux services en français, poste rétabli depuis, mais avec moins de responsabilités et moins d’autonomie.

La nomination d’Édith Dumont peut être vue comme une initiative pour réparer les torts causés par ces décisions. Mais est-ce suffisant?

À lire : Mary Simon, gouverneure générale : «Une nomination presque parfaite»

Plusieurs interrogations

Il y a matière à inquiétudes. Pour commencer, le premier ministre du Canada, Mark Carney, ne donne pas l’impression d’avoir une solide compréhension des questions linguistiques. Celles-ci semblent secondaires en cette grande période d’incertitude économique.

Ça ne fait pas encore six mois qu’il a été élu et déjà la situation linguistique est préoccupante.

La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) a même décidé de rappeler le gouvernement à l’ordre, il y a deux semaines. En conférence de presse, elle a dénoncé le peu d’empressement du gouvernement fédéral à régler plusieurs dossiers.

Le titre de ministre des Langues officielles n’a pas été attaché à Steven Guilbeault lors de la formation du premier cabinet de Mark Carney. Il en a hérité après l’élection seulement. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Elle notamment soulevé des inquiétudes à propos de l’atteinte des nouvelles cibles d’immigration francophone. Le gouvernement n’a toujours pas présenté sa stratégie.

Elle s’est aussi dit préoccupée par la mise en œuvre des nouvelles dispositions de la Loi sur les langues officielles. Encore une fois, le gouvernement tarde à dévoiler ses plans de mise en œuvre.

À lire : Loi sur les langues officielles : Steven Guilbeault promet des règlements d’ici Noël

Enfin, la FCFA appréhende les effets des prochaines compressions budgétaires qui risquent d’affecter l’offre des services en français.

Le gouvernement a d’ailleurs déjà annoncé que l’une de ses premières initiatives en matière d’intelligence artificielle concernera les services de traduction. Ceux-ci seront offerts par un logiciel, actuellement mis à l’essai dans six ministères.

Pourtant, le commissaire aux langues officielles avait émis plusieurs doutes quant à l’utilisation de tels logiciels. Le français n’est pas juste une affaire de traduction.

On le sait, l’histoire est remplie d’exemples montrant que coupes budgétaires et offres de services en français ne font pas bon ménage. Modifier les services en français dans le but de faire des économies n’est tout simplement pas la voie à suivre.

Un exemple qui doit venir d’en haut

Qui donc doit rappeler à l’ordre le gouvernement? Le commissaire aux langues officielles ainsi que les organismes de défense des droits linguistiques, comme la FCFA, ont la légitimité de le faire et ils le font.

Par contre, il n’y aura pas de résultats tangibles si le gouvernement ne les écoute pas. Non seulement doit-il y avoir un interlocuteur dans l’appareil gouvernemental, mais cet interlocuteur doit être de très haut rang.

Entouré d’autant de ministres francophones, on pourrait s’attendre à ce que le premier ministre Mark Carney soit plus sensibilisé aux besoins des communautés francophones. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

À vrai dire, ça doit être le premier ministre.

C’est lui qui définit les priorités du gouvernement et c’est lui qui peut exiger des résultats de la part de l’ensemble de sa fonction publique, à commencer par ses ministres et ses sous-ministres. Mais surtout, c’est lui qui donne le bon exemple.

Jusqu’à présent, le premier ministre ne montre pas l’exemple. 

N’a-t-il pas en fait «oublié» de nommer un ou une ministre aux affaires francophones lors de la création de son premier cabinet? Même s’il a depuis rectifié le tir, le mal est fait. Le message était clair : la francophonie ne fait pas partie de ses priorités.

À lire : Mark Carney premier ministre : les Langues officielles évincées

Encore, au cours des dernières semaines, nous avons eu des manifestations du peu de préoccupations du premier ministre sur les questions linguistiques.

Il aurait dû dénoncer le fait que ce sont les contribuables canadiens qui paient la facture des cours de français de la gouverneure générale. Il ne l’a pas fait. Doit-on rappeler que, depuis sa nomination en 2021, Mary Simon n’a toujours pas donné d’entrevue en français, à part une tentative très inefficace en 2023?

Mark Carney aurait aussi dû saluer, avec empressement et enthousiasme, la décision du premier ministre du Manitoba, Wab Kinew, de faire de sa province, une province bilingue. Encore une fois, il ne l’a pas fait.

Faut-il donc accepter le fait que nous n’avons plus de défenseur de la cause francophone dans la personne du premier ministre? 

Il est difficile et peut-être même prématuré de se résoudre à un tel fatalisme. On peut encore espérer que le premier ministre comprendra éventuellement l’importance des questions linguistiques pour les populations francophones. Mais en même temps, il faut peut-être se préparer à cette éventualité pour les prochaines années.

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

Type: Opinion

Opinion: Contenu qui avance des idées et qui tire des conclusions fondées sur une interprétation des faits ou des données émanant de l’auteur.

Déclaration sur les sources et la méthode:

Déclaration IA : Le présent article a été rédigé par un/une journaliste sans l’aide d’outils de l’intelligence artificielle.

Données de parution:

Ottawa