le Lundi 4 août 2025
le Lundi 4 août 2025 6:30 Libre opinion

La reconnaissance des sciences en français : un impératif

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Le 17 juin dernier, l’Acfas a envoyé une lettre aux ministres Mélanie Joly et Marjorie Michel et à la Dre Mona Nemer. Cette lettre inclut les signatures de 1062 personnes, qui ont appuyé les constats et les demandes de l’Acfas.  — Photo : Dan Dimmock – Unsplash
Le 17 juin dernier, l’Acfas a envoyé une lettre aux ministres Mélanie Joly et Marjorie Michel et à la Dre Mona Nemer. Cette lettre inclut les signatures de 1062 personnes, qui ont appuyé les constats et les demandes de l’Acfas.
Photo : Dan Dimmock – Unsplash
LETTRE OUVERTE – Dans un contexte mondial marqué par des défis immenses, le rôle de la science est plus que jamais crucial. Or, au Canada, une dimension essentielle de l’écosystème scientifique est négligée : la recherche qui se fait en français*.
La reconnaissance des sciences en français : un impératif
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Sophie Montreuil, directrice générale, Acfas
Martin Maltais, président, Acfas
Jean-Pierre Perreault, président sortant, Acfas

Il est urgent que le gouvernement fédéral reconnaisse la contribution fondamentale des scientifiques francophones et qu’il adopte des mesures concrètes pour soutenir et valoriser leur travail.

Sophie Montreuil est la directrice générale de l’Acfas. 

Photo : Capture d’écran

La science en français n’est ni un caprice ni un particularisme régional ou folklorique. Elle est l’expression d’une des deux langues officielles du Canada, le reflet d’une culture vivante, dynamique et, surtout, d’une communauté de recherche qui contribue activement à l’avancement des savoirs et à leur mobilisation, tant au pays qu’à l’international. Pourtant, cette communauté se heurte à une série d’obstacles qui freinent son développement et compromettent la vitalité économique de la nation canadienne.

Les données parlent d’elles-mêmes : alors que les francophones représentent environ 21 % de la population universitaire canadienne en recherche, à peine 5 % à 12 % des demandes de subvention aux grands conseils fédéraux sont rédigées en français.

Ce déséquilibre flagrant n’est pas dû à un manque d’intérêt ou de compétence des chercheurs, mais bien à un système qui, dans ses pratiques, décourage l’usage du français. Les craintes de malentendus, d’évaluations biaisées ou inéquitables, de même que l’absence de mécanismes de soutien adaptés, poussent bon nombre de scientifiques et de jeunes chercheurs à se détourner de leur langue maternelle pour pouvoir être entendus.

L’alarme sonne depuis plusieurs années

Depuis plusieurs années, l’Acfas tire la sonnette d’alarme. Son rapport de 2021, largement diffusé, documente en détail les freins institutionnels, structurels et linguistiques qui minent la recherche en français au Canada1.

D’autres organisations, comme l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne et le Réseau de l’Université du Québec, ont aussi pris position. Malgré ces démarches, les gestes posés par le gouvernement fédéral demeurent timides, voire symboliques.

Jean-Pierre Perreault est le président sortant de l’Acfas. 

Photo : Courtoisie

Prenons l’exemple de la réforme du système de soutien à la recherche, amorcée à l’automne 2022. Un premier rapport, en mars 2023, inclut une recommandation sur le français… sur 21! Pire encore : sur les 10 000 mots d’un autre rapport, paru en octobre 2024, à peine 184 sont consacrés à la question de la recherche en français. Ce traitement marginal reflète une tendance constante : considérer la science francophone comme périphérique, voire accessoire.

Il serait injuste de ne pas reconnaitre certains efforts. Patrimoine canadien, en particulier, a manifesté une réelle volonté d’agir. Il a mis en place un groupe consultatif externe sur la recherche en français à l’automne 2024 et appuyé des initiatives concrètes, notamment à travers le Plan d’action sur les langues officielles 2023-2028.

Mais avec un financement de seulement 8,5 millions de dollars sur cinq ans pour l’ensemble des sciences en français au Canada – soit moins de 1,7 million par année –, on est loin d’un engagement structurant. Surtout, Patrimoine canadien ne peut pas porter seul cette responsabilité. Les trois grands conseils subventionnaires (CRSH, CRSNG, IRSC), qui gèrent ensemble plus de 3,1 milliards en financement annuel, doivent impérativement faire leur part.

Il est temps de passer des constats aux actions. Le gouvernement a tous les outils en main : des rapports clairs, des recommandations précises et un cadre législatif – la Loi sur les langues officielles – qui lui impose d’agir.

Ce qu’on attend, c’est un engagement fort et structurant pour la recherche en français, à la hauteur de ce qu’elle représente pour le pays.

Concrètement, cela signifie revoir les processus d’évaluation pour garantir un traitement équitable des demandes soumises en français; assurer une représentativité adéquate des chercheurs francophones dans les comités décisionnels; allouer un financement récurrent et significatif à la recherche menée en français; surtout, intégrer la dualité linguistique dès la conception des nouvelles structures de gouvernance scientifique.

La science en français n’est pas un luxe. Elle est un levier stratégique pour l’innovation, l’inclusion et les relations internationales du Canada. Notre pays a une occasion unique : bâtir un système de recherche réellement bilingue, équitable et ouvert sur le monde.

Il faut maintenant avoir le courage d’agir. L’audace de l’égalité linguistique doit devenir la norme. Elle doit être le moteur du repositionnement national du Canada face à l’obscurantisme consommé que l’on observe au sud de nos frontières.

* Le 17 juin dernier, l’Acfas a envoyé une lettre aux ministres Mélanie Joly et Marjorie Michel et à la Dre Mona Nemer. Cette lettre inclut les signatures de 1062 personnes, qui ont appuyé les constats et les demandes de l’Acfas.

Type: Opinion

Opinion: Contenu qui avance des idées et qui tire des conclusions fondées sur une interprétation des faits ou des données émanant de l’auteur.