le Vendredi 9 mai 2025
le Jeudi 13 mars 2025 6:30 Francophonie

Réactions mitigées et silences sur le «démantèlement» de la francophonie à l’Université d’Ottawa

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
La nature des réactions à propos des difficultés de la francophonie au sein de l’Université d’Ottawa diffère chez les conservateurs et les libéraux.  — Photo : Julien Cayouette – Francopresse
La nature des réactions à propos des difficultés de la francophonie au sein de l’Université d’Ottawa diffère chez les conservateurs et les libéraux.
Photo : Julien Cayouette – Francopresse
FRANCOPRESSE – Des lettres dénonçant un climat hostile envers les francophones de l’établissement bilingue ont suscité peu de réactions dans la sphère politique. Questionnés sur la situation, un élu conservateur et une députée libérale réagissent différemment. Les étudiants franco-ontariens exigent, eux, des explications.
Réactions mitigées et silences sur le «démantèlement» de la francophonie à l’Université d’Ottawa
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Francopresse rapportait début mars qu’une soixantaine de médecins, de membres du corps professoral et du personnel ainsi que de partenaires francophones de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa avaient envoyé des lettres aux hautes instances de l’institution afin de dénoncer un «démantèlement» des Affaires francophones et un «climat hostile» envers les francophones.

Un anglophone aurait notamment lancé «Speak white» à un de ses collègues francophones. Des étudiants ont également envoyé une lettre au doyen de la Faculté, mais Francopresse n’y a pas eu accès.

En réponse par écrit à nos questions, l’établissement postsecondaire a évoqué des «défis de recrutement».

À lire aussi : Université d’Ottawa : Des lettres dénoncent un «démantèlement» de la francophonie à la Faculté de médecine

Le RÉFO exigera des réponses

«On va contacter l’Université d’Ottawa pour savoir ce qui se passe et quel est leur plan de match», assure en entrevue avec Francopresse le directeur général du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), François Hastir.

«On va aussi essayer de prendre contact avec des étudiants qui sont en médecine pour voir ce qui peut être fait. Ça peut passer soit par de la mobilisation, soit par de la reddition de comptes.» 

«Les coupes se font de façon plus disproportionnée [dans la communauté francophone] que dans la communauté anglophone, ça aussi, c’est dur à acheter», dit François Hastir. 

Photo : Courtoisie

Il qualifie la situation d’inquiétante, mais non surprenante. «On a vu des coupes dans plusieurs services francophones à l’Université d’Ottawa depuis les deux-trois dernières années.»

Le directeur rappelle le message du recteur de l’Université d’Ottawa, Jacques Frémont, qui avait été envoyé à l’interne et dans lequel il annonçait des coupures à prévoir, obligées par des enjeux financiers.

Dans cette note, obtenue par plusieurs médias dont Francopresse, le recteur rappelait le «sous-financement chronique de notre mission francophone». Depuis, M. Frémont a réitéré l’importance du mandat bilingue; «un bel exercice de relations publiques», estime François Hastir.

Ce dernier n’est pas non plus surpris par le «climat hostile» réservé aux francophones au sein de la Faculté de médecine : «C’est malheureusement d’actualité». À la lumière de ses récentes conversations avec des francophones de l’Université d’Ottawa, François Hastir constate que «le climat se dégrade en matière de bilinguisme».

À lire aussi : Un «climat hostile» envers les francophones à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa

Les libéraux demeurent confiants

Questionnée sur les reportages de Francopresse lors d’une conférence de presse le 5 mars, la députée libérale Mona Fortier répond : «L’Université d’Ottawa, c’est une université qui est fière de pouvoir offrir des programmes en français et en anglais. Ils vont continuer à le faire.»

«S’ils ont besoin de réorganiser des choses, ils le feront, ajoute la Franco-Ontarienne. Il y a une volonté d’avoir une Faculté de médecine qui permet d’avoir des étudiants francophones qui puissent graduer. […] Ils vont surement trouver la bonne approche pour s’assurer qu’il y ait des programmes en français qui sont forts.»

Le ministre fédéral de l’Emploi, Steven MacKinnon, également présent à la conférence de presse, a simplement ajouté que sa fille possède un diplôme en Sciences de la santé de l’Université d’Ottawa, une formation qu’elle a suivie en français.

En entrevue avec Francopresse, Mona Fortier affirme ne pas avoir été mise au courant de la situation avant la parution des articles. Ce qui se passe à l’interne de l’Université d’Ottawa se passe à l’interne, dit-elle.

Interrogée sur une possible intervention du gouvernement fédéral, elle estime que ce dernier peut surtout faire jouer son influence. «Il n’y a pas de façon de dire “on va vous pénaliser” ou quoique ce soit».

Plutôt que de «s’ingérer dans l’administration de l’Université», Mme Fortier préfère lancer le message «qu’il y a un besoin et des opportunités» : «Les partenaires devraient travailler ensemble pour s’assurer de livrer les professionnels en santé diplômés qui peuvent offrir les services en français.»

«Ce n’est pas de mes affaires ce qui se passe dans l’administration de l’Université d’Ottawa», insiste-t-elle. Ce qui lui importe, c’est la force de programmes en français à travers le pays. «La bisbille à l’administration interne, ça change, ça va se régler j’imagine.»

La ministre des Langues officielles, Rachel Bendayan, a quant à elle refusé de commenter les informations rapportées par Francopresse et par Le Droit, citant dans un courriel que l’éducation est un domaine de compétence exclusif aux provinces et territoires.

Pourtant, l’Université d’Ottawa reçoit du financement de la part du gouvernement fédéral pour appuyer la formation dans la langue de la minorité.

À lire aussi : Des établissements postsecondaires francophones n’écartent pas les formations en anglais

Mona Fortier a confiance que l’Université d’Ottawa va «continuer» de promouvoir le français et l’anglais. À sa gauche, le ministre de l’Emploi fédéral, Steven MacKinnon. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Une question de volonté et d’intention, selon un député conservateur

«Comme observateur externe, ça m’inquiète. Et ça m’insécurise comme défenseur du français», commente de son côté le député conservateur et ministre fantôme des Langues officielles, Joël Godin, en entrevue avec Francopresse.

Selon lui, c’est un problème qui se «corrige rapidement», si la «volonté» et l’«intention» sont présents.

L’Université d’Ottawa est une instance provinciale, mais le gouvernement fédéral a la responsabilité générale de faire respecter la promotion des deux langues officielles, rappelle-t-il. «Est-ce qu’il est assez outillé pour ça? Pas sûr. […] On a accouché de la [modernisation de la Loi sur les langues officielles] avec peu d’outils.»

Joël Godin reconnait le pouvoir limité que possède le gouvernement fédéral dans cette histoire. 

Photo : Courtoisie

Ottawa peut notamment intervenir sur le financement des établissements postsecondaires, ajoute le député. En comité parlementaire l’année dernière, le recteur de l’Université d’Ottawa avait dénoncé un manque à gagner de 50 à 80 millions de dollars.

Sans savoir si les problèmes à la Faculté de médecine sont liés au financement de l’Université, Joël Godin défend tout de même que «Patrimoine canadien doit donner une prévisibilité dans son financement».

L’élu conservateur s’est aussi dit déçu de la réponse de Mona Fortier en conférence de presse. Il a eu l’impression qu’elle s’en «lavait les mains», démontrant ainsi une certaine «hypocrisie libérale».

«Plus ça change, plus c’est pareil! Le français est facultatif au Canada!! Pire, il dérange!», s’est insurgé sur X le député du Bloc québécois, Denis Trudel, commentant l’un des deux reportages publiés par Francopresse sur le sujet.

L’organisme Médecins francophones du Canada a refusé de commenter, évoquant son statut «apolitique».

Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Montréal

Marianne Dépelteau

Journaliste

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