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le Jeudi 26 mai 2022 13:18 Politique

Chefferie du PCC : un débat à trois

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
Les six candidats à la direction du Parti conservateur du canada, de gauche à droite : Pierre Poilievre, Patrick Brown, Roman Baber, Leslyn Lewis, Jean Charest et Scott Aitchison.  — Photo : Captures d'écran - CPAC
Les six candidats à la direction du Parti conservateur du canada, de gauche à droite : Pierre Poilievre, Patrick Brown, Roman Baber, Leslyn Lewis, Jean Charest et Scott Aitchison.
Photo : Captures d'écran - CPAC
FRANCOPRESSE — Les six candidats à la chefferie conservatrice étaient réunis à Laval, au Québec, le 25 mai, pour débattre en français. Scott Aitchison, Roman Baber et Leslyn Lewis ont principalement lu leurs fiches, Patrick Brown a tenté de s’exprimer dans un français laborieux, tandis que Jean Charest et Pierre Poilievre ont évolué avec aisance dans la langue de Molière. Retour sur deux heures d’un débat où Pierre Poilievre était clairement la cible des attaques.
Chefferie du PCC : un débat à trois
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Entre les applaudissements chaleureux des supporteurs de Pierre Poilievre et de Jean Charest, venus en grand nombre, le modérateur du débat, Marc-Olivier Fortin, a dû s’y reprendre plusieurs fois pour recadrer les échanges. Avant même que le débat ne commence, des voix scandaient le nom du candidat Poilievre.

Selon les premières réactions, le débat était plus structuré que celui en anglais. C’est ce qu’affirment plusieurs experts en politique canadienne sur les réseaux sociaux ou en entrevue, comme Stéphanie Chouinard sur CPAC, juste après le débat : «Le grand gagnant, ce sont les gens qui ont écouté le débat. On a beaucoup plus parlé de politique publique, comparé au débat [en anglais], il y a deux semaines. Oui, il y a eu des attaques, mais nous avons une meilleure idée des positions des candidats.»

La structure du débat était différente, car il n’y avait pas d’artifices sonores ou de petites pancartes comme il y a deux semaines. Les attaques étaient plus claires, les alliances aussi.

Ce sont surtout Jean Charest, Pierre Poilievre et, dans une moindre mesure, Patrick Brown qui ont davantage pu parler français et mieux faire passer leurs idées. Scott Aitchison, Roman Baber et Leslyn Lewis étaient en retrait, car aucun ne pouvait s’exprimer spontanément en français.

Ce qu’il faut retenir

  • Sur l’immigration

Les candidats se sont entendus sur le fait que l’immigration est nécessaire pour que le Canada surmonte la pénurie de main-d’œuvre nationale, qui a empiré depuis le début de la pandémie. Leslyn Lewis et Roman Baber ont rappelé qu’eux-mêmes sont immigrants.

Pierre Poilievre a assuré que son gouvernement supprimerait «les barrières qui empêchent les immigrants de venir au Canada», notamment en instaurant un délai de 60 jours maximum pour que les nouveaux arrivants obtiennent leur visa.

Jean Charest a davantage insisté sur le fait que «l’immigration doit rimer avec intégration». Il a aussi fait valoir une reconnaissance des diplômes étrangers, «ce que j’ai fait au Québec», a-t-il glissé.

  • Sur la sécurité publique

Pour combattre le crime organisé, Patrick Brown a soutenu une protection plus forte des frontières pour supprimer le trafic de drogues. Pierre Poilievre a appuyé la même idée, mais pour supprimer le trafic d’armes, deux jours après une tuerie au Texas qui a fait 21 morts, dont 18 enfants. Il a précisé être contre la réduction de peines pour les criminels.

Roman Baber veut réformer l’école communale «pour punir le crime organisé».

Jean Charest veut interdire les armes de poing et réitérer la même forme d’opération lancée au Québec sous son mandat : l’escouade antigang Carcajou.

  • Sur l’inflation

Pour soulager les familles canadiennes de la hausse du cout de la vie, tous les candidats à l’exception de Jean Charest et de Patrick Brown ont assuré qu’ils élimineraient la taxe carbone.

«Et suspendre les taxes sur l’essence et les déficits inflationnistes», a ajouté Poilievre, tandis que Charest veut «réduire les dépenses du gouvernement, qui alimente l’inflation et les impôts», sans préciser où il couperait.

Patrick Brown a prôné le gel des impôts, et Roman Baber et Scott Aitchison ont pour leur part assuré vouloir respectivement une stabilité du marché et la fin de la gestion de l’offre.

  • Sur la santé

Jean Charest s’est prononcé pour un système privé avec payeur unique — le fédéral, qui investirait 10 milliards $ dans la santé — et une reconnaissance des qualifications des étrangers. Le système privé pourrait selon lui aider à libérer des lits.

Patrick Brown a quant à lui rejeté le système privé, tout en mettant l’accent sur plus de transferts du fédéral aux provinces.

Roman Baber veut construire plus d’hôpitaux et Scott Aitchison veut un gouvernement fédéral qui paierait 50 % des couts de santé des Canadiens.

  • Sur les langues officielles

Tous les candidats se sont engagés à protéger le bilinguisme dans les postes à hautes fonctions politiques ou administratives au pays, à quelques nuances près.

Sans répondre directement à la question, Scott Aitchison, Roman Baber et Patrick Brown ont principalement critiqué les projets de loi 96 — adopté par le Québec cette semaine — et 21 sur la laïcité de l’État au Québec.

Leslyn Lewis a quant à elle affirmé que la personne la plus qualifiée devrait avoir le poste, avec un engagement d’apprendre les deux langues officielles. Jean Charest a dit souhaiter que le bilinguisme prévale dans les plus hautes fonctions de l’État et Pierre Poileivre a fait valoir ses racines de France assurant vouloir placer sa fille en garderie francophone.

Ce dernier, Jean Charest et Patrick Brown sont les seuls à avoir parlé de protection du français en dehors du Québec. Brown a affirmé avoir appuyé un projet de création de l’Université de langue française lorsqu’il était chef du Parti conservateur en Ontario, sans être plus précis. Francopresse n’a pas été en mesure de vérifier cette information.

  • Sur l’environnement et l’exportation d’énergie

Jean Charest et Patrick Brown se sont dits favorables aux pipelines «tout en respectant l’objectif 0 carbone en 25 ans, avec la capture carbone, le développement des hydrogènes verts et les petits réacteurs nucléaires».

Pierre Poilievre souhaite quant à lui activer le secteur de l’énergie à Terre-Neuve-et-Labrador. Les autres candidats n’ont pas répondu.

Les attaques 

Les attaques étaient principalement dirigées contre Pierre Poilievre. Patrick Brown et Jean Charest se sont ligués contre lui, en se partageant les sujets.

  • Sur la sécurité publique : Jean Charest contre Pierre Poilievre

«Peut-être que Pierre a mal entendu : la question était sur la sécurité publique. C’est marrant de faire la morale sur la loi et l’ordre quand on soutient un blocus illégal à Ottawa», en référence au soutien du candidat au convoi des camionneurs qui a envahi la capitale nationale en février dernier.

  • Sur l’argent numérique, tous contre Pierre Poilievre

«Je remarque que Pierre ne parle plus de congédier le gouverneur de la Banque du Canada», a ironisé Jean Charest.

«On ne peut pas arrêter l’inflation avec la cryptomonnaie», a fait valoir Scott Aitchison.

«Pierre veut l’argent numérique pour protéger contre l’inflation. Il est dans les patates!», a plaisanté Leslyn Lewis, déclenchant le rire d’une bonne partie de la salle et de Jean Charest.

  • Sur la taxe carbone, Pierre Poilievre contre Jean Charest

Pierre Poilievre a affirmé que Jean Charest avait augmenté six fois la taxe carbone lorsqu’il était premier ministre du Québec. «Vous êtes mal informé. Dans les comptes publics, on payait 1 milliard $ de moins au Québec. Dites la vérité!» a rétorqué Charest.

  • Sur la loi 21 au Québec, Patrick Brown et Jean Charest contre Pierre Poilievre

Accusé par Patrick Brown d’être «pour le projet de loi 21 au Québec, mais contre ailleurs au Canada», Pierre Poilievre a assuré être contre tout court. «Je suis pour la liberté de religion», s’est-il défendu.

À lire aussi : La loi 21 et l’Islamophobie

  • Sur l’avortement, Jean Charest contre Pierre Poilievre

«Répétez que vous êtes pro-choix en français!» a lancé Jean Charest à Pierre Poilievre, qui a répondu : «Je suis pro-choix en français et en anglais. Ça fonctionne pour vous, monsieur Charest?»

À lire aussi : Manifestations pacifiques à Ottawa autour de la question de l’avortement

  • Sur la relation avec la Chine, Pierre Poilievre contre Jean Charest

Pierre Poilievre a de nouveau questionné Jean Charest sur son contrat avec Huawei et le montant de son salaire. «Les Canadiens veulent les détails de ce contrat!» a-t-il exigé.

Jean Charest s’est contenté de répondre qu’il n’avait «jamais travaillé sur aucun dossier contraire aux intérêts de mon pays». Pierre Poilievre a répété sa question une dizaine de fois, comme il l’avait fait en anglais, tandis que Jean Charest tentait de changer le sujet.

Les alliances

Un jeu d’alliance est apparu très clairement entre Jean Charest et Patrick Brown. Si Patrick Brown a assuré en mêlée de presse après le débat qu’il n’y avait pas d’accord informel entre lui et Jean Charest, il a fini par expliquer qu’ils étaient amis.

«J’ai travaillé avec Jean Charest pendant le référendum de 1995. Quand Pierre [Poilievre] dit que Jean Charest ou Ed Fast [codirecteur de la campagne Charest] ne sont pas des conservateurs, il ne [reconnait] pas leur histoire au sein du parti. […] Jean Charest a été chef du Parti conservateur pendant le référendum. On a une dette de gratitude envers lui.»

Nombre de membres du Parti conservateur du Canada (PCC)

Matthew Conway, membre de l’exécutif national du PCC au Québec, affirme par courriel que «c’est un nombre considérable, mais le parti n’est pas en mesure de dévoiler le chiffre en ce moment».

«Le parti est dans le processus des vérifications des nouvelles adhésions. Ensuite, les six campagnes vérifieront la liste et pourront contester les adhésions des autres. Le chiffre final sera connu fin juin ou début juillet», ajoute-t-il.

La prochaine étape dans la course à la chefferie est le 3 juin, dernière journée pour devenir membre du PCC et pouvoir voter pour l’un des six candidats en lice.

L’autre échéance est le 10 septembre, jour des résultats.

Inès Lombardo

Correspondante parlementaire

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