Parmi ceux qui se démarquent figure Melchior Niyonkuru. Il est directeur général de la Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan (CAFS) à Régina, un organisme fondé en 2008 pour accueillir et accompagner les nouveaux arrivants francophones dans leur intégration à la culture canadienne.

À la tête de la CAFS, Melchior Niyonkuru œuvre pour une meilleure inclusion des francophones noirs en Saskatchewan.
À l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, la CAFS propose une série d’évènements pour permettre au public de mieux comprendre la richesse et la diversité de l’histoire des Noirs au Canada. «L’histoire des Noirs est une mosaïque de faits importants qu’il est essentiel de mettre en lumière», explique Melchior Niyonkuru.
Dans cette optique, la CAFS organise, en collaboration avec les conseils scolaires, des spectacles humoristiques dans les écoles francophones de la Saskatchewan.
À Regina et Saskatoon, le public peut également assister à des ateliers de danse africaine, des conférences-débats sur la discrimination raciale, une exposition consacrée aux figures afro-canadiennes marquantes ainsi qu’à des présentations d’artistes africains et des défilés de mode africaine.
Prendre sa place
Ailleurs au pays, les jeunes sont aussi encouragés à prendre leur place sur le marché du travail, un engagement porté par Ingrid Broussillon, fondatrice de Griottes Polyglottes, à Vancouver. Son entreprise vise à renforcer la confiance en soi en milieu professionnel, en particulier chez les immigrants, grâce à des ateliers interactifs en entreprise.

Ingrid Broussillon utilise le théâtre pour renforcer la confiance en soi et lutter contre la discrimination.
«Je me suis installée à Vancouver pour améliorer mon anglais. Une fois sur place, j’ai trouvé un emploi, mais j’ai vite réalisé que je manquais cruellement de confiance en moi. Lors des réunions, j’hésitais à prendre la parole ou n’osais intervenir qu’en toute fin de discussion», raconte-t-elle.
C’est ainsi qu’elle développe l’idée d’utiliser le théâtre comme un outil d’apprentissage. «J’ai d’abord mis en place des ateliers ludiques axés sur les langues, le français et l’anglais, avant d’élargir mon approche à des thématiques comme le racisme, la discrimination et le harcèlement.»
Valoriser les contributions des Noirs
Pour cette entrepreneure, le Mois de l’histoire des Noirs est une occasion essentielle de mettre en avant les contributions des communautés noires à la société canadienne.
«Certains critiquent ce mois, estimant que les Noirs ne sont visibles qu’en février. Mais c’est un moment nécessaire. Pour un enfant, voir une personne qui lui ressemble réussir peut être une source d’inspiration et lui donner confiance en son avenir», souligne-t-elle.
Pour Ingrid Broussillon, il est crucial que les entrepreneurs noirs exploitent toutes les ressources disponibles pour surmonter les obstacles systémiques. «Je me rends dans des organismes financés par le gouvernement qui offrent du soutien aux entrepreneurs noirs. Il existe aussi des structures d’accompagnement plus généralistes.»
Certains organismes appuient aussi en priorité les femmes ou les francophones.
Elle reconnait cependant que les personnes noires font face à de nombreux défis, notamment le racisme.
Cela m’est arrivé dans une entreprise où la moitié de l’équipe de direction a quitté la salle quand j’ai commencé à parler. Ils n’étaient pas prêts à entendre qu’il pouvait y avoir du racisme dans leur organisation.
Elle a simplement changé de cible. «J’ai alors compris que ce n’étaient pas les bonnes personnes avec qui travailler. Ceux qui sont restés étaient principalement des immigrants. Je me suis concentrée sur eux et, ensemble, nous avons accompli un travail remarquable», confie Ingrid Broussillon.
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Le défi identitaire
Parmi les enjeux majeurs, l’identité occupe une place centrale, comme le souligne le professeur à l’Université de Nipissing, Amadou Ba : «Les jeunes Noirs nés au Canada se réfèrent souvent davantage à leurs pays d’origine, délaissant leur identité canadienne. Cette déconnexion peut influencer leur perception du pays et les amener à oublier qu’ils ont aussi un rôle à jouer dans la société canadienne.»

Amadou Ba plaide pour une meilleure intégration de l’histoire des Noirs dans l’éducation.
L’anthropologue met également en lumière l’importance de l’éducation. «Les Noirs apprennent l’histoire des autres, mais pas la leur. À force de se comparer, ils finissent par se minimiser et se dévaloriser, ce qui nuit à leur estime de soi et limite leurs ambitions. Cette méconnaissance de leur propre histoire peut aussi les rendre moins exigeants envers la société», analyse-t-il.
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Enseigner l’histoire des Noirs
Pour lui, une meilleure intégration de l’histoire des Noirs dans les programmes scolaires permettrait de déconstruire certains stéréotypes et de lutter contre des inégalités persistantes.
«La surreprésentation des Noirs dans la population carcérale, le taux de chômage élevé et les difficultés d’accès au logement sont, en partie, les conséquences de préjugés encore bien ancrés», précise-t-il.
Il plaide ainsi pour un investissement accru dans l’éducation. «Les autorités provinciales et fédérales doivent renforcer les initiatives éducatives pour faire de la diversité une réalité. Aujourd’hui, nous avons le Mois de l’histoire des Noirs, mais nous espérons aller plus loin en enseignant les 400 ans d’histoire des Noirs au Canada», suggère-t-il.
Amadou Ba ajoute que «les Noirs, qui représentaient 4,3 % de la population en 2021 selon Statistique Canada, ne demandent pas l’enseignement des langues africaines, puisqu’ils parlent déjà le français et l’anglais. Ce qu’ils veulent, c’est apprendre leur propre histoire».
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