
La ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor.
Une Loi modernisée ne permettra pas de régler l’ensemble des enjeux auxquels font face les communautés francophones à l’heure actuelle. Plusieurs des modifications à la Loi seront suivies par la mise en place de règlements d’application, de politiques et de programmes, en plus du prochain Plan d’action pour les langues officielles.
À cet effet, le document de réforme publié en février 2021 par Mélanie Joly, alors ministre des Langues officielles, comprenait une série de propositions législatives qui ont servies de pierre d’assise au projet de loi C-13, mais également de nombreuses autres propositions administratives dont nous n’avons pas encore vu les aboutissements.
Plusieurs critiques formulées à l’égard du projet déposé le 1er mars dernier pourraient ainsi trouver réponse dans ces étapes à venir plutôt que dans la Loi elle-même.
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Vers une nouvelle cible en immigration francophone
La version modernisée de la Loi prévoit l’obligation pour le gouvernement fédéral d’adopter une politique en matière d’immigration francophone comprenant des objectifs, des cibles et des indicateurs.
Les précisions entourant une nouvelle cible en immigration francophone, alors que celle de 4,4 % arrive à échéance en 2023, pourront se faire au moment de l’élaboration de cette nouvelle politique. Il s’agira d’un moment propice pour réfléchir à une cible plus ambitieuse, répondant aux aspirations actuelles des communautés francophones et à leurs besoins de croissance.
Il faudra aussi se pencher sérieusement sur les façons de réellement accroitre substantiellement l’immigration francophone, après un recul à 1,95 % en 2021.

Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser.
Osons espérer que le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser, soit tout autant à l’écoute des besoins des communautés que les ministres Joly et Petitpas Taylor l’ont été dans le dossier de la modernisation.
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Régler le dossier du bilinguisme à la Cour suprême
Il y a aussi le dossier du bilinguisme à la Cour suprême. La modification proposée dans le projet de loi C-13 consacrerait le droit d’être entendu dans la langue officielle de son choix sans service d’interprétation, mais ne constitue pas en soi une obligation pour le gouvernement fédéral de nommer des juges bilingues.
Des francophones pourraient être entendus par un nombre restreint de juges sans contrevenir à la version modernisée de la Loi.
Il serait ainsi nécessaire d’également amender la Loi sur la Cour suprême pour faire du bilinguisme un critère de nomination.
Rappelons qu’en 2011 le premier ministre Harper a nommé un juge unilingue anglophone à la Cour suprême. Il faudrait voir dès maintenant à ce qu’une telle situation ne soit plus possible à l’avenir. Le contexte politique est favorable à finalement régler ce dossier.
Des règlements qui apporteront des précisions nécessaires
Si C-13 est adopté par le Parlement, le gouvernement s’est déjà engagé à adopter des règlements connexes qui permettront de mieux saisir la portée réelle de plusieurs éléments inclus dans le projet de loi.
Il est prévu que l’un d’eux viendra préciser les mesures positives que les institutions fédérales doivent prendre afin de favoriser l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il s’agit d’une demande de longue date des communautés.
Un autre règlement portera sur les nouveaux pouvoirs du commissaire aux langues officielles, notamment la possibilité d’imposer des sanctions administratives pécuniaires.
Les nouvelles obligations des entreprises privées de compétence fédérale
La grande question qui se pose actuellement concernant la nouvelle Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale, édictée par le projet de loi C-13, est celle des critères qui seront utilisés pour déterminer les régions concernées.
Rappelons que pour les deux prochaines années, cette nouvelle Loi sera uniquement mise en œuvre au Québec, avant de voir son champ d’application élargi à d’autres régions à forte présence francophone.
Il serait pertinent de préciser dès maintenant les critères envisagés pour identifier ces régions afin de mieux comprendre la portée de ces nouvelles mesures pour les communautés francophones en situation minoritaire. Par exemple, la région du Grand Moncton, où est située la circonscription de la ministre Petitpas Taylor, sera-t-elle concernée? Et la région de Sudbury, qui comprend la circonscription de son secrétaire parlementaire, Marc Serré?
Plan d’action pour les langues officielles
Les consultations ayant précédé l’élaboration du projet de loi ont aussi été l’occasion de discuter et de documenter plusieurs enjeux d’importance pour les communautés, que ce soit la pénurie de places en garderie, le financement des établissements postsecondaires francophones ou l’appui aux médias communautaires.
Les informations colligées pourront servir afin de bonifier le prochain Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028. À noter que les investissements supplémentaires qui seront associés au prochain Plan d’action permettront de juger du sérieux du gouvernement fédéral à l’égard du principe d’égalité réelle entre les langues officielles au Canada qu’il cherche à renforcer avec la présente réforme.
Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick au Nouveau-Brunswick.