En 2007, le gouvernement Harper a annoncé le transfert intégral des programmes d’aide à l’emploi aux provinces, c’est-à-dire que les provinces devaient désormais concevoir et administrer leurs propres programmes, avec l’aide financière du fédéral.
Dans le cas de la Colombie-Britannique, ces mesures étaient assurées depuis les années 1990 par le fédéral et la province en vertu d’un accord de cogestion. Cinq centres de services d’aide à l’emploi francophones recevaient alors des fonds pour répondre aux besoins spécifiques de leur communauté à l’échelle de la province.
La nouvelle Entente sur le développement du marché du travail entre les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada est entrée en vigueur en 2009. L’année suivante, la province a annoncé l’arrêt du financement aux organismes francophones pour des raisons de «gains d’efficacité».
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Le fédéral a manqué à ses obligations
La Cour d’appel fédérale a statué que le fédéral a manqué à ses obligations, prévues à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, de prendre de mesures positives pour favoriser l’épanouissement de la minorité francophone de la Colombie-Britannique.
Le jugement précise toutefois que la partie IV de la Loi sur les langues officielles, portant sur les communications avec le public et prestation des services, ne s’applique pas dans ce dossier puisque la province n’agit pas pour le compte du gouvernement fédéral, mais a plutôt obtenu le contrôle exclusif des mesures pour le développement du marché du travail.

La nuance est importante. La Colombie-Britannique n’a ainsi pas contrevenu à une quelconque obligation, car les clauses concernant les communautés francophones dans l’entente avec le gouvernement fédéral ne l’obligeaient pas à maintenir l’offre de services en français par des organismes francophones.
La responsabilité incombait plutôt au gouvernement fédéral de veiller à ce que la signature de cette entente et sa mise en œuvre ne nuisent pas à la minorité francophone, ce qui n’a pas été fait. Le gouvernement fédéral aurait dû prévoir une clause contraignante, incluant des mesures de reddition de compte, pour veiller au maintien de centres d’emploi francophones. Dès lors, la province aurait eu une obligation contractuelle.
Cet exemple est loin d’être un cas isolé, mais plutôt le reflet d’un problème connu et répandu quant à l’absence d’obligations fortes envers les communautés francophones dans ce type d’entente.
Des clauses pour la forme en immigration
Dans le domaine de l’immigration, le gouvernement fédéral a aussi conclu des accords avec l’ensemble des provinces et des territoires, à l’exception du Nunavut, concernant le partage des responsabilités en la matière.

Le gouvernement fédéral a conclu des accords avec l’ensemble des provinces et des territoires, à l’exception du Nunavut, concernant le partage des responsabilités en immigration.
Chacun de ces accords en immigration comporte une mention, sous diverses formes, d’un engagement à l’égard de l’immigration au sein des communautés francophones.
À titre d’exemple, à l’annexe portant sur les candidats provinciaux de l’accord bilatéral entre le Canada et la Colombie-Britannique, les deux parties reconnaissent qu’«il est important de favoriser le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire en Colombie-Britannique».
Or, entre 2016 et 2020, c’est moins d’un résident permanent sur 100 admis dans le cadre du Programme des candidats de la Colombie-Britannique qui étaient francophones, tout comme en Alberta, en Saskatchewan et à l’Île-du-Prince-Édouard. Difficile de faire pire en matière de décalage entre les principes reconnus dans un accord bilatéral et la réalité!
Refaire la même erreur : le cas des services de garde
En ce qui concerne les récentes ententes signées avec les provinces et territoires pour le programme national de garderies, il n’y a presque aucune mesure prévue pour les francophones.
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada et la Commission nationale des parents francophones (CNPF) ont dénoncé à juste titre la situation.
Les exemples pour lesquels les francophones ont été laissés pour compte en l’absence d’engagements explicites dans ce type d’ententes sont trop nombreux pour se contenter de la bonne foi des provinces.
En l’absence d’engagement financier clair pour les francophones, il est raisonnable de se questionner à savoir comment leurs intérêts seront pris en compte.
Les communautés ne peuvent certainement pas se permettre d’attendre une décennie comme dans le cas des services d’aide à l’emploi en Colombie-Britannique pour que le dossier avance.
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Modernisation de la Loi sur les langues officielles
La modernisation de la Loi sur les langues officielles est un moment propice pour s’attaquer de front à l’enjeu des obligations encourues par les provinces lorsque le fédéral transfère des pouvoirs ou des fonds liés à l’offre de services aux communautés francophones.
La nouvelle monture de la Loi pourrait prévoir une obligation pour les institutions fédérales d’inclure dans toutes les ententes de transfert de fonds fédéraux des clauses linguistiques contraignantes, accompagnées d’un processus de reddition de compte rigoureux.
Le projet de loi révisé pourrait aussi inclure à la partie IV une modification pour veiller à ce qu’un transfert de services aux provinces et territoires soit systématiquement accompagné d’un transfert d’obligations linguistiques.
La balle est dans le camp de la ministre Ginette Petitpas Taylor, qui finalise en ce moment la nouvelle version du projet de modernisation.
Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick au Nouveau-Brunswick.