Les commissaires ont quelques grands principes en tête pour s’assurer que la femme participe à la société comme elle le souhaite. Parmi ceux-ci : que le père et la mère se partagent la responsabilité des enfants avec l’appui de la société et que des mesures spéciales viennent effacer rapidement les inégalités.
1. La fin des stéréotypes en milieu scolaire
Recommandation : «La Commission recommande que les gouvernements provinciaux et territoriaux adoptent des manuels scolaires dans lesquels on montre des femmes qui, tout comme les hommes, se livrent à des activités et exercent des professions très variées.»
Ouste, les occupations réservées aux filles, et celles pour les garçons! La Commission sur la situation de la femme croit que les services d’orientation doivent décloisonner les choix de carrière et ne pas freiner les jeunes filles dans leurs aspirations «sous prétexte qu’elles ne visent pas un bon emploi pour une fille».
En fait, la Commission exige simplement que des services d’orientation soient offerts partout. Ensuite, qu’ils encouragent les jeunes filles à envisager toutes les carrières possibles. Dans cette optique, toute publication gouvernementale (au fédéral comme dans les provinces et territoires) doit être révisée pour effacer toute trace de discrimination liée à l’emploi.
Mais au-delà des services d’orientation, les recommandations visent le même traitement pour les filles et les garçons dans l’ensemble du milieu scolaire, des manuels d’apprentissage au gymnase. Par exemple, les commissaires suggèrent que garçons et filles participent ensemble à des cours d’éducation à la vie familiale (sexualité incluse) et que les filles aient accès aux activités sportives autant que les garçons.

2. Le droit à la contraception et à l’avortement
Obtention : Dossier toujours épineux
Recommandation : «La Commission recommande la modification du Code criminel afin de permettre à un médecin qualifié de procéder à l’avortement à la seule requête de la femme qui est enceinte de 12 semaines ou moins.»
La question de l’avortement sera surement la plus épineuse ciblée par la Commission.
Déjà, en 1969, le gouvernement Trudeau assouplit le Code criminel pour faciliter l’accès à l’avortement. Alors, un comité formé de trois médecins peut légalement prescrire un avortement thérapeutique. La Commission recommande d’aller plus loin : elle souhaite que les médecins aient la latitude de procéder légalement à un avortement à moins de 12 semaines de grossesse, qu’importe le motif, et à un avortement thérapeutique au-delà de ce cap.
Trois des sept commissaires tiendront à préciser leur position personnelle au sujet de cette question en annexe au rapport. Doris Ogilvie s’inscrit fermement comme pro-vie. Jacques Henripin se questionne sur une libéralisation de l’avortement, sauf en cas de viol ou de malformations du fœtus. «Je dois avouer que je ne sais pas quel doit être le degré de gravité d’une situation pour qu’elle puisse justifier la suppression d’un fœtus», écrit-il.
Pour sa part, Elsie MacGill souhaite une décriminalisation sans concession, et estime que la Commission Bird ne va pas assez loin. «L’avortement ne doit plus être un délit, mais un problème d’ordre privé qui regarde le médecin et sa cliente.»
Malgré sa position bien campée, Doris Ogilvie rappelle l’accès récemment accru aux méthodes de contraception. En 1969, le fédéral a aussi rendu légal le partage d’information sur la régulation des naissances. L’année suivante, les commissaires réclament une promotion plus assumée, financée par l’État, et proposent la création de cliniques mobiles.

3. Le maintien du statut pour les femmes autochtones
Obtention : 1985
Recommandation : «La Commission recommande que la Loi sur les Indiens soit modifiée de façon à ce qu’une femme indienne qui épouse un homme qui n’est pas indien puisse (a) garder son statut d’Indienne et (b) conférer le statut d’Indien à ses enfants.»
En vertu de la Loi sur les Indiens, une femme autochtone qui épousait un allochtone devait renoncer à son statut d’Indienne et quitter pour toujours la réserve dans les 30 jours suivant son mariage. À leur tour, ses enfants n’auraient pas le statut d’Indien. À l’inverse, un Autochtone qui épousait une allochtone ne perdait pas de droits enchâssés dans la Loi.
La Commission recommande donc que les statuts de l’épouse et de ses enfants soient maintenus. À noter qu’elle prend la même position pour les femmes qui ont perdu la nationalité canadienne en épousant un étranger. À ce chapitre, relevons que la double citoyenneté est permise à partir de 1977.
Pour les Autochtones, il faut attendre 1985, sous la pression de la Charte canadienne des droits et libertés, pour que la Loi soit corrigée et que les femmes autochtones et leurs enfants métissés puissent conserver leur statut.

4. L’égalité des chances
Recommandation : «La Commission recommande que les sociétés et agences de la Couronne élaborent un programme à long terme afin de faire meilleur usage de leur personnel féminin.»
Avoir droit au même salaire minimum qu’un homme. Pouvoir faire partie d’un jury. Avoir une plus grande chance de faire partie d’un conseil ou d’un groupe de travail. Avoir accès à toutes les catégories d’emploi et à tous les échelons chez un employeur. Pouvoir s’engager comme policière dans la GRC ou devenir commandante dans les Forces armées. Voir reconnaitre son expérience dans les organisations bénévoles et au foyer. On continue?
La Commission s’attarde longuement à l’accès au marché du travail, aux possibilités d’avancement et au salaire égal pour les femmes. Elle propose d’ailleurs de forcer temporairement l’accès des femmes aux divers échelons de la fonction publique afin de rééquilibrer leur représentation. La Commission vise le fédéral (parlement, administration, sociétés d’État, GRC et armée), mais invite aussi les provinces, les territoires et les municipalités à en faire autant.
Les banques et les entreprises privées sont aussi ciblées. Les commissaires montrent du doigt les offres d’emploi discriminatoires, l’exclusion de certains postes et la gestion de la main-d’œuvre à temps partiel.
Assurez «le meilleur usage possible [des] aptitudes et compétences» des femmes, somme la Commission.

5. L’obtention de congés de maternité
Obtention : 1971
Recommandation : «La Commission recommande l’amendement de la loi [fédérale] […] et l’adoption de lois provinciales et territoriales visant à assurer à toutes les employées (a) le droit à un congé de maternité de 18 semaines ; (b) le droit à un congé obligatoire de six semaines après l’accouchement […]»
Le congé de maternité admissible à l’assurance-chômage est sans doute l’un des gains les plus connus de la Commission Bird. Lors du dépôt du rapport, des régimes de maternité existent dans certaines provinces — la Colombie-Britannique est pionnière en la matière, puisqu’elle offre six semaines de congé aux nouvelles mères dès 1921. L’objectif : que les femmes ne perdent pas leur travail pour des raisons de maternité.
Le régime fédéral d’assurance-chômage donne suite à la recommandation et prévoit, dès 1971, un congé de maternité de 15 semaines — trois semaines de moins que ce que réclame la Commission.
Les politiques provinciales sont réformées en Colombie-Britannique en 1964 et d’autres sont mises en place au Québec, à Terre-Neuve et à l’Île-du-Prince-Édouard en 1979 pour compenser les carences du régime fédéral.