le Mardi 15 juillet 2025

Une baie aux multiples facettes. La coréalisatrice Elisapie Isaac revient sur un pan de l’histoire canadienne peu – ou mal – connu : celui des unions entre des employés de la Compagnie de la Baie d’Hudson et des femmes inuit.

L’artiste inuk part à la rencontre de Charlie Watts et de Johnny qui, comme elle, sont des «Hudson’s babies», ces enfants nés d’une mère autochtone et d’un homme blanc qui travaillait pour la société.

La Compagnie disposait d’environ 500 postes de traite aux quatre coins du pays, dont certains étaient encore en activité dans les années 1980.

Le film s’attache à révéler la face humaine – et trop souvent occultée – derrière cette entreprise jadis florissante. Une dimension longtemps romantisée et érigée en symbole national, avant d’être très récemment remise en question.

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Un passé qui ne passe pas

Car derrière ces trajectoires personnelles se dessine aussi, en filigrane, l’histoire avec un grand H du Canada. Devant la caméra, plusieurs universitaires reviennent sur les dessous colonialistes de la Compagnie et son exploitation des communautés autochtones.

D’ailleurs – et c’est peut-être le seul bémol de ce documentaire – l’enchainement entre les parties témoignages et historiques est parfois un peu abrupt.

Quoiqu’il en soit, le film reste plus que jamais d’actualité, à l’heure où les Autochtones se réapproprient leur histoire.

Ces enfants «dont personne n’a voulu», comme le dit Johnny, tentent, chacun à leur manière, de se réconcilier avec un héritage qui fait partie de leur identité, mais qui a parfois été lourd à porter. Beaucoup ont fait l’objet de moqueries pour leurs traits et leur apparence de «Blancs».

Émouvant et éloquent, Hudson Bay(bies) est aussi un appel lancé à ces pères qui ont laissé derrière eux un ou plusieurs enfants. Il n’est pas trop tard pour établir le contact, assure Elisapie devant la caméra.

Hudson Bay(bies), l’héritage méconnu, réalisé par Sophie Proulx-Lachance et Elisapie Isaac, est disponible sur la plateforme ICI TOU.TV.

Récompensé par le Prix du public pour le meilleur long métrage documentaire au festival Inside Out 2SLGBTQ+ de Toronto, ce film documentaire rend hommage à celles et ceux qui ont dû se battre pour leurs droits et leur liberté.

Il retrace les moments clés qui ont mené à l’émergence du mouvement 2ELGBTQI+ au Canada et façonné une lutte toujours vibrante.

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De la légalité à la visibilité

Au moyen de rares images d’archives, on plonge au cœur de ce combat, dans les rues, au son des slogans et des témoignages de celles et ceux qui ont battu le pavé et pavé la voie pour les futures générations.

Entre descentes de police et spectacles de dragqueens, En marche raconte comment toute une communauté est sortie de l’invisibilité. Car quand l’homosexualité est décriminalisée en 1969, le combat est loin d’être terminé.

La nouvelle loi tolère les amours cachés, dans l’ombre du privé et de la chambre à coucher, pour les personnes de plus de 21 ans. Mais la discrimination envers les personnes 2ELGBTQI+ continue, dans toutes les sphères de la société.

Le documentaire met également en lumière les spécificités et les visions de chaque lutte : celle des hommes blancs gais, des lesbiennes, des personnes noires, des Latinos, des Asiatiques, des Autochtones. Une marche au pluriel, où chacun et chacune trouve sa place.

On en ressort galvanisé, mais aussi alerte, car ces droits acquis de longue haleine peuvent aisément être retirés – on l’a vu aux États-Unis et ailleurs. Comme le rappelle l’un des intervenants du film : «La lutte n’est pas terminée.»

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En marche : l’amour et la résistance queers, réalisé par Noam Gonick, est disponible sur la plateforme de l’Office national du film du Canada (ONF).

Ode jazz à la nature

Deux artistes, Marie-Véronique Bourque de la Saskatchewan et Christine Tassan du Québec, ont fait de la nature un projet de création. Elles se sont laissé inspirer par la faune pour produire Bruissement boréal, un album aux sonorités jazz des plus captivantes.

Pochette de l’album Bruissement boréal. 

Photo : christinetassan.com

Car la nature, peu importe notre emplacement dans ce beau grand pays, influence chaque jour notre comportement et nos vies.

Dès la pièce maitresse qui ouvre l’album, Aurore boréale, on remarque la complicité des instrumentistes. Marie-Véronique Bourque à la flute, Christine Tassan aux guitares, David Meunier-Roy à la contrebasse et Olivier Bussières aux percussions, nous transportent dans un univers jazz profond avec une fluidité hors du commun.

Chaque partition, chaque solo, chaque mélodie compose un geste de tendresse et de séduction. Bruissement et Le train de la première heure sont d’autres pièces extrêmement puissantes pour leur pouvoir de suggestion.

Le duo féminin explore le blues avec les pièces Les rayons de l’automne et Le blues du lac Wascana, alors qu’elles courtisent le funk sur Ça croasse en masse. Mon coup de cœur reste cette superbe ballade jazz, Les nuages de Sutton, où le duo guitare-flute est vraiment mis en évidence.

S’inspirant de leur coin de pays, mais aussi de l’une de l’autre, Marie-Véronique Bourque et Christine Tassan nous offrent un riche univers jazz. La virtuosité des deux musiciennes constitue la force majeure de l’album.

Là où les vagues sont d’or
Album : Bruissement boréal

Coup de soleil

Écarlate est un jeune trio acadien à découvrir. Clémence Langlois, Daphnée McIntyre et Samuel LeBlanc sont trois multiinstrumentistes. Dès ses débuts en 2022, le groupe remporte la 17e édition d’Accros de la chanson et la 52e édition du Gala de la chanson de Caraquet, ce qui propulsera sa carrière sur la scène des Maritimes.

Le groupe Écarlate a sorti le nouvel album Coup de soleil. 

Photo : legreniermusique.com

Nourrie de tous ces honneurs, la formation de Moncton, au Nouveau-Brunswick, présente aujourd’hui Coup de soleil, un univers folk des plus intéressants.

Ce qui ressort de ce premier album est l’innocence. L’innocence dans la voix grâce à des interprétations justes, l’innocence dans les musiques également. On ressent une fraicheur dans les arrangements, une certaine intimité dans les prestations vocales.

Dès la première pièce, Feu Follet, la profondeur du produit nous captive. Le texte autant que la structure musicale de Quand le cowboy pleure en fait un brillant ver d’oreille.

Les chansons Lu à 22h17 et Des choses à changer, fruits d’une rupture amoureuse, forment deux autres bijoux de l’album. On y retrouve également un superbe solo de guitare.

Parlant de guitares, le blues Garde-le pour toi est magistral. Le texte de la chanson reste l’un des plus profonds du disque. Écarlate termine l’album avec un autre excellent folk, Au revoir.

Avec l’expérience acquise, le jeune trio démontre déjà beaucoup de potentiel. Il nous donne une belle image de la relève musicale acadienne. Avec une certaine innocence, les membres de la formation séduisent par la puissance de leurs arrangements et leurs très beaux textes. Bref, Coup de soleil est un album fort réussi.

Au revoir
Album : Coup de soleil

Se dévoiler sous la surface

Jadis membre de la formation franco-manitobaine Madrigaïa, Ariane Jean poursuit son développement artistique sous le nom de Sala. Il y a deux ans, elle nous proposait un deuxième album de six chansons, Surface, et nous démontrait à nouveau son grand talent.

Pochette de l’album Surface. 

Photo : salamusique.com

L’auteure-compositrice-interprète signe toutes les paroles et musiques de l’album, dont trois avec une ancienne collègue, Annick Brémault (Chic Gamine dans Madrigaïa). Sala a toujours cette voix puissante, dont elle varie les intensités selon les émotions désirées.

Au niveau des musiques, Sala offre des univers pop solides. Que ce soit la pièce-titre Surface, Nos secrets, ou encore Les pieds dans le béton, l’auditoire est interpelé par une musicalité des plus accrocheuses. Deux pièces maitresses, Je ne veux pas grandir et Je ne dors plus, nous dévoilent toute la pureté d’une voix unique.

La plume intimiste et enveloppante de la Franco-Manitobaine nous séduit. Je crois fortement que Sala est l’un des plus beaux diamants de la francophonie canadienne.

Les pieds dans le béton
Album : Surface

Baignades, d’Andrée A. Michaud, Québec Amérique, 2024.

Imaginez des vacances au camping tant attendues, au bord d’un lac, au cœur de l’été québécois, chaud et humide. Un père, une mère, leur petite fille. Alors que cette dernière se baigne nue dans le lac, le propriétaire crie au scandale. Plus tard, un autre incident pousse la famille à fuir en pleine nuit, sous l’orage, à bord de leur énorme VR. Les premiers dominos d’une suite d’évènements menant droit au cauchemar. Un cauchemar de forêt dense, de pluie, de lucioles et de (re)trouvailles inattendues.

Dans ce polar, on entre tour à tour dans la tête de chaque protagoniste, bons comme méchants. Le tout servi par une écriture fluide, entêtante, qui nous amène du passé au futur, en plongeant dans le présent, étouffant. De quoi bien nous tenir en haleine, même quand on pense avoir trouvé l’issue.

– Camille Langlade

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Les falaises, de Virginie DeChamplain, Éditions La Peuplade, 2020. 

Photo : Marine Ernoult – Francopresse

Une jeune femme revient dans sa Gaspésie natale, au Québec, lorsqu’elle apprend que le corps de sa mère a été retrouvé sans vie sur une plage du fleuve Saint-Laurent. Avec sa sœur et sa tante, elle entreprend de vider la maison familiale, mais décide d’y rester afin de se plonger dans les souvenirs. Elle découvrira l’histoire de sa mère, mais surtout celle de sa grand-mère, à travers les journaux de celle-ci.

Ce roman dépeint avec sensibilité et réalisme la difficile communion entre trois générations de femmes. Il y est question d’héritage et de racines; où les planter pour se sentir vraiment chez soi, surtout quand on a soif d’ailleurs? Les falaises, c’est un beau voyage poétique, tempétueux et mélancolique, qui vous transportera de la Gaspésie à l’Islande.

– Marine Ernoult

 

500 ans de résistance autochtone, de Gord Hill, trad. de Marie C Scholl-Dimanche, Éditions Prise de parole, 2023. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

Une bande dessinée éducative (pour adultes) n’est pas une suggestion de lecture d’été classique, mais 500 ans de résistance autochtone est un incontournable pour tous ceux et celles qui s’intéressent à l’histoire commune des Autochtones de l’Amérique et des colons européens.

Gord Hill présente les moments importants sans compromis, sans tenter d’adoucir l’histoire d’un côté ou l’autre. Les évènements sont racontés de façon succincte, ce qui permet de découper facilement les périodes de lecture. Les dessins, parfois crus, sont pour un public averti.

– Julien Cayouette

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La grande lectrice Elizabeth-Rose Mepham était ravie de découvrir l’univers d’Edgar Payette et de ses paillettes. Roman de Simon Boulerice, publié aux Éditions Québec Amérique, 2012

Photo : Martine Leroux – Francopresse

La famille Payette compte deux fils bien différents l’un de l’autre. L’ainé, Henri, arrive à l’adolescence. Il est timide et prévoit déjà mener un jour une sérieuse carrière de dentiste, comme ses parents. Edgar, lui, est tout le contraire : flamboyant, doué d’un fort sens de la mise en scène et débordant de créativité. À tel point que son grand frère ne le trouve pas de tout repos et voudrait bien, lui aussi, être le centre d’attention à l’occasion.

Inspiré d’un vrai jeune garçon, le roman Edgar Paillettes s’adresse à un public de 9 ans et plus, mais son histoire fait chaud au cœur et rappelle – même aux adultes – que parfois, il faut essayer de voir la vie avec les yeux de l’autre et que, souvent, la différence n’a pas d’importance… et aussi, qu’après tout, «le ridicule ne tue pas»!

– Martine Leroux

L’Affaire Cannon, de François Charbonneau, Éditions du Boréal, 2025. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

En 1945, George Cannon et sa femme, Lillian, se voient interdire l’accès à la salle à manger du Château Frontenac, à Québec, à cause de la couleur de leur peau. En 2020, une chronique du Devoir traitant de ce morceau d’histoire fait sourciller le professeur et essayiste François Charbonneau, qui commence alors sa quête pour la vérité. Un travail qui devrait faire l’envie de tout journaliste.

Important, son ouvrage participe à la lutte contre la réécriture de l’histoire. Il rend justice aux Canadiens français de l’époque, dont le véritable rôle dans cette histoire méritait d’être raconté, ainsi qu’à la mémoire du Dr Cannon, figure emblématique de l’histoire afro-américaine. Le livre nous plonge dans les aventures parallèles, mais désormais inextricablement liées, du chercheur persévérant qu’est François Charbonneau et du médecin courageux que fut George Cannon. Un livre passionnant et éclairant qui intéressera les amoureux et amoureuses de la vérité.

– Marianne Dépelteau

Talleyrand, le prince immobile, d’Emmanuel De Waresquiel, Fayard, 2006. 

Photo : Marc Poirier – Francopresse

De Louis XVI à Louis-Philippe 1er, en passant par la Révolution, Napoléon 1er, Louis XVIII et Charles X, Talleyrand a été le conseiller, le négociateur et le stratège de toutes ces autorités. Il savait traiter avec les grands de ce monde et les manipuler, souvent à leur insu, en s’imposant comme l’homme de la situation, l’indispensable, même si parfois, ses maitres le détestaient. Talleyrand savait aussi se faire haïr comme pas un.

Emmanuel de Waresquiel plonge très profondément dans le vécu de ce géant de l’influence pour nous décrire les moindres détails de son parcours extraordinaire. Par moment, on est cependant inondé d’informations qui peuvent rendre la lecture ardue. Si l’on peut passer outre et faire preuve de patience, la récompense sera de découvrir cette période mouvementée de la France comme si on la vivait de l’intérieur. Et on reste estomaqué par la vie hors du commun de ce personnage hors norme.

– Marc Poirier

Des années pas si tranquilles que ça

Le groupe acadien Les Gars du Nord donne un aperçu de leur énergie sur scène avec Les années tranquilles. Pour paraphraser cette formation de sept musiciens, ce n’est pas si tranquille que ça.

Photo : lesgarsdunord.com

Dès la pièce-titre qui ouvre l’album, le groupe ne cesse de nous faire danser au son des trames country, bretonnes et ragtime. L’autre élément de puissance sur cet album se retrouve dans l’enregistrement des voix. Que ce soit en solo ou en harmonie, celles-ci sont très accrocheuses. Les textes sont le fruit de légendes locales et urbaines, mais aussi d’hommages aux gens côtoyés.

Un exemple d’hommage fort réussi est Le soldat. Les trois chanteurs principaux – Maxime Mcgraw, Wilfred LeBouthillier et Danny Boudreau – livrent l’un des plus beaux textes de l’album sur un air de valse.

Sur un bel air breton, Grand-père Johnny captive tout autant. L’album se termine avec une histoire de route à reprendre en podorythmie, Edgar.

Pour quelques secondes, on croit se retrouver dans l’univers du groupe Suroît. La comparaison est facile et valable, mais Les gars du Nord sont bien plus qu’un hommage à ce groupe acadien légendaire. De plage en plage, leur énergie nous envahit et on se laisse aller aux sons de leur musique et de leurs harmonies vocales. Les années tranquilles est le nec plus ultra pour lancer vos fêtes tout au long de l’année.

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Les Gars du Nord – Grand-père Johnny
Album : Les années tranquilles

Inspirations impressionnistes

L’un des auteurs-compositeurs les plus prolifiques de ces dernières années en Ontario français nous offrait au printemps un 7e album francophone, Salon des refusés. Un propos sur l’art avec un grand A, des initiés aux puristes, des grands tableaux aux plus personnels.

Photo : edouardlandry.com

Toujours avec cette musicalité qui lui est propre, Edouard Landry nous fait voguer entre des univers pop, country, folk et rock. Les solos de guitare sonnent vrais et les orchestrations tout autant.

La plume d’Edouard Landry n’a rien perdu de sa vigueur. Elle est toujours aussi franche et directe. L’auteur-compositeur a toujours ce timbre de voix qui nous berce tout au long de l’album.

Il nous offre encore quelques petits bijoux sur ce disque. Le premier, Blues de l’académie, est un country blues captivant sur les soi-disant experts en œuvres d’art qui décident de ce qu’est un bon tableau.

Lettre de rejet est un country folk sur le phénomène de la cassette. La pièce-titre, Salon des refusés, est une autre pièce musicalement puissante. La dernière plage, Les nymphéas, est une trame de piano tout à fait sublime.

Edouard Landry est comme un bon vin, plus le temps passe, plus il nous offre des albums hors du commun. Son dernier album est le fruit d’une musicalité plus intéressante que jamais et sa plume n’a rien perdu de sa fraicheur.

À lire : Un peu de musique pour se recentrer (chronique)

Edouard Landry – Les nymphéas
Album : Salon des refusés

Du folk plus éthéré

En souvenir, je vous ramène en 2023, où je vous avais présenté Aleksi Campagne, membre de cette famille de musiciens de la formation fransaskoise Hart Rouge. Avec son album For The Giving/Sans rien donner, Aleksi Campagne nous emmenait ailleurs. Un ailleurs très orchestral, plus près de la pop que du folklorique.

Photo : aleksicampagne.com

Aleksi Campagne est un multiinstrumentiste qui offre un univers urbain riche aux arrangements multiples et surprenants. Chaque instrument, utilisé comme le morceau d’un casse-tête, ajoute une couleur, une émotion. L’artiste présente des textes merveilleux sur l’amour, sa déchéance et sa rupture. 

Dès les premières notes de Quand je ferme les yeux, nous sentons que nous pénétrons dans un univers particulier. Il y a de beaux petits bijoux; comme l’oasis folk, La peur s’envolera ou, Rome, un puissant air rock sur l’environnement.

Quand on danse dos à dos est une autre pièce magnifique sur une rupture amoureuse. J’adore aussi le langoureux et savoureux Jazz-Pop Je reviendrai vers toi. Je dois enfin mentionner Vent des prairies, une superbe trame piano-violon, l’un des plus beaux textes de l’album.

L’album double avec dix chansons en version anglaise et française est des plus captivants. Grâce à une voix unique et des orchestrations profondes, la richesse de chaque plage séduit l’auditeur.

À lire : La musique va chanter tout l’été (chronique)

Aleksi Campagne – J’apporte le gin
Album : For The Giving/Sans rien donner

Selon l’Office québécois de la langue française (OQLF), l’empathie désigne la «capacité d’une personne à s’identifier à autrui et à éprouver à l’intérieur d’elle-même les émotions ou les sentiments ressentis par l’autre».

C’est exactement ce qui se passe à l’écoute d’Empathie, la nouvelle série écrite et portée par la comédienne Florence Longpré. Avec beauté, finesse et humanité, elle nous plonge dans le monde souvent mal connu – et perçu – de la psychiatrie, loin des camisoles blanches et des asiles fantasmés à la Arkham.

Dès les premières minutes, on embarque. Suzanne (Florence Longpré), en lendemain de veille, poutine oubliée au pied du lit, découvre qu’elle a couché pour la première fois avec un homme.

Entre galères diverses et mésaventures menstruelles, elle s’apprête à commencer un nouvel emploi de psychiatre dans un hôpital pénitentiaire, avec des patients jugés dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui.

On se dit : «Oh boy, comment va-t-elle survivre à cette première journée?» Réponse : brillamment.

Un chandelier et des poubelles

Les personnages défilent, leurs états d’âme aussi. Plus que de faire ressentir les émotions, la série les donne également à voir, à travers des métaphores dansées – magnifiques – ou les visages déformés, habités, des patients de l’institut psychiatrique où travaillent Suzanne et son équipe.

On entrevoit ainsi un monde intérieur invisible à l’œil nu. Certaines scènes, comme celle du chandelier ou des poubelles, sont incroyables. Le jeu des acteurs et des actrices est impeccable, sans parler de la mise en scène.

Le tout est accompagné par une bande-son éclectique, qui mêle Sia, Capitaine Flam ou encore Gene Kelly. Les mots ne sont pas en reste; les répliques fusent, parfois crues, mais toujours dans le mille. Bref, c’est bon.

La série Empathie met en scène les personnages de Suzanne Bien-Aimé (Florence Longpré) et de Mortimer Vallant (Thomas Ngijol), respectivement psychiatre et agent d’intervention à l’Institut psychiatrique Mont-Royal. Elle a reçu le prix du public au festival Séries Mania, qui s’est déroulé à Lille, en France, en mars 2025.

Photo : Crave

Le patient Anton Koskov (Igor Ovadis), surnommé «Costco», et M. Dallaire (Benoît Brière), deux personnages extrêmement touchants de la série Empathie

Photo : Crave

L’équipe qui travaille dans l’institut psychiatrique fictif Mont-Royal. 

Photo : Crave

L’auteure de la série Empathie, Florence Longpré, y interprète également le rôle de la psychiatre Suzanne Bien-Aimé. 

Photo : Crave

Empathie fait partie de ces séries qui vous secouent, vous embarquent sans crier gare et vous font voir le monde autrement, ici les maladies mentales notamment. Le genre de série où l’on attrape la télécommande sans trop savoir à quoi s’attendre, juste pour passer le temps – et BIM! Ni une, ni deux, on est accroché. Et on ne peut plus décrocher.

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Préparez-vous à avoir les yeux remplis d’eau, à rire et à vous révolter en un seul épisode. Voilà donc une tragicomédie qui a le don d’aborder des sujets déprimants sans nous déprimer. Empathie redonne foi en l’humanité et ça fait du bien, surtout en ce moment.

Les 10 épisodes de la série Empathie, réalisée par Guillaume Lonergan, sont disponibles sur la plateforme payante Crave.

Parce qu’il n’y a pas que le hockey dans la vie, les boys s’illustrent aussi sur les pointes. Le documentaire Les boys du ballet – sélectionné aux Prix Gémeaux pour le Meilleur documentaire arts et culture en 2016 – suit le parcours de trois danseurs du Ballet royal de Winnipeg, l’une des plus anciennes compagnies en Amérique du Nord et l’une des plus sélectives. Sur 700 candidatures, une trentaine seulement seront retenues.

Dans un milieu où les ballerines dominent l’imaginaire collectif, le film explore les espoirs, les doutes et les certitudes de ces trois jeunes hommes francophones.

Tomber pour mieux se relever

Logan (10 ans) rêve de passer de la division récréative à l’école professionnelle du Ballet, où seuls quelques élus accèdent chaque année. Michel (14 ans), déjà dans la division professionnelle de l’école, doit prouver qu’il a l’étoffe d’un grand. Tandis que Philippe (21 ans), en fin de parcours, vise un contrat professionnel, malgré une blessure qui remettra tout en cause.

«Quand je me réveille le matin, je me demande vraiment, sérieusement, pourquoi est-ce que je fais ce que je fais?», confie Michel. Les danseurs parlent de leur passion avec sincérité et candeur, sans filtre. On suit leur parcours, autant sur le plan personnel que professionnel, un cheminement qui est forcément différent à 10 ans et à 21 ans.

Et c’est là toute la force du documentaire : montrer l’évolution et la vision de leur pratique, du sortir de l’enfance à l’âge adulte, où l’on ne cherche plus seulement à danser, mais aussi à trouver un emploi.

On est ému par l’espièglerie de Logan, un sourire lumineux toujours accroché aux lèvres malgré une terrible épreuve, et par la pression, l’inquiétude qu’on lit dans les yeux des deux plus âgés.

L’occasion aussi d’en apprendre davantage sur la dimension professionnelle d’un art loin de se limiter au tutu, qui demande autant de grâce que de résilience. Une incursion sensible et inspirante dans un univers où chaque pas compte.

Logan, 10 ans, auditionne pour intégrer la division professionnelle du Ballet royal de Winnipeg. 

Photo : Wookey Films

Michel, 14 ans, s’apprête à passer un cap dans sa carrière de danseur. 

Photo : Wookey Films

Philippe, 21 ans, doit passer des auditions pour décrocher un contrat professionnel. 

Photo : Wookey Films

Les boys du ballet, réalisé par Janelle Wookey et Jérémie Wookey, est disponible sur la plateforme de TFO.

«À moitié japonais et à moitié canadien, je me suis toujours senti obligé de naviguer entre deux mondes, entre deux personnalités et deux identités.» Né d’un père japonais et d’une mère québécoise, Mamoru Vincent Blais-Shiokawa a grandi au Manitoba. Il est «hafu», ce qui signifie «métissé» en japonais.

Il profite d’un voyage avec son père au Japon pour essayer de résoudre ce dilemme qui l’habite depuis toujours : «Qui suis-je?»

Un entredeux difficile à porter

Entre une mère extravertie et un père «qui réfléchit beaucoup», Mamoru Vincent a toujours essayé de trouver sa place. Son père n’a jamais demandé la nationalité canadienne, tandis que sa mère ne parle pas japonais.

Il est bien parti étudier un an au Japon, mais, loin de la vision fantasmée qu’il s’en faisait, il a été confronté au rejet.

Le Franco-Manitobain questionne aussi ce que c’est de grandir dans une petite ville où il n’y a qu’un seul asiatique la ronde, alors qu’au Japon, on lui fait bien comprendre qu’il n’est pas considéré comme Japonais.

Dans le documentaire Hafu, Mamoru Vincent Blais-Shiokawa explore sa double identité, entre le Canada et le Japon. 

Photo : Unis TV

Hafu permet de formuler et réfléchir à une question que doivent se poser bon nombre d’enfants de couples mixtes ou de nouveaux arrivants au Canada : qui sont-ils, quelle est leur place dans un monde aux multiples lectures? Comment appréhender les nuances d’une vie à l’intersection de deux cultures, sans savoir quelle direction prendre?

Pudique, le réalisateur laisse peu à peu tomber sa carapace devant la caméra. Un film sensible et initiatique, malgré une chronologie quelquefois décousue.

Hafu, réalisé par Mamoru Vincent Blais-Shiokawa, est disponible sur la plateforme TV5Unis.

Au Yukon, Julian plonge dans un lac gelé avant de concocter des pâtes fraiches. Dans le Nord de l’Ontario, Audrey-Anne pêche sur la glace et joue du ukulélé, tandis que sur la Côte-Nord, au Québec, Shapatu monte sur scène avec une pièce de théâtre innue.

KAPSUR fait le pari de faire découvrir le Canada francophone hors des sentiers battus, à travers le quotidien de 20 jeunes, qui partagent leurs passions, leurs émotions et leur attachement profond à leur territoire, mais aussi à leur langue.

Chaque épisode revient aussi sur l’histoire et la géographie de chaque lieu, ou sur les légendes autochtones qui les peuplent, avec en bonus des jeux-questionnaires ludiques et des capsules.

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Sortir des sentiers battus, en français

Au gré des saisons et d’un océan à l’autre, KAPSUR nous plonge dans une mosaïque de personnages inspirés et inspirants, et ça fait du bien. Loin des discours pessimistes de déclin du français, de jeunes derrière leurs écrans ou d’assimilation, la série dresse un portrait encourageant de la francophonie d’aujourd’hui et de demain.

Qu’ils soient originaires du Canada, du Maroc, de France, d’Ukraine ou du Burundi, ces jeunes dessinent une francophonie loin des statistiques et des grandes villes.

Cout de la vie, postsecondaire, enjeux autochtones : l’immersion n’élude pas les défis auxquels ils font face, parfois contraints de travailler quelques jours par semaine pour financer leurs études.

La série se regarde sans effort, à tout âge, avec en bonus de superbes images qui donnent envie de voir du pays!

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Audrey-Anne, 15 ans, vit à Dubreuilville, en Ontario, entre son travail, la musique, la motoneige, les descentes en luge à toute vitesse et la pêche sur glace en famille. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Shapatu est un jeune artiste innu qui vit dans le nord du Québec. Entre radio, théâtre et musique, il partage ses passions et la vie de sa communauté. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Julian vit à Whitehorse, au Yukon, entre descentes sur la neige, concoction de pâtes maison et plongée en eaux glacées. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Holy-Grace vit à Ponteix, en Saskatchewan, entourée de ses amis, de son trampoline et des découvertes au cœur de la ferme. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Romie, vit à Blind River, sur les rives du lac Huron, en Ontario. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

KAPSUR

Deux nouveaux épisodes sont diffusés chaque mardi sur TFO. Toutes les capsules restent disponibles sur la plateforme.

Pas toujours facile de trouver l’âme sœur sur l’asphalte. Proche cousine de L’amour est dans le pré, la téléréalité Cœur de trucker suit quatre camionneurs et camionneuses en quête d’une personne avec qui partager leur quotidien atypique, sur les routes du Québec, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, en passant par la Nouvelle-Écosse.

Dans cette troisième saison, toujours animée par l’humoriste québécois P-A Méthot, on suit Jérémie (28 ans), Josiane (24 ans), Nathalie (52 ans) et Christian (41 ans) lors de leur première date, leurs interrogations, et, surtout, leur passion.

«Un métier de pauvre et un métier dur»

Jérémie, veuf et orphelin depuis peu, ne lâcherait son bolide pour rien au monde. Pourtant, son père, lui-même amateur de moteur, a toujours espéré qu’il ne deviendrait pas camionneur, «parce que c’était un métier de pauvre et un métier dur», disait-il à la mère de Jérémie. Le décor est planté.

Dès les premières minutes, accompagnées de riffs de guitare électrique et d’une voix off dramatique façon doublage de téléréalité américaine, on redoute le pire. Et pourtant, que nenni! Derrière ses airs de téléréalité calibrée pour les initiés, Cœur de trucker se révèle vite être un concentré de sensibilité et d’authenticité.

Car derrière leur carapace, ces aventuriers et aventurières de la route cachent des parcours de vie parfois émouvants. L’occasion aussi de déconstruire au passage quelques clichés qui collent à ce métier indispensable à l’économie canadienne.

Un peu comme certains prétendants et prétendantes, on plonge dans un monde dont on ne connait pas forcément les codes, mais un monde qui a beaucoup à nous apprendre.

Loin des émissions cantonnées aux grandes villes et à leur public citadin, Cœur de trucker bifurque vers d’autres chaussées, où résonnent différents accents et réalités. Comme pour nous rappeler que la vie, avec ses virages serrés et ses nids-de-poule, reste un long trajet où chaque détour a son histoire. À voir si l’amour sera au rendez-vous…

La troisième saison de Cœur de trucker est diffusée tous les jeudis à 21 h sur Unis TV et reste disponible sur TV5Unis, comme les deux éditions précédentes. L’émission comprend dix épisodes de 60 minutes, réalisés par Stéphane de Grosbois.

Des couches transformées en litière, une piste de ski sur le toit d’une centrale ou de vieux néons recyclés : dans la nouvelle saison d’Espèces d’ordures, l’animateur Frédéric Choinière poursuit son tour du monde des poubelles.

À Dakar, Paris, Bogota, Las Vegas ou encore Montréal, cette série documentaire va à la rencontre de celles et ceux qui innovent, recyclent et bousculent les mentalités, comme cet «homme plastique» sénégalais ou ce tiktokeur éboueur parisien, qui lâche un «j’en ai marre de marcher dans la merde» bien senti.

Ce dernier met en garde contre les micros-déchets, et pour cause : à Paris, 4 millions de mégots de cigarette sont ramassés chaque jour.

À la recherche des bacs de recyclage à Las Vegas – quasi inexistants –, on réalise aussi à quel point les mentalités peuvent être différentes d’un bout à l’autre de la planète.

Néanmoins, Espèces d’ordures prouve que, face à la montagne de déchets que nous produisons dès la naissance, chacun et chacune peut agir. Un tour du monde ludique, humain et nécessaire.

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Les 10 épisodes sont diffusés les mardis à 19 h depuis le 22 avril sur TV5. Ils sont aussi disponibles sur TV5Unis.

Un patrimoine francophone mis en valeur

Le duo Prairie Comeau tente de partager une bride du riche patrimoine musical francophone d’Amérique du Nord avec son album L’emprunt(e) Anique Granger (Saskatchewan) et Benoît Archambault (Québec) unissent leurs deux univers pour rendre hommage à la bonne chanson.

Pochette de l’album L’emprunt(e)

Photo : ciedunord.com

Avec douceur et justesse, Prairie Comeau nous invite à nous laisser bercer au son des guitares et autres instruments acoustiques. Des arrangements très épurés donnent toute la place aux voix remplies de sobriété. On a rapidement l’impression d’être témoin d’un rendez-vous privé, d’une rencontre exceptionnelle qui révèle la richesse de la musique francophone d’Amérique du Nord.

Du superbe duo Tout passe à Je sais bien quelque chose, Anique Granger et Benoît Archambault livrent des interprétations magistrales. La chanteuse fransaskoise poursuit avec une version remplie de mélancolie de Partons la mer. Un autre moment fort est Comment veux-tu, chanson sur laquelle on retrouve la voix de Michel Lalonde du légendaire groupe Garolou.

Les amants malheureux est l’empreinte d’un autre duo magique. On poursuit avec La chère maison, une interprétation a cappella incroyable, le point culminant de l’album. Pour celles et ceux qui sont passionnés d’improvisation, Benoît Archambault offre La feuille d’érable, l’hymne national de la Ligne nationale de l’improvisation (LNI).

Prairie Comeau offre une œuvre de douze chansons tirées d’un répertoire de bonnes chansons en français. Avec beaucoup de justesse et de respect pour les extraits choisis, le duo propose un moment très intimiste. 

Prairie Comeau : Partons la mer
Album : L’emprunt(e)

Vieillir en chansons 

Pour le renouveau, celle qui nous invitait chez elle en 2020 nous revient avec le bouquet de nostalgie Les Échos. Le 2e opus de l’autrice-compositrice-interprète Jeannine Guyot fait du bien à l’âme. L’artiste de Fannystelle, au Manitoba, réussit à nous transporter dans ses souvenirs les plus profonds.

Jeannine Guyot. 

Photo : jeannineguyot.com

Elle nous interpelle sur les moments intimes, les départs et les absences. En toile de fond, les mélodies de Jeannine Guyot sont remplies de nostalgie et le piano guide les harmonies. Parfois tout en douceur, parfois plus rythmée, elle livre des textes touchants sur les étapes du vieillissement.

Entre Prélude et Réflexion, les deux pièces instrumentales, l’auditeur a droit à de petites perles. La pièce-titre Les Échos témoigne des traces de la vie de sa grand-mère. La chanson L’important nous invite à vivre le moment présent et, finalement, Les yeux de Heidi est un instant de tendresse entre Jeannine et sa mémé.

L’autrice-compositrice-interprète franco-manitobaine livre un moment de tendresse et d’amour. Avec beaucoup de nostalgie dans la voix, elle rend un brillant hommage à sa grand-mère qu’elle aimait tant.

Jeannine Guyot : Les yeux de Heidi
Album : Les Échos

Souvenir dun paysage intérieur 

En terminant, je reviens vers une artiste de la Baie Georgienne en Ontario. L’autrice-compositrice-interprète franco-ontarienne Joëlle Roy nous offrait en 2018 son album Paysage intérieur.

Dès la première plage, Identité épaillée, on est interpelé par des arrangements sur lesquels on se laisse bercer. Les textes font beaucoup référence aux contacts humains, aux sentiments envers les autres et à l’intégrité.

Pochette de l’album Paysage intérieur

Photo : joelleroy.ca

Il y a de beaux petits bijoux sur ce disque, dont Ça me fait chier de t’oublier, un country folk à la Harvest Moon de Neil Young. Plus jamais de détour est un petit univers Dixieland jazz des plus accrocheurs et charmants. Insatiablement est la pièce la plus rock de cet opus avec un beau changement d’humeur dans le bridge avec les enfants.

La pièce-titre Paysage intérieur et la belle reprise, J’entre – qu’elle a écrite en début de carrière – nous amènent dans un niveau d’émotion plus profond. Autant la force des mélodies, que la puissance des textes nous interpellent avec des sentiments de quiétude et de sérénité qui nous touchent au plus profond. L’album se termine en beauté sur une belle reprise du classique de CANO, Dimanche après-midi.

Paysage intérieur de Joëlle Roy est une invitation à arrêter le temps. L’autrice-compositrice-interprète nous interpelle avec des mélodies parfois zydeco, parfois country folks, mais toujours agréables.

Je terminerai en vous disant qu’elle vient de lancer sur YouTube un excellent vidéoclip pour une nouvelle chanson : Dans mes bras.

Joëlle Roy : Ça me fait chier de t’oublier
Album : Paysage intérieur

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.

Quand l’intelligence artificielle s’invite en campagne électorale. Non, il n’est pas question ici des dernières manchettes (du moins pas encore?), mais de L’indétectable, la nouvelle série signée Annie Piérard, Bernard Dansereau et Étienne Piérard-Dansereau. Le trio, qui a manifestement du flair, s’était déjà illustré en 2020 avec Épidémie, qui raconte l’arrivée d’un mystérieux virus, avant que la COVID-19 n’envahisse le monde.

Cette fois, tout bascule le jour où une vidéo de Françoise Parent (Lynda Johnson), candidate pour le parti Option Québec, devient virale sur les réseaux sociaux. Et pour cause : elle y tient des propos odieux et racistes à l’encontre d’un chauffeur de taxi.

La politicienne répète qu’il ne s’agit pas d’elle, mais d’un deep fake, un hypertrucage généré par l’intelligence artificielle. Pourtant, les «experts» sont formels : cette vidéo parait trop vraie pour être fausse et la technologie n’est pas encore au point.

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Stéphanie Parent-Sirois (Sophie Nélisse), jeune ostéopathe timide et réservée, se retrouve au cœur d’une intrigue mêlant nouvelle technologie, politique et enjeux financiers.

Photo : Danny Taillon

Daji Saeed (Younes Bouab), scientifique de renom, a lui aussi des choses à cacher. 

Photo : Danny Taillon

Françoise Parent (Lynda Johnson) en pleine tourmente après la publication d’une vidéo ultra compromettante, et son mari, Bruno Sirois (Louis-David Morasse).

Photo : Danny Taillon

Double je

Ni une, ni deux, la machine médiatique s’emballe et Françoise Parent perd l’appui de son parti, mais pas de sa fille, Stéphanie (Sophie Nélisse), qui reste persuadée de l’innocence de sa mère. Cette jeune ostéopathe réservée va mener sa propre enquête, dans un rôle à contre-emploi.

«T’es tellement mauvaise menteuse», lui répètent tour à tour son conjoint et sa cousine, alors que Stéphanie infiltre une jeune entreprise montréalaise spécialisée en intelligence artificielle et deviendra, malgré elle, témoin de secrets classés.

En parallèle, on suit les ennuis de Daji Saeed (Younes Bouab), éminent spécialiste des isotopes médicaux, et de sa fille, Safia. Originaire de l’Émirat du Golfe (pays fictif), le scientifique a obtenu la nationalité canadienne, mais son passé le rattrape le jour où un de ses anciens compatriotes frappe à sa porte pour le ramener dans la péninsule arabique.

Pouvoir et intelligence artificielle

Si les différents arcs narratifs nous perdent par moments, le jeu, convaincant, des interprètes, recentre le propos. Certes, l’intrigue va parfois un peu vite en besogne, mais au moins, on ne s’ennuie pas. On pardonne aussi quelques rebondissements, prévisibles.

En filigrane se dessinent les tensions d’une société qui se croit en sécurité. Après tout, «on est au Canada», souffle Safia à son père (personnages par ailleurs attachants), sous-entendu : ici on ne risque rien. Et pourtant…

L’indétectable aborde des thématiques plus que jamais d’actualité, avec une mise en scène simple, mais efficace. Malgré quelques grosses ficelles scénaristiques, on embarque, avec une question en tête : l’étau va-t-il se resserrer sur Stéphanie, ou sur la vérité?

L’indétectable est réalisée par Stéphane Lapointe. La minisérie comprend 6 épisodes de 43 minutes, disponibles sur ICI TOU.TV EXTRA.

Des enfants avec un handicap, des personnes atteintes d’albinisme, des femmes incarcérées, d’autres en surpoids : dans Beautés rebelles, l’animatrice Carla Beauvais nous emmène à la découverte de concours de beauté loin des critères esthétiques habituels, où les différences sont belles et valorisées.

D’un bout à l’autre du globe, ces évènements redéfinissent les standards de beauté pour combattre l’injustice et l’ostracisation que vivent les candidats et candidates et leur (re)donner confiance en soi.

Le propos est d’autant plus pertinent à l’heure où la mode semble de nouveau valoriser la maigreur.

Au Japon, le concours Special Beauty Japan célèbre la beauté des jeunes autistes et de jeunes en situation de handicap. 

Photo : TV5

Au Japon, le Special Beauty Japan met à l’honneur les enfants en situation de handicap. Au Zimbabwe, le concours Mister and Miss Albinisim permet aux lauréats de faire connaitre leur réalité au public, mais aussi au gouvernement. Au Brésil, un centre correctionnel pour femmes de Rio de Janeiro organise depuis 2004 Miss Talavera Bruce, pour redonner à ces femmes leur dignité et faciliter leur réinsertion dans la société.

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Promouvoir la diversité et l’inclusion

Carla Beauvais part à la rencontre des organisateurs et organisatrices de ces évènements et de ceux et celles qui y participent, mais aussi de leur famille. Car derrière ces évènements se cachent de véritables enjeux sociaux.

Le concours Miss et Mister Albinism Zimbabwe élit des ambassadeurs et ambassadrices pour sensibiliser à la condition des personnes atteintes d’albinisme. 

Photo : TV5

La série met au jour les préjugés et les discours normés qui sous-tendent chaque société. De quoi remettre en question notre propre attitude vis-à-vis de la marginalité et de l’autre. Après tout, «la normalité» n’est souvent qu’une question de point de vue et d’éducation.

Seul petit bémol : le choix du doublage en français plutôt que des sous-titres atténue quelque peu l’authenticité des dialogues.

Beautés rebelles évite tout voyeurisme et dresse – à travers ces visages, ces sourires, ces tranches de vie – un magnifique portrait de la différence, sans toutefois tomber dans une positivité naïve. Chaque épisode souligne également les défis auxquels font face ces beautés rebelles, mais éternelles.

Réalisée par Alexis B. Martin, la série documentaire Beautés rebelles propose 10 épisodes de 48 minutes, disponibles sur TV5Unis.

Vingt ans, ça se fête. Animée par Fabienne L’Abbé, un documentaire revient – avec humour, cela va de soi – sur l’épopée de la troupe franco-ontarienne Improtéine, de ses premiers matchs d’impro dans des gymnases d’écoles ontariennes jusqu’à ses récentes revues de fin d’année du 31 décembre.

À travers des extraits vidéos issus de leurs archives personnelles, Nadia Campbell, Vincent Poirier, Olivier Nadon, Stéphane Guertin et Martin Laporte partagent souvenirs, anecdotes et bilans de vie.

Porte-voix de la francophonie canadienne

Des interventions en milieu scolaire aux capsules vidéo, en passant par la télévision, le groupe est devenu un incontournable dans le paysage culturel francophone en situation minoritaire.

La gang est notamment reconnue pour ses documenteurs et ses spectacles d’improvisation, lors desquels le public est invité à interagir et parfois même à monter sur scène… Votre chroniqueuse ici présente peut d’ailleurs en témoigner.

À travers son humour décapant, la troupe passe au crible les revendications des francophones, comme la pénurie d’enseignants ou le manque de services en français.

Rire de sujets sérieux sans se prendre au sérieux, telle est la formule, rudement efficace, d’Improtéine. De l’humour engagé qui fait du bien, surtout en ce moment.

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Improtéine, 20 ans et presque quasiment légendaire est disponible sur le site Web et sur l’application de TFO.

Une plume qui fait danser

Après une absence de huit ans, voilà que l’auteur-compositeur-interprète franco-ontarien Damien Robitaille est de retour. Il offre Ultraviolet, un opus des plus intéressants à la hauteur de son talent lancé le 14 février.

Pochette de l’album Ultraviolet

Photo : damienrobitaille.com

Ce nouvel album aux allures dance-pop renferme de belles orchestrations qui rendent chaque pièce extrêmement puissante. Il débute avec un dance-pop bilingue, (She’s Got That) Je ne sais quoi, dont la musicalité des mots en fait un ver d’oreille irrésistible.

Dans la même veine, Kaléidoscope vous fera danser dès les premiers accords. Tout au long du disque, mélodie après mélodie, le charme opère. Des pièces comme Limousine ou Désynchronisé témoignent de la plume unique de Robitaille.

Paruline, Paruline est un folk acoustique savoureux, alors que Point de non-retour est une autre belle trame dance-pop et que la pièce titre, Ultraviolet, nous transporte dans un univers reggae.

Mon coup de cœur est Aurores boréales, une courte ballade piano-voix qui crée un moment de tendresse avec l’artiste. L’album se termine avec Superhéroïne, autre belle ballade, anglophone cette fois-ci.

Huit ans se sont écoulés depuis l’album Univers parallèles de Damien Robitaille. Ultraviolet démontre encore une fois toute la richesse de la plume de l’artiste. Il offre un 6e album où la force des arrangements donne vie à de superbes mélodies. Damien Robitaille est plus que jamais en contrôle de son univers.

Ultraviolet
Album : Ultraviolet

Far West francophone

Pour suivre leur excellent album éponyme, La légende de Calamity Jane revient avec le remarquable Avant l’aurore. Ce trio fransaskois, composé d’Annette et Michelle Campagne (du groupe Hart-Rouge) et d’André Lavergne (du groupe Dans l’Shed), captive dès les premiers accords avec un son country folk aux essences de blues qui les démarque.

Pochette de l’album Avant l’aurore

Photo : productionsmid.com

Dès la pièce titre, Avant l’aurore, nous sommes témoins de l’intensité des orchestrations. Nous sommes éblouis par cette force organique que nous livrent les guitares et le banjo. À cela s’ajoute des harmonies vocales d’une richesse hors du commun. 

Quelques extraits irrésistibles sont entre autres 300 pieds, un hymne contre l’oppression et un désir de liberté. Je t’appartiens est une déclaration de fidélité alors qu’avec Dans la montagne, Annette Campagne et André Lavergne livrent une des grandes chansons du disque.

J’aimerais faire une mention spéciale pour la pièce instrumentale, Vent et poussière. Elle nous berce au plus profond de notre âme.

Grâce à l’intensité des arrangements, grâce aux guitares folk et country auxquelles s’ajoute un soupçon de blues, le trio nous captive une nouvelle fois.

Dans la montage
Album : Avant l’aurore

Un poète aux teintes afrobeat

En souvenir je vous présente Yao. Ce mois-ci, le slameur d’Ottawa fera pour la deuxième fois la première partie du rappeur Grand Corps Malade. Il y a quelques années, Yao, artiste né en Côte d’Ivoire, déposait sa plume sur une toile de fond pop aux teintes afrobeat, électro et jazz, qui nous transportaient dans une gamme d’émotions.

Pochette de l’album Kintsugi

Photo : yaomusique.com

Chaque pièces de l’album Kintsugi était très bien construite afin de créer un univers sonore absolu. De Funambule à Comme il est là, un esprit de compassion, de vérité et de fragilité emporte l’auditeur. On est témoin d’une plume d’intériorité profonde. Les naufragés est l’un des meilleurs textes de l’album.

La plume de Yao est poétique et engagée. Sa musique pop aux multiples teintes nous berce et nous accompagne comme une brise sonore envoûtante. Le propos de chaque plage de l’album Kintsugi est un délice pour notre ouïe.

Funambule
Album : Kintsugi

Un univers doux

Adrian House, auteur-compositeur-interprète originaire de Saint-Jean à Terre-Neuve, nous séduit avec son dernier opus, Pêcheur de rêves.

Pochette de l’album Pêcheur de rêves. 

Photo : adrianhouse.com

L’album débute par un univers jazz, avec de petits bijoux comme Don Quichotte, Gisèle et C’est comme ça, qui captent toute notre attention. Adrian House a un timbre de voix qui laisse à peine paraitre son accent anglophone.

Dans la deuxième partie du disque, il exploite des univers plus pop rock et folk. Les muses accompagne l’un des plus beaux textes du disque. C’est un ver d’oreille aussi puissant que Nulle part. Ce dernier morceau nous jase d’échec et d’espoir sur des sonorités rocks.

Le parapluie d’Élise et Existence sont deux autres superbes textes accrocheurs sur l’espoir et l’intégrité. Adrian House termine son album avec le bel univers folk de Pêcheur de rêves.

Le francophile nous lance un rendez-vous doux et vient nous séduire avec tout l’amour qu’il a pour l’autre langue officielle de son pays. De son bord de mer terre-neuvien, il lance une ligne à l’eau avec cet album. Une belle invitation aux rêveurs de ce monde.

Nulle Part
Album : Pêcheur de rêves

Mémoire de la musique franco-manitobaine

Les années 1970 furent une période faste pour la musique francophone d’un bout à l’autre du pays. L’Acadie a eu le groupe 1755, le Québec, Harmonium et Beau Dommage, l’Ontario, CANO et 33 Barrette, le Manitoba, Gerry et Ziz.

Le 100 NONS, un organisme qui œuvre à l’épanouissement de l’industrie et de la culture musicale francophone au Manitoba, s’est fait un devoir de mémoire, en supportant un projet d’archive du catalogue de Gerry et Ziz. À l’automne 2024, l’association a lancé le coffret Ce coin de pays.

Le premier disque est le matériel du duo Gerry et Ziz, issu de démos et de leur album paru en 1976. On y retrouve cette richesse sonore propre à l’univers folk, pop et rock de cette période.

Pochette de l’album Ce coin de pays. 

Photo : 100nons.com

Des petits velours agréables comme Histoire d’antan, Verbe infinitif ou Au revoir nous ramènent dans les souvenirs d’un temps où rien n’était si pressant. Ce premier disque du coffret de Gerry et Ziz se termine par l’un des classiques du groupe, Manifesto, toujours aussi puissant aujourd’hui.

Le deuxième disque transporte quelques autres extraits de Gerry et Ziz dans un monde plus moderne, grâce à de superbes arrangements et des voix d’artistes de la nouvelle génération comme Nicole Brémault, Kelly Bado et Soulbear.

Ziz (Gérard Jean) nous offre une nouvelle version de Change de chapeau et Gerry (Gérald Paquin) y va du puissant texte Qu’appelle Riel. Jocelyne Baribeau nous enchante avec sa version de C’est à cause du son d’un lointain violon. Mention spéciale à Daniel Lavoie, qui a débuté sa carrière avec Gerry et Ziz, pour sa version piano voix de Tout est prêt.

Il est important de se rappeler d’où nous venons, de nous remémorer celles et ceux qui ont pavé les voix de la francophonie qui nous habite. Le 100 NONS offre aux Franco-Manitobains et Franco-Manitobaines une preuve tangible de leur passé.

Frere-Roc-Stereo
Album : Gerry et Ziz

Pochette de l’album Bruits Blancs. 

Photo : carolinesavoie.com

Une question d’héritage

Je vous invite enfin à redécouvrir l’album Bruits blancs de l’autrice-compositrice-interprète acadienne Caroline Savoie. En attendant son 4e opus, Rom-Com, laissez-vous charmer par une plume profonde, déposée sur une toile de fond folk aux multiples nuances modernes et intéressantes.

Caroline Savoie nous interpelle sur le legs laissé par nos ancêtres et nous questionne sur nos engagements envers les enfants de demain. Sans être moralisatrice, elle nous invite à la discussion avec tendresse et respect.

Avec maturité, autant musicalement que textuellement, l’Acadienne nous interpelle sur notre respect de ceux avant nous, mais aussi l’héritage que nous laissons à ceux de demain.

Corail
Album : Bruits Blancs

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.