le Dimanche 11 mai 2025

Au Yukon, Julian plonge dans un lac gelé avant de concocter des pâtes fraiches. Dans le Nord de l’Ontario, Audrey-Anne pêche sur la glace et joue du ukulélé, tandis que sur la Côte-Nord, au Québec, Shapatu monte sur scène avec une pièce de théâtre innue.

KAPSUR fait le pari de faire découvrir le Canada francophone hors des sentiers battus, à travers le quotidien de 20 jeunes, qui partagent leurs passions, leurs émotions et leur attachement profond à leur territoire, mais aussi à leur langue.

Chaque épisode revient aussi sur l’histoire et la géographie de chaque lieu, ou sur les légendes autochtones qui les peuplent, avec en bonus des jeux-questionnaires ludiques et des capsules.

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Sortir des sentiers battus, en français

Au gré des saisons et d’un océan à l’autre, KAPSUR nous plonge dans une mosaïque de personnages inspirés et inspirants, et ça fait du bien. Loin des discours pessimistes de déclin du français, de jeunes derrière leurs écrans ou d’assimilation, la série dresse un portrait encourageant de la francophonie d’aujourd’hui et de demain.

Qu’ils soient originaires du Canada, du Maroc, de France, d’Ukraine ou du Burundi, ces jeunes dessinent une francophonie loin des statistiques et des grandes villes.

Cout de la vie, postsecondaire, enjeux autochtones : l’immersion n’élude pas les défis auxquels ils font face, parfois contraints de travailler quelques jours par semaine pour financer leurs études.

La série se regarde sans effort, à tout âge, avec en bonus de superbes images qui donnent envie de voir du pays!

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Audrey-Anne, 15 ans, vit à Dubreuilville, en Ontario, entre son travail, la musique, la motoneige, les descentes en luge à toute vitesse et la pêche sur glace en famille. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Shapatu est un jeune artiste innu qui vit dans le nord du Québec. Entre radio, théâtre et musique, il partage ses passions et la vie de sa communauté. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Julian vit à Whitehorse, au Yukon, entre descentes sur la neige, concoction de pâtes maison et plongée en eaux glacées. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Holy-Grace vit à Ponteix, en Saskatchewan, entourée de ses amis, de son trampoline et des découvertes au cœur de la ferme. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

Romie, vit à Blind River, sur les rives du lac Huron, en Ontario. 

Photo : Robert Mentov/KAPSUR, TFO

KAPSUR

Deux nouveaux épisodes sont diffusés chaque mardi sur TFO. Toutes les capsules restent disponibles sur la plateforme.

Pas toujours facile de trouver l’âme sœur sur l’asphalte. Proche cousine de L’amour est dans le pré, la téléréalité Cœur de trucker suit quatre camionneurs et camionneuses en quête d’une personne avec qui partager leur quotidien atypique, sur les routes du Québec, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, en passant par la Nouvelle-Écosse.

Dans cette troisième saison, toujours animée par l’humoriste québécois P-A Méthot, on suit Jérémie (28 ans), Josiane (24 ans), Nathalie (52 ans) et Christian (41 ans) lors de leur première date, leurs interrogations, et, surtout, leur passion.

«Un métier de pauvre et un métier dur»

Jérémie, veuf et orphelin depuis peu, ne lâcherait son bolide pour rien au monde. Pourtant, son père, lui-même amateur de moteur, a toujours espéré qu’il ne deviendrait pas camionneur, «parce que c’était un métier de pauvre et un métier dur», disait-il à la mère de Jérémie. Le décor est planté.

Dès les premières minutes, accompagnées de riffs de guitare électrique et d’une voix off dramatique façon doublage de téléréalité américaine, on redoute le pire. Et pourtant, que nenni! Derrière ses airs de téléréalité calibrée pour les initiés, Cœur de trucker se révèle vite être un concentré de sensibilité et d’authenticité.

Car derrière leur carapace, ces aventuriers et aventurières de la route cachent des parcours de vie parfois émouvants. L’occasion aussi de déconstruire au passage quelques clichés qui collent à ce métier indispensable à l’économie canadienne.

Un peu comme certains prétendants et prétendantes, on plonge dans un monde dont on ne connait pas forcément les codes, mais un monde qui a beaucoup à nous apprendre.

Loin des émissions cantonnées aux grandes villes et à leur public citadin, Cœur de trucker bifurque vers d’autres chaussées, où résonnent différents accents et réalités. Comme pour nous rappeler que la vie, avec ses virages serrés et ses nids-de-poule, reste un long trajet où chaque détour a son histoire. À voir si l’amour sera au rendez-vous…

La troisième saison de Cœur de trucker est diffusée tous les jeudis à 21 h sur Unis TV et reste disponible sur TV5Unis, comme les deux éditions précédentes. L’émission comprend dix épisodes de 60 minutes, réalisés par Stéphane de Grosbois.

Des couches transformées en litière, une piste de ski sur le toit d’une centrale ou de vieux néons recyclés : dans la nouvelle saison d’Espèces d’ordures, l’animateur Frédéric Choinière poursuit son tour du monde des poubelles.

À Dakar, Paris, Bogota, Las Vegas ou encore Montréal, cette série documentaire va à la rencontre de celles et ceux qui innovent, recyclent et bousculent les mentalités, comme cet «homme plastique» sénégalais ou ce tiktokeur éboueur parisien, qui lâche un «j’en ai marre de marcher dans la merde» bien senti.

Ce dernier met en garde contre les micros-déchets, et pour cause : à Paris, 4 millions de mégots de cigarette sont ramassés chaque jour.

À la recherche des bacs de recyclage à Las Vegas – quasi inexistants –, on réalise aussi à quel point les mentalités peuvent être différentes d’un bout à l’autre de la planète.

Néanmoins, Espèces d’ordures prouve que, face à la montagne de déchets que nous produisons dès la naissance, chacun et chacune peut agir. Un tour du monde ludique, humain et nécessaire.

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Les 10 épisodes sont diffusés les mardis à 19 h depuis le 22 avril sur TV5. Ils sont aussi disponibles sur TV5Unis.

Un patrimoine francophone mis en valeur

Le duo Prairie Comeau tente de partager une bride du riche patrimoine musical francophone d’Amérique du Nord avec son album L’emprunt(e) Anique Granger (Saskatchewan) et Benoît Archambault (Québec) unissent leurs deux univers pour rendre hommage à la bonne chanson.

Pochette de l’album L’emprunt(e)

Photo : ciedunord.com

Avec douceur et justesse, Prairie Comeau nous invite à nous laisser bercer au son des guitares et autres instruments acoustiques. Des arrangements très épurés donnent toute la place aux voix remplies de sobriété. On a rapidement l’impression d’être témoin d’un rendez-vous privé, d’une rencontre exceptionnelle qui révèle la richesse de la musique francophone d’Amérique du Nord.

Du superbe duo Tout passe à Je sais bien quelque chose, Anique Granger et Benoît Archambault livrent des interprétations magistrales. La chanteuse fransaskoise poursuit avec une version remplie de mélancolie de Partons la mer. Un autre moment fort est Comment veux-tu, chanson sur laquelle on retrouve la voix de Michel Lalonde du légendaire groupe Garolou.

Les amants malheureux est l’empreinte d’un autre duo magique. On poursuit avec La chère maison, une interprétation a cappella incroyable, le point culminant de l’album. Pour celles et ceux qui sont passionnés d’improvisation, Benoît Archambault offre La feuille d’érable, l’hymne national de la Ligne nationale de l’improvisation (LNI).

Prairie Comeau offre une œuvre de douze chansons tirées d’un répertoire de bonnes chansons en français. Avec beaucoup de justesse et de respect pour les extraits choisis, le duo propose un moment très intimiste. 

Prairie Comeau : Partons la mer
Album : L’emprunt(e)

Vieillir en chansons 

Pour le renouveau, celle qui nous invitait chez elle en 2020 nous revient avec le bouquet de nostalgie Les Échos. Le 2e opus de l’autrice-compositrice-interprète Jeannine Guyot fait du bien à l’âme. L’artiste de Fannystelle, au Manitoba, réussit à nous transporter dans ses souvenirs les plus profonds.

Jeannine Guyot. 

Photo : jeannineguyot.com

Elle nous interpelle sur les moments intimes, les départs et les absences. En toile de fond, les mélodies de Jeannine Guyot sont remplies de nostalgie et le piano guide les harmonies. Parfois tout en douceur, parfois plus rythmée, elle livre des textes touchants sur les étapes du vieillissement.

Entre Prélude et Réflexion, les deux pièces instrumentales, l’auditeur a droit à de petites perles. La pièce-titre Les Échos témoigne des traces de la vie de sa grand-mère. La chanson L’important nous invite à vivre le moment présent et, finalement, Les yeux de Heidi est un instant de tendresse entre Jeannine et sa mémé.

L’autrice-compositrice-interprète franco-manitobaine livre un moment de tendresse et d’amour. Avec beaucoup de nostalgie dans la voix, elle rend un brillant hommage à sa grand-mère qu’elle aimait tant.

Jeannine Guyot : Les yeux de Heidi
Album : Les Échos

Souvenir dun paysage intérieur 

En terminant, je reviens vers une artiste de la Baie Georgienne en Ontario. L’autrice-compositrice-interprète franco-ontarienne Joëlle Roy nous offrait en 2018 son album Paysage intérieur.

Dès la première plage, Identité épaillée, on est interpelé par des arrangements sur lesquels on se laisse bercer. Les textes font beaucoup référence aux contacts humains, aux sentiments envers les autres et à l’intégrité.

Pochette de l’album Paysage intérieur

Photo : joelleroy.ca

Il y a de beaux petits bijoux sur ce disque, dont Ça me fait chier de t’oublier, un country folk à la Harvest Moon de Neil Young. Plus jamais de détour est un petit univers Dixieland jazz des plus accrocheurs et charmants. Insatiablement est la pièce la plus rock de cet opus avec un beau changement d’humeur dans le bridge avec les enfants.

La pièce-titre Paysage intérieur et la belle reprise, J’entre – qu’elle a écrite en début de carrière – nous amènent dans un niveau d’émotion plus profond. Autant la force des mélodies, que la puissance des textes nous interpellent avec des sentiments de quiétude et de sérénité qui nous touchent au plus profond. L’album se termine en beauté sur une belle reprise du classique de CANO, Dimanche après-midi.

Paysage intérieur de Joëlle Roy est une invitation à arrêter le temps. L’autrice-compositrice-interprète nous interpelle avec des mélodies parfois zydeco, parfois country folks, mais toujours agréables.

Je terminerai en vous disant qu’elle vient de lancer sur YouTube un excellent vidéoclip pour une nouvelle chanson : Dans mes bras.

Joëlle Roy : Ça me fait chier de t’oublier
Album : Paysage intérieur

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.

Quand l’intelligence artificielle s’invite en campagne électorale. Non, il n’est pas question ici des dernières manchettes (du moins pas encore?), mais de L’indétectable, la nouvelle série signée Annie Piérard, Bernard Dansereau et Étienne Piérard-Dansereau. Le trio, qui a manifestement du flair, s’était déjà illustré en 2020 avec Épidémie, qui raconte l’arrivée d’un mystérieux virus, avant que la COVID-19 n’envahisse le monde.

Cette fois, tout bascule le jour où une vidéo de Françoise Parent (Lynda Johnson), candidate pour le parti Option Québec, devient virale sur les réseaux sociaux. Et pour cause : elle y tient des propos odieux et racistes à l’encontre d’un chauffeur de taxi.

La politicienne répète qu’il ne s’agit pas d’elle, mais d’un deep fake, un hypertrucage généré par l’intelligence artificielle. Pourtant, les «experts» sont formels : cette vidéo parait trop vraie pour être fausse et la technologie n’est pas encore au point.

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Stéphanie Parent-Sirois (Sophie Nélisse), jeune ostéopathe timide et réservée, se retrouve au cœur d’une intrigue mêlant nouvelle technologie, politique et enjeux financiers.

Photo : Danny Taillon

Daji Saeed (Younes Bouab), scientifique de renom, a lui aussi des choses à cacher. 

Photo : Danny Taillon

Françoise Parent (Lynda Johnson) en pleine tourmente après la publication d’une vidéo ultra compromettante, et son mari, Bruno Sirois (Louis-David Morasse).

Photo : Danny Taillon

Double je

Ni une, ni deux, la machine médiatique s’emballe et Françoise Parent perd l’appui de son parti, mais pas de sa fille, Stéphanie (Sophie Nélisse), qui reste persuadée de l’innocence de sa mère. Cette jeune ostéopathe réservée va mener sa propre enquête, dans un rôle à contre-emploi.

«T’es tellement mauvaise menteuse», lui répètent tour à tour son conjoint et sa cousine, alors que Stéphanie infiltre une jeune entreprise montréalaise spécialisée en intelligence artificielle et deviendra, malgré elle, témoin de secrets classés.

En parallèle, on suit les ennuis de Daji Saeed (Younes Bouab), éminent spécialiste des isotopes médicaux, et de sa fille, Safia. Originaire de l’Émirat du Golfe (pays fictif), le scientifique a obtenu la nationalité canadienne, mais son passé le rattrape le jour où un de ses anciens compatriotes frappe à sa porte pour le ramener dans la péninsule arabique.

Pouvoir et intelligence artificielle

Si les différents arcs narratifs nous perdent par moments, le jeu, convaincant, des interprètes, recentre le propos. Certes, l’intrigue va parfois un peu vite en besogne, mais au moins, on ne s’ennuie pas. On pardonne aussi quelques rebondissements, prévisibles.

En filigrane se dessinent les tensions d’une société qui se croit en sécurité. Après tout, «on est au Canada», souffle Safia à son père (personnages par ailleurs attachants), sous-entendu : ici on ne risque rien. Et pourtant…

L’indétectable aborde des thématiques plus que jamais d’actualité, avec une mise en scène simple, mais efficace. Malgré quelques grosses ficelles scénaristiques, on embarque, avec une question en tête : l’étau va-t-il se resserrer sur Stéphanie, ou sur la vérité?

L’indétectable est réalisée par Stéphane Lapointe. La minisérie comprend 6 épisodes de 43 minutes, disponibles sur ICI TOU.TV EXTRA.

Des enfants avec un handicap, des personnes atteintes d’albinisme, des femmes incarcérées, d’autres en surpoids : dans Beautés rebelles, l’animatrice Carla Beauvais nous emmène à la découverte de concours de beauté loin des critères esthétiques habituels, où les différences sont belles et valorisées.

D’un bout à l’autre du globe, ces évènements redéfinissent les standards de beauté pour combattre l’injustice et l’ostracisation que vivent les candidats et candidates et leur (re)donner confiance en soi.

Le propos est d’autant plus pertinent à l’heure où la mode semble de nouveau valoriser la maigreur.

Au Japon, le concours Special Beauty Japan célèbre la beauté des jeunes autistes et de jeunes en situation de handicap. 

Photo : TV5

Au Japon, le Special Beauty Japan met à l’honneur les enfants en situation de handicap. Au Zimbabwe, le concours Mister and Miss Albinisim permet aux lauréats de faire connaitre leur réalité au public, mais aussi au gouvernement. Au Brésil, un centre correctionnel pour femmes de Rio de Janeiro organise depuis 2004 Miss Talavera Bruce, pour redonner à ces femmes leur dignité et faciliter leur réinsertion dans la société.

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Promouvoir la diversité et l’inclusion

Carla Beauvais part à la rencontre des organisateurs et organisatrices de ces évènements et de ceux et celles qui y participent, mais aussi de leur famille. Car derrière ces évènements se cachent de véritables enjeux sociaux.

Le concours Miss et Mister Albinism Zimbabwe élit des ambassadeurs et ambassadrices pour sensibiliser à la condition des personnes atteintes d’albinisme. 

Photo : TV5

La série met au jour les préjugés et les discours normés qui sous-tendent chaque société. De quoi remettre en question notre propre attitude vis-à-vis de la marginalité et de l’autre. Après tout, «la normalité» n’est souvent qu’une question de point de vue et d’éducation.

Seul petit bémol : le choix du doublage en français plutôt que des sous-titres atténue quelque peu l’authenticité des dialogues.

Beautés rebelles évite tout voyeurisme et dresse – à travers ces visages, ces sourires, ces tranches de vie – un magnifique portrait de la différence, sans toutefois tomber dans une positivité naïve. Chaque épisode souligne également les défis auxquels font face ces beautés rebelles, mais éternelles.

Réalisée par Alexis B. Martin, la série documentaire Beautés rebelles propose 10 épisodes de 48 minutes, disponibles sur TV5Unis.

Vingt ans, ça se fête. Animée par Fabienne L’Abbé, un documentaire revient – avec humour, cela va de soi – sur l’épopée de la troupe franco-ontarienne Improtéine, de ses premiers matchs d’impro dans des gymnases d’écoles ontariennes jusqu’à ses récentes revues de fin d’année du 31 décembre.

À travers des extraits vidéos issus de leurs archives personnelles, Nadia Campbell, Vincent Poirier, Olivier Nadon, Stéphane Guertin et Martin Laporte partagent souvenirs, anecdotes et bilans de vie.

Porte-voix de la francophonie canadienne

Des interventions en milieu scolaire aux capsules vidéo, en passant par la télévision, le groupe est devenu un incontournable dans le paysage culturel francophone en situation minoritaire.

La gang est notamment reconnue pour ses documenteurs et ses spectacles d’improvisation, lors desquels le public est invité à interagir et parfois même à monter sur scène… Votre chroniqueuse ici présente peut d’ailleurs en témoigner.

À travers son humour décapant, la troupe passe au crible les revendications des francophones, comme la pénurie d’enseignants ou le manque de services en français.

Rire de sujets sérieux sans se prendre au sérieux, telle est la formule, rudement efficace, d’Improtéine. De l’humour engagé qui fait du bien, surtout en ce moment.

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Improtéine, 20 ans et presque quasiment légendaire est disponible sur le site Web et sur l’application de TFO.

Une plume qui fait danser

Après une absence de huit ans, voilà que l’auteur-compositeur-interprète franco-ontarien Damien Robitaille est de retour. Il offre Ultraviolet, un opus des plus intéressants à la hauteur de son talent lancé le 14 février.

Pochette de l’album Ultraviolet

Photo : damienrobitaille.com

Ce nouvel album aux allures dance-pop renferme de belles orchestrations qui rendent chaque pièce extrêmement puissante. Il débute avec un dance-pop bilingue, (She’s Got That) Je ne sais quoi, dont la musicalité des mots en fait un ver d’oreille irrésistible.

Dans la même veine, Kaléidoscope vous fera danser dès les premiers accords. Tout au long du disque, mélodie après mélodie, le charme opère. Des pièces comme Limousine ou Désynchronisé témoignent de la plume unique de Robitaille.

Paruline, Paruline est un folk acoustique savoureux, alors que Point de non-retour est une autre belle trame dance-pop et que la pièce titre, Ultraviolet, nous transporte dans un univers reggae.

Mon coup de cœur est Aurores boréales, une courte ballade piano-voix qui crée un moment de tendresse avec l’artiste. L’album se termine avec Superhéroïne, autre belle ballade, anglophone cette fois-ci.

Huit ans se sont écoulés depuis l’album Univers parallèles de Damien Robitaille. Ultraviolet démontre encore une fois toute la richesse de la plume de l’artiste. Il offre un 6e album où la force des arrangements donne vie à de superbes mélodies. Damien Robitaille est plus que jamais en contrôle de son univers.

Ultraviolet
Album : Ultraviolet

Far West francophone

Pour suivre leur excellent album éponyme, La légende de Calamity Jane revient avec le remarquable Avant l’aurore. Ce trio fransaskois, composé d’Annette et Michelle Campagne (du groupe Hart-Rouge) et d’André Lavergne (du groupe Dans l’Shed), captive dès les premiers accords avec un son country folk aux essences de blues qui les démarque.

Pochette de l’album Avant l’aurore

Photo : productionsmid.com

Dès la pièce titre, Avant l’aurore, nous sommes témoins de l’intensité des orchestrations. Nous sommes éblouis par cette force organique que nous livrent les guitares et le banjo. À cela s’ajoute des harmonies vocales d’une richesse hors du commun. 

Quelques extraits irrésistibles sont entre autres 300 pieds, un hymne contre l’oppression et un désir de liberté. Je t’appartiens est une déclaration de fidélité alors qu’avec Dans la montagne, Annette Campagne et André Lavergne livrent une des grandes chansons du disque.

J’aimerais faire une mention spéciale pour la pièce instrumentale, Vent et poussière. Elle nous berce au plus profond de notre âme.

Grâce à l’intensité des arrangements, grâce aux guitares folk et country auxquelles s’ajoute un soupçon de blues, le trio nous captive une nouvelle fois.

Dans la montage
Album : Avant l’aurore

Un poète aux teintes afrobeat

En souvenir je vous présente Yao. Ce mois-ci, le slameur d’Ottawa fera pour la deuxième fois la première partie du rappeur Grand Corps Malade. Il y a quelques années, Yao, artiste né en Côte d’Ivoire, déposait sa plume sur une toile de fond pop aux teintes afrobeat, électro et jazz, qui nous transportaient dans une gamme d’émotions.

Pochette de l’album Kintsugi

Photo : yaomusique.com

Chaque pièces de l’album Kintsugi était très bien construite afin de créer un univers sonore absolu. De Funambule à Comme il est là, un esprit de compassion, de vérité et de fragilité emporte l’auditeur. On est témoin d’une plume d’intériorité profonde. Les naufragés est l’un des meilleurs textes de l’album.

La plume de Yao est poétique et engagée. Sa musique pop aux multiples teintes nous berce et nous accompagne comme une brise sonore envoûtante. Le propos de chaque plage de l’album Kintsugi est un délice pour notre ouïe.

Funambule
Album : Kintsugi

Un univers doux

Adrian House, auteur-compositeur-interprète originaire de Saint-Jean à Terre-Neuve, nous séduit avec son dernier opus, Pêcheur de rêves.

Pochette de l’album Pêcheur de rêves. 

Photo : adrianhouse.com

L’album débute par un univers jazz, avec de petits bijoux comme Don Quichotte, Gisèle et C’est comme ça, qui captent toute notre attention. Adrian House a un timbre de voix qui laisse à peine paraitre son accent anglophone.

Dans la deuxième partie du disque, il exploite des univers plus pop rock et folk. Les muses accompagne l’un des plus beaux textes du disque. C’est un ver d’oreille aussi puissant que Nulle part. Ce dernier morceau nous jase d’échec et d’espoir sur des sonorités rocks.

Le parapluie d’Élise et Existence sont deux autres superbes textes accrocheurs sur l’espoir et l’intégrité. Adrian House termine son album avec le bel univers folk de Pêcheur de rêves.

Le francophile nous lance un rendez-vous doux et vient nous séduire avec tout l’amour qu’il a pour l’autre langue officielle de son pays. De son bord de mer terre-neuvien, il lance une ligne à l’eau avec cet album. Une belle invitation aux rêveurs de ce monde.

Nulle Part
Album : Pêcheur de rêves

Mémoire de la musique franco-manitobaine

Les années 1970 furent une période faste pour la musique francophone d’un bout à l’autre du pays. L’Acadie a eu le groupe 1755, le Québec, Harmonium et Beau Dommage, l’Ontario, CANO et 33 Barrette, le Manitoba, Gerry et Ziz.

Le 100 NONS, un organisme qui œuvre à l’épanouissement de l’industrie et de la culture musicale francophone au Manitoba, s’est fait un devoir de mémoire, en supportant un projet d’archive du catalogue de Gerry et Ziz. À l’automne 2024, l’association a lancé le coffret Ce coin de pays.

Le premier disque est le matériel du duo Gerry et Ziz, issu de démos et de leur album paru en 1976. On y retrouve cette richesse sonore propre à l’univers folk, pop et rock de cette période.

Pochette de l’album Ce coin de pays. 

Photo : 100nons.com

Des petits velours agréables comme Histoire d’antan, Verbe infinitif ou Au revoir nous ramènent dans les souvenirs d’un temps où rien n’était si pressant. Ce premier disque du coffret de Gerry et Ziz se termine par l’un des classiques du groupe, Manifesto, toujours aussi puissant aujourd’hui.

Le deuxième disque transporte quelques autres extraits de Gerry et Ziz dans un monde plus moderne, grâce à de superbes arrangements et des voix d’artistes de la nouvelle génération comme Nicole Brémault, Kelly Bado et Soulbear.

Ziz (Gérard Jean) nous offre une nouvelle version de Change de chapeau et Gerry (Gérald Paquin) y va du puissant texte Qu’appelle Riel. Jocelyne Baribeau nous enchante avec sa version de C’est à cause du son d’un lointain violon. Mention spéciale à Daniel Lavoie, qui a débuté sa carrière avec Gerry et Ziz, pour sa version piano voix de Tout est prêt.

Il est important de se rappeler d’où nous venons, de nous remémorer celles et ceux qui ont pavé les voix de la francophonie qui nous habite. Le 100 NONS offre aux Franco-Manitobains et Franco-Manitobaines une preuve tangible de leur passé.

Frere-Roc-Stereo
Album : Gerry et Ziz

Pochette de l’album Bruits Blancs. 

Photo : carolinesavoie.com

Une question d’héritage

Je vous invite enfin à redécouvrir l’album Bruits blancs de l’autrice-compositrice-interprète acadienne Caroline Savoie. En attendant son 4e opus, Rom-Com, laissez-vous charmer par une plume profonde, déposée sur une toile de fond folk aux multiples nuances modernes et intéressantes.

Caroline Savoie nous interpelle sur le legs laissé par nos ancêtres et nous questionne sur nos engagements envers les enfants de demain. Sans être moralisatrice, elle nous invite à la discussion avec tendresse et respect.

Avec maturité, autant musicalement que textuellement, l’Acadienne nous interpelle sur notre respect de ceux avant nous, mais aussi l’héritage que nous laissons à ceux de demain.

Corail
Album : Bruits Blancs

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.

10e position : J’mettrai le feu, Messe

Je débute ce top 10 par une belle découverte un peu plus intense. Ils n’en sont qu’à un deuxième EP, mais les jeunes musiciens de la formation Messe offrent un son mature et très intéressant. Avec J’mettrai le feu, la formation de Bathurst se classe dans un univers particulier, où l’on retrouve des groupes acadiens comme Les Hôtesses d’Hilaire, la Patente ou encore Aubin pi la S.C.B.

J’mettrai le feu

9e position :  Vers la mer, GABIO

Dans un autre spectre musical, en 9e position, on a un tête-à-tête avec un membre de Radio Radio. Gabriel Malenfant, dit GABIO, auteur-compositeur, faiseur de beat, nous présente une facette plus personnelle avec son album Vers la mer. Un rendez-vous où les rythmes sont toujours aussi entrainants. Ses rythmes endiablés se font sentir aussi dans l’élocution du verbe.

Vers la mer

8e position : Souris Souvent, Girlz with Guitarz

La 8e position fait place à une autre belle découverte. Girlz with Guitarz est un trio féminin de la région de Plamondon, en Alberta. Composé des sœurs Tracy et Karen et de leur tante Michèle. Ces multi-instrumentistes aux voix harmonieuses nous captivent avec un univers folk dont la richesse se trouve dans les arrangements musicaux. Les harmonies vocales sont souvent la force maitresse des chansons proposées.

Langage de la poésie

7e position : Osons l’espérance, Les Sœurs Marleau

D’un trio féminin à un autre, la 7e place revient aux Sœurs Marleau qui œuvrent en chansons depuis 1979. Sous le nom Diadem à leurs débuts, elles nous reviennent sous le signe de l’espérance. Osons l’espérance nous interpelle avec une douzaine de textes sur des thèmes universels. Le tout est un bouquet de souhaits universels et de musiques contemporaines.

Place à la non-violence

6e position : Tableaux, RenzRossi

Pour terminer ce premier bloc de cinq albums, j’ai une proposition fort intéressante. Il s’agit d’un guitariste originaire d’Edmunston au Nouveau-Brunswick, RenzRossi (René Rossignol). Il offre le fruit d’une expérience de création entre lui et l’artiste visuel Luc A. Charrette. S’inspirant des tableaux de ce dernier, RenzRossi a lancé son tout dernier EP, Tableaux, un univers jazz des plus captivants. Chaque pièce est une émotion musicale inspirée d’une œuvre d’art visuel. Le tout devient un moment de grâce.

Aurevoir

5e position : Tout est relatif, Dayv Poulin

On débute le top 5 avec un retour sur disque d’un Franco-Ontarien qui a connu bien du succès à la radio. L’auteur-compositeur-interprète de Sudbury, Dayv Poulin, met au placard son alter ego du Paysagiste et nous offre un album avec des mélodies puissantes et très accrocheuses. Tout est relatif est un album qui tombe à point grâce à ses nombreux vers d’oreille captivants.

La vie est bonne

4e position :Yellow Mellow, Matt Boudreau

Dans le carré d’as du top 10 de 2024, on retrouve une voix des plus familières en Acadie, que ce soit en tant que membre de la formation Baie que comme musicien pour plusieurs artistes. L’auteur-compositeur-interprète, Matt Boudreau, natif de Petit-Rocher, est inévitable. Sur l’album Yellow Mellow, il a toujours ce son pop-rock qui le démarque, ce timbre de voix qui nous enveloppe texte après texte. Il nous invite à une rencontre exceptionnelle.

Supernova

3e position :  Malgré tout, Brian St-Pierre

Sur la 3e marche du podium, c’est un nom familier au sein de la famille des auteurs-compositeurs franco-ontariens : Brian St-Pierre. Il est une inspiration pour toute la communauté francophone de l’Ontario d’est en ouest. L’album Malgré tout se démarque du lot et nous offre de magnifiques mélodies qui accompagnent de superbes textes remplis de vérité.

Beaucoup d’amour

2e position :  Le diable dans le corps, Monette

En deuxième place, c’est l’un des grands de sa génération, c’est un coup de cœur à chaque album. Monette revient aux sources et nous offre un cinquième opus à saveur country-folk avec une voix solide comme du roc. Le diable dans le corps est une autre preuve de son grand talent. Monette nous séduit à nouveau avec des mélodies fortes et des textes puissants.

Je fais de mon mieux

1re position : Empreintes, Alexis Normand

Mon top de 2024 est une caresse pour l’âme. Depuis une quinzaine d’années, Alexis Normand nous invite dans un univers folk aux nuances de blues et de jazz, qui nous charme note après note. Avec Empreintes, elle nous livre toute la sensibilité de son art.

L’auteure-compositrice-interprète fransaskoise nous amène au plus profond de son âme avec des mélodies puissantes, qui révèlent toute la richesse de sa plume. La douceur de sa voix mielleuse nous livre toute la puissance de chaque mot. L’artiste a su se forger un parcours musical qui démontre toute la richesse de son talent.

Sing me home

Eh bien voilà, 10 albums à découvrir ou à redécouvrir. Encore une fois, une preuve tangible de la beauté et du dynamisme de la francophonie musicale canadienne. Tendez l’oreille et encouragez cette belle francophonie.

Un son si particulier

Matt Boudreau est l’une des voix de plus en plus familières de l’Acadie. Membre de la formation Baie, musicien pour plusieurs artistes, l’auteur-compositeur-interprète, natif de Petit-Rocher comme Denis Richard, nous proposait à la fin septembre son 4e disque solo : Yellow Mellow.

Pochette de l’album Yellow Mellow

Photo : legreniermusique.com

Toujours avec ce son pop-rock qui démarque le musicien, l’album nous captive par une fraicheur hors du commun. Les arrangements sont des moments magiques, qui nous séduisent chaque seconde. Le tout compose un mélange fluide de claviers et de guitares qui donne ce son si particulier, propre à l’artiste, dont le timbre de voix reste enveloppant, texte après texte.

Tout au long de l’album, l’Acadien nous parle d’amour, d’évasion et de prendre le temps de vivre. On découvre de vrais petits bijoux. Dès Supernova la séduction opère. Sur les plages Chérie, Tes dents sont belles et Cerf-volant les chœurs de Maude Sonier ajoutent un peu de tendresse.

Parlant de tendresse, Matt Boudreau termine l’album avec une prestation guitare-voix sur la belle petite chanson Lou.

Supernova
Album : Yellow Mellow

Une voix qui traverse le temps 

L’auteur-compositeur-interprète Brian St-Pierre nous présentait à la fin septembre un 7e opus solo, Malgré tout, où l’on retrouve encore toute la magie de l’artiste. Il y a une trentaine d’années, le Franco-Ontarien épatait la galerie avec ses compositions pour le groupe Vice-Versa.

Pochette de l’album Malgré tout

Photo : lecanalauditif.ca

Du pop rock accrocheur à la ballade folk profonde, nous sommes à nouveau séduits par la puissance des mélodies. Chaque texte est accompagné d’un univers musical juste, qui interpelle sur des sujets aussi bien légers que profonds.

Avec toi je vole et Je te vois sont deux superbes textes sur la source de son inspiration. Te souviens-tu de moi et Coule le temps abordent la question du temps et des souvenirs.

Les yeux pleins d’eau est l’une des deux pièces maitresses du disque. Il s’agit d’une ballade aux sonorités des années 1950, qui rend un superbe hommage à une personne chère.

Il y a enfin la pièce-titre Malgré tout, un puissant arrangement piano-voix, supporté par un quatuor à corde qui saura vous soutirer une larme.

Malgré les années, malgré la pop moderne, l’artiste franco-ontarien sort du lot et nous offre de magnifiques mélodies, accompagnées de textes remplis de vérité. Cette voix réconfortante demeure une inspiration pour toute la communauté francophone de l’Ontario.

Beaucoup d’amour
Album : Malgré tout

Un tempo endiablé

Vincent Bishop, natif de Vancouver mais franco-ontarien d’adoption, nous proposait, en 2022, un premier album francophone au tempo endiablé : L’amour serait bienvenu, un bouquet de mélodies accrocheuses aux rythmes folkloriques.

Se basant sur des structures de musiques folkloriques et chansons à répondre, Vincent Bishop propose des trames accrocheuses bien construites, accompagnées d’excellents textes, livrés avec une énergie contagieuse.

Pochette de l’album L’amour serait bienvenu

Photo : vincentbishop.ca

Les thèmes de prédilection de l’auteur sont l’amour, les relations humaines et le courage. Il laisse souvent transparaitre une charmante touche d’humour.

Tout au long de son 3e opus, Vincent Bishop nous offre plusieurs vers d’oreille irrésistibles. Le premier en tête de liste est Dans l’air pur et clair. L’une des versions de cet extrait est presque à capella, avec seulement une petite trame de percussion.

Dansons la corona est un petit velours humoristique qui nous fait du bien, tout comme La vision 20/20. Je dois dire bravo à Vincent Bishop pour une autre version tellement rafraichissante de Mille après mille.

La pièce maitresse de l’album est selon moi Plus que tout. Elle se démarque non seulement par son style musical, mais aussi par la profondeur du texte et de la mélodie.

Il s’agit donc d’un opus francophone rafraichissant fort réussi, livré avec une énergie contagieuse. Vincent Bishop se permet quelques à-côtés qui viennent démontrer une facette plus profonde de l’auteur-compositeur-interprète.

Dans l’air pur et clair
Album : L’amour serait bienvenu

Le premier c’est l’incontournable Moncton mantra de Gérald Leblanc. D’abord publié aux éditions Perce-Neige à Moncton en 1997, cet ouvrage connaitra une deuxième vie lorsqu’il sera republié aux éditions Prise de parole de Sudbury en 2012.

Moncton mantra de Gérald Leblanc

Que puis-je dire au sujet de ce livre-phare de la culture acadienne que le grand Herménégilde Chiasson n’a pas dit dans sa préface de l’édition sudburoise? Chiasson écrit : «[…] ce livre est le témoignage d’un climat, d’une époque et d’un parcours qui fut celui de plusieurs écrivains de ma génération…»

Dès les premiers paragraphes, Leblanc nous confie l’essence de son livre : «J’ai commencé à m’interroger […] sur ce qui faisait que j’étais moi-même Acadien et sur ce que ça voulait dire au juste.» Et il poursuit : «Le plus surprenant, c’était qu’une constante demeurait malgré tout, et c’était l’obsession d’écrire.»

Dans le fond, ce livre est une sorte d’autobiographie romancée. On sent bien que le narrateur, Alain, est le sosie littéraire de Leblanc. On suit donc Alain/Gérald qui tient un journal dans lequel il nous raconte ses déboires universitaires mêlés à ses amours, ses amis, ses voyages, ses rencontres avec des écrivains en devenir (dont Chiasson) et l’odeur des joints omniprésents.

Mais ce qui ressort gros comme le bras dans Moncton mantra, c’est la furie d’écrire de Leblanc et son amour inaltérable pour Moncton en tant que capitale acadienne.

À lire pour comprendre d’où vient notre littérature moderne.

À lire : Trois polars pour voyager dans le temps

Le deuxième livre que je vous présente n’est point le moindre. Rivières-aux-Cartouches : Histoires à se coucher de bonne heure de Sébastien Bérubé a gagné le Combat des livres de Radio-Canada de 2023, le prix Champlain de 2024, le Prix du recteur de l’Université de Moncton de 2024 et un des prix Éloizes de 2024, catégorie Artiste de l’année en littérature. Et c’était bien mérité pour ce jeune auteur-compositeur-interprète, poète et artiste.

Rivières-aux-Cartouches : Histoires à se coucher de bonne heure de Sébastien Bérubé

Sébastien Bérubé joue d’un style, d’une acrobatie des mots, d’un romanesque qui nous rappellent les grands comme Antonine Maillet, Michel Tremblay, Jean Marc Dalpé.

Il n’hésite pas entre l’écriture et le vocabulaire classique et la langue parlée. Il utilise les mots de tous les jours dans sa région de Restigouche, au nord du Nouveau-Brunswick, ce qui donne un sens du réel à son roman.

L’auteur ne nous raconte pas une histoire linéaire traditionnelle. Il nous raconte plutôt un village et ses habitants. Plusieurs des personnages sont métis puisque le village est collé à une réserve autochtone. Un des personnages-narrateurs avoue d’ailleurs «T’es mélangé. Dans ta tête, dans ton sang, dans tes mots. Mélangé». Dans ce village, le mélange semble harmonieux.

J’écris «personnages-narrateurs» parce que le village nous est raconté par plusieurs voix. C’est un style qui peut être un peu déconcertant, mais qui permet à Sébastien Bérubé de nous faire entrer dans la tête des gens du village. Et ça donne des histoires qui nous semblent plus vraies, plus vécues.

Je pourrais écrire longtemps sur ce livre, mais je préfère vous laisser le découvrir. Qu’il me suffise d’affirmer que c’est un des meilleurs livres franco-canadiens que j’ai lus depuis longtemps. Je m’attends à le voir dans la liste des finalistes pour les prochains Prix du Gouverneur général.

Le troisième livre que je vous présente est un recueil de poésie, de courts textes, intitulés Formats de l’artiste multidisciplinaire Daniel H. Dugas. Mais si le mot poésie invoque immédiatement en vous Baudelaire ou Hugo, détrompez-vous. Pas que Daniel Dugas ne soit pas à la hauteur des grands, mais plutôt parce que Formats est un livre hyper moderne qui allie vers, prose et technologie.

Dès le début du recueil, Daniel Dugas nous dit ce qu’il tente de produire. Il nous parle des formats d’image (du 16:9 au cinémascope) du code binaire qui régit le numérique, des formats d’écran (SDTV, HDTV, UHD) omniprésents dans nos salons et même des codages analogiques NTSC et PAL.

Formats de Daniel H. Dugas

Si vous ne comprenez pas cette terminologie, ne vous en faites pas, l’auteur nous l’explique très bien. Et il y a un glossaire à la fin du livre.

S’ensuit une série de textes dont la forme est calquée sur ces formats, ces codes. Ces formats constituent d’ailleurs la structure du recueil. Par exemple, Daniel Dugas débute la section NTSC (National Television System Committee) en expliquant que ce système utilisé au Canada «est adapté aux formats vidéos de 525 lignes et 30 images par seconde […] ainsi un poème NTSC est composé de 30 lignes et de 525 caractères».

Il en découle des textes quelques fois ludiques, toujours intéressants. C’est vraiment inusité de lire des poèmes intitulés Poème VHS ou Nombres binaires.

Ou encore dans la section PAL (Phase Alternating Line), un poème intitulé Saturnin dans lequel Daniel Dugas se rappelle du dessin animé de son enfance sur un téléviseur noir et blanc avec un écran aux coins arrondis. Ce souvenir l’incite d’ailleurs à rogner les coins de photos de sa jeunesse pour les inclure dans le livre.

Daniel Dugas nous invite à une poésie rafraichissante à laquelle nous ne sommes pas habitués, mais qui nous séduit.

Comme je l’ai déjà écrit, on peut juger de la qualité d’un livre par les sentiments qu’il évoque après l’avoir lu.

Pour Moncton mantra c’est l’urgence d’écrire et de changer le monde que les jeunes de cette époque ressentaient.

Dans Rivières-aux-Cartouches, c’est un sentiment de voyeurisme, de non seulement connaitre l’histoire d’un village, mais de la vivre dans la tête de ses habitants.

Avec Formats, c’est le sentiment de la modernité, que notre bonne vieille culture poétique est toujours actuelle.

Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».

Bercer aux sons du monde

L’auteur-compositeur-interprète franco-ontarien Didier Lozano propose Merci, un rendez-vous musical aux sonorités de musique du monde.

Pochette de l’album Merci.

Photo : Page Facebook Didier Lozano

En plus de signer toutes les compositions et de jouer de la guitare et du clavier, l’artiste s’est entouré de Sergio Checho Cuadros, un maitre de la quena, une flute traditionnelle des Andes. Le tout dessine un univers riche et mystérieux. Chaque pièce offre un cachet particulier, qui nous transporte dans un au-delà paisible.

Dans cette offre d’une dizaine de titres, Didier Lozano nous livre quelques moments magiques. Il y a entre autres un jazz contemporain, Merci Manon, qui nous captive grâce à sa trame de guitare plus moderne.

Les mêmes attributs sont valables pour Merci mon ami. Merci Montréal, ma chanson préférée de l’album, est un crescendo qui illustre bien le réveil de la métropole et de ses résidents. Autre pièce digne de mention, Merci Pascal Rauzet, un air brésilien qui rend hommage à une source d’inspiration importante du musicien.

En ces temps modernes où tout va plus vite, Didier Lozano présente une alternative pour nous évader de ce rythme fou de la société. L’auteur-compositeur-interprète nous livre une inspiration remplie de gratitude, un univers paisible, afin d’éliminer le stress de la vie moderne.

Merci Montréal
Album : Merci

Couleurs musicales 

Le guitariste originaire d’Edmundston au Nouveau-Brunswick, RenzRossi (René Rossignol), nous offre le fruit d’une expérience de création entre lui et l’artiste visuel Luc A. Charrette. S’inspirant des tableaux de ce dernier, le musicien a sorti au mois de septembre son tout dernier EP, Tableaux, où il invite l’auditeur dans un univers de jazz moderne des plus riche et captivant.

Pochette de l’album Tableaux. 

Photo : renzrossi.bandcamp.com

RenzRossi s’est entouré des meilleurs musiciens accompagnateurs du Nouveau-Brunswick. François Émond, Jesse Mea, Steven Haché et Glen Deveau contribuent à la fluidité proposée par le guitariste.

La pièce qui démontre bien le résultat est Rue Victoria St. Sur cette plage, chaque musicien y va d’une partition solo, qui rend le produit final irrésistible. Une autre pièce maitresse est Aimer. Ce jazz moderne nous donne la sensation de nous retrouver à un brunch du dimanche dans notre café jazz préféré.

Chaque pièce de Tableaux est une émotion musicale qu’a ressentie RenzRossi face à une œuvre de Luc A. Charrette. Le tout devient un moment de grâce entre le guitariste et l’auditeur. 

L’album en édition vinyle comprend une impression de chaque tableau de Luc A. Charrette.

Aurevoir
Album : Tableaux

Oasis brésilienne

Avec son 4e opus, Inesperado, l’autrice-compositrice-interprète, Janie Renée, nous proposait en 2022 une bulle d’Amérique du Sud. L’artiste de l’Est ontarien a conçu un véritable album à saveur brésilienne.

Avec juste assez de retenue, tant au niveau des musiques que de la voix, Janie Renée livre des moments de nostalgie et d’innocence qui nous envahissent. Les arrangements sont extrêmement puissants et nous transportent aisément dans les ruelles de São Paulo, Rio de Janeiro ou encore Brasilia.

Pochette de l’album Inesperado. 

Photo : janierenee.com

Que ce soit grâce à la clarinette ou à la guitare sept cordes, les onze chansons nous rappellent constamment les saveurs chaudes du Brésil. Vocalement, Janie Renée est au sommet de son art, offrant des prestations solides aux multiples nuances.

Elle nous partage deux superbes duos avec un maitre du style, en la personne de Paulo Ramos. Je t’aime en majuscules et Au bout de nos horizons sont le fruit d’un merveilleux mariage vocal entre la compositrice et Paulo Ramos.

Le chef-d’œuvre de l’album est La Muse, une très belle allégorie artistique décrivant l’amour envers l’être cher. Tout en douceur, on y retrouve une belle trame de guitare qui accompagne une Janie Renée toute en sensualité.

Pour ceux qui recherchent une oasis musicale hors du commun, Inesperado est ce qui se fait de mieux. Des orchestrations feutrées tout en retenue et une voix aux multiples facettes envahissent notre univers le temps de quelques chansons au rythme chaud.

La Muse
Album : Inesperado

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.

J’ai dévoré les trois romans ci-dessous en moins d’une semaine, c’est dire combien ils sont captivants. J’ai ensuite eu le plaisir d’en discuter avec les trois auteurs lors du Salon du livre du grand Sudbury, en Ontario. Que du plaisir!

Il s’agit d’abord du roman Le prince africain, le traducteur et le nazi de Didier Leclair, nom de plume de Didier Kabagema, paru aux éditions David et retenu pour le Combat national des livres de Radio-Canada de 2024.

Deux heures avant la fin de l’été de Sébastien Pierroz. Roman paru aux éditions David et finaliste au Prix du livre de la Ville d’Ottawa de 2024.

Finalement Welsford, de Claude Guilmain, un roman publié chez Prise de parole.

Reproduction avec permission

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Le prince africain, le traducteur et le nazi est le dixième roman de Didier Leclair. C’est dire qu’en 23 ans comme auteur, il a appris à manier la plume avec dextérité. Il possède un style coulant qui rappelle les grands écrivains de feuilletons parisiens du XVIIIe siècle.

L’histoire se passe en 1941, dans un Paris occupé par les Allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Dès les deux premiers chapitres, Didier Leclair met en scène ses trois principaux personnages. Le prince, Son Altesse Antonio Jose Henrique Dos Santos Mbwafu, est l’héritier d’un petit royaume angolais, le Kongo, autrefois colonie portugaise. Il étudie à Paris, mais en fait, c’est son traducteur, Jean de Dieu N’kuba, qui se présente aux cours en son nom.

Jean de Dieu est le fils d’un tirailleur sénégalais, venu combattre en Europe lors du premier conflit mondial, et d’une mère allemande. C’est d’ailleurs lui qui, le premier, rencontre le nazi, un certain major F. Baumeister.

Baumeister est convaincu que le prince est en réalité un contrebandier qui, avec la complicité de son père, le roi du Kongo, écoule clandestinement des diamants angolais sur le marché européen.

Au fil des pages, nous apprendrons que, là-dessus, il a tout à fait raison. Le problème, c’est que Baumeister veut récupérer les diamants pour son propre compte et au diable le Reich. Il veut cette fortune pour se sauver en Amérique du Sud avec sa nouvelle maitresse.

Un bel imbroglio qui se décline en un chassé-croisé dans Paris et au Portugal. Sans dévoiler la fin, je me contenterai de dire que le héros, c’est Jean de Dieu.

Reproduction avec permission

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Deuxième roman de Sébastien Pierroz, journaliste et producteur au réseau de télévision ONFR+, Deux heures avant la fin de l’été est paru aux Éditions David et a été finaliste au Prix du livre d’Ottawa de 2024. Même s’il n’a pas l’expérience d’un Didier Leclair, Sébastien Pierroz a, comme lui, une plume coulante, journalisme oblige.

Ce roman est un peu plus compliqué que celui de Didier Leclair du fait que l’action s’y déroule en trois temps : 1976, 2001, 2020. Cela ne veut pas dire que la trame est difficile à suivre; Sébastien Pierroz réussit à nous entrainer dans ces trois périodes avec brio.

L’histoire débute en 2020 à Londres où Damien, fils d’une famille de Mongy, village près d’Annecy dans le sud-est de la France, s’est réfugié après la mort «accidentelle» de sa sœur Nadia en 2001.

Dès le deuxième chapitre, on apprend qu’une autre mort, celle de Claudia en 1976, était le résultat d’un viol. Un immigrant algérien, Arezki Hamani, sera trouvé coupable et passera 20 ans en prison.

En 2020, Damien revient à Mongy pour les funérailles de son grand-père. On rencontre sa famille – le frère Adrien, le père, la mère, l’oncle et la tante – qui tient une petite auberge. Dans ces rencontres, on sent bien les non-dits dans cette famille. En fait, dans toute cette petite localité.

Sébastien Pierroz insère même dans l’histoire une jeune Franco-Ontarienne, la journaliste Cristina Tremblay, qui a obtenu un stage au journal local de Mongy. On pourrait penser que l’apparition de ce personnage franco-ontarien est un peu factice, mais Cristina joue un rôle important dans le dénouement.

Reproduction avec permission

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Publié aux Éditions Prise de parole, le roman Welsford, de Claude Guilmain, porte le  nom d’un quartier du nord de Toronto qui a été aménagé dans les années 1960.

Ici encore, l’action se déroule en deux temps : 1969 et 2019. Le personnage principal, François, alias Frank pour les Anglais, est un ancien inspecteur-chef de la police locale. Il est parti en préretraite il y a quelques années, mais est encore consultant pour la police.

En 2019, les nouveaux propriétaires d’une maison de la rue Cassandra du quartier Welsford, qui s’embourgeoise, font démolir la vieille piscine derrière leur maison. Les travailleurs y découvrent un cadavre enseveli sous le ciment.

Or, dans les années 1960, Frank a grandi dans une maison juste en face de celle avec la piscine. Il s’y est baigné avec ses camarades à l’adolescence. Et surtout avec la fille des propriétaires de l’époque, la famille Martella.

Claude Guilmain nous trimbale dans le temps, entremêlant la quête de Frank pour identifier le cadavre et pour trouver le coupable avec des scènes de jeunesse dans ce quartier en plein essor.

Les pages du roman nous font revivre (ou, pour les plus jeunes, dépeignent) la musique et les films des années 1970, le premier alunissage, les soirées au resto de burgers, les premiers émois sexuels, les premiers joints fumés. C’est très bien ficelé.

 

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La grandeur d’un roman se mesure peut-être par le sentiment qu’il laisse chez le lecteur quelque temps après sa lecture. Le mot qui me vient après Le prince africain, le traducteur et le nazi, c’est «libération». Libération dans le sens de libération de Paris, bien sûr, mais aussi la libération d’un jeune immigrant qui déjoue les nazis.

Pour Deux heures avant la fin de l’été, c’est plutôt l’expression «le temps fait son œuvre» qui décrit bien que, tôt ou tard, le bien finit par triompher sur le mal.

Et pour Welsford, c’est «nostalgie». Pour un babyboumeur comme moi, qui a vécu les années 1970, ce roman raconte parfaitement le décor de notre jeunesse.

Trois romans à lire.

Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où  commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».