le Dimanche 25 mai 2025

À la mi-avril, l’UNICEF faisait état de son inquiétude dans un rapport soulignant qu’au Canada 82,5 % des Canadiens interrogés pensaient que la vaccination était importante contre 90,5 % en 2019, des chiffres comparables à ceux de l’Allemagne, mais une baisse modérée comparée à celle de 13,6 points de pourcentage observés aux États-Unis ou encore de 20,6 points aux Pays-Bas.

Cet effritement de la confiance se retrouve également dans certains pays africains, mais aussi dans les pays riches d’Asie (-33,1 points au Japon par exemple).

On remarque que, c’est heureux, les deux pays les plus peuplés de la planète, voient eux une augmentation de la confiance envers les vaccins : la confiance est passée de 86 à 94,9 % en Chine et de 95,1 à 97,6 % en Inde.

Le rapport de l’UNICEF montre aussi que cette tendance inquiétante est plus marquée chez les moins de 35 ans, ceux qui naturellement sont plus susceptibles d’avoir des enfants qu’il faudrait vacciner.

Comment expliquer cette détérioration?

Les vaccins traditionnels (rougeole-oreillons-rubéole (ROR), diphtérie-tétanos-coqueluche (DTC) et poliomyélite) ont fait les frais des doutes farfelus exprimés à l’encontre des vaccins contre la COVID-19. Il y a eu une libération de la parole délétère antivaccin et beaucoup de confusion.

Si l’on peut comprendre des doutes exprimés sur des vaccins efficaces à 60 ou 70 %, produits très rapidement et sans que l’on soit en mesure d’en connaitre tous les effets à long terme, cela n’a strictement rien de comparable avec les vaccins infantiles utilisés depuis des décennies et dont l’efficacité se situe bien au-delà de 90 %.

La pandémie de COVID a entrainé un déchainement des discours antiscientifique et les médias sociaux avec leurs chambres d’écho ont fait le reste. Ajoutez à cela la montée du populisme et un individualisme postmoderne forcené promouvant l’idée que seule sa personne compte et que toutes les opinions se valent et vous avez tous les ingrédients réunis.

Il y a là une importante leçon à retenir pour les décideurs publics. Plutôt que des injonctions, il aurait fallu beaucoup plus de sensibilisation auprès des citoyens pendant la pandémie. Certains gouvernements ont aussi fait preuve d’antiscience pour défendre leurs mesures prises à la hâte.

Pourquoi l’enjeu est-il important?

Il faut tout d’abord souligner que ces mauvais chiffres sur la confiance vaccinale arrivent au pire moment puisqu’en raison de la pandémie, l’accès aux réseaux de la santé a diminué et que donc la couverture vaccinale a elle aussi baissé.

Dans beaucoup de pays, les services de vaccination ont été mis sur pause, tout comme les grandes campagnes de vaccination dans les pays pauvres.

En juillet 2022, l’OMS et l’UNICEF tiraient déjà la sonnette d’alarme sur le fait que la pandémie était responsable du plus grand recul en 30 ans de la vaccination dans le monde. Ils soulignaient qu’en 2021, 25 millions de nourrissons n’avaient pas reçu les vaccins vitaux.

Le rapport d’avril 2023 de l’UNICEF a actualisé ces chiffres : 67 millions d’enfants ont été privés de leurs vaccins entre 2019 et 2021. La couverture vaccinale a baissé dans 112 pays, y compris au Canada.

Or, si l’on prend le cas de la rougeole, maladie extrêmement contagieuse et mortelle, il faut que 95 personnes dans un groupe de 100 soient vaccinées pour éviter la propagation de la maladie.

Il y a donc un important effort de rattrapage à effectuer dans un contexte difficile étant donné que les systèmes de santé sont tous, et partout, en déliquescence, et justement en mode rattrapage dans tous les domaines.

Les conséquences sanitaires n’ont pas tardé à se manifester. Toujours d’après le rapport de l’UNICEF, en 2022, les cas de rougeole ont été multipliés par deux par rapport à l’année précédente. La polio est elle aussi en forte augmentation.

On assiste, notamment en Afrique, à une multiplication des épidémies, car seuls 67 % des enfants d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont reçu leur vaccination contre la DTC, par rapport à 80 % en moyenne dans le monde.

Faut-il rappeler que ces maladies infantiles sont mortelles dans de nombreux cas et laissent de très graves séquelles dans bien d’autres?

Comment remédier au problème?

Dans les pays riches comme le Canada, ces maladies ont été quasiment éradiquées grâce à la vaccination. Dans les pays pauvres, des millions d’enfants meurent encore chaque année de ces maladies.

Cette iniquité est une des plus grandes injustices du monde.

Il faudrait vraiment peu si l’on voulait sincèrement vacciner tous les enfants dans le monde. Il suffirait de quelques voyages en moins dans l’espace. Ce serait bien peu cher payé.

Alors voilà que, pour des raisons parfaitement absconses, la population dans les pays du Nord fait maintenant la fine bouche sur des vaccins qui lui sont offerts gratuitement.

C’est le symbole même de l’hyperindividualisme crasse. Sous prétexte d’avoir le droit de «croire ce que l’on veut», on fait fi de l’intérêt général. Se faire vacciner sert d’abord et avant tout à protéger les autres.

Il y a plusieurs pistes d’action possibles. La première consiste à revenir à de véritables politiques de vaccination obligatoire pour la fréquentation des établissements scolaires. Il ne devrait pas être possible de contourner cette obligation en signant une simple lettre argüant de motifs religieux ou pseudoreligieux.

La France, par exemple, exige que les enfants soient vaccinés pour l’entrée à l’école, sans dérogation possible «sauf contrindication médicale».

Certains trouveront qu’il s’agit d’une mesure qui va trop loin, mais pensons-y un instant. Quand les employeurs, notamment le gouvernement canadien, ont rendu la vaccination de leurs employés obligatoire pendant la pandémie, les tribunaux leur ont donné raison.

La deuxième piste d’action concerne la mobilisation des chefs de file cultuels pour que l’argument religieux ne soit pas utilisé à des fins d’évitement de la vaccination.

La troisième piste, plus radicale certes, mais très séduisante, a trait à un aspect pécuniaire et repose sur une logique simple. Si une personne refuse de faire vacciner son enfant, elle doit payer une taxe (quand le gouvernement du Québec avait proposé une telle taxe pour le vaccin contre la COVID, avant de faire marche arrière, les sondages montraient qu’une forte majorité de Québécois appuyaient cette idée).

Les sommes perçues par cette taxe seront entièrement affectées à l’achat de vaccins pour les enfants des pays pauvres.

Selon l’OMS, 33 millions d’enfants africains doivent être vaccinés d’ici à 2025 pour atteindre «les objectifs mondiaux de vaccination pour 2030, notamment la réduction de la morbidité et de la mortalité dues aux maladies évitables par la vaccination».

Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des facultés de Sciences humaines et de Philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.

La dernière année n’a pas été de tout repos pour la ministre Petitpas Taylor. Au moment du dépôt du projet de loi C-13 modernisant la Loi sur les langues officielles, le 1er mars 2022, peu de personnes s’attendaient à ce qu’un an plus tard, cette mesure législative ne soit toujours pas adoptée.

Après plusieurs retards, et des débats parfois houleux, l’examen du projet de loi au Comité permanent des langues officielles s’est enfin conclu le 31 mars dernier. Le texte de loi pourra maintenant faire l’objet d’un troisième et dernier vote aux Communes avant d’être envoyé au Sénat.

L’élément qui a permis en grande partie de faire débloquer les travaux est une entente entre les gouvernements du Canada et du Québec concernant une série d’amendements sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.

Au départ, le gouvernement québécois souhaitait que les entreprises situées au Québec soient obligatoirement assujetties à la Charte de la langue française du Québec. Ce ne sera pas le cas. Toutefois, les amendements adoptés font en sorte que le projet de loi C-13 comprend désormais des obligations très similaires à la législation québécoise sur ce sujet.

La ministre Petitpas Taylor et le ministre québécois de la Langue française, Jean-François Roberge, ont tous deux mis de l’eau dans leur vin pour trouver un terrain d’entente plutôt que de rester campés sur leur position de départ.

Dans une époque marquée par le cynisme en politique, ce type d’entente est un vent de fraicheur. Ce sont les francophones de partout au pays et la langue française qui en ressortent gagnants.

À lire aussi : Langues officielles : le projet de loi reprend le chemin des Communes

Une stratégie politique à point

En obtenant l’appui du gouvernement du Québec à son projet de loi, la ministre Petitpas Taylor s’assure de son adoption aux Communes.

Sur Twitter, le ministre Roberge a qualifié la version amendée du projet C-13 «d’avancée majeure pour la vitalité du français au Québec et au Canada».

Les troupes de Pierre Poilievre souhaitent faire des gains au Québec lors des prochaines élections fédérales. Ce serait partir d’un bien mauvais pied pour eux que de voter contre un projet qui renforce la protection du français, pas seulement selon les dires des libéraux, mais aussi ceux du gouvernement du Québec.

— Guillaume Deschênes-Thériault, chroniqueur - Francopresse

Des élus conservateurs du Québec se sont d’ailleurs posés à plusieurs reprises en tant que défenseurs des communautés francophones au Canada dans les derniers mois.

Cette entente à caractère historique entre Québec et Ottawa sur la protection du français place le Bloc québécois dans une position délicate. La formation politique exploite généralement à son avantage les désaccords entre les deux ordres de gouvernement, en particulier sur les questions linguistiques ou identitaires.

Après cette sortie du ministre Roberge, il serait aussi malaisé pour les bloquistes de voter contre le projet de loi C-13 sans entacher leur crédibilité.

Un vote contre le projet serait associé à une préférence pour la perpétuation des disputes entre Ottawa et Québec plutôt que la recherche de solution gagnant-gagnant.

Enfin, l’appui des néodémocrates au projet ne fait aucun doute.

Un vote unanime?

Rappelons qu’au cours des derniers mois, ce ne sont pas seulement les partis d’opposition qui ont mis des bâtons dans les roues au gouvernement dans le dossier de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Des députés libéraux montréalais ont remis en question publiquement le projet de loi au nom de la protection de la minorité anglophone du Québec.

 À lire aussi : Des divisions au détriment des francophones

Le premier ministre Justin Trudeau devrait imposer la ligne de parti à l’ensemble de son caucus. Il s’agirait d’une reconnaissance du travail accompli par la ministre Petitpas Taylor, qui a mené à bien un engagement électoral du Parti libéral.

De plus, un vote unanime de la Chambre des communes sur le projet de loi C-13 aurait une forte portée symbolique quant à l’importance des langues officielles au Canada. Il serait malvenu que les seuls votes défavorables à ce projet proviennent des rangs des libéraux.

Des fonds supplémentaires pour les langues officielles

Par un concours de circonstances, quelques jours avant la fin des travaux en comité entourant C-13, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a dévoilé le budget fédéral de 2023.

Ce budget prévoit une enveloppe de 1,1 milliard de dollars supplémentaires pour les langues officielles au courant des cinq prochaines années.

Les détails concernant ces nouveaux investissements seront dévoilés lors du dépôt du Plan d’action pour les langues officielles, prévu en principe d’ici la fin avril. Une partie de ces fonds pourrait aussi être consacrée à la mise en œuvre de la loi modernisée.

Pour la ministre Petitpas Taylor, l’obtention de fonds supplémentaires dans cet exercice financier est un autre bon coup. Il s’agit certainement du fruit d’un important travail en coulisses pour s’assurer que les langues officielles obtiennent leur part du gâteau.

NOTICE BIOGRAPHIQUE

Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick au Nouveau-Brunswick.

Je ne répèterai pas les énormités et les mensonges qui servent à soutenir les mouvements antitrans ni les calomnies qui se répandent. Je rappellerai plutôt que les personnes trans ont toujours existé, même si leurs modalités d’expression et de compréhension de leur genre ont pu changer au fil des époques et des cultures.

Toutefois, leur présence au sein de la société canadienne n’est souvent soulignée publiquement que par une participation mitigée à la journée du souvenir trans, qui marque la violence inouïe à laquelle les personnes trans sont exposées, ou encore à la journée de la visibilité transgenre, visibilité qui peut d’ailleurs ouvrir à de nouvelles menaces lorsqu’elle ne s’accompagne pas de davantage de mesures pour assurer leur sécurité.

Comme l’explique la militante et autrice Lexie, «[o]n ne voit pas les personnes trans, on voit ce qui intéresse les personnes cisgenres sur les personnes trans» : les questions «choquantes», les suicides, les assassinats.

Être visible dans un contexte où la violence demeure encore plus présente que pour la plupart des autres catégories sociales reste un danger ; mais n’être visible que par ces dangers ne contribue pas à faire connaitre les diverses manières de vivre et de comprendre le genre qui ont pu exister au fil de l’histoire. Il en faut encore davantage pour appuyer les personnes trans, qu’elles soient jeunes ou vieillissantes.

Le Canada peut-il répondre à la situation américaine?

La mécompréhension et la haine n’existent pas que du fait de l’ignorance.

Aux États-Unis, une jeune personne trans sur quatre vit dans des États où les soins d’affirmation de genre ont été bannis, et une autre sur les mêmes quatre risque de perdre l’accès à ces soins. Dans certains cas, un enfant trans pourrait même être enlevé à ses parents.

Ces lois et projets de loi sur les soins de santé ne représentent qu’environ un quart des mesures législatives qui visent les personnes trans ou non conformes au genre.

Notons que si certains États – comme le Minnesota – avancent dans la direction opposée, se présentant même comme États refuges pour les personnes trans et leur famille, il est loin d’être certain que ces mesures suffiront à les protéger.

Heureusement, la situation est tout autre au Canada.

Une loi adoptée en 2017 a rendu illégale la discrimination ainsi que la propagande haineuse sur la base de l’identité ou de l’expression de genre, et fait des préjugés et de la haine en relation au genre, une circonstance aggravante lorsqu’un crime est commis.

Afin d’étendre ces protections aux populations des États-Unis et du Royaume-Uni, où des mesures législatives similaires à celles des États-Unis sont en cours de préparation, une pétition a récemment été lancée afin de faciliter l’accès au statut de réfugié pour les personnes trans de ces pays jugés sécuritaires – et de tout pays.

Mais même si, à terme, la pétition pourrait mener à des mesures législatives, il faudra plusieurs changements pour offrir un refuge aux Américains et Américaines, qui se le voient refuser la plupart du temps.

Le Canada répond-il à sa propre situation?

Notons toutefois que l’état des choses au Canada est loin d’être si propice à une bonne vie pour les personnes trans et plus largement pour les communautés de la diversité sexuelle et de genre.

Les délais demeurent longs pour avoir accès aux chirurgies d’affirmation de genre : il faut environ deux ans simplement pour avoir accès aux cliniques spécialisées de Montréal et de Vancouver – les deux seules au pays. Les personnes réfugiées 2ELGBTQIA+ ne reçoivent pas le soutien nécessaire pour surmonter les obstacles posés par une discrimination qui demeure bien réelle.

Cette discrimination s’étend aux soins de santé – et même au système juridique, qui devrait pourtant servir à l’enrayer.

Une campagne est en cours pour influencer les conseils scolaires et les conseils d’école, voire prendre leur contrôle afin d’empêcher l’enseignement des connaissances liées au genre et à la sexualité.

Et on voit aussi au Canada une augmentation du nombre de crimes haineux commis contre les personnes trans, en particulier et plus généralement contre les personnes 2ELGBTQIA+.

Comment savoir?

Ces remises en question des connaissances qui ont été développées au sein des milieux médicaux ainsi que les communautés de la diversité sexuelle et de genre sèment la confusion et la haine. Elles contribuent à réduire l’appui pour les mesures qui visent à protéger les personnes trans et pour les programmes qui cherchent à démanteler les obstacles aux services dont profite déjà le reste de la population (pensons au traitement hormonal substitutif).

C’est ainsi qu’une centaine de personnes se sont exprimées à Saskatoon sur la question de l’accès aux toilettes : on y a créé un débat qui fait place autant aux perspectives informées qu’à celles qui sont la conséquence de préjugés et de l’incitation à la haine.

Pourtant, y a-t-il mieux comme spécialistes de ces enjeux que les personnes qui vivent une vie trans, c’est-à-dire qui ont eu à se questionner, à faire des essais, à se renseigner, à théoriser, à échanger avec leurs proches, à créer de nouvelles relations ; qui ont dû tenir ferme souvent devant l’abandon par leurs proches ou encore devant le harcèlement, la perte d’emploi, les menaces, la violence subie, la mort violente des autres personnes trans?

Il faut ainsi célébrer la création d’un programme de mentorat par les pairs à Regina (notamment grâce au soutien de l’entreprise bilingue Ivy + Dean Experts-Conseils) ou encore l’embauche (en 2017) du professeur transgenre Alexandre Baril à l’Université d’Ottawa.

Avec le succès de la littérature trans, on peut également se tourner vers le roman de Gabrielle Boulianne-Tremblay ou encore les recueils de poésie de Pascale Bérubé et de Xavier Gould, dans lesquels ces artistes littéraires explorent tant les réalités vécues que leurs espoirs.

Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont «La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie» (Metispresses, 2018).

Dans certaines communautés du Népal, par exemple, les femmes sont contraintes de s’exiler dans une hutte à l’écart du village durant toute la durée de leurs règles. Une pratique dangereuse interdite par la loi, mais qui semble perdurer, hélas, dans certaines régions reculées.

Cette notion d’impureté se retrouve dans la plupart des religions, qui ont interdit ou interdisent encore l’accès de leurs lieux sacrés aux personnes menstruées.

Plus proche de nous, un sondage américain montre que plus d’une femme sur deux se sent honteuse pendant ses règles, et qu’une sur dix a déjà été humiliée par un membre de sa famille à ce sujet.

Au Canada, un récent rapport révèle qu’à peine 46 % de la population se sent à l’aise de parler ouvertement de menstruations. Les jeunes filles apprennent d’ailleurs vite à utiliser des métaphores pour désigner leurs règles : avoir ses «ragnagnas» ou «être dans sa semaine», par exemple.

Même les publicités pour protections hygiéniques évitent soigneusement de décrire les menstruations, préférant souvent un liquide bleu jugé moins choquant.

Si ces pratiques peuvent sembler inoffensives, elles renforcent l’idée que les règles sont quelque chose de sale, dont on ne peut parler en public – une stigmatisation qui puise ses origines dans le patriarcat et qui vise à contrôler le corps des femmes en les obligeant à se plier à certaines normes sociales.

Cette stigmatisation entraine un retard dans les connaissances et un manque d’information quant à la santé menstruelle, tant parmi le grand public que chez les spécialistes. Elle peut se traduire par des jours d’école et de travail manqués, des infections et des grossesses non désirées.

Les maladies liées aux menstruations sont elles aussi régulièrement passées sous silence ou ignorées. Par exemple, on a découvert qu’au Canada, plus de 500 000 femmes, soit 7 % des Canadiennes, souffrent d’endométriose, un trouble courant qui cause des douleurs menstruelles intenses, des crampes, des règles abondantes et l’infertilité.

Vu que cette maladie est méconnue, il faut généralement plus de cinq ans avant que les femmes obtiennent un diagnostic, ce qui les prive d’un traitement approprié.

La stigmatisation des règles peut également avoir des répercussions économiques et pratiques. Suivant les produits menstruels choisis, les dépenses à l’échelle d’une vie peuvent atteindre 5 000 $ pour les personnes menstruées, et ce, sans compter les éventuels médicaments contre la douleur et les lessives supplémentaires nécessaires.

Des couts que tout le monde ne peut pas se permettre : une enquête a montré qu’une personne menstruée sur cinq au Canada a du mal à s’offrir les produits hygiéniques dont elle a besoin, et que 34 % des Canadiennes ont déjà dû sacrifier quelque chose dans leur budget pour pouvoir s’offrir des produits menstruels.

Ce phénomène porte un nom : la précarité menstruelle. Elle a d’importantes répercussions psychologiques, sociales, scolaires et professionnelles, notamment en raison du double tabou des règles et de la précarité.

Pour pallier ce problème, en Écosse, des tampons et serviettes hygiéniques sont offerts gratuitement depuis 2022 à toutes les personnes qui en ont besoin, grâce à l’entrée en vigueur d’une loi contre la précarité menstruelle.

Au Canada, dans certaines provinces, comme en Colombie-Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse, les établissements scolaires distribuent gratuitement des produits menstruels aux élèves.

Il est grand temps que d’autres provinces emboitent le pas. Que les personnes puissent avoir accès à des informations claires et précises sur leur santé et leur corps, et qu’elles n’éprouvent aucune gêne à parler de leurs règles.

Julie Gillet est directrice du Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick. Ses chroniques dans Francopresse reflètent son opinion et non celle de son employeur.

On peut lire dans le budget fédéral que vient de déposer la ministre des Finances, Chrystia Freeland, que «l’accélération de la transition vers la carboneutralité a déclenché une course mondiale pour attirer les investissements à mesure que nos alliés bâtissent leur économie propre».

Et le gouvernement Trudeau n’avait visiblement pas envie d’être largué à l’arrière du peloton.

Ottawa prévoit investir pas moins de 80 milliards de dollars sur 10 ans pour inciter les entreprises établies en sol canadien à développer des technologies vertes et de l’énergie à faible émission de carbone.

Le gouvernement actuel souhaite faire du Canada une superpuissance énergétique et doubler, voire tripler, la capacité de production d’électricité au pays d’ici 2050 pour répondre aux besoins des industries de pointe qui chercheront encore davantage à réduire leur empreinte carbone.

Des entreprises dans des secteurs cibles, comme l’extraction de minéraux critiques, la filière des batteries ou de leurs composantes et l’industrie automobile, profiteront ainsi de conditions financières privilégiées pour se développer.

Pour parvenir à cette transformation du tissu industriel canadien, le gouvernement offrira surtout des crédits d’impôt et du financement avantageux, notamment par l’entremise de la Banque de l’infrastructure du Canada.

Outre la tarification du carbone, les Libéraux souhaitent éviter de réguler trop étroitement le marché. Ils veulent aussi éviter les subventions directes, quoique le gouvernement a déjà montré sa souplesse en ce sens avec l’implantation de la méga-usine de batteries de Volkswagen en Ontario.

À lire aussi : Budget fédéral – Un milliard de plus pour les langues officielles

Un coup de barre nécessaire

Il faut dire qu’un coup de barre s’imposait en raison de la pression venue du sud de la frontière.

Le gouvernement Trudeau a beau s’en défendre, la Reduction Inflation Act, loi phare de l’Administration Biden adoptée à l’été 2022 qui prévoit subventionner les technologies vertes à hauteur de 370 milliards de dollars américains au cours des 10 prochaines années, risquait de faire pencher la balance en faveur des États-Unis quand viendrait le temps pour les entreprises de choisir où investir.

Dans un contexte géopolitique incertain, où la mondialisation se transforme sous nos yeux et où les puissances occidentales cherchent à rapatrier leurs chaines de production névralgiques plus près de chez elles (et plus loin de la Chine!), il n’est pas étonnant de voir le Canada emboiter le pas aux États-Unis.

L’autre facteur, c’est qu’au rythme actuel, le Canada est loin d’être sûr d’atteindre ses objectifs climatiques à long terme.

Malgré un rapport encourageant à cet effet publié par le ministère de l’Environnement en début d’année, le Canada continue d’avoir une empreinte carbone insoutenable, près de dix fois plus élevée que le niveau nécessaire pour limiter l’augmentation de la température du globe à 1,5 °C.

En misant sur la production d’énergie propre et les technologies vertes, le gouvernement fait le pari du technosolutionnisme. Tout va très bien, Madame la Marquise. Pas besoin de changer nos habitudes de vie, on aura tous une voiture électrique, on enfouira tout ce carbone, et puis hop, le problème sera réglé.

Si la solution proposée par le gouvernement est séduisante dans une optique économique à court et moyen terme, elle ne garantit pas que le Canada réussira à faire sa juste part dans la lutte aux changements climatiques.

— David Dagenais, chroniqueur - Francopresse

Il n’est pas certain non plus qu’elle ait l’effet voulu. Pour profiter de crédits d’impôt, des entreprises doivent être prêtes à investir ici, et l’attrait du géant américain restera certainement fort.

Néanmoins il faut reconnaitre qu’il y a longtemps que le Canada ne s’était pas doté d’une politique industrielle digne de ce nom. Et si le gouvernement fédéral souhaite à terme se défaire de sa dépendance financière aux énergies fossiles, le développement des technologies vertes constitue probablement un pas dans la bonne direction.

À lire aussi : Un budget fédéral rouge orange

Des finances publiques déficitaires, mais viables

Les finances publiques se sont détériorées depuis la dernière mise à jour économique du gouvernement à l’automne. On y prévoyait un déficit d’un peu plus de 30 milliards de dollars pour l’exercice financier de 2023-2024. Six mois plus tard, le déficit prévu atteint maintenant 40 milliards de dollars.

Cette dégradation des comptes publics s’explique entre autres par quelques nouvelles dépenses, dont les 7,3 milliards de dollars ajoutés au nouveau régime canadien de soins dentaires. Ce programme est au cœur de l’entente entre les Libéraux et le NPD et devrait garantir au gouvernement Trudeau l’adoption de son budget aux Communes.

Il y a aussi quelques mesures ciblées, telle la bonification du crédit de TPS pour aider les contribuables les plus pauvres à boucler leurs fins de mois, qui coutera 2,5 milliards de dollars au gouvernement cette année.

Il faut ajouter à cela l’incertitude économique qui continue de peser lourd dans les comptes du gouvernement. L’augmentation des taux d’intérêt se répercute sur les paiements de la dette, et la croissance anémique prévue en 2023 (à peine 0,3% du produit intérieur brut [PIB]) limitera les revenus.

Pour compenser ces dépenses et ces baisses de revenus, le gouvernement Trudeau fera des compressions dans la fonction publique, qui était en croissance continue depuis son arrivée au pouvoir. Malgré cela, sa marge de manœuvre sera plus mince qu’il y a quelques mois.

Même si le gouvernement ne prévoit plus revenir à l’équilibre budgétaire dans un avenir prévisible, le déficit reste soutenable par rapport à la taille de l’économie canadienne.

— David Dagenais, chroniqueur - Francopresse

Un déficit prévu équivalent à 1,5% du PIB en 2023 reste enviable. Par exemple, les spécialistes prévoient que le déficit sera de 5,3% du PIB aux États-Unis et de 5,1% du PIB au Royaume-Uni en 2023.

L’inflation est en voie de se résorber et aucun analyste ne s’attend à ce que les banques centrales conservent des taux directeurs élevés au-delà de 2023.

La situation économique du gouvernement canadien devrait donc s’améliorer dans les années à venir, mais aujourd’hui sa marge de manœuvre est certainement réduite.

Notice biographique

David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir terminé des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.

En quoi consiste le régime des retraites en France?

Le système des retraites en France est un legs de la Seconde Guerre mondiale.

En 1945, la France a mis en place la Sécurité sociale et, dans ce cadre, un régime d’assurance vieillesse.

À cette époque, l’âge légal de la retraite était de 65 ans, mais il a été abaissé à 60 ans en 1983.

Le système français de retraite par répartition repose sur la solidarité intergénérationnelle. On peut le qualifier à la fois de régime juste, a priori égalitaire et relativement généreux mettant de l’avant le bien commun. En 1956, le gouvernement français a également mis en place un minimum vieillesse.

Le principe de solidarité intergénérationnelle signifie que les cotisations au régime d’assurance vieillesse versées par les travailleurs actifs servent à payer les retraites des personnes inactives.

Or, si en 1950 il y avait 4 actifs pour 1 retraité, en 2020 il y avait moins de 3 actifs pour 1 retraité. Selon les prévisions de l’OCDE, ce rapport s’établira à 1,8 pour 1 en 2050. Autant dire aujourd’hui, puisque le système repose sur une logique intergénérationnelle.

En 1991, un livre blanc fort important a mis en lumière l’incidence des changements démographiques à venir sur ce système basé sur le principe de répartition. De là découle une première réforme, en 1993, qui fait passer la durée de cotisation pour obtenir une retraite pleine de 37,5 ans à 40 ans.

Cependant, cette réforme ne touchait pas au problème épineux des régimes spéciaux, qui se comptent par dizaines en France.

Ces régimes spéciaux visent notamment certaines catégories professionnelles, telles que les cheminots de la Société nationale des chemins de fer français, les employés de la société Électricité de France et de la Régie autonome des transports parisiens, et les élus.

D’autres réformes ont suivi, comme celle de 2010, qui a reculé à nouveau l’âge de la retraite pour la fixer à 62 ans.

Chaque fois qu’un gouvernement a tenté de modifier en profondeur l’assurance vieillesse afin d’harmoniser les différents régimes et de maintenir le financement du système, la fronde s’est organisée, et les grèves ont habituellement eu raison des grandes ambitions de réforme.

Autrement dit, depuis trois décennies, les gouvernements successifs n’ont pu faire que des réformettes.

Que propose la réforme actuelle?

Depuis sa première élection à la magistrature suprême en 2017, le président Macron s’attèle à une nouvelle réforme qui permettrait de répondre aux besoins du régime.

Sa proposition consiste principalement à faire passer l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans et la durée de cotisation à 43 années. Non pas pour embêter les Français, mais tout simplement parce que la réalité démographique fait en sorte que la pérennité du régime est en jeu à terme.

De la part des syndicats, des manifestants et de la majorité des Français opposés à cette réforme, il y a donc un déni flagrant de la réalité.

La France n’a certainement pas le meilleur système au monde, mais quand on se compare, on se console.

Le système français correspond, régimes spéciaux mis à part, à l’idéal républicain d’égalité et de fraternité. Il mutualise le risque vieillesse. Il réduit considérablement la pauvreté des personnes âgées (4,1% des plus de 75 ans ont un revenu inférieur à 50% de la médiane nationale par comparaison à 16,2% dans les autres pays de l’OCDE).

Il est à bien des égards à l’opposé du régime de pensions du Canada qui repose largement sur un principe de capitalisation individuelle selon lequel plus on est riche, plus on peut mettre de l’argent dans ses REER pour se faire une retraite dorée.

Le régime de base de pensions du Canada permet à peine de vivre au-dessus du seuil de pauvreté, le montant mensuel de la pension de la Sécurité de la vieillesse en 2023 étant de 687,56 $ pour les 65 à 74 ans et de 756,32 $ pour les 75 ans et plus; en France le minimum vieillesse au 1er janvier 2022 était de 916,78 € (soit environ 1 353 $ CA).

Par ailleurs, le Canada ne prend pas en compte le fait d’avoir eu des enfants dans le calcul de la retraite, alors qu’en France, huit trimestres (soit deux ans) de cotisation sont octroyés pour chaque enfant.

Enfin, la plupart des pays de l’OCDE ont un âge de départ à la retraite qui s’établit à 65 ans, voire 67 ans. Il ne semble donc pas complètement aberrant de travailler jusqu’à 64 ans pour conserver un régime qui fait l’envie de plusieurs.

L’impasse démocratique

Cela étant dit, vu ce que ce système représente dans l’imaginaire des Français, une réforme comme celle souhaitée par l’exécutif français exige l’adhésion d’une majorité de la population.

Force est de constater que ce n’est pas le cas.

Il aurait fallu que le gouvernement fasse preuve d’un effort pédagogique soutenu pour convaincre la population française du bienfondé de cette réforme, et notamment du recul de l’âge de départ à la retraite.

On le sait, le président Macron a été «mal élu». Il n’est pas le pire, mais en aucun cas, il n’a recueilli un large appui parmi l’électorat. Son gouvernement est minoritaire à l’Assemblée nationale.

Il aurait donc fallu que Macron prenne le temps de bâtir un consensus politique.

Alors soit, le gouvernement Borne a bien tenté de créer ce consensus, mais il n’est pas facile dans un parlement où rivalisent les discours populistes de trouver des élus qui pensent encore à l’intérêt général.

L’utilisation de l’article 49.3 (qui, pour faire court, permet l’adoption d’un projet de loi sauf si une motion de censure est déposée puis adoptée à la majorité) est une faute politique dont le gouvernement et le président ne se remettront pas.

Mais surtout, le recours à cet article vient enfoncer un peu plus le clou dans le cercueil de la démocratie française, déjà bien malade.

Les Français aiment manifester. C’est un droit sacrosaint dans ce pays depuis 1789, et tant mieux.

Néanmoins, on ne peut que désavouer les saccages de bâtiments publics, les feux de poubelles, les dégradations, tout comme il faut condamner l’usage excessif des forces de maintien de l’ordre.

La sortie d’Emmanuel Macron sur la foule était plus que maladroite et déplacée.

En revanche, oui, il y a danger quand le peuple, le corps citoyen, se transforme en foule. Mais justement, c’est parce que la France n’a jamais été aussi proche du renversement de sa démocratie qu’il est du devoir des responsables politiques de ne pas jeter de l’huile sur le feu et de montrer l’exemple.

Ni Macron ni les partis d’opposition ne semblent comprendre l’urgence qu’il y a à ramener l’ordre, mais surtout à réparer la démocratie, à recréer du lien social, à rebâtir la confiance entre les citoyens et leurs élus.

Le climat délétère qui sévit actuellement est extrêmement inquiétant et on peine de plus en plus à voir comment la France évitera l’arrivée des forces néofascistes au pouvoir lors des prochaines élections.

Notice biographique

Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des facultés de Sciences humaines et de Philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du partenariat Voies vers la prospérité.

Poser des questions difficiles et exiger une reddition de compte des actions du gouvernement est dans le mandat du chef de l’opposition officielle. Thomas Mulcair, qui a occupé cette fonction de 2012 à 2015 avec le NPD, était particulièrement efficace avec son style direct et inquisitoire.

Formuler ses questions ou ses critiques de façon à retenir l’attention publique et médiatique sur un enjeu, comme l’inflation, la sécurité publique ou les finances publiques, est un atout. Pierre Poilievre va toutefois parfois plus loin et n’hésite pas à tomber dans la désinformation ou la sursimplification pour arriver à ses fins.

L’exemple du dossier de l’ingérence chinoise

Le premier ministre Justin Trudeau a tardé à réagir aux révélations d’ingérence chinoise lors des élections générales de 2019 et de 2021. Il a aussi esquivé les questions sur le moment où il a été mis au courant de la situation.

Plutôt que de mettre en place une enquête publique, demandée unanimement par les partis d’opposition, Justin Trudeau a plutôt créé un poste de rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère. Il a nommé l’ancien gouverneur général, David Johnston, à cette fonction.

Sur le fond, il est tout à fait normal que Pierre Poilievre talonne le gouvernement dans ce dossier. Il s’agit d’un enjeu qui met en cause la sécurité nationale et l’intégrité du processus démocratique. Le gouvernement doit rendre des comptes sur ses actions pour renforcer la protection de nos institutions contre toute ingérence étrangère.

Toutefois, les réactions du chef de l’opposition officielle dans ce dossier ne sont pas de la qualité de celles que l’on peut attendre d’un premier ministre potentiel.

Ses propos ont manqué de sérieux à plusieurs reprises. Par exemple, durant la période des questions, il a fait un lien entre le poste de rapporteur et la tendance à Justin Trudeau à se costumer : «Le rapporteur nous arrivera-t-il avec un costume, peut-être une cape et une épée?»

Sur Twitter, il n’y est pas non plus allé de main morte pour discréditer la nomination de M. Johnston. Selon lui, «Justin Trudeau a nommé un “ami de la famille”, ancien voisin du chalet et membre de la fondation Trudeau financée par Pékin, pour être le rapporteur “indépendant” sur l’ingérence de Pékin» [traduction libre].

Rappelons que c’est l’ancien premier ministre conservateur, Stephen Harper, qui a nommé David Johnston au poste de gouverneur général en 2010.

Critiquer l’approche du gouvernement de faire appel aux services d’un rapporteur spécial plutôt que d’annoncer une enquête publique indépendante immédiatement est légitime. Ce qui l’est moins, c’est de tenter d’entacher la crédibilité d’une personnalité publique avec une feuille de route sans faute à des fins purement partisanes.

Par ses propos, M. Poilievre s’en prend aussi à la Fondation Pierre Elliott Trudeau, un organisme de bienfaisance indépendant et sans affiliation politique. Cette fondation offre des bourses doctorales parmi les plus prestigieuses au pays.

D’éminentes personnalités publiques au Canada sont associées à la Fondation à titre de membres ou de mentors. Le fait que David Johnston en a été membre ne remet en rien sa capacité à occuper ses nouvelles fonctions.

De même, laisser entendre que la Fondation est financée par Pékin est une déformation de la réalité. En fait, après avoir été mise au courant d’un lien potentiel entre un don de 200 000 $ reçu en 2016 et le gouvernement chinois, la Fondation a remboursé le montant dans son intégralité.

Une accusation très sérieuse

Plus problématique encore, en point de presse, Pierre Polievre a déclaré que Justin Trudeau «a encouragé l’ingérence étrangère parce que c’était son intérêt et l’intérêt de son parti». Il s’agit d’une accusation très sérieuse.

Il n’y a aucune raison de croire que les libéraux aient joué un quelconque rôle pour encourager une puissance étrangère à interférer dans les élections. Ce type d’insinuation, sans fondement, ne peut que miner la confiance du public dans le processus électoral.

Dans le contexte d’une montée des propos haineux en ligne, la classe politique devrait être d’autant plus aux aguets des répercussions de leur propos.

M. Poilievre devrait relire le blogue publié en début d’année par son prédécesseur, Erin O’Toole, dans lequel il met en garde contre la détérioration du climat politique au Canada. M. O’Toole rappelle d’ailleurs que «M. Trudeau était son adversaire politique pas son ennemi».

Une remise en cause des médias

La gestion du dossier de l’ingérence chinoise n’est pas une anecdote dans le parcours de M. Poilievre, mais est plutôt illustrative de son approche politique.

Un autre élément problématique est son aversion à l’égard des médias, pourtant essentiels à une démocratie saine. Il a d’ailleurs boudé la presse parlementaire pendant plusieurs mois, avant de se résigner à répondre aux questions des journalistes.

Peu de temps après son entrée en poste, il demandait à ses partisans des dons pour l’aider à contourner les «médias biaisés». Il a d’ailleurs déjà qualifié à plusieurs reprises la CBC «d’outil de propagande gouvernemental». Ce type de propos ne sont pas sans rappeler ceux d’un ancien président au sud de la frontière…

Les élus, en particulier les personnes qui occupent un poste de premier plan, ont un rôle à jouer pour conserver la confiance du public envers les institutions démocratiques et préserver un climat social sain.

Jusqu’à présent, Pierre Poilievre n’a pas fait la démonstration qu’il est prêt à occuper les fonctions de premier ministre.

Jouer avec les faits, attaquer les médias et faire preuve de partisanerie à outrance en s’en prenant à la réputation d’autrui ne semble pas être la meilleure approche pour élargir sa base électorale. Au contraire, cela pourrait avoir des conséquences négatives à long terme sur le climat politique au Canada.

Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick au Nouveau-Brunswick.

En cette première Journée québécoise de la francophonie canadienne, c’est l’occasion d’être solidaires et d’exprimer avec passion et résilience notre attachement commun à la langue française.

Nos carrières respectives nous ont menées à la rencontre de gens formidables qui vivent en français, que ce soit sur les rives de l’Acadie, au cœur des Prairies, en Ontario, au Yukon et au Québec. Ces personnes qui continuent de résister avec force et conviction méritent toute notre admiration.

Même si les racines de la francophonie canadienne sont profondément ancrées dans l’histoire, ces communautés n’échappent pas aux défis engendrés par l’omniprésence de la langue anglaise, la mondialisation et la proportion toujours décroissante du nombre de francophones, comme le confirment les récentes statistiques.

Au Québec, bien que nous soyons majoritairement francophones, nos enjeux sont essentiellement les mêmes ; la découvrabilité des contenus en français sur le web, l’attractivité de l’anglais chez les jeunes, la francisation des nouveaux arrivants et la diminution de la proportion de locuteurs de langue française.

Face à ces enjeux, nous devons faire front commun pour freiner le déclin du français. Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée québécoise de la francophonie canadienne, engageons-nous avec bienveillance et solidarité à nous rapprocher afin de bâtir un réseau de francophones déterminés à protéger ainsi qu’à valoriser la langue française.

Un pas dans la bonne direction serait d’aller à la rencontre de l’autre pour connaitre sa réalité et mettre de l’avant ce qui nous unit : notre histoire, nos racines et notre désir de vivre en français. C’est aussi, notamment, de favoriser la mobilité d’étudiants et d’étudiantes francophones, de développer des réseaux d’affaires, de municipalités et de miser sur la jeunesse afin d’afficher notre fierté d’être francophones. Nous avons tout avantage à partager nos expertises en construction identitaire, en éducation, en formation professionnelle, en culture et dans le secteur de la recherche en français.

La francophonie est présente sur l’ensemble du territoire canadien depuis plus de quatre siècles. À divers moments de notre histoire, nous avons tous mené des luttes pour préserver nos droits. Ensemble, nous devons tout mettre en œuvre pour protéger les acquis et favoriser la pérennité de notre langue et de nos communautés.

L’honorable Liza Frulla – C.P., C.M., O.Q., directrice générale de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec et ancienne ministre de la Culture et des Communications du Québec (1990-1994) et ministre du Patrimoine canadien (2004-2006)

Louise Beaudoin – O.Q., ancienne ministre déléguée aux Affaires intergouvernementales canadiennes (1994-1996), ministre de la Culture et des Communications (1995-1998) et ministre des Relations internationales du Québec (1998-2003)

Pour l’année 2023, les Rendez-vous de la Francophonie prennent pour thème «Célébrations». La Journée internationale de la Francophonie porte quant à elle sur «321 millions de francophones, des milliards de contenus culturels».

Certes, de telles occasions de souligner ce qui nous unit auront tendance à s’ouvrir à de multiples interprétations. Toutefois, on peut se demander ce qui est rassemblé par des slogans aussi vastes et au contenu aussi vague.

Ce caractère vague vient peut-être de l’attention qu’on porte à la langue, alors que celle-ci se rattache à tant de situations personnelles et collectives.

Il en va tout autant de la diversité rattachée à la langue et à la francophonie canadienne comme internationale : prise comme valeur, elle se trouve derrière la promotion de la «richesse» et de la variété des contenus et produits culturels de la francophonie.

La diversité comme rideau

Cette diversité a-t-elle un contenu réel? Il existe tant de caractéristiques qui nous distinguent et servent à nous rassembler que célébrer la diversité revient simplement à constater un fait.

Il est tout à fait louable de refuser de définir un groupe par une seule caractéristique ou en relation à une seule norme. On sait toutefois que le mot «diversité» a plutôt tendance à être utilisé comme euphémisme pour parler de diversité culturelle.

Valoriser cette diversité en soi a l’effet de nous détourner des revendications des personnes qui sont reléguées à la diversité (elles en sont «issues») et ainsi montrées comme différentes du groupe majoritaire.

Leurs revendications incluent plutôt la fin des discriminations, l’accès aux emplois et aux postes de prise de décisions et, dans le cas des personnes immigrantes, la capacité à retrouver leur famille plus aisément.

Or trop souvent, la célébration de la diversité est un engagement vague, une idole faite pour meubler les discours, mais trop souvent tenue à distance des actions réelles. La diversité est gérée : on la célèbre, on sensibilise la majorité et on éduque cette dernière – mais les frontières sont maintenues.

Les origines de la Francophonie

Une véritable défense de la diversité des expériences francophones viserait plutôt à démonter les obstacles et défaire les hiérarchies. Nous aurions alors la chance de célébrer ensemble des transformations, des accomplissements, et ainsi maintenir les liens créés dans ces projets communs et solidifier une ouverture à l’autre déjà éprouvée dans des projets communs.

Célébrer, sensibiliser et éduquer ne pourront pas suffire : les limites à une Francophonie sont structurelles et héritées de sa construction.

Lors de sa création, l’ancêtre de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) répondait à la désagrégation de l’Empire français dans la foulée des indépendances des anciennes colonies.

Les ex-colonies visaient à établir une collaboration culturelle et technique pour s’appuyer dans leur développement. Tandis que la France s’opposait d’abord à cette nouvelle union, elle a rapidement décidé d’y prendre une place pour l’orienter à ses propres fins : conserver l’Afrique.

L’OIF sert ainsi de vecteur pour étendre l’influence française (ou encore canadienne) et pour assurer l’accès aux marchés africains, rôle au moins aussi important que celui de contrepouvoir et d’aide mutuelle.

Cette domination extérieure passe notamment par les politiques néocoloniales qui se déploient dans la Françafrique, cet ensemble de pays où la France tente de maintenir le contrôle nécessaire au fonctionnement économique de multinationales françaises.

La francophonie canadienne, quant à elle, s’est bâtie d’une part sur une politique menée par l’Église catholique, où la langue était entremêlée à la religion, aux origines ethniques et à un projet de colonisation par l’agriculture.

D’autre part, elle repose sur une politique d’immigration canadienne qui a longtemps empêché l’arrivée de francophones non blancs. Cette francophonie est par conséquent fortement balisée, comprise en relation à des frontières nationales et religieuses.

Ces structures sont en changement, certes, mais elles ne se déferont pas du jour au lendemain – et surtout pas dans l’ignorance de leur pérennité.

À lire aussi : Régulariser l’immigration au Canada

La Francophonie, un terrain pour l’internationalisme

L’idéal internationaliste est une manière de contrer ces définitions nationales et frontalières de la francophonie, et de donner à celle-ci un contenu engageant.

On trouve cet idéal dans l’engagement de la militante et philosophe communiste Rosa Luxemburg.

Son refus de la politique belliciste à l’aube de la Première Guerre mondiale montrait comment la mise en avant des différences nationales servait à empêcher une transformation du régime économique tout en permettant le maintien des visées impériales.

À la solidarité que les dominants maintenaient entre eux, elle opposait la solidarité possible des classes ouvrières de tous les pays, qui pourraient ensemble transformer les structures économiques qui favorisaient leur exploitation.

Une autre version de cet idéal se trouve dans le panafricanisme, un mouvement social et politique ainsi que culturel et intellectuel qui rassemble les personnes africaines et afro-descendantes dans un projet où les frontières s’estompent.

Il peut s’agir tant d’unir les pays d’Afrique que de créer des réseaux qui permettent de lutter pour se libérer des séquelles de l’esclavage et du colonialisme et de participer aux institutions communes ainsi transformées.

Au Canada, dans un contexte colonial différent, l’internationalisme passe d’abord par une reconnaissance de l’implantation coloniale de la francophonie, puis celle des distinctions nationales et de l’autodétermination des peuples autochtones. De là, une position non paternaliste de solidarité et de collaboration devient possible.

S’inspirer de l’internationalisme

Ces visions internationalistes combinent la lutte contre l’impérialisme et le colonialisme, mais ont également en commun l’idée que les frontières nationales servent avant tout à diviser pour mieux régner.

L’internationalisme peut nous inspirer dans la création de réseaux, dans la transformation de nos organismes, mais également dans notre manière de mettre en valeur la langue française.

Il ne s’agit pas de lui attribuer une valeur en soi, de l’ériger en vecteur de survie de certaines cultures, mais plutôt de créer de nouveaux liens, à l’encontre de ces liens qui existent entre ceux qui maintiennent la domination entre les pays et au sein des communautés.

Le 15 mars, Francopresse est devenu le premier partenaire francophone au Canada à obtenir la Marque Trust de l’organisme The Trust Project, un consortium international d’organismes de presse qui fait la promotion des normes de transparence en journalisme. L’objectif est de permettre au public de faire des choix éclairés en matière d’information.

En d’autres termes, les politiques d’information de Francopresse ont été évaluées par un comité de pairs confirmant que notre média respecte les huit indicateurs de confiance [en anglais seulement] établis comme des normes mondiales de transparence. Ces indicateurs permettent au public de savoir ce qui se trouve derrière un article d’actualité, une analyse ou une chronique.

Consultez les politiques journalistiques de Francopresse

Vous avez le droit de savoir

Nous avons tous vu apparaitre dans nos circuits, bien malgré nous, des informations non vérifiées, des nouvelles incomplètes ou encore mal interprétées, de la réappropriation de textes ou encore des nouvelles modifiées. À un point tel que même les lecteurs les plus aguerris peuvent se faire prendre au piège.

De manière générale, les journalistes respectent un code de déontologie et les politiques d’information de leur média. Ce qui, depuis fort longtemps, confirme leur engagement envers une offre d’information rigoureuse et de qualité. Mais, toutes ces mesures n’ont pas empêché la désinformation de prendre plus de place.

Il fallait donc prendre les grands moyens!

Vous avez le droit de savoir ce que vous lisez. Est-ce un publireportage, un article, une chronique? Vous avez aussi le droit de savoir ce que ces termes signifient. Vous avez le droit de savoir si vous avez affaire à du contenu d’opinion, du contenu commandité ou du contenu journalistique. Vous avez aussi le droit de savoir qui a écrit une nouvelle, pour quelles raisons un texte a été publié et quelle a été la démarche de production.

Pour lutter contre la désinformation, nous nous devons plus que jamais d’être transparents.

Ceci est un éditorial

Par exemple, en ce moment, vous lisez un éditorial, c’est-à-dire un contenu qui représente le point de vue de Francopresse. En cliquant sur la signature du texte, en haut à gauche, vous avez accès à mon profil où vous y trouverez notamment mon parcours professionnel et mes coordonnées. Depuis le 15 mars 2023, tous les contenus publiés sur Francopresse.ca contiennent ces marques de transparence conformément aux indicateurs de confiance de Trust Project. Pourquoi? Parce que vous avez le droit de savoir.

Partout dans le monde plus de 250 médias sont partenaires de Trust Projec. Ils se conforment aux huit indicateurs de confiance et appliquent la Marque Trust.

Tous les sites Web de ces médias contiennent aussi des balises numériques, reconnues notamment par Google, Facebook et Bing, permettant d’identifier des informations fiables provenant de médias dignes de confiance pour leurs utilisateurs. Ils participent ainsi à la lutte à la désinformation.

Et les journaux membres de Réseau.Presse dans tout ça?

Francopresse est unique. Il œuvre en complémentarité et en étroite collaboration avec un réseau de journaux locaux qui desservent les populations francophones en situation minoritaire dans huit provinces et trois territoires.  

Malgré leur enracinement profond et leur proximité avec leurs communautés respectives, ces journaux ont fait face à l’adversité et ont dû déployer des efforts additionnels pour se faire reconnaitre comme des médias à part entière et non des courroies de transmission. En 2017, tous les journaux membres de Réseau.Presse ont unanimement adopté la Charte de la presse francophone en situation minoritaire. Un texte qui définit clairement les grands principes journalistiques qui les guident.

Cette charte a servi de levier afin que les membres de Réseau.Presse adoptent leur propre guide de déontologie et poursuivent leur développement. Le résultat a été concluant : ces journaux locaux jouent un rôle essentiel dans l’essor, la vitalité et l’évolution des communautés qu’ils desservent.

La participation de Francopresse au Trust Project s’inscrit dans cette même foulée. Elle permettra aux journaux membres de notre réseau qui le souhaitent de franchir une nouvelle étape vers une relation de confiance accrue avec leur lectorat.