le Mercredi 16 juillet 2025

Au début d’octobre, j’ai eu l’occasion de me rendre en Louisiane pour aider la jeune équipe du Louisianais à lancer son média numérique francophone. Les membres de l’équipe du journal se donnent le mandat d’écrire en français louisianais – et ils y tiennent – pour assurer la pérennité de leur langue et de leur culture.

Ils vont même plus loin en faisant paraitre certains articles en créole louisianais. L’article Ki çé Kouri-Vini? est le premier texte publié entièrement dans cette langue sur le site du journal.

L’article s’amorce ainsi : «Ent 1791 é 1815, dê mil zimmigran ki sòr ansyin kolonni-la de Sin-Doming, ça yé pèl Ayiti ojòddi, té rivé endan Lalwizyàn.» Vous comme moi, en lisant à voix haute, pouvons comprendre qu’entre 1791 et 1815, deux-mille immigrants de l’ancienne colonie de Saint-Domingue, qui s’appelle Haïti aujourd’hui, sont arrivés en Louisiane.

Choisir de publier en français et créole louisianais est un geste d’affirmation clairement indiqué dans la mission du journal :

«Le français louisianais est un dialecte régional du français, porteur d’une culture forte et rassembleuse, mais aussi immergé dans une mer anglophone qui menace sa survie. […] Le Louisianais met également en valeur le créole louisianais, une de nos langues patrimoniales, en couvrant des histoires sur la communauté créolophone ou en rédigeant des articles en créole louisianais.»

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Symbole d’une résistance

La réalisation de ce projet montre la résilience, ou plutôt la résistance, du peuple cajun au cours du dernier siècle.

En 1812, lors de son annexion aux États-Unis, la Louisiane était le seul État américain où l’anglais n’était pas la langue de la majorité. Le français est même demeuré langue majoritaire jusqu’en 1940.

Mais, en 1921, la nouvelle constitution de la Louisiane stipulait que l’anglais devenait la seule langue d’usage enseignée à l’école publique, interdisant ainsi l’enseignement du français, du créole et des langues autochtones. C’était le début d’une lente assimilation.

Cent ans plus tard, malgré ces tentatives d’assimilation, la Louisiane compte environ 200 000 personnes qui parlent le français ou le créole.

Aujourd’hui, les Franco-Louisianais ont leur journal, mais ils ont aussi leur chaine de télévision, Télé-Louisiane, et ils ont accès à des programmes en français à l’Université de la Louisiane.

Cent ans plus tard, des parents font des pieds et des mains pour fonder des écoles d’immersion française où l’on y enseigne le français de la Louisiane. Aujourd’hui, il y aurait 5 000 enfants qui apprennent la langue de leurs ancêtres.

Tout ça existe parce que des gens ont le désir profond de pouvoir vivre dans leur langue et leur culture et parce qu’ils se donnent les moyens de le faire.

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Parler français sans s’excuser

Au-delà des institutions officielles, le français se vit aussi en communauté et sans jugement.

Pendant mon court séjour à Lafayette, j’ai rencontré des gens natifs de la région qui renouent avec la langue de leurs parents ou de leurs grands-parents. Au cours de ces conversations, personne ne s’est excusé de ne pas parler «un français sans faute».

Ils ont cette fierté de pouvoir parler une langue qui trouve racine dans leur histoire, dans leur identité. Ils sont conscients qu’elle a évolué dans une direction bien à elle, qu’elle est différente du français normatif. Mais qu’importe, ils vont de l’avant et parlent français, point final.

On est loin du «sorry, my French is not good enough» qui s’entend trop souvent au Canada.

L’identité franco-louisianaise ne passe pas que par la langue. En fait, savoir s’exprimer en français n’est même pas un prérequis. L’identité s’exprime par la culture, la musique et la cuisine ; elle passe par la danse, le zydeco et le gombo. C’est là la recette secrète pour gagner le cœur des gens.

Contrairement à ce que nous vivons ici, le français de la Louisiane n’est pas politisé. Il ne divise pas. La langue et la culture se vivent par choix et surtout avec plaisir.

Nous devons nous inspirer de cette fierté et ignorer le jugement d’autrui, cesser de nous empêcher de reconnecter avec qui nous sommes, et nous exprimer sans nous excuser.

«Sans justice, il ne peut y avoir de paix.» C’est par ces mots que le révérend Mitri Raheb, docteur en théologie et recteur de l’Université Dar Al-Kalima de Bethléem, concluait son message envoyé aux participants du congrès «Land, People and Culture» auquel j’ai participé il y a quelques semaines.

Ce message nous informait que tous les conférenciers étaient parvenus à rentrer à bon port et que Bethléem était coupé du monde par le blocage des sorties de la ville instauré par l’armée israélienne, comme toutes les autres villes de la Cisjordanie occupée.

Aucune justification

Rien ne justifie les atrocités commises par le Hamas.

Rien.

Même pas les souffrances, nombreuses, atroces et injustifiables, subies par le peuple palestinien depuis 75 ans.

Même pas le fait que la bande de Gaza, avec ses 2,2 millions d’habitants sur 365 km2 (à titre de comparaison, le Grand Sudbury, en Ontario, fait 3 228 km2!), ait été transformée en prison à ciel ouvert depuis le blocus imposé par Israël en 2007.

Même pas la résistance à l’oppression. Il ne faut pas salir l’esprit de la résistance, un acte notable qui n’a rien à voir avec des attaques sauvages et délibérées sur des civils.

Rien ne justifie le siège décrété par les autorités israéliennes de la bande de Gaza et les nombreuses violations du droit international humanitaire commises par les forces de l’État hébreu depuis une semaine.

Cette spirale de violence, dans laquelle Tel-Aviv est tombée, le piège grossier tendu par le Hamas, ne mènera à rien. Elle ne fera revenir ni les morts ni les otages. Elle ne sert qu’à alimenter la haine et à former une nouvelle génération de militants qui, à leur tour, prendront les armes.

Elle souligne cependant un premier point fondamental à comprendre : le fait que les actes abjects commis de part et d’autre relèvent d’une logique fondamentaliste religieuse. Ce que l’on voit à l’œuvre, c’est l’odieuse loi du Talion.

Il s’agit d’une très ancienne ineptie que l’on retrouve déjà à l’époque de Babylone, que les rédacteurs de la Torah, le Pentateuque pour les chrétiens, ont reprise à leur compte, et qui sera logiquement reprise dans le Coran. D’où une première porte de sortie : exclure tous discours et acteurs religieux des discussions.

Rentrer dans la modernité

On n’en serait pas là si, depuis deux décennies, les fondamentalistes religieux des deux côtés ne menaient pas le bal.

Le Hamas s’est évertué depuis plus de 30 ans à voiler les femmes palestiniennes et à défendre un projet politicoreligieux néomédiéval qui n’a aucun intérêt pour penser le politique ni la paix, au XXIe siècle.

Les fondamentalistes religieux juifs ont de leur côté durablement affaibli Israël, aujourd’hui une société profondément divisée. D’une part, il y a une majorité (encore) d’Israéliens qui travaillent, se comportent en citoyens modernes, débattent et souhaitent une solution politique.

D’autre part, il y a des communautés ultraorthodoxes qui passent leurs journées à étudier les textes religieux et qui ne contribuent que très peu à l’édification d’un pays, ni en travaillant, ni en payant des impôts, ni en faisant le service militaire.

Dire que les tensions en Israël entre ces groupes sont fortes serait un euphémisme.

Le problème c’est qu’au fil du temps, ces communautés ultraorthodoxes se sont installées dans le paysage politique israélien et que leurs partis servent de forces d’appoint aux gouvernements successifs dirigés par Nétanyahou.

Le signal était pourtant clair

Le monde aurait dû comprendre que la situation avait atteint un point de non-retour il y a près d’un an quand le gouvernement Nétanyahou VI a nommé le chef du Parti sioniste religieux, Bezamel Smotrich, comme ministre des Finances et le chef du parti Force juive, Itamar Ben Gvir – qui, précisons-le, n’a jamais fait son service militaire –, comme ministre de la Sécurité nationale.

Ces deux sinistres personnages d’extrême droite ne sont en fait que les deux faces d’une même pièce de monnaie avec le Hamas.

Smotrich est un suprémaciste juif défendant ouvertement la ségrégation (qui, de toute façon, est un fait accompli, comme j’ai pu le constater en Cisjordanie et en Israël pendant une semaine) et souhaitant l’annexion pure et simple des territoires palestiniens.

Quant à Ben Gvir, il s’agit d’un multirécidiviste dont on ne compte plus les condamnations notamment pour racisme, et dont le président israélien Isaac Herzog disait en novembre dernier que «le monde entier s’inquiétait de ce personnage».

Eh bien non, M. Herzog, le monde ne s’en est pas inquiété!

Les Occidentaux se sont entêtés dans leur soutien inconditionnel au premier ministre Nétanyahou, malgré toutes les bavures des derniers mois.

Parmi ces bavures, deux doivent être soulignées.

Premièrement, il y a les changements législatifs visant à diminuer le rôle de la Cour suprême israélienne. Primo, ces changements témoignent de l’effacement de la démocratie israélienne (déjà parcellaire) et secundo ils ont affiché au grand jour la coupure claire et nette du pays en deux.

Deuxièmement, la présence de ces extrémistes, de ces fondamentalistes messianiques, au gouvernement a poussé Nétanyahou à se concentrer uniquement sur la Cisjordanie, l’objet des convoitises de ces colons, et donc à ignorer tous les signes avant-coureurs de ce qui se tramait à Gaza, y compris les avertissements de l’Égypte.

Laisser la place aux gens de raison pour négocier la paix

Dès le premier jour, toutes les voix israéliennes de la raison ont souligné la responsabilité immense que Nétanyahou portait dans cette effroyable catastrophe.

Un sondage mené pour le compte du Jerusalem Post confirme qu’un nombre écrasant d’Israéliens (65 % des répondants) sont de cet avis. Et 56 % des répondants pensent que Nétanyahou doit démissionner.

Ce serait la moindre des choses.

Ce n’est pas tant pour le fait qu’il a ignoré les avertissements, déjà en soi un acte criminel, que pour ses politiques absolument calamiteuses des 20 dernières années qui ont conduit Israël au bord du gouffre, qui nous ont éloignés comme jamais de la paix.

Il se trouve en Israël, encore, bien des personnes de bonne volonté et raisonnables, des personnes qui savent que non seulement une paix est possible, mais qu’elle constitue la seule voie de sortie.

Des personnes qui savent que la colonisation des terres palestiniennes au profit d’illuminés religieux ne peut pas continuer.

Des personnes qui savent que la solution vient du dialogue avec leurs voisins palestiniens et non de Washington.

Des personnes qui savent qu’ériger des murs ne garantit pas la paix.

Il se trouve en Palestine, encore, plein de personnes de bonne volonté et raisonnables, qui veulent la paix.

Des personnes qui savent que les Israéliens juifs sont là pour de bon et qu’il faudra coexister.

Des personnes qui savent que la coexistence est possible puisqu’elles la vivent au quotidien ; à Bethléem où Arabes musulmans, protestants et catholiques vivent ensemble et étudient ensemble ; à Majdal Shams où Druzes, chrétiens et musulmans survivent ensemble.

Des personnes qui savent qu’il faut commencer par nettoyer dans sa cour et se trouver un président digne de ce nom (il est plus que temps que le président palestinien Abbas prenne sa retraite).

Des personnes qui savent que ni l’Égypte, ni aucun autre État arabe, ni l’Iran ne se soucient réellement d’eux et que seul un processus local par des acteurs locaux non inféodés sera à même d’aboutir à une paix pérenne.

Ces personnes raisonnables savent aussi qu’il faut en finir avec les chimères des plans de partage. C’était inique en 1947 ; c’était ridicule à Oslo en 1995 ; cela ne sera pas plus censé demain.

La Palestine n’est pas un gruyère. Les ressources en eau sont trop rares pour envisager un partage territorial. Il faudra penser une solution à un État avec des mécanismes de partage du pouvoir. Les exemples sont nombreux. Ce n’est pas une solution idéale, mais c’est la moins pire.

Sans justice, sans égalité, sans liberté pour toutes et tous, entre toutes et tous, il ne peut y avoir de paix.

Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des Facultés de sciences humaines et de philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.

Pierre Poilievre a beau répéter ad nauseam que le gouvernement Trudeau est responsable de la hausse du cout de la vie, non seulement déforme-t-il la réalité, mais les solutions qu’il propose sont loin d’être convaincantes.

Cela ne veut pas dire que le gouvernement libéral ne porte pas sa part de blâme, notamment en ce qui concerne l’abordabilité du logement. L’entrée massive d’immigrants, de travailleurs temporaires et de demandeurs d’asile depuis un an et demi et le financement inadéquat du logement abordable contribuent à la crise.

Sur ce dernier point, la situation dure depuis des décennies. C’est le gouvernement conservateur de Brian Mulroney qui a sabré les dépenses fédérales en logement dans les années 1980 et au début des années 1990.

Depuis, aucun gouvernement, ni libéral ni conservateur, n’a investi des sommes conséquentes dans le logement au pays.

En huit ans au pouvoir, le gouvernement Trudeau aurait certainement eu l’occasion d’en faire davantage, mais cela n’a jamais été une priorité avant cet automne.

Les gouvernements successifs ont été bien contents de laisser la responsabilité financière de bâtir des logements aux ménages. Dans un contexte de tendance à la baisse des taux hypothécaires depuis vingt ans, le Canada a développé l’une des plus importantes bulles immobilières de tous les pays de l’OCDE.

Aujourd’hui, la hausse rapide et probablement durable des taux d’intérêt menace l’accès au logement, et ni le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) ni l’abolition de la taxe sur les produits et services sur les logements locatifs ne permettront de renverser la tendance à court terme.

Laisser la place aux promoteurs

La solution présentée par les conservateurs au problème est simpliste et, contrairement à ce qu’ils répètent sans cesse, est loin de relever du gros bon sens.

Elle se résume ainsi : les procédures administratives sont trop nombreuses et limitent la capacité des promoteurs à construire de nouveaux logements. Il faut donc réduire la taille du gouvernement (de la Société canadienne d’hypothèques et de logement) et contraindre les villes à accélérer l’émission de permis de construction.

Réduire la taille du gouvernement est une vieille rengaine de la droite populiste qui, si elle permet de réduire les dépenses gouvernementales, ne rend pas les fonctionnaires plus efficaces.

Retenir les transferts aux municipalités en échange d’accorder plus rapidement des permis de construction semble encore moins bien avisé quand les villes peinent déjà à boucler leur budget.

Les conservateurs fédéraux devraient tirer des leçons de la débâcle de la ceinture de verdure de Toronto.

Le gouvernement de Doug Ford tenait un discours très semblable à celui de ses collègues conservateurs à Ottawa avant qu’un rapport de la vérificatrice générale de l’Ontario ne révèle le copinage entre des membres de son cabinet et des promoteurs immobiliers.

Plutôt que d’encourager le développement d’habitations dans la ceinture de verdure, le gouvernement Ford a plutôt annoncé cette semaine qu’il faisait marche arrière et protègerait à nouveau le territoire.

Il y a de bonnes raisons pour lesquelles les villes possèdent des comités responsables de l’urbanisme et qu’on ne laisse pas le soin aux promoteurs privés de construire à leur guise.

Les conservateurs fédéraux ont cependant raison de montrer du doigt le cout des permis et des taxes des villes comme frein à la construction, mais s’ils veulent s’attaquer à ce problème, c’est du côté de la fiscalité municipale qu’il faut regarder.

Les villes dépendent essentiellement des taxes foncières pour se financer. Sans révision de la fiscalité des municipalités et des transferts conséquents des provinces et du fédéral, les villes devront continuer à se financer en taxant les propriétaires et les promoteurs.

S’attaquer à la taxe carbone

L’autre angle d’attaque des conservateurs consiste à accuser les libéraux de faire augmenter les prix au pays avec la taxe carbone.

Soyons clairs, l’inflation exceptionnelle que connait le Canada depuis deux ans n’a à peu près rien à voir avec les politiques fédérales. Ce sont principalement des facteurs extérieurs qui ont fait grimper et qui continuent de faire grimper les prix.

Et parmi les causes de l’inflation sur lesquelles le gouvernement fédéral a un tant soit peu d’emprise, la taxe sur le carbone a une incidence marginale.

Pour l’instant, l’essentiel de la taxe carbone est retourné aux contribuables sous forme de transferts ou de crédits d’impôt et est donc en moyenne à cout nul pour le consommateur.

Il est cependant vrai que, d’ici 2030, les différentes tarifications du carbone feront augmenter de 25 à 30 ¢ le prix du litre d’essence. D’ici là, l’électrification des transports devrait avoir beaucoup avancé, ce qui diminuera les répercussions de la taxe carbone sur le portefeuille des ménages.

On peut être d’accord ou non avec la stratégie déployée par le gouvernement Trudeau pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, mais de dire que la taxe sur le carbone est responsable de l’inflation est au mieux une exagération grossière, au pire un argument fallacieux.

Peut-être que ce genre de lignes d’attaque fonctionne dans l’opposition et permettra aux conservateurs de prendre le pouvoir, mais il faudra faire beaucoup mieux comme politiques économiques s’ils remportent les élections fédérales dans les 18 prochains mois. Sans quoi, les Canadiens risquent de continuer à souffrir tant des couts élevés du logement que de l’inflation en général.

David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir mené des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.

La dispersion des francophones sur un territoire aussi vaste représente un défi immense pour l’avenir et le rayonnement de la langue française sur le continent.

En réponse à cet enjeu majeur, le gouvernement du Québec, sur proposition de son ministre Benoît Pelletier créait, en 2006, le Centre de la francophonie des Amériques, avec l’appui unanime des membres de l’Assemblée nationale. Il s’agissait d’assurer le leadeurship d’une vaste mobilisation des francophones et francophiles des Amériques.

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À l’occasion de son quinzième anniversaire aujourd’hui, nous désirons saluer l’impressionnant bilan du Centre. Sa réussite est due au travail remarquable effectué par les petites équipes qui s’y sont succédé depuis sa mise en œuvre en octobre 2008, ainsi qu’à sa capacité à rassembler celles et ceux qui partagent ses valeurs et ses objectifs.

Francophones et francophiles

La raison d’être du Centre est encore plus évidente en 2023, car il répond à des enjeux et à des défis grandissants quant à l’avenir de la langue que nous avons en partage avec les 33 millions de francophones et francophiles des Amériques.

Michel Robitaille est l’actuel président du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques et premier président-directeur général (2008-2010). 

Photo : Courtoisie

Depuis sa création, le Centre s’est graduellement construit un impressionnant réseau comptant 85 000 membres, 300 jeunes ambassadeurs et ambassadrices et quelque 650 institutions partenaires avec lesquelles il s’est associé. Aujourd’hui, plus d’une centaine d’activités sont réalisées annuellement.

Conscient que le fait français dans les Amériques est fragile et que son avenir passe par le succès de l’enseignement du et en français ainsi que par la mobilisation des nouvelles générations, le Centre a mis sur pied de nombreux projets destinés à la jeunesse.

C’est le cas du Forum des jeunes ambassadeurs de la francophonie des Amériques, du Parlement francophone des jeunes des Amériques et de multiples initiatives tel le concours Slame tes accents qui se déroule jusqu’au 30 novembre prochain et qui invite les élèves à s’amuser et à créer en français.

Bibliothèque des Amériques

La Bibliothèque des Amériques répond à un besoin criant de francophones qui, aux quatre coins du continent, peinent à accéder à des ouvrages en français. Quelque 18 000 livres numériques d’autrices et d’auteurs francophones, exclusivement des Amériques, peuvent y être empruntés gratuitement.

Grâce à sa notoriété, à son réseau et à son expertise, le Centre de la francophonie des Amériques s’est récemment vu confier, par le gouvernement du Québec, la mise en œuvre de certaines initiatives visant le rapprochement souhaité entre le Québec et les francophonies canadiennes dont la rencontre Mobilisation franco, organisée avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.

La langue française est l’une des grandes langues du monde moderne. Elle est parlée sur tous les continents, sa progression est forte en Afrique, mais elle est aujourd’hui fragilisée dans les Amériques. C’est l’engagement collectif de toute la population, des organisations associatives, des institutions et des entreprises qui est nécessaire pour assurer son avenir et le Centre, précieuse ressource au service des francophones et francophiles des Amériques, y est pleinement engagé.

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Michel Robitaille, actuel président du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques et premier président-directeur général (2008-2010), Délégué général du Québec à New York (2002-2007) et à Paris (2010-2016).

Diane Blais, présidente du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques (2015-2018), membre du Conseil supérieur de la langue française (2009-2022), récipiendaire de l’Ordre des francophones d’Amérique.

Clément Duhaime, président du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques (2018-2019), Délégué général du Québec à Paris (2000-2005) et Administrateur de l’Organisation internationale de la Francophonie (2005-2015).

Jean-Louis Roy, président du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques (2008-2013), Délégué général du Québec à Paris (1986-1989) et Secrétaire général de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (1990 à 1998).

En ce mercredi 20 septembre 2023, au parc du Centenaire, à Moncton, au Nouveau-Brunswick, la tension monte.

Des groupes d’extrême droite et des groupes d’intégristes religieux, autant chrétiens que musulmans, rassemblés sous la bannière «1 Million March 4 Children», ont encerclé les personnes moins nombreuses issues des communautés 2ELGBTQIA+ et leurs alliés et alliées qui contremanifestaient.

Un enfant est encouragé à les invectiver tandis que des drapeaux trans sont arrachés et déchirés. La violence, tant symbolique que physique, est insoutenable, et plusieurs personnes quittent la manifestation en état de choc.

Il ne s’agit pas d’un acte isolé ou d’un «dérapage».

Partout au pays, la scène se reproduit et on assiste au même schéma, avec des enfants placés en première ligne des affrontements et des communautés culturelles minoritaires instrumentalisées par une droite conservatrice avide d’étendre son pouvoir.

Un véritable bouleversement pour de nombreuses personnes venues contremanifester, peu préparées à se défendre contre un tel déferlement de haine de la part de personnes marginalisées elles aussi. Mais également la preuve, si besoin en était, du niveau de préparation et des efforts fournis sur le plan de l’organisation et de la coordination par l’extrême droite pour parvenir à ses fins.

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Polarisation des débats

Voici plusieurs années que l’on observe, un peu partout dans le monde, une augmentation des attaques contre les personnes 2ELGBTQIA+ et une recrudescence des mouvements contre les droits de ces personnes.

Citons par exemple les manifestations contre les lectures de contes aux enfants par des dragqueens ou les pétitions lancées contre des livres jeunesse sur la sexualité jugés trop explicites.

Citons également les récentes politiques adoptées en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick obligeant le personnel éducatif à informer les parents lorsque leur enfant demande à être identifié par un autre prénom ou pronom. Ces politiques ont donné lieu aux manifestations transphobes du 20 septembre.

Ce phénomène s’explique notamment par la montée des organismes et des partis d’extrême droite et par la radicalisation d’une portion de la droite traditionnelle. Ces groupes récupèrent les enjeux 2ELGBTQIA+ afin d’attirer des membres en diffusant des discours simplistes de haine et de division.

Le «wokisme» et les «idéologies de gauche» sont pointés par ces groupes comme autant d’épouvantails visant à canaliser la peur et l’ignorance d’une partie de la population qui se sent abandonnée par le système – souvent les mêmes personnes qui ont participé au Convoi de la liberté, mais pas seulement – et qui peut se sentir attaquée par les mouvements progressistes et par ce qui est perçu comme «la gauche intellectuelle», tels que les médias et l’université, qui ne les représentent pas.

Ces groupes extrémistes ont pour stratégie d’entretenir les préjugés présents dans les segments de la population qu’ils cherchent à séduire et de simplifier à outrance certains enjeux sur lesquels ils polarisent les débats afin de justifier la création d’un environnement qui encourage l’intolérance envers les minorités.

«Le contre-mouvement fonctionne comme une porte d’entrée vers l’extrémisme et comme un moyen pour celui-ci de croitre et de gagner en puissance», explique le Conseil des femmes du Nouveau-Brunswick dans un rapport plus que pertinent.

Dans le cas de la politique 713 au Nouveau-Brunswick, par exemple, il ne s’agit absolument pas de protéger les jeunes, mais bien d’une tentative désespérée de la part d’un premier ministre critiqué de toutes parts de se maintenir au pouvoir.

Le temps d’agir

Rappelons que 1 personne sur 300 de 15 ans et plus au Canada est transgenre ou non binaire et que les jeunes 2ELGBTQIA+ risquent davantage de souffrir de problèmes de santé mentale, d’entretenir des idées suicidaires et de faire des tentatives de suicide que les autres.

Porter atteinte à leur autonomie et à leurs droits, au moyen de politiques scolaires restrictives notamment, les expose à de nombreux dangers.

Des jeunes trans et non binaires pourraient, si leur identité de genre est révélée contre leur gré, être victimes de violence de la part des adultes qui les entourent.

Des jeunes pourraient renoncer à affirmer leur genre par peur de représailles, ce qui pourrait avoir de sérieuses répercussions sur leur santé mentale, sur leur image corporelle et leur anxiété, entre autres.

Plus que jamais, il nous faut aujourd’hui faire preuve de vigilance. Ce ne sont pas des évènements isolés, mais bien le symbole d’un mal plus profond qui gangrène nos sociétés. À l’image de ce qui se passe aux États-Unis, nous risquons d’aller vers des violences de plus en plus graves et des reculs de plus en plus importants de nos droits si nous n’y prenons pas garde.

Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Lors de son discours prononcé à l’occasion de la visite du président Volodymyr Zelensky à la Chambre des communes le 22 septembre, le premier ministre Trudeau a réitéré avec force la volonté de son gouvernement de soutenir l’Ukraine «aussi longtemps qu’il le faudra».

Le premier ministre a même mentionné au passage que l’aide militaire du Canada à l’Ukraine avait maintenant atteint 9 milliards de dollars depuis le début du conflit en 2022.

Tout au long de son discours, M. Trudeau s’en est pris directement au président Vladimir Poutine, le traitant notamment de «despote», soulignant «ses délires impériaux» et l’accusant de gouverner «par la tromperie, la violence et la répression».

M. Trudeau a raison sur le fond, mais ce qui étonne dans son discours est la position maintenant entièrement assumée du Canada : le pays prend ouvertement parti dans un conflit armé se déroulant loin du territoire canadien. Le Canada appuie sans réserve l’Ukraine dans son combat face à son agresseur russe.

Ce changement est notable, car jusqu’à tout récemment le Canada faisait preuve de prudence dans les conflits impliquant d’autres pays.

Étant un très petit joueur sur la scène internationale, il ne peut tout simplement pas s’engager dans une aventure militaire qu’il sait qu’il ne peut pas gagner à lui seul.

Rappelons que les dépenses militaires du Canada sont infimes. En 2022, elles se chiffraient à 28 milliards de dollars US, soit 2,3 % des dépenses militaires de l’ensemble des pays membres de l’OTAN.

Un défenseur de la paix dans le monde?

Pendant longtemps, le Canada a élaboré sa politique étrangère en se faisant le gardien de la paix dans le monde. En écoutant le premier ministre Trudeau récemment, on peine à trouver des traces de cette stratégie.

Pourtant, à une certaine époque, le maintien de la paix faisait la fierté des Canadiens. On appuyait les missions de paix de l’ONU et on célébrait la contribution du premier ministre Pearson à la création des Casques bleus, cette force internationale onusienne chargée de veiller au maintien de la paix en zone de conflit.

Depuis les années 1990, cependant, la participation du Canada aux opérations de maintien de la paix a chuté considérablement. Alors que près de 4000 Canadiens contribuaient aux missions de paix de l’ONU en 1993, on en recensait seulement 58 en 2021.

On ne considère plus le Canada comme un médiateur influent sur la scène internationale. Si son opposition à la guerre en Irak en 2003 pouvait encore passer pour un refus de s’engager directement dans un conflit armé, son appui à la guerre au Kosovo et surtout à la guerre en Afghanistan marque un tournant.

Dans ces deux cas, toutefois, la stratégie canadienne consistait essentiellement à suivre l’exemple de ses alliés et tout particulièrement celui de son principal partenaire et protecteur, les États-Unis.

Ce qui est différent dans le cas de l’Ukraine, c’est que le Canada prend l’initiative.

Alors que plusieurs pays favorables à la cause ukrainienne hésitent quant à la marche à suivre, le Canada est on ne peut plus clair : il faut appuyer sans réserve l’Ukraine et combattre ce «despote» qu’est Vladimir Poutine.

Le problème de cette stratégie c’est que nous n’avons pas les moyens de nos ambitions. Nous ne possédons pas suffisamment de ressources militaires pour affronter un géant comme la Russie.

En fait, nous n’avons jamais eu de telles ressources. Pour cette raison, nous avons toujours privilégié le rôle de médiateur dans les conflits armés.

En changeant radicalement de stratégie, le premier ministre Trudeau ne nous entraine-t-il pas sur une voie dangereuse, semée d’incertitudes?

Et les autres conflits?

Outre le pari risqué que représente l’appui à l’Ukraine, on peut aussi se demander si les ressources consacrées à ce conflit n’auraient pas pu être mieux utilisées ailleurs.

Cette question semble prendre tout son sens lorsque l’on observe la situation actuelle à Haïti. Ce pays est plongé dans une crise sans précédent. Les institutions de l’État haïtien ont presque complètement disparu. Ce sont les gangs de rue qui contrôlent maintenant le pays avec une violence d’une rare intensité.

Le Canada aurait très certainement de bonnes raisons de participer activement au rétablissement de la sécurité à Haïti. Pourtant, il ne propose que de timides initiatives, souvent maladroites et surtout sans réelles retombées positives pour les Haïtiens jusqu’à maintenant.

Il serait très certainement légitime pour le Canada d’envoyer une force d’intervention de rétablissement de la paix à Haïti.

On pourrait aussi présenter des arguments similaires pour d’autres conflits armés actuels. Pensons au Mali, au Congo, par exemple. Ce serait certainement moins risqué que la présence canadienne en Ukraine, laquelle est susceptible de provoquer une réaction de la Russie à tout moment.

De plus, ces interventions seraient à la mesure de nos moyens. Nous avons les ressources et l’expertise pour les mener. Enfin, elles nous permettraient de retrouver une certaine légitimité sur la scène internationale, qui nous a toujours été utile par le passé.

Il fut une époque où quand le Canada prenait la parole sur les tribunes internationales, on l’écoutait. Ceci semble être de moins en moins le cas de nos jours. Le premier ministre Trudeau devrait y réfléchir.

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

J’ai longtemps perçu la course à pied comme le sport le plus ingrat qui soit. Je ne voyais pas l’intérêt de courir sans but. Je pensais qu’il me fallait un ballon, une raquette ou un vélo pour m’amuser. Et puis le confinement est arrivé.

La seule pratique sportive extérieure autorisée en France, où j’habitais à l’époque, était la course à pied. Alors, comme beaucoup de monde, j’ai pris mes baskets pour vagabonder dans les rues désertes.

Au début, je courais lentement, ce qui ne m’empêchait pas de souffrir. Courir 30 minutes sans m’arrêter était un calvaire ; plusieurs muscles jusqu’alors délaissés me rappelaient douloureusement qu’ils existaient.

Et puis j’y ai pris gout. J’ai aimé courir par -20 °C cet hiver. J’ai aimé faire des répétitions intenses, à devoir finir par marcher en fin de séance.

Anthropologie

Plus que tout, j’ai aimé mes longues séances du samedi matin, où j’ai couru parfois plus de deux heures trente, un balado dans les oreilles. À tel point que, lors des belles journées d’été, j’avais envie de courir deux fois par jour (sans forcément le faire, il faut savoir ménager sa monture).

Pendant mes longues heures à fouler le goudron, j’ai eu le temps de me poser cette question : comment suis-je passé d’une phase de détestation d’un sport – qui est d’ailleurs parfois vu comme une punition dans les cours d’éducation physique à l’école – à une phase d’amour fou en si peu de temps?

— Timothée Loubière

Il y a des raisons personnelles évidemment (gout de la performance, pratique extérieure), mais pas seulement. Je me suis beaucoup informé sur les secrets de cette discipline.

Un bon point de départ est sans doute l’approche anthropologique du livre Born to Run de Christopher McDougall qui rappelle, avec l’exemple du peuple mexicain des Tarahumara, que l’Homme est fait pour courir.

Nous sommes des bipèdes, plus lents que beaucoup d’autres animaux, mais beaucoup plus endurants. Pour capturer nos proies, on se devait de les épuiser en les chassant longtemps.

Dans nos sociétés modernes, où la nourriture nous est livrée sur le pas de la porte, cette endurance remarquable tend à être profondément enfouie. Mais l’évolution est lente et nos capacités biomécaniques sont toujours bien présentes, et la pratique régulière permet de la faire ressurgir.

Endorphines

D’un point de vue biologique, une donnée explique beaucoup de choses dans l’amour de la course à pied : la sensation de bienêtre à la fin de sa sortie. L’explication est simple. Quand on court, le système nerveux central libère des endorphines, les hormones du plaisir. C’est pour cette raison que le coureur a envie de retourner courir, pour sa propre satisfaction.

Un sentiment de satisfaction qui est renforcé par notre progression.

Avec un entrainement un minimum régulier et bien équilibré, quand on est débutant, on progresse vite. On court plus rapidement, plus longtemps, en se fatiguant moins.

Aujourd’hui, on peut partager nos exploits sur le réseau social Strava, où nos amis nous encouragent en envoyant des «kudos» et où l’on peut se comparer aux autres – ce qui s’accompagne nécessairement d’inconvénients.

Espérance de vie

Et que dire des bienfaits sur notre santé, pas toujours visibles au premier abord, mais bien réels? La liste est longue : renforcement du cœur, perte de poids, prévention des risques de diabète, de cholestérol ou encore d’hypertension…

C’est bien simple, une étude montre que courir, même de façon modérée, augmente de façon conséquente notre espérance de vie.

De plus, contrairement à la croyance très répandue qui veut que courir s’avère néfaste pour les genoux, la pratique de la course serait plutôt bénéfique en cas d’arthrose du genou, comme l’explique Blaise Dubois, physiothérapeute et fondateur de la Clinique du coureur.

Il y a aussi des répercussions bénéfiques indirectes. Quand on se fixe un objectif ambitieux, que l’on passe de nombreuses heures hebdomadaires à s’entrainer, on ne veut pas voir tous ses efforts gâchés par une hygiène de vie douteuse.

Ainsi, en me préparant pour le marathon, j’ai appris à mieux manger et à dormir davantage, deux piliers indispensables pour progresser. Car pour que le corps se renforce, s’entrainer c’est bien, mais bien récupérer l’est tout autant.

C’est simple, depuis que je me suis mis sérieusement à courir, je me sens beaucoup mieux, et ce, je tiens à le préciser, sans avoir la sensation de me priver de quoi que ce soit.

Reste le cas des personnes qui, pour une raison X ou Y, souvent liée à une pathologie, ne peuvent pas courir. Et bien la bonne nouvelle c’est que tous les bénéfices énoncés plus haut ne sont pas exclusifs à la course à pied. D’autres sports d’endurance, comme le vélo ou la natation par exemple, sont excellents pour la santé. Qu’attendez-vous pour vous y mettre?

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.

* Les segments de ce texte produits avec l’assistance d’un robot conversationnel sont clairement identifiés.

Fonction d’autocorrection de notre téléphone cellulaire, application de traduction automatique d’un texte en ligne, assistant virtuel personnel comme Alexa prêt à nous faire jouer notre chanson préférée. Nous utilisons tous l’intelligence artificielle (IA) dans notre quotidien, parfois même sans le savoir.

L’IA est utile, elle améliore notre efficacité. Elle semble aussi nous rendre plus «intelligents» en nous permettant d’accéder à des connaissances et des méthodes de travail qui étaient réservées jusqu’alors à des experts. Il suffit d’une recherche rapide pour comprendre que le métier de journaliste est l’un des plus menacés par l’arrivée de l’IA, plus précisément, l’IA générative.

L’IA dite «traditionnelle» permet d’automatiser des tâches ou d’exécuter des opérations comme la traduction ou des calculs complexes. L’IA générative, comme son nom l’indique, génère des contenus à partir de gigantesques bases de données. Elle a la capacité de créer notamment de l’audio, des images, des vidéos et des textes de toutes sortes, dont des articles journalistiques. Ses capacités sont immenses.

À lire aussi : L’intelligence artificielle, une odyssée vers l’inconnu

Distinguer le vrai du faux

Heureusement, les médias dignes de confiance sont plutôt prudents dans l’intégration de l’IA générative dans leur salle de rédaction.

À titre d’exemple, le Los Angeles Times utilise depuis quelques années le robot Quakebot pour rédiger des articles dans les minutes suivant un tremblement de terre. Le texte est ensuite soumis à un secrétaire de rédaction – en chair et en os –, qui jugera si l’article mérite d’être publié. Dans l’affirmative, par souci de transparence, le journal y ajoutera une mention précisant qu’il a été généré par une intelligence artificielle.

Malheureusement, de «prétendus médias» utilisent l’IA générative pour produire des articles d’apparence journalistique. Ces textes comportent une fausse signature et sont publiés sans vérification des faits.

Certains médias ont même l’audace de publier un «guide de déontologie» et une «politique d’information» sans déclarer qu’aucun être humain n’assure la validité des données derrière la machine. L’audience n’y voit que du feu.

Et pourquoi des médias agissent-ils ainsi? Simplement pour empocher des revenus publicitaires.

Ces producteurs malveillants de contenus réussissent à se faufiler dans les moteurs de recherche, sur les réseaux sociaux et participent activement à la mésinformation et à la désinformation.

En plus du contenu écrit, il ne faut pas oublier que des systèmes d’IA générative réussissent à produire de l’hypertrucage [deepfake], c’est-à-dire une création ou une altération numérique de contenu visuel, audio ou vidéo usurpant l’identité d’une personne.

En février dernier, le premier ministre du Canada a d’ailleurs fait l’objet d’un hypertrucage dans une fausse entrevue avec l’animateur américain Joe Rogan.

À lire aussi : Quelle place pour la francophonie canadienne dans l’intelligence artificielle?

Occasion à saisir avec prudence

L’intelligence artificielle offre une tonne d’outils qui facilitent la vie des journalistes. Que ce soit des outils de transcription d’entrevues, de traduction de documents, de compilation de statistiques et j’en passe. Somme toute, des outils qui permettent de gagner du temps et d’automatiser les tâches peu stimulantes.

Mais l’IA ne peut pas remplacer, du moins encore, la sensibilité du journaliste. Elle ne permet pas d’interpréter un silence dans une entrevue ou encore d’aller chercher l’émotion chez un interlocuteur. Elle ne parvient pas non plus à s’adapter à une audience cible et ne tient pas compte du contexte culturel comme le font nos journaux locaux par exemple.

Par curiosité, j’ai demandé au robot conversationnel Chat GPT (consultez la conversation complète) de déterminer les risques de l’utilisation de l’IA générative en journalisme. Il est arrivé à la liste suivante :

  1. Diffusion de fausses informations
  2. Perte de confiance [envers les médias]
  3. Biais algorithmique (reproduction de préjugés)
  4. Remplacement des journalistes
  5. Perte de créativité et de perspectives humaines
  6. Utilisation abusive par les gouvernements ou les acteurs malveillants (propagande)
  7. Protection de la vie privée

Une liste plutôt juste.

En fait, le robot conversationnel a repris essentiellement les mêmes points soulevés dans les divers documents publiés sur la question qui se trouvent assurément dans sa base de données.

Chat GPT y va aussi d’une sage mise en garde puisée dans ses multiples sources : «Il est important de noter que les risques associés à l’IA générative dépendent de la manière dont elle est utilisée et règlementée.» Entendons-nous que nous y avions pensé nous aussi.

Le temps est venu pour les médias de mettre la guerre des clics de côté et de travailler avec les élus et les citoyens pour baliser l’utilisation de l’IA en information. Une action qui s’inscrit dans la lutte à la désinformation, qui met à risque plus que jamais nos démocraties.

En aout dernier, des associations et des grands médias de partout dans le monde, ont signé une lettre ouverte réclamant une intervention des États afin de règlementer l’usage de l’IA. Même si les signataires se déclarent en faveur de l’utilisation de l’IA, ils réclament de «protéger le contenu qui alimente les applications d’IA et maintenir la confiance du public dans les médias qui promeuvent les faits et alimentent nos démocraties».

Se sensibiliser pour mieux s’informer

Que nous le voulions ou non, nous sommes tous ensembles dans cette aventure devant l’intelligence artificielle. D’une part, les gouvernements ont la responsabilité de légiférer, pour assurer une utilisation à bon escient de l’IA, notamment en information.

D’autre part, les médias professionnels, déjà confrontés à cette réalité, doivent s’imposer des balises d’utilisation des nouvelles technologies et mettre à jour leur politique d’information et leurs lignes directrices en matière de transparence, d’éthique et de déontologie pour maintenir le lien de confiance avec leur audience. Un média se doit d’être transparent dans tous les aspects de son travail.

En tant que consommateurs d’information, votre jugement importe.

Dans un monde où l’information nous parvient par algorithmes, par processus de référencement et par popularité de l’émetteur, vous êtes l’ultime rempart contre la désinformation.

Pour ce faire, il faut se sensibiliser au travail journalistique et il faut faire de la sensibilisation. Une bonne compréhension citoyenne du journalisme et des médias solidifiera nos démocraties.

Pour s’attaquer à la crise du logement, le gouvernement fédéral propose d’éliminer la TPS sur la construction des nouveaux logements locatifs. Pour contrer l’inflation alimentaire, les libéraux ont convoqué lundi à Ottawa les patrons des cinq grands épiciers du pays pour tenter de les convaincre de geler leurs prix.

Étant donné le contexte, ces solutions semblent malheureusement relever davantage de la réaction politique que d’une stratégie économique bien réfléchie.

Le gouvernement Trudeau est sous pression. Il dégringole dans les sondages au profit des conservateurs de Pierre Poilievre, qui font depuis des mois du cout de la vie leur cheval de bataille. Le gouvernement a donc commencé la session parlementaire à l’offensive. En proposant ces mesures, il a coupé court aux critiques de ses adversaires politiques.

Un plan pour le logement

La réaction des entrepreneurs en construction est unanime : le remboursement de TPS qui réduira leurs couts de 3,5 % aura un effet bénéfique sur le prix des nouveaux logements locatifs. C’est certainement possible étant donné la concurrence dans le secteur.

Cette mesure devrait aider les promoteurs à devenir admissibles à un financement et à construire davantage d’unités locatives. Ce type de logements est très recherché, mais peu attrayant pour les promoteurs dans le contexte de l’augmentation des couts de construction. Le gouvernement vise la bonne cible avec cette subvention.

Malheureusement, le déficit de logements à combler est immense. Depuis le début de la pandémie, les couts moyens de l’habitation au Canada ont augmenté de 55 % sous l’effet combiné de la hausse du prix des matériaux, de la main-d’œuvre et du financement.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) évaluait encore il y a quelques jours qu’il faudrait construire 3,5 millions de logements au Canada d’ici 2030 afin de rétablir l’abordabilité.

Au rythme actuel des choses, ce ne sont que 1,5 million de logements qui devraient s’ajouter au parc immobilier canadien d’ici 2030… ce qui laisse une pénurie de 2 millions de logements qui, à elle seule, devrait garantir le maintien de prix élevés.

Le remboursement de TPS annoncé par les libéraux aura donc l’avantage de réduire les prix à la source et d’augmenter l’offre dès qu’elle sera entérinée dans un projet de loi dans les prochaines semaines.

Cependant, les besoins sont tellement grands et la bulle de l’immobilier canadien tellement gonflée qu’on voit mal comment le gouvernement réussira à instaurer de nouvelles mesures suffisamment structurantes pour avoir une incidence significative sur la crise du logement d’ici les prochaines élections en 2025 ou 2026.

Difficile de stabiliser les prix à l’épicerie

Le deuxième grand effort du gouvernement pour lutter contre l’inflation réside dans la rencontre de lundi entre le ministre de l’Industrie François-Philippe Champagne et les patrons des cinq grands groupes d’épiciers au Canada, soit Loblaws, Metro, Empire (Sobeys, IGA), Costco et Walmart.

Le gouvernement avait pour objectif de tenter de convaincre ces géants de limiter l’augmentation des prix.

Disons-le d’emblée, cette rencontre relevait d’un exercice de relation publique.

Le ministre Champagne a demandé aux épiciers de lui soumettre un plan d’action d’ici trois semaines. Tout le monde a parlé d’une rencontre productive, mais il serait extrêmement improbable que les épiciers parviennent à avoir un effet sur l’inflation alimentaire.

On a beaucoup parlé des profits des épiciers depuis la pandémie à cause de l’inflation élevée du prix des aliments depuis 2021.

Il est vrai que les profits, notamment de Loblaws, ont beaucoup augmenté durant cette période, mais la marge de profits nette des épiciers reste très faible par rapport aux autres secteurs économiques. Elle oscille normalement autour de 2 % et est montée à 3 % au cours des dernières années.

Cela veut dire que pour chaque tranche de 100 $ dépensés pour exploiter leurs magasins, les grands épiciers font 2 à 3 $ de profit. Ce sont des entreprises très profitables à cause de leur volume considérable de ventes, et non pas en raison de leur cupidité particulière.

Pourtant, vous n’avez pas la berlue. L’inflation alimentaire est un phénomène réel et bien documenté.

Les prix des denrées à l’épicerie ont connu une augmentation de 6,9 % par rapport à l’année dernière, une croissance des prix encore supérieure à l’inflation globale, qui s’est établie à 4 % en rythme annuel en aout.

Cette croissance élevée et persistante du prix des aliments est attribuable à un ensemble de facteurs, comme la hausse du prix du pétrole, des engrais, de la main-d’œuvre et du transport qui se répercute sur chaque étape de la production et de la transformation des aliments.

L’inflation alimentaire est loin de toucher seulement le Canada. Il suffit de se comparer pour se consoler. L’inflation du prix des aliments entre l’été 2022 et 2023 a atteint 54 % en Turquie, 66 % en Égypte et 117 % en Argentine.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des dynamiques particulières à l’économie canadienne sur lesquelles le gouvernement peut chercher à agir. Cela veut plutôt dire qu’il est peu probable que des menaces de contrôle des prix à l’épicerie aient l’effet escompté. Dans ce dossier-ci, le gouvernement se trompe de cible.

Il faudra attendre les prochaines annonces du gouvernement avant de juger, mais la spontanéité et le ton populiste du dévoilement de la rencontre avec les épiciers nous laissent penser qu’il s’agit davantage d’improvisation que d’un plan économique cohérent.

David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir achevé des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.

Le G20 qui se déroulait en Inde et s’est achevé le 10 septembre a permis de mesurer l’ampleur de la crise que connait le système de gouvernance mondial.

C’est d’ailleurs en substance ce qu’a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres en parlant de famille «dysfonctionnelle».

Le sommet du G20 : autopsie d’un échec

Le G20 rassemble les 19 économies principales de la planète auxquelles s’ajoute l’Union européenne. Il représente ainsi quelque 85 % de l’économie mondiale.

L’optimisme n’était pas le maitre mot à New Delhi tant les tensions sur la scène internationale sont nombreuses. Et la Déclaration finale commune, accouchée dans la douleur, illustre bien l’impasse dans le dialogue à laquelle font face les grandes puissances.

La seule chose positive qui doit être soulignée est le fait que l’Union africaine aura désormais un siège dans ce forum des grands. Il était temps!

La guerre menée par la Russie en Ukraine est notamment le principal point d’achoppement.

D’un côté, les pays du Sud s’inquiètent avant tout du prix et de l’acheminement des céréales, et moins de la violation de l’intégrité territoriale, eux qui ont servi de paillassons aux puissances coloniales pendant si longtemps.

D’un autre côté, les pays occidentaux souhaitent que le monde se range du côté du droit international et condamne la Russie, ce que ni la plupart des pays du Sud ni la Chine ne sont disposés à faire.

Un air de guerre froide, mais des indéterminés

Il semble désormais acté que nous soyons passés dans un nouveau système international.

Les échecs des États-Unis en Afghanistan et en Irak, couronnés par la présidence Trump, nous ont fait sortir d’un système international unipolaire où les États-Unis dominaient.

Mais tout bon théoricien des relations internationales vous dira qu’un monde unipolaire n’est viable qu’à court terme, car par définition, il est sans équilibre des puissances.

Par ailleurs, la morgue des Américains a fait en sorte qu’ils ne se sont pas préoccupés de la montée en puissance de la Chine (notamment du développement du mégaprojet des nouvelles routes de la soie) ni du sentiment d’humiliation ressenti par la Russie.

Les Européens, quant à eux, étaient bien trop contents de se reposer encore sur Washington pour assurer leur défense et leur sécurité et ils se sont donc contentés de retourner à leurs démons fascisants du passé tout en créant une machine eurocratique infernale qui a dilué toute possibilité de parachever un projet politique européen concret.

Conséquence, nous sommes revenus aux prémices d’une nouvelle guerre froide.

Enfin je dis nouvelle, mais elle partage en fait beaucoup de points communs avec celle du 20e siècle : l’Occident contre la Russie. Des États africains courtisés par Moscou, et cela marche comme sur des roulettes, le travail de propagande des usines à trolls russes aidant.

Et surtout, il est plus difficile pour les Occidentaux de fomenter des coups d’État pour faire plier des dictateurs, c’est plutôt l’inverse qui se passe. Et enfin une Chine qui se pose en troisième voie, en chantre du non-alignement.

Il y a cependant une différence de taille.

Si la Chine avait somme toute refusé de clairement choisir un camp dans les années de la Guerre froide, c’était pour des raisons idéologiques, mais aussi parce qu’elle se préoccupait de développer son économie et sa société, de faire sortir le pays du Moyen-Âge.

Mission accomplie au-delà de toute espérance.

Elle choisit aujourd’hui d’incarner une troisième voie pour mieux se positionner sur l’échiquier des relations internationales et pour forcer Washington comme Moscou à la reconnaitre comme une égale.

Vers un monde tripolaire

Ses velléités de statut de superpuissance, la Chine ne s’en cache pas. C’est son objectif ultime et tous les efforts du régime sont dirigés vers l’atteinte de cet objectif.

Les deux seuls éléments qui lui manquent vraiment sont la puissance technologique et la puissance financière.

Mais la Chine rattrape vite son retard technologique. Quant aux finances, la Chine détient près d’un huitième de la dette américaine et liquide cet actif à la vitesse grand V et diversifie ses risques, ce qui est une bonne chose.

Par ailleurs, un yuan faible est important pour que la Chine puisse continuer à être une puissance exportatrice de premier plan.

Les prochaines années nous confirmerons ou non si la Chine est bel et bien ce colosse aux pieds d’argile ou si effectivement elle est en mesure de s’imposer dans le grand jeu.

En tout état de cause, il y a d’autres candidats au statut de superpuissance, aux premiers rangs desquels figure l’Inde. Premier pays au monde par sa démographie, l’Inde est également devenue la cinquième puissance économique mondiale cette année, dépassant… le Royaume-Uni. Beau pied de nez à l’histoire!

Contrairement à la Chine qui ne parvient pas à contrer le ralentissement économique, l’Inde affiche des taux de croissance qui font l’envie de tous. Le régime de Narendra Modi, peu ragoutant, demeure sans commune comparaison avec le régime dictatorial de Beijing.

Modi peut compter sur une bonne partie des Indiens pour l’aider à atteindre ses objectifs de grandeur. Il n’y avait qu’à voir comment tous les dirigeants réunis pour le G20 à New Delhi courtisaient le président indien pour comprendre l’importance croissante que prend le pays dans le jeu diplomatique, géopolitique et économique mondial.

Bizarrement, les chefs d’État et de gouvernement occidentaux ont oublié que l’Inde non plus n’est pas partie au régime de sanctions contre Moscou. Ou quand les Occidentaux travaillent très fort pour créer un adversaire à leur taille…

Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des Facultés de sciences humaines et de philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.