Depuis 1924, de l’eau a coulé sous les ponts, et pas seulement sous ceux de la Seine, dont on promet un nettoyage d’une telle ampleur, qu’il sera possible de s’y baigner en 2025.
Perçue par le pays organisateur comme l’occasion parfaite d’afficher sa puissance aux yeux du monde entier, la compétition semble, au fil des années, perdre de son lustre. Ses détracteurs ne se privent plus de pointer ses nombreuses contradictions avec les valeurs contemporaines.
Rappelons, pêlemêle, les couts faramineux des Jeux d’hiver de Sotchi (50 milliards de dollars américains), les violations des droits de l’homme à Rio de Janeiro ou encore les controverses écologiques pour les Jeux d’hiver en général.
Paris n’échappe pas à la règle. Un récent sondage Elabe pour le média français Les Échos a révélé que seuls 20 % des Français étaient enthousiastes à l’idée de recevoir les Jeux, 48 % faisaient preuve d’indifférence et 32 % ne cachaient pas leur scepticisme. Le taux de sceptiques monte même à 40 %, si l’on considère seulement la capitale française. On est loin de la ferveur populaire tant recherchée… Et les raisons sont multiples.
Fracasser les records des couts
La critique la plus récurrente concerne le montant de la facture. On parle désormais d’une somme de 8,7 milliards d’euros (12,8 milliards de dollars canadiens).
Lors de la candidature, le budget du comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris était estimé à 3,3 milliards d’euros. Il a grimpé à 4,38 milliards en décembre dernier pour finalement s’établir au double à un an de l’ouverture des Jeux.
Une réévaluation à la hausse classique pour ce genre d’évènements, surtout en période inflationniste, mais qui pèsera «assurément» sur le contribuable français, selon le président de la Cour des comptes. Un contribuable qui, on l’a vu, n’est guère enchanté par la compétition.
Ce cout ne peut toutefois pas être dissocié des retombées économiques attendues, qui englobent essentiellement le tourisme et le regain d’activité induit par l’évènement.
Donner une estimation est un exercice périlleux auquel les parlementaires de l’Assemblée nationale française se sont prêtés. Selon le rapport qu’ils ont présenté le 5 juillet dernier, ces retombées seraient comprises entre 5,3 et 10,7 milliards d’euros «pour le seul territoire d’Île-de-France», qui s’apparente à la région parisienne.
À titre de comparaison, une étude du gouvernement britannique un an après les Jeux de Londres en 2012 avait chiffré les retombées économiques indirectes à plus de 11 milliards d’euros.
Coup de marteau sur l’environnement
L’impact environnemental, lui, ne pourra pas être gommé par de simples lignes comptables.
Il y a deux ans, le président du Comité international olympique, Thomas Bach, avait affiché son enthousiasme «à l’idée que Paris 2024 organise des Jeux ayant une contribution positive pour le climat».
Alerte divulgâcheur : le bel objectif d’éliminer davantage d’émissions de gaz à effet de serre que celles produites par l’évènement a été balayé discrètement sous le tapis. Le bilan carbone prévisionnel des organisateurs de Paris 2024 s’élève à 1,58 millions de tonnes équivalent CO2.
Certes, sur papier, c’est deux fois moins que le bilan de Londres 2012 et de Rio 2016 (3,5 millions). Mais les données entourant ce chiffre ne sont pas publiques et certaines voix s’étonnent de la méthode de calcul.
Quoiqu’il en soit, à l’heure où les conséquences des changements climatiques se font ressentir jusque dans nos forêts canadiennes, le vieux modèle des Jeux parait bien obsolète. Surtout quand environ un tiers de ces 1,58 millions de tonnes équivalent CO2 sont liées aux déplacements des spectateurs, des athlètes et des officiels, selon l’organisation de Paris 2024.
Des solutions existent, comme réduire la taille de l’évènement ou en répartir l’organisation à plusieurs villes hôtes. Cette dernière proposition ne verra pas le jour de sitôt, puisque les Jeux d’été 2028 et 2032 ont déjà été attribués à Los Angeles et Brisbane.
Le temps de revoir les modèles
Enfin, que dire des droits sociaux bafoués, dans un pays qui se vante constamment de sa contribution historique aux droits de l’homme? Des itinérants «invités» à déserter les rues de Paris pendant les trois semaines de compétition? Des 3 000 étudiants qui devront laisser leur logement en juillet et en aout 2024 pour pouvoir accueillir les volontaires et partenaires de l’évènement? Des bouquinistes parisiens, âme culturelle des bords de la Seine, à qui on a demandé de retirer leurs boites de livres d’occasion, pour sécuriser une cérémonie d’ouverture dont les seuls billets restants se vendent à 2 700 € l’unité (près de 4 000 $)? Autant de mesures arbitraires à l’encontre de populations précaires, bien souvent contraintes de courber l’échine.
Malgré toutes ses contradictions, les Jeux restent les Jeux, un évènement chargé d’histoire, un moment unique dans la vie d’un amateur de sports, qui plus est quand ceux-ci se déroulent dans son pays.
Je ne souhaite en aucun cas qu’ils disparaissent ; seulement qu’ils évoluent. Ou retournent peut-être simplement à ce qu’ils étaient à l’origine : une compétition sportive qui n’a pas besoin d’être entourée d’autant de dorures pour briller dans le cœur des passionnés.
Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.
La cible d’un réchauffement climatique de 1,5 °C devait permettre d’éviter les pires conséquences du changement climatique. Proposée vers 2008, elle a pu faire l’unanimité au moment de l’Accord de Paris à la COP21 en 2015 – malgré le fait que la température globale avait déjà augmenté de 1,2 °C.
En 2018, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) présentait un portrait des conséquences du réchauffement de 1,5 °C.
Avant tout, explique le GIEC dans son rapport, nous verrons une température moyenne plus élevée, et des périodes de chaleur ou de froid extrêmes plus intenses, ainsi que des périodes de plus fortes précipitations dans certaines régions et de sècheresses dans d’autres régions. Nous verrons également une élévation du niveau de la mer, donc l’érosion et l’engloutissement de plusieurs régions côtières.
L’organisme évoque également la transformation et la perte d’écosystèmes, l’extinction d’espèces, mais également l’endommagement et la perte d’infrastructures, ainsi que la fin de la pêche dans plusieurs régions.
Nous voyons déjà les effets du réchauffement climatique sur la Péninsule acadienne, dans le golfe du Saint-Laurent et dans les Prairies, ainsi qu’au sein des communautés autochtones, notamment sur leurs droits, où l’on cherche notamment à apprendre des savoirs traditionnels pour répondre à la crise.
Par contraste, toujours selon le GIEC, un réchauffement de 2 °C amènerait les mêmes effets, mais à plus grande échelle : des extrêmes plus importants, 10 millions de gens de plus affectés par l’élévation du niveau des mers, davantage de régions côtières affectées, davantage d’espèces et d’écosystèmes détruits. Tout cela arriverait à 1,5 °C ou à 2 °C ; c’est une question de nombres et de gravité.
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Notons également les conséquences immédiates sur la santé partout dans le monde, étant donné les extrêmes chaleurs et les risques de transmission de maladies, sur la production de nourriture, mais aussi sur un très grand nombre de communautés et peuples, notamment les peuples autochtones. Les effets du colonialisme sur la santé, la difficulté d’accès à l’eau potable, le manque d’accès au logement et la pauvreté sont encore empirés par les changements climatiques.
La pauvreté et les préjudices devraient augmenter dans certaines populations à mesure que le réchauffement planétaire s’intensifie ; la limitation du réchauffement à 1,5 °C plutôt qu’à 2 °C pourrait, à l’horizon 2050, réduire de plusieurs centaines de millions le nombre de personnes exposées aux risques liés au climat et vulnérables à la pauvreté.
Les gaz déjà dans l’atmosphère ne risquent pas de faire augmenter la température davantage qu’ils ne l’ont déjà fait. Même si les changements sont probablement irréversibles, nous aurions donc pu atteindre la cible de 1,5 °C si nous avions mis en œuvre les recommandations du GIEC et d’autres groupes d’experts. Toutefois, cette cible serait déjà impossible à atteindre.
Et cette impossibilité amène la possibilité de basculements, à savoir des transformations abruptes du climat et des écosystèmes après l’atteinte de certaines températures, comme le dépérissement et la disparition de la forêt amazonienne ou du pergélisol par exemple, qui par ailleurs mèneraient à la libération des gaz à effet de serre qui y sont absorbés, et donc à une crise encore plus catastrophique.
Le problème est que nous continuons à produire du CO2. Le GIEC suggère quelques pistes pour diminuer la production de gaz à effet de serre : diminuer la demande en énergie généralement parlant (mais surtout celle qui produit ces gaz), diminuer la consommation de biens matériels et diminuer la consommation d’aliments qui demandent une grande production de ces gaz.
Or la baisse de la consommation pose deux problèmes qui peuvent sembler impossibles à régler. D’une part, certaines régions du monde sont déjà habituées à une surconsommation de biens. D’autre part, l’éradication de la pauvreté suppose un accès à davantage de biens de consommation et de production dans beaucoup de régions du monde.
Autrement dit, il sera difficile de demander à certaines populations de consommer moins, mais il sera éthiquement et pratiquement impossible de demander à d’autres populations de ne pas consommer plus qu’elles ne le font en ce moment.
Pour répondre à ces limites, le GIEC indique la nécessité d’une transition systémique, à la fois politique et économique, appuyée sur la coopération internationale. Cette transition irait de pair avec une transformation des comportements économiques, tant en termes de gestion de la production, que de décisions individuelles quant à la consommation et aux priorités gouvernementales.
Allant plus loin dans la même direction, les peuples autochtones parlent de transformations qui commencent avec une vision du monde où l’humanité est unie à la terre et a ainsi une responsabilité sacrée d’en prendre soin.
Avant tout, les solutions commencent avec le droit à l’autodétermination des peuples autochtones et des peuples affectés par le changement climatique – ce qui suppose que le leadeurship leur revienne dans la détermination et la mise en œuvre des solutions qui les affecteront davantage que les peuples les plus pollueurs.
Ainsi, il s’agit non seulement de changer de vitesse ou de voie, mais aussi de s’orienter différemment pour emprunter une nouvelle direction.
Plusieurs parlent désormais de transition socioécologique, un processus par le bas qui affecterait non seulement les comportements, mais également les relations humaines et les relations à la terre. Une réponse à la catastrophe climatique passerait ainsi par une transformation sociale et économique.
D’autres parlent même de bifurcation, d’un changement soudain pour empêcher les effets les plus abrupts du changement climatique, puisqu’il ne resterait plus suffisamment de temps pour réussir une transition et que les effets de la catastrophe seront eux-mêmes soudains.
La décroissance est également une approche souvent proposée. Celle-ci consiste notamment à abandonner l’objectif de la croissance économique comme mesure du progrès, du succès et du bienêtre, pour penser le développement de manière humaine, sans la croissance.
Pour y arriver, on pense à une lutte pour la justice écologique, ou encore à un soulèvement qui consisterait en la création d’un mouvement social qui s’opposerait de manière réformiste ou radicale à la manière actuelle de gérer l’économie.
De telles luttes sont déjà engagées, et des alternatives sont déjà mises à l’essai dans certaines communautés – et la créativité est certainement de mise pour répondre à la crise en cours.
L’OIF : une institution en crise permanente
Créée en 1970 et regroupant aujourd’hui 88 États et gouvernements, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) peine à être cette organisation au service de la coopération multilatérale entre ses parties-membres. Il faut dire que les dés étaient pipés d’avance tant l’OIF a été conçue comme un instrument politique par la France afin de continuer à exercer un certain contrôle sur ses anciennes colonies.
Le Canada n’a jamais réussi à faire contrepoids à Paris dans l’organisation, tout simplement par manque d’intérêt de la part d’autorités fédérales beaucoup plus tournées vers le Commonwealth. Du point de vue institutionnel, il y a une règle non écrite qui veut que l’Administrateur soit canadien. Du coup, Paris se réserve de facto le droit de choisir le Secrétaire général de l’OIF.
Nous avons eu un exemple flagrant avec la nomination en 2018 de l’actuelle secrétaire générale, la Rwandaise Louise Mushikiwabo. Il s’agissait d’un véritable camouflet pour la francophonie dans la mesure où le Rwanda avait adopté, 10 ans plus tôt, l’anglais comme langue d’enseignement et langue administrative au détriment du français. Mais la France, par ce geste inique, tentait une forme de repentance par rapport à son rôle dans les génocides au Rwanda.
Depuis qu’elle est en poste, Mme Mushikiwabo est régulièrement accusée de gérer l’organisation avec autoritarisme ; il faut dire qu’elle est allée à bonne école avec Paul Kagamé. Et, elle épuise les pauvres administrateurs canadiens qui ne tiennent pas longtemps. Après Catherine Cano et Geoffroi Montpetit, c’est Caroline St-Hilaire qui a pris ces fonctions en mars dernier. Les paris sont ouverts pour savoir combien de mois elle tiendra le coup.
L’OIF est une machine bureaucratique lourde qui sert plus à recaser des copains qui seront grassement payés, qu’à effectivement mettre en œuvre des projets collaboratifs pour le bienêtre des populations francophones de par le monde.
Le seul fait que le Qatar, dont le français ne fait pas partie des langues officielles, ait le statut de membre associé au sein de l’OIF démontre bien toute la vacuité de cette organisation.
Succession de coups d’État conséquents sur la francophonie
En l’espace de deux ans, des colonies françaises, dont la Guinée, le Mali, le Burkina Faso et tout dernièrement le Niger, ont connu des coups d’État qui ont mené à l’arrivée au pouvoir de militaires. Ironie du sort, l’OIF a été créée lors de la Conférence de Niamey, la capitale du Niger désormais aux mains d’un quarteron de généraux.
Si, bien sûr, une des causes de ces bouleversements politiques se trouve dans l’insécurité croissante des populations dans le contexte d’attaques djihadistes dans la région du Sahel, il y a au moins deux autres causes majeures.
La première est l’incapacité de la France de laisser ses anciennes colonies tranquilles et les nombreuses ingérences de Paris dans la vie politique de ces pays. C’est un fait. Le contexte mondial qui fait la part belle à la décolonisation réelle ne pouvait que contribuer au ras le bol généralisé des citoyens face aux politiques françaises d’un autre temps.
La deuxième est l’extraordinaire pouvoir de nuisance de la Russie, qui a bien compris qu’elle avait là une carte maitresse à jouer. Plus elle déstabilise ces pays, plus le flot de réfugiés vers l’Europe augmente. Cela contribue à la croissance des partis d’extrême droite dont la Russie est le grand argentier et la grande amie.
Pour ce faire, Moscou peut bien sûr compter sur ses sbires du groupe Wagner, mais aussi, et surtout, sur sa machine à propagande bien rodée véhiculant inepties et faussetés à tour de bras sur les réseaux sociaux et autres messageries. Et bien sûr, cela fonctionne. L’enfumage marche à fond, y compris parmi les personnes éduquées.
La France n’ayant absolument pas les moyens de ses ambitions, il est désormais acté que son influence sur le continent africain ne pourra que continuer à décliner. En soi, ce n’est pas grave.
En revanche, qui dit déclin de la France en Afrique dit également déclin de la langue française sur le continent. Le nouveau pouvoir au Mali a déjà par exemple fait adopter une nouvelle constitution qui relègue le français au statut de langue de travail et qui a, du même souffle, donné à 13 langues nationales le statut de langue officielle.
Étant donné les effets de contamination dans la région que l’on peut voir, il y a fort à parier que d’autres pays emboitent le pas.
L’avenir de la francophonie internationale s’annonce donc bien morose, et les contrecoups risquent de se faire sentir ici au Canada, et particulièrement au sein des communautés francophones en situation minoritaire.
Notice biographique
Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des Facultés de sciences humaines et de philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.
«Abonnez-vous à notre infolettre!» Voilà le message que placardent les médias canadiens partout sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines. Leur objectif est de continuer à vous rejoindre quand les géants du Web auront retiré votre accès aux nouvelles canadiennes.
Meta a d’ailleurs parti le bal le 1er août en commençant à retirer les nouvelles canadiennes sur ses plateformes Facebook et Instagram. Un acte contre l’adoption de la Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada, qui oblige les géants du Web à payer les médias canadiens pour les contenus qu’ils partagent.
Google a aussi brandi la menace et a annoncé le retrait des nouvelles provenant de médias canadiens lorsque la loi entrera en vigueur, soit en décembre 2023.
Le désaccord entre les géants du Web et le gouvernement canadien nous force, en tant que citoyen, à réfléchir à la transformation lente mais constante de nos habitudes de consommation de l’information au cours des dernières décennies.
En une génération seulement, nous sommes devenus des consommateurs d’information passifs.
L’humain est une créature d’habitude
Nos habitudes de consommation de l’information ont changé de façon radicale. Quand j’étais plus jeune, le journal se lisait encore strictement sur papier et le téléjournal n’était qu’à la télévision. Puis est venue la révolution numérique qui a bouleversé nos habitudes.
Racontons l’histoire en accéléré : fin des années 1990, Internet arrive dans nos foyers, rapidement les premiers sites Web des médias apparaissent. En 2004, nous devenons amis sur Facebook et en 2010, tout le monde s’informe en ligne et sur les réseaux sociaux. C’est moderne, c’est révolutionnaire, c’est facile. Entre les photos du petit dernier de la voisine et le gâteau au chocolat du beau-frère, nous avons le sentiment d’avoir accès à des nouvelles.
L’information venait à nous sans effort, nous nous sentions mieux informés. Mais tout cela a eu un effet pervers et nous sommes devenus un peu plus paresseux.
Aujourd’hui, la plupart des journaux sont disponibles en ligne. Tristement, ils sont même de plus en plus nombreux à ne plus imprimer. Et pour ce qui est du téléjournal, nous pouvons le regarder au moment qui nous convient le mieux.
Champ libre aux fausses nouvelles?
Selon le plus récent Digital News report, 48 % des francophones de 35 ans et plus et 39 % des 18-34 ans ont utilisé Facebook au Canada pour s’informer dans la semaine précédant l’enquête. YouTube et Instagram figurent aussi parmi les sources importantes d’information chez les 18-34 ans.
Au fil des années, les médias ont investi temps et argent pour que leurs nouvelles soient mieux classées dans les recherches sur le Web et pour être plus visibles sur les réseaux sociaux.
Le retrait des nouvelles canadiennes sur Meta et Google ne se fera pas sans heurts. Les temps seront difficiles ; pour les médias certes, mais surtout pour les citoyens.
Que verrons-nous à la place des nouvelles des médias canadiens sur Meta et sur Google? Des nouvelles américaines? Des commentaires provenant de soi-disant journalistes? Des fausses nouvelles, du moins, plus que d’habitude?
C’est inquiétant!
Les intentions du gouvernement étaient bonnes derrière l’adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne. Vouloir redonner des revenus publicitaires aux médias canadiens est une ambition louable. Mais la réalité à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui est loin de rendre service à la presse et aux citoyens.
À moins que le fédéral ne réussisse à élaborer des règlements qui conviendront aux géants du Web, ce qui semble peu probable, la disparition des nouvelles canadiennes sur Meta et Google aura des répercussions importantes sur la société canadienne. Du moins, le temps que nous reprenions de saines habitudes d’information.
Nous avons tenu pour acquis, voire surestimé, le rôle du Web dans notre consommation de l’information. Maintenant que le risque de perdre ces sources est réel, il est temps que tout le monde prenne ses responsabilités.
Le gouvernement doit faire sa part. Idéalement, trouver un terrain d’entente avec les géants du Web. Mais surtout, il devra donner davantage de moyens aux médias pour leur permettre d’améliorer la diffusion et la découvrabilité de leurs informations.
Les médias, même si les temps risquent d’être difficiles, devront persévérer et faire ce qu’ils savent faire de mieux, informer.
Et nous, nous avons le devoir de ne plus être paresseux. Notre société mérite d’avoir des citoyens informés pour protéger sa démocratie.
De toute manière, Facebook n’a jamais été une bonne façon de s’informer.
Abonnez-vous donc à vos journaux !
Cette question est légitime, car pour les propriétaires qui ont une hypothèque, l’incidence de ces hausses de taux est loin d’être négligeable. Par exemple, si le taux passe de 2,5 % à 7 % sur un prêt hypothécaire de 400 000 $, il faut prévoir environ 1 000 $ de plus par mois, seulement pour couvrir les nouveaux intérêts.
Pour la banque centrale, l’idée est aussi simple que l’outil du taux directeur. Quand le cout des intérêts augmente, vous payez plus cher pour financer l’achat de votre voiture ou de votre maison. Vous devez donc réduire vos dépenses ailleurs. Il y a moins d’activité économique. L’inflation baisse.
Cependant, si vous êtes propriétaire et que vous remboursez une hypothèque sur un logement acheté dans un marché en surchauffe, vous êtes en droit de vous questionner sur cette stratégie. Après tout, votre seule faute aura été de vouloir vous loger.
La Banque du Canada et les gouvernements possèdent d’autres leviers pour limiter l’inflation, mais il n’y a pas de solution miracle.
Agir sur l’offre plutôt que sur la demande
L’ajustement du taux directeur se fait sentir sur la demande, la capacité des gens à dépenser, mais les raisons pour lesquelles le Canada et la plupart des pays du monde ont connu une poussée d’inflation ont moins à voir avec la demande excédentaire qu’avec l’offre qui a été bouleversée par la pandémie et la guerre en Ukraine.
Cependant, il est difficile d’augmenter l’offre de produits à court terme ou de manière efficace. Si tout le monde est confiné à la maison et décide de se lancer dans des rénovations en même temps parce qu’il n’est plus possible de voyager ou d’aller au restaurant, les prix du bois vont monter parce que la demande excède l’offre.
Mais tous les biens ne sont pas ou ne devrait peut-être pas être affectés de la même manière par le libre marché.
Par exemple, le Canada a choisi un modèle de développement de l’habitation où le gouvernement intervient très peu dans le marché. Résultat, les ménages canadiens sont les plus endettés des pays du G7. La majorité de cet endettement provient de leurs dettes hypothécaires.
L’offre de logements est insuffisante au Canada depuis plusieurs années, ce qui est un facteur déterminant dans l’augmentation des prix de l’habitation aux quatre coins du pays.
D’autres pays ont choisi une voie différente. À Singapour par exemple, le logement abordable est un droit. Le gouvernement choisit d’y investir massivement. C’est un choix de société qui a un cout, mais qui comporte aussi de nombreux avantages, dont le fait que les ménages dépensent une part moins grande de leurs revenus pour se loger.
D’autres pays plus comparables au nôtre, comme la Suède ou la Finlande, déploient des stratégies de développement de l’habitation multiples pour tenter d’endiguer leur propre crise du logement.
Des initiatives semblables de la part des gouvernements au Canada ne règleraient pas le problème de l’inflation à court terme, mais elles pourraient aider à réduire l’inflation à long terme en s’attaquant au problème de l’abordabilité du logement tout en réduisant les inégalités.
Agir sur la demande autrement
Le gouvernement canadien laisse le soin à la Banque du Canada de juguler l’inflation en bonne partie parce que c’est une institution indépendante. Ses dirigeants peuvent prendre des décisions impopulaires ou qui se répercutent sur le portefeuille des ménages sans se soucier de devoir être réélus aux quatre ans.
Mais les gouvernements peuvent aider la banque dans sa mission de réduire la capacité de dépenser des ménages en ajustant la fiscalité.
Par exemple, ils pourraient temporairement augmenter certains impôts, de manière ciblée. Ils pourraient aussi éliminer certains crédits d’impôt. Ce serait certainement impopulaire, mais si l’objectif est de réduire la demande, pourquoi envoyer votre argent sous forme d’intérêt sur vos prêts à votre institution financière plutôt qu’aux gouvernements?
Une fois l’inflation affaiblie et stabilisée, les gouvernements pourraient utiliser la marge de manœuvre financière ainsi acquise pour s’attaquer à certains problèmes structuraux comme l’offre insuffisante de logements abordables ou pour lutter contre les changements climatiques qui plomberont la croissance à long terme de l’économie.
Faut-il conserver la cible des 2 % d’inflation?
En juin, l’inflation s’est établie à 2,8 % au pays. Mais la Banque du Canada pense que l’inflation se maintiendra au-delà de sa cible de 2 % parce qu’il y a beaucoup d’épargne dans le système financier et que l’économie est résiliente dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.
Pourquoi alors s’entêter à maintenir cet objectif de 2 % si l’outil de la banque centrale pour y parvenir, le taux directeur, a peu d’effet sur les causes sous-jacentes de l’inflation? Après tout, cet objectif n’a rien de scientifique. C’est plutôt une convention que les principales banques centrales occidentales ont adoptée dans les années 1990.
On sait qu’une inflation élevée et récurrente est nuisible à l’économie. Une hausse des prix de 10 %, 15 % ou 20 %, année après année, crée des attentes inflationnistes et risque d’entrainer une spirale inflationniste.
Mais 3 ou 4 % plutôt que 2 %? Rien n’indique que cela ait le même effet.
La Banque du Canada devrait-elle garder les taux d’intérêt élevés pendant plusieurs années pour abaisser le taux d’inflation de 3 % à 2 %, quitte à provoquer au passage des faillites personnelles par millier, des difficultés généralisées pour les ménages et une éventuelle récession?
David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir achevé des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.
J’écris sous la fumée. Le soleil est rouge, distant. Il fait bruler les grandes forêts de l’autre côté des montagnes que les nêhiyawak (ou Cris des Plaines) appelaient assinwati.
Mes amis parlent des tornades qui ont dévasté une partie d’Ottawa et de celle qui a touché Mirabel, près de Montréal. Des voitures ont été englouties pendant des chutes de pluies torrentielles à Montréal, comme ça a été le cas ici à Regina il y a quelques semaines à peine.
Des membres de ma famille ont toujours du mal à reprendre leur souffle, plusieurs mois après avoir contracté la COVID. Les grandes entreprises continuent sur le souffle pris en 2020 à bénéficier des urgences et se vantent de profits en croissance.
À Winnipeg, on refuse de fouiller un dépotoir pour retrouver les corps de femmes autochtones dont la présence est probable. Je ne connais pas cette douleur de manière intime, mais je la devine.
Et je ne connais certainement pas la violence des inondations ou d’une chaleur jamais ressentie auparavant dans plusieurs parties du monde, les si nombreux contrecoups de la pandémie, ni les guerres dont tant de pays, classes dirigeantes ou autres grandes entreprises profitent, tandis que d’autres s’accrochent à la vie.
La poésie n’y règlera rien.
Arrêter l’attention
La poésie n’y règlera rien, sauf qu’il faut bien vivre – et que nous voulons une bonne vie. Nous devons bien trouver des moments de réconfort, de beauté et de joie.
La poète québécoise Louise Dupré s’est justement mise à la tâche au fil de la dernière décennie. Elle cherche à durer, à ne pas se laisser abattre. La poésie lui permet de s’exercer à la joie pour continuer à faire face au reste, comme elle écrit en se parlant peut-être à elle-même : «Tu t’inscris dans l’humanité qui résiste sans hurler.»
Elle re-suscite ce qui a déjà pu et dû être dit, re-donne ce qui lui est imposé. Elle se retrouve dans ces moments de retour :
le poème ressuscite
des paroles
assassinées
il dépose des œillets
sur le malheur
afin de le rendre
supportable
Dire ce qui n’a jamais pu être dit
La poésie ne règlera rien à la catastrophe, sauf que nul·le n’est capable de regarder tant de souffrance en face, ni de vivre dans une distraction sans fin.
Les maux présents nous touchent quotidiennement. Les mots nous manquent pour exprimer cette expérience, pour exprimer et vivre de manière plus consciente nos inquiétudes, nos solidarités.
Nous devons refaire la langue, le langage lui-même, chaque jour ; faire des phrases qui n’ont jamais été dites, dire des phrases toutes faites dans des moments inusités.
La poésie pousse cette nouvelle expression encore plus loin que la vie quotidienne.
Si je n’ai jamais pu vivre un moment comme celui-ci, assis sur un balcon en campagne au sein d’un bourdonnement d’abeilles pendant qu’à l’intérieur la télévision montre des gens dans des bunkers improvisés, ce que je peux en dire n’aura jamais pu être dit auparavant. J’y apporte mon propre vécu, ma propre manière d’aligner les mots.
On voit cette invention dans la poésie expérimentale, bien entendu, mais aussi dans la surprise que crée le mouvement du langage.
Le poète franco-ontarien Robert Dickson nous en donne de grands exemples, notamment en laissant couler la langue pour se rapprocher des moments de bonheur et de beauté, comme lors d’une baignade au lac où nous pouvons sortir de nous-mêmes et nous mêler aux éléments :
dans l’eau touche la peau se meut dans l’eau
caresse la peau fend l’eau accueille
la peau caresse l’eau entoure la peau
à l’aise dans l’eau et dans la peau
l’eau et la peau
Quand le passé demeure vivant
La poésie ne règlera rien aux maux et désastres du présent, et pas plus à ceux du passé. Leurs contrecoups nous suivent, tant en diminuant notre capacité à trouver une place dans le monde que par le legs des générations passées.
Le poète et traducteur Dominique Bernier-Cormier n’est certes pas le premier à revenir sur ce grand dérangement que fut la Déportation des Acadien·nes. Mais il a su le faire entièrement à sa manière, en reprenant l’histoire de son ancêtre, Pierrot Cormier, qui s’est évadé du Fort Beauséjour en s’habillant en femme et en traversant une rivière à la nage.
Ces deux manières d’être soi-même pour échapper à la déportation deviennent des symboles que Bernier-Cormier reprend encore et encore, dans des poèmes bilingues et des poèmes en anglais, mais aussi dans des poèmes visuels qui dépassent l’image qu’on se fait d’un poème dans une langue.
En écrivant de manières aussi éclatées, il arrive à assumer le fait de vivre en deux langues, de porter la langue de sa famille tout en travaillant et écrivant dans une autre, par choix. Il décrit «Ma gorge glissée through an X-ray» et rappelle que :
Comme Celan I know
qu’only une lettre sépare word from épée,
and I wonder comment écrire
dans une langue soiled by darkness.
Il écrit, ou en fait traduit l’histoire originale, «dans une langue qui tresse ensemble // the different threads of myself». Et il le fait d’une manière à faire comprendre sa vie entre deux rives à ceux et celles qui se tiennent de chaque côté.
La violence demeure, la poésie aussi
Robert Dickson décrit bien le recours à la poésie que je tente de communiquer :
la poésie sa carte de droit de cité en poche
est assise sur la roche face à la violence
et face à la paix temporaire du paysage
Son action n’est que temporaire, mais elle demeure citoyenne, elle a aussi ses droits. Et Dickson écrivait déjà à la page précédente : «j’extrais plus de poésie du lac de la roche / du souffle de l’amour que de la guerre» – la guerre revient toujours, mais la poésie aussi.
Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont «La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie» (Metispresses, 2018).
La publicité est vue en politique comme un produit de luxe, une façon de promouvoir, de mettre en valeur les actions du gouvernement, mais dans l’écosystème médiatique canadien, la réalité est toute autre.
L’investissement publicitaire incombe aux gouvernements afin de s’assurer de livrer des messages au plus grand nombre de citoyens possible, de garantir un accès équitable à tous, peu importe la situation géographique, et d’investir de manière responsable dans des entreprises d’ici. Chaque dollar, investi dans une entreprise qui n’a pas de retombées dans une collectivité au pays, est un pas dans la mauvaise direction et n’atteint pas la cible.
La publicité nécessaire
En 2022, la station de radio FM 103,3 sur la Rive Sud de Montréal et l’Association des radios communautaires du Québec (ARCQ), avaient publié deux études démontrant la corrélation entre l’investissement publicitaire au sein d’un média et la croissance du nombre d’articles produits au sein de ses organisations.
Que ce soit Le Devoir, les Coops de l’information, nos radios communautaires, les membres de Réseau.Presse, tous les médias misant avant tout sur leur mission d’informer, investir des montants publicitaires dans ses entreprises, souvent à but non lucratif, est un des meilleurs moyens pour les gouvernements de créer des retombées économiques positives sur chaque dollar injecté. Sans compter que dans ce type de média, où l’indépendance des travailleurs de l’information est respectée, la démocratie ne fait que mieux s’en porter. Ce qui n’a pas toujours été le cas avec Meta, où son rôle dans la démocratie a souvent été mis en cause.
Peu ou pas d’investissement publicitaire fédéral
Ayant accès au placement publicitaire dans les radios communautaires québécoises, j’ai comptabilisé les investissements publicitaires du gouvernement fédéral dans la dernière année. À vrai dire, le calcul a été rapide à faire chez certains, le montant étant de 0 $ depuis le but de l’année et la somme totale pour les 37 radios membres est d’environ 20 000 $ depuis janvier 2023. On est loin des 11 millions que recevait Facebook annuellement, soit 916 000 $ chaque mois, sans nécessairement avoir de retour sur l’investissement.
À l’ARCQ, ce sont 250 employés qui payent des impôts, sans compter les nombreuses retombées économiques dans diverses communautés au Québec. Si le gouvernement fédéral ne se donne pas de directive et de cible, on aura ce même constat année après année.
S’inspirer du modèle québécois
Il n’y a rien de parfait, mais le modèle que le Québec a adopté en février 1995, soit d’investir un minimum de 4 % dans les médias communautaires (incluant la radio, la télé et les imprimés), peut inspirer le gouvernement canadien. Cette mesure doit être mise à jour au Québec étant donné la transformation des médias depuis 30 ans, et le pourcentage revu à la hausse dans les prochains mois, surtout que la cible a rarement été atteinte. Cette directive politique a traversé les décennies et les gouvernements successifs, et a permis de mesurer les progrès, et de rappeler au gouvernement du Québec ses responsabilités.
L’équité du territoire demeure un enjeu primordial en la matière et les intervenants politiques, peu importe le palier, doivent être plus attentifs. Trop souvent, des messages, qui doivent s’adresser aux régions, ne sont disponibles que dans un certain type de média.
On a d’ailleurs même vu des campagnes sur la sécurité en motoneige, sur des postes à pourvoir durant les élections municipales, ou encore sur la chasse, ne pas être diffusées dans certains marchés comme Maniwaki, Amos, le Bas-St-Laurent, la Côte-Nord, la Gaspésie et plusieurs autres, mais être accessibles à plusieurs reprises dans des marchés urbains et sur les plateformes de Meta.
Entendons-nous, les gens des grands centres font aussi de la motoneige, chassent et vont voter, mais en toute logique, ces messages ciblent une réalité régionale, la moindre des choses serait de les inclure.
Lorsque des campagnes publicitaires du gouvernement manquent leurs cibles, c’est le contribuable qui écope. Si les gouvernements se donnent des objectifs, cela leur permettrait aussi d’avoir un meilleur contrôle sur le placement sélectionné par les agences publicitaires. Les gouvernements transmettent des campagnes à des agences qui doivent être redevables et sélectionner le placement publicitaire de manière équitable et éthique.
L’annonce du ministre Rodriguez et de ses collègues bloquistes et néodémocrates a beau être courageuse, mais si elle s’arrête ici, elle n’aura pas eu le résultat escompté. Ces mesures doivent être inclusives, non seulement pour les médias, mais pour les Canadiens. Ce n’est pas une mince tâche, mais elle est nécessaire. De plus, il s’agit d’un autre moyen de maintenir la démocratie, puisqu’on ne parle pas de nouvelles dépenses, mais de mieux investir.
Si le gouvernement canadien veut réellement avoir un impact positif, il sera primordial qu’il agisse dans les prochaines semaines.
Quelques chiffres pour situer le débat
Depuis longtemps, les chercheurs et les organismes dans le domaine de l’immigration tirent la sonnette d’alarme sur les problèmes de logement vécus par les nouveaux arrivants.
Le logement est pourtant l’élément incontournable, premier, à la réussite du parcours d’immigration.
Sans logement, il est impossible d’avoir accès aux services d’aide à l’emploi ou aux services de formation linguistique. Sans adresse, pas de carte santé, pas d’inscription possible pour les enfants à l’école. Tout cela va de soi.
En 2022, le Canada a accueilli 437 180 immigrants. À ce nombre, il faut ajouter 607 782 résidents non permanents, qui incluent les demandeurs d’asile, les travailleurs temporaires et les étudiants étrangers.
L’année dernière toujours, le Canada a recensé l’achèvement de 219 942 nouvelles unités de logement en tout genre.
On se retrouve donc avec un rapport d’un logement pour 4,75 immigrants toutes catégories confondues. Inutile donc de préciser que l’on est loin du compte.
Et pour le gouvernement fédéral, il faut continuer à augmenter les niveaux d’immigration. La cible fixée pour 2024 est de 451 000 immigrants.
En attendant, dans les rues de Toronto, des demandeurs d’asile sont obligés de dormir dans la rue et les centres d’accueil débordent.
Dans tout le pays, les centres d’accueil pour personnes itinérantes manquent de places. Le sans-abrisme (aux multiples causes) se retrouve aujourd’hui dans toutes les villes du Canada, même les petites villes en régions éloignées.
Les mises en chantier ne suivent absolument pas les niveaux d’immigration décrétés par le gouvernement fédéral.
La crise du logement n’est pas qu’un problème de grandes villes
Dans les communautés francophones en situation minoritaire, éparpillées un peu partout au Canada, souvent dans des régions éloignées et des petites et moyennes villes, on sait très bien que la crise du logement sévit également.
En 2022, le taux d’inoccupation était par exemple de 1,6 (la situation est jugée alarmante quand ce taux est inférieur à 3) dans le Grand Sudbury en Ontario, de 1,7 à Moncton au Nouveau-Brunswick, de 0,9 à Vancouver en Colombie-Britannique et de 2,7 à Winnipeg au Manitoba.
La situation du logement n’a rien d’enviable non plus dans les plus petites villes où se trouvent des communautés francophones. Le taux d’inoccupation s’établit par exemple à 1,9 à Bathurst au Nouveau-Brunswick et à 0,2 à Hawkesbury en Ontario.
Alors, tous les efforts des organismes pour attirer des immigrants ne servent à rien s’il n’y a pas de logement.
Les organismes se sont battus auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour obtenir des programmes cibles (par exemple, l’initiative des Communautés francophones accueillantes, le projet pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord), mais toutes ces énergies sont réduites à néant s’il n’y a pas de logement.
Toutes les recherches s’accordent à dire qu’il faut régionaliser l’immigration pour éviter, entre autres, la ghettoïsation, mais comment y arriver quand il n’y a quasiment rien à louer ou à acheter dans une ville comme Hearst ou Kapuskasing en Ontario?
Cela a également une incidence sur nos institutions postsecondaires, qui sont pourtant le moteur de notre économie à maints égards (réflexions nécessaires sur nos communautés, étudiants consommateurs, formation de la main-d’œuvre, futurs citoyens participant et contribuant pleinement à la vie communautaire).
S’il n’y avait pas de problème de logement, l’Université de Hearst en Ontario pourrait accueillir un bien plus grand nombre d’étudiants ; de même pour l’Université de l’Ontario français si les prix du logement n’étaient pas exorbitants à Toronto.
Et ne cherchez pas de logement à louer à Pointe-de-l’Église, en Nouvelle-Écosse, si vous étudiez à l’Université Sainte-Anne. Selon Kijiji, il n’y en a pas!
Les dangers liés à la crise du logement et aux perceptions de l’immigration
Les dangers sont nombreux. Tout d’abord, il a déjà été établi que l’intégration sociale et économique des nouveaux arrivants ne peut débuter s’ils n’ont pas de logement à leur arrivée. Cela les fragilise grandement.
Ensuite, c’est désagréable à dire, mais c’est mathématique : l’arrivée d’un si grand nombre de nouvelles personnes chaque année met forcément une pression à la hausse sur le prix des loyers et des maisons.
Il y a une logique économique évidente : cela crée plus de demandes et contribue donc à l’augmentation des prix.
Par conséquent, on peut supposer que cette situation crée des perceptions négatives envers les immigrants et l’immigration en général. On passe du «ils viennent nous voler nos jobs» au «ils viennent nous voler nos logements», les deux pour les racistes endurcis.
D’autant que les recherches montrent qu’un nombre significatif d’immigrants arrivent avec des économies et sont donc en mesure d’acheter un logement. De quoi alimenter les discours populistes voulant que les Chinois et les «maudits Français» soient responsables, à eux seuls, de la pression sur les prix de l’immobilier.
Il est grand temps que le gouvernement fédéral arrête de mettre la charrue devant les bœufs.
Oui, le Canada est un immense pays à la densité dérisoirement basse ; oui, le Canada connait une importante pénurie de main-d’œuvre ; oui, le Canada a une population vieillissante. Pour toutes ces raisons, nous avons besoin d’une immigration forte.
Mais il faut avant tout s’assurer de pouvoir accueillir convenablement ces futurs citoyens.
Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des facultés de Sciences humaines et de Philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.
Personne ne sera étonné d’apprendre que les salaires ne suivent pas le rythme de l’augmentation des prix des logements.
En tenant compte de l’inflation, les salaires ont augmenté d’environ 25 % depuis le début des années 2000 au Canada. Or, dans la plupart des régions du pays, le prix d’achat des logements, lui, a doublé ou triplé, voire quintuplé dans des villes comme Ottawa, Toronto ou Vancouver.
Il n’y a plus une province où le prix de référence d’une maison unifamiliale est de moins de 250 000 $.
Les ménages dépensaient le cinquième de leur budget pour se loger il y a 20 ans. C’est presque le tiers aujourd’hui. Jamais le marché immobilier n’a été aussi inaccessible.
De nombreux facteurs expliquent la hausse des prix de l’immobilier au pays depuis une vingtaine d’années : forte croissance de la population, déséquilibre entre l’offre et la demande de logements, faibles taux d’intérêt, hausses du prix des matériaux, etc.
Plus récemment, la vague sans précédent d’immigration que connait le pays, l’épargne accumulée pendant la pandémie et la hausse des salaires liée à la pénurie de main-d’œuvre ont été les principaux moteurs de la hausse des prix.
Et avec la montée rapide des taux d’intérêt, voilà maintenant que les promoteurs retardent les mises en chantier de logements neufs, ce qui accroit encore la pression sur les prix.
Le cout élevé des logements n’affecte pas que l’accès à la propriété.
Les locataires aussi dépensent davantage pour se loger puisque les prix des logements locatifs ont suivi la même tendance que ceux des maisons unifamiliales et des condos. La pression est forte sur les propriétaires pour augmenter les loyers.
Les jeunes et les locataires sont laissés pour compte
Conséquence de la bulle immobilière, les jeunes adultes commencent leur vie active avec un boulet financier que leurs parents ou leurs grands-parents n’ont pas connu, et ce, même si la pénurie de main-d’œuvre actuelle joue en leur faveur pour leur permettre d’accroitre leurs revenus.
À court terme, la bulle immobilière a comme première conséquence de contraindre les jeunes à dépenser une part supérieure de leurs revenus pour se loger.
L’accès à la propriété est souvent conditionnel à l’aide financière de la famille.
Au Québec, ce sont 20 % des jeunes qui reçoivent un appui financier de leurs parents pour financer l’achat d’une première propriété. En Ontario, ce sont 4 parents sur 10 qui financent l’achat du premier logement de leurs enfants. La majorité d’entre eux empruntent pour donner un coup de pouce à leur progéniture.
Les jeunes restent aussi plus longtemps chez leurs parents et ont des enfants plus tard que les générations précédentes. Il y a un lien direct entre l’abordabilité des logements et l’âge moyen du premier accouchement des femmes.
À long terme, le manque de logements abordables pour les jeunes réduit leur capacité à épargner. Cela pourrait avoir des conséquences importantes sur leurs possibilités de bien vivre à la retraite.
La part des biens immobiliers dans le patrimoine des familles est très importante et elle ne cesse de s’accroitre.
En moyenne au pays, la valeur des propriétés immobilières représente 40 % de la valeur nette des ménages. Ce pourcentage est de près de 50 % en Colombie-Britannique et en Ontario. C’est une composante cruciale de la richesse des familles canadiennes.
Mais une cassure se dessine. De moins en moins de jeunes auront accès à cette richesse.
Des inégalités plus grandes
La bulle immobilière a aussi comme conséquence d’accroitre les inégalités au sein de la population.
Il y a toujours eu des ménages plus pauvres pour qui l’accès à la propriété était plus difficile. Or, de nos jours, même un salaire de 50 000$ par an ne suffit souvent plus pour accéder à la propriété.
Il y aura donc de plus en plus de travailleurs qui habiteront dans des logements à loyer, non pas par choix, mais par obligation.
L’héritage jouera aussi un rôle prépondérant dans la capacité à accéder à la propriété.
Les babyboumeurs canadiens sont assis sur une fortune de près 3 800 milliards de dollars. Les biens immobiliers représentent plus de 1 500 milliards de dollars dans ce pactole.
Au cours des 20 à 25 prochaines années, une bonne partie de cette richesse sera transmise aux générations futures. L’écart de richesse entre les jeunes qui ont des parents ou des grands-parents possédant une propriété et ceux dont les ainés sont locataires deviendra alors plus grand.
Malgré de beaux discours, les gouvernements de tous les ordres ne saisissent pas encore l’ampleur du problème qui se dresse devant la société canadienne.
Le nombre de logements abordables financés par les gouvernements est dérisoirement inadéquat pour répondre à la crise actuelle. Le logement est encore trop souvent considéré comme un bien privé, un secteur où les gouvernements ont peu de marge de manœuvre pour intervenir.
Pourtant, c’est de l’équité intergénérationnelle et de l’égalité des chances entre les citoyens dont il s’agit. Les gouvernements feraient bien d’accorder plus d’importance à l’accessibilité au logement.
Plus on attend avant d’agir, plus la tendance sera difficile à renverser.
David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir achevé des études supérieures en économie politique à l’’UQAM et à l’Université d’Ottawa.
Cependant, ceci n’est pas possible quand nous remarquons que la jeunesse en générale attribue très peu d’importance à sa francophonie et à sa culture. De tels défis ne datent pas d’hier, ils préoccupent notre communauté depuis longtemps.
Le déclin du français parlé dans les écoles de langue française est un enjeu qui menace le bienêtre et la pérennité de la communauté franco-ontarienne. Ce déclin est attribuable à plusieurs choses : un manque de fierté chez les jeunes, le manque de sentiment d’appartenance, une insécurité linguistique ou même certains enjeux régionaux.
Le problème se manifeste dans les écoles partout en province. Les stéréotypes envers les francophones existent depuis des décennies, mais empirent de nos jours.
Insécurités linguistiques
On témoigne que des élèves francophones se font agacer pour leurs accents «trop français», mettant en évidence les préjugés que plusieurs jeunes portent contre la langue et la culture francophone.
Ils passent des commentaires défavorables contre la langue française, montrant à quel point ils se dissocient et manquent d’un sentiment d’appartenance à la communauté francophone.
Quand les jeunes attribuent peu d’importance à leur francophonie, ça présente un problème à plus grande échelle pour la communauté franco-ontarienne dans son entièreté. Une langue qui n’a pas de vie chez les jeunes n’a pas d’ancrage et ne sera donc pas durable.
Pour tenter de remédier à cette situation, certaines écoles limitent les apprentissages en français afin d’éviter de telles insécurités linguistiques, permettant aux jeunes de s’exprimer dans la langue de leur choix, alors qu’ils fréquentent une école francophone.
Cela fait en sorte que les écoles de langue française deviennent tranquillement des écoles bilingues, ou bien majoritairement anglophones.
Des écoles francophones en anglais
Certains enseignant·e·s, choisissent de distribuer des ressources, des devoirs ou même faire des leçons en anglais. Au lieu de traduire un texte en français et devoir l’expliquer à maintes reprises pour que l’élève comprenne, certains enseignants préfèrent passer de la matière en anglais.
Ceci cause un grand défi dans les écoles francophones, parce qu’on encourage les élèves à ne pas s’améliorer en français, à ne pas pratiquer, à ne pas comprendre l’importance d’une éducation en français.
Les élèves ne pourront jamais apprendre le français si on accommode la population d’étudiants qui sont dans les écoles françaises, mais ne comprennent pas aussi bien le français.
Il faut également normaliser les accents francophones en encourageant les élèves à parler le français malgré leurs accents. Après tout, on nous le chante depuis notre enfance, comme nous le dit le Notre Place par Paul Demers : il faut «mettre les accents là où il le faut»!
Dans plusieurs écoles, les rappels aux élèves de parler en français sont raréfiés. Ainsi, les élèves ne voient pas l’importance de parler en français, car souvent on finit par leur parler en anglais, afin de les accommoder.
Perte du français
Les élèves, malgré le fait qu’ils sont inscrits à des écoles de langue française, perdent leur français. Dans quelques écoles, on remarque que les profs parlent en anglais avec les élèves, dans les corridors et les salles de classe, manquant le vouloir de continuellement devoir rappeler aux élèves de parler en français.
Parfois, dans le cadre de certains cours, la musique, des films et vidéos sont joués en anglais. Pourtant, de simples gestes comme jouer de la musique en français lors d’évènements, de danses scolaires, dans le gymnase ou bien simplement parler à ses élèves en français en tout temps, encouragent les élèves d’accorder un sens d’appartenance à leur langue.
Si les élèves ne sont jamais exposés aux aspects culturels de leur langue, comme la musique, c’est certain qu’ils vont continuer à penser que le français n’est pas «cool». Il faut pouvoir montrer aux élèves que le français c’est plus que juste une langue parlée à l’école, mais qu’au fait, c’est une culture, une langue essentielle en Ontario.
Le manque d’utilisation de français n’a pas simplement lieu dans les salles de classes, mais aussi à l’extérieur de l’école. L’apprentissage débute à la maison. Si les élèves n’ont jamais été exposés à des apprentissages et des aspects culturels à la maison, ils auront de la misère d’avoir un sentiment d’appartenance lorsque le français n’est que parlé à l’école.
Consommer de la culture en français
Afin d’assurer que la future génération de Franco-Ontariens puisse aller à l’école française et se faire enseigner en français, il est important que les jeunes d’aujourd’hui trouvent et transmettent leur fierté francophone aux autres qui les entourent.
Même si la situation pourrait sembler désespérante, il y a des solutions. Pour mieux comprendre son histoire en tant que Franco-Ontarien, ça prend l’enseignement de l’historique de sa communauté. Cet enseignement devrait se faire dans les salles de classe, afin d’entrainer un sentiment d’appartenance chez les élèves.
Parlons de ressources culturelles ; il faut favoriser la consommation de la culture française dans les écoles. Le terme «culture» englobe la musique, les vidéos, les affiches, les médias, etc.
Dans ce même but, il faudrait offrir plus d’expériences d’apprentissage enrichissantes en français, comme des camps de leadeurship ou des activités dans les écoles. C’est pour cela qu’il est si important de reconnaitre l’importance de l’animation culturelle dans les écoles, qui permet la mise en œuvre de telles activités.
«Arrêter d’avoir peur»
D’ailleurs, il faut reprendre le contrôle des écoles françaises et arrêter d’avoir peur d’encourager l’utilisation du français. Il ne faut pas accommoder les anglophones au détriment des élèves francophones. Il faudrait faire des suivis dans les écoles afin d’assurer que l’enseignement et les devoirs soient toujours livrés en français.
Pour préserver notre identité franco-ontarienne, son existence doit se faire semer dans les écoles. Mais comment faire? Il faut encourager l’utilisation du français, commençant à la maison dès un jeune âge et continuant même au-delà du secondaire.
Il faut montrer l’importance du français ; démontrer que notre langue est belle et unique.
Il faut renforcer la notion que notre langue nous ouvre des portes et qu’il est important de l’implémenter dans son quotidien.
Il faut montrer que ça fait partie de son identité comme individu. Tout ça pour faire en sorte que les écoles francophones de la province redeviennent des pierres angulaires de la francophonie, afin qu’elles habilitent la construction identitaire, fassent naitre le sentiment d’appartenance et avivent la fierté.
L’état du français dans les écoles de langue française en Ontario est redoutable et franchement critique. Il est impératif qu’on amorce une réforme dans nos écoles, pour assurer la pérennité de la langue française.
Si on laisse la situation tranquille et qu’on ne fait rien, on va perdre toute une génération de francophones. Il faut alors encourager les jeunes, assurer que la fierté francophone soit transmise, qu’un sentiment d’appartenance à la communauté soit attribué et que même en contexte minoritaire, les francophones soient représentés et entendus.