La publicité est vue en politique comme un produit de luxe, une façon de promouvoir, de mettre en valeur les actions du gouvernement, mais dans l’écosystème médiatique canadien, la réalité est toute autre.
L’investissement publicitaire incombe aux gouvernements afin de s’assurer de livrer des messages au plus grand nombre de citoyens possible, de garantir un accès équitable à tous, peu importe la situation géographique, et d’investir de manière responsable dans des entreprises d’ici. Chaque dollar, investi dans une entreprise qui n’a pas de retombées dans une collectivité au pays, est un pas dans la mauvaise direction et n’atteint pas la cible.
La publicité nécessaire
En 2022, la station de radio FM 103,3 sur la Rive Sud de Montréal et l’Association des radios communautaires du Québec (ARCQ), avaient publié deux études démontrant la corrélation entre l’investissement publicitaire au sein d’un média et la croissance du nombre d’articles produits au sein de ses organisations.
Que ce soit Le Devoir, les Coops de l’information, nos radios communautaires, les membres de Réseau.Presse, tous les médias misant avant tout sur leur mission d’informer, investir des montants publicitaires dans ses entreprises, souvent à but non lucratif, est un des meilleurs moyens pour les gouvernements de créer des retombées économiques positives sur chaque dollar injecté. Sans compter que dans ce type de média, où l’indépendance des travailleurs de l’information est respectée, la démocratie ne fait que mieux s’en porter. Ce qui n’a pas toujours été le cas avec Meta, où son rôle dans la démocratie a souvent été mis en cause.
Peu ou pas d’investissement publicitaire fédéral
Ayant accès au placement publicitaire dans les radios communautaires québécoises, j’ai comptabilisé les investissements publicitaires du gouvernement fédéral dans la dernière année. À vrai dire, le calcul a été rapide à faire chez certains, le montant étant de 0 $ depuis le but de l’année et la somme totale pour les 37 radios membres est d’environ 20 000 $ depuis janvier 2023. On est loin des 11 millions que recevait Facebook annuellement, soit 916 000 $ chaque mois, sans nécessairement avoir de retour sur l’investissement.
À l’ARCQ, ce sont 250 employés qui payent des impôts, sans compter les nombreuses retombées économiques dans diverses communautés au Québec. Si le gouvernement fédéral ne se donne pas de directive et de cible, on aura ce même constat année après année.
S’inspirer du modèle québécois
Il n’y a rien de parfait, mais le modèle que le Québec a adopté en février 1995, soit d’investir un minimum de 4 % dans les médias communautaires (incluant la radio, la télé et les imprimés), peut inspirer le gouvernement canadien. Cette mesure doit être mise à jour au Québec étant donné la transformation des médias depuis 30 ans, et le pourcentage revu à la hausse dans les prochains mois, surtout que la cible a rarement été atteinte. Cette directive politique a traversé les décennies et les gouvernements successifs, et a permis de mesurer les progrès, et de rappeler au gouvernement du Québec ses responsabilités.
L’équité du territoire demeure un enjeu primordial en la matière et les intervenants politiques, peu importe le palier, doivent être plus attentifs. Trop souvent, des messages, qui doivent s’adresser aux régions, ne sont disponibles que dans un certain type de média.
On a d’ailleurs même vu des campagnes sur la sécurité en motoneige, sur des postes à pourvoir durant les élections municipales, ou encore sur la chasse, ne pas être diffusées dans certains marchés comme Maniwaki, Amos, le Bas-St-Laurent, la Côte-Nord, la Gaspésie et plusieurs autres, mais être accessibles à plusieurs reprises dans des marchés urbains et sur les plateformes de Meta.
Entendons-nous, les gens des grands centres font aussi de la motoneige, chassent et vont voter, mais en toute logique, ces messages ciblent une réalité régionale, la moindre des choses serait de les inclure.
Lorsque des campagnes publicitaires du gouvernement manquent leurs cibles, c’est le contribuable qui écope. Si les gouvernements se donnent des objectifs, cela leur permettrait aussi d’avoir un meilleur contrôle sur le placement sélectionné par les agences publicitaires. Les gouvernements transmettent des campagnes à des agences qui doivent être redevables et sélectionner le placement publicitaire de manière équitable et éthique.
L’annonce du ministre Rodriguez et de ses collègues bloquistes et néodémocrates a beau être courageuse, mais si elle s’arrête ici, elle n’aura pas eu le résultat escompté. Ces mesures doivent être inclusives, non seulement pour les médias, mais pour les Canadiens. Ce n’est pas une mince tâche, mais elle est nécessaire. De plus, il s’agit d’un autre moyen de maintenir la démocratie, puisqu’on ne parle pas de nouvelles dépenses, mais de mieux investir.
Si le gouvernement canadien veut réellement avoir un impact positif, il sera primordial qu’il agisse dans les prochaines semaines.
Avec le programme 2 milliards d’arbres, le gouvernement fédéral s’est engagé à planter plusieurs millions d’arbres sur dix ans et prévoit d’investir plus de 3 milliards de dollars afin d’augmenter la surface forestière à travers le pays, aussi bien en ville qu’à la campagne, sur des terres publiques ou privées.
Municipalités, provinces et territoires, mais aussi entreprises et Premières Nations reçoivent des financements pour repeupler les forêts.
«Ce chiffre de deux-milliards n’est pas basé sur un calcul scientifique précis, il se voulait surtout impressionnant», prévient d’emblée Christian Messier, professeur en aménagement forestier et biodiversité à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université du Québec en Outaouais.
«C’est un gros chiffre rond, fixé un peu arbitrairement, renchérit Gregory Paradis, professeur adjoint en aménagement forestier à l’Université de la Colombie-Britannique. Ça correspond à un accroissement de moins de 1 % de la superficie totale des forêts existantes.»
Les forêts couvrent 35 % de la surface du Canada, soit 3 470 690 km2. C’est plus que la superficie de l’Alberta, de l’Ontario et du Québec réunis.
«Objectifs irréalistes»
Aux yeux des scientifiques interrogés, la clé du succès consiste à planter les bons arbres aux bons endroits et au bon moment.
«Il s’agit de gérer des écosystèmes, d’imaginer les forêts du futur constituées de milliards d’échanges de matière et d’énergie entre la faune, la flore et le sol. C’est une dynamique très complexe», précise Gregory Paradis.
Gregory Paradis est professeur adjoint en aménagement forestier à l’Université de la Colombie-Britannique.
Les chercheurs rejettent sans exception les peuplements monospécifiques et militent pour le mélange d’espèces, locales si possible.
«Quand on a une diversité d’espèces, on a des forêts qui fonctionnent mieux et qui sont beaucoup plus résilientes et résistantes aux maladies et au changement climatique», affirme Maria Strack, professeure au département de géographie et de gestion de l’environnement de l’Université de Waterloo et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les écosystèmes et le climat.
À lire aussi : La biodiversité, victime collatérale des catastrophes naturelles
Deux ans après son lancement, le programme fédéral accuse déjà des retards de plantation. Si l’objectif de mettre 30 millions d’arbres en terre a presque été atteint en 2021, grâce au financement de 72 projets, la cible a été de loin manquée l’année suivante. Sur 60 millions d’arbres prévus, seuls 16,5 millions ont été plantés (le nombre définitif d’arbres plantés à l’été 2022 n’est pas connu).
«Il est peu probable que les objectifs du programme soient atteints, à moins que des changements importants soient apportés», conclut un rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable, Jerry V. DeMarco, publié en avril 2023.
«Les objectifs fixés sont irréalistes», assure Christian Messier.
Manque de partenariats
Une série de failles dans la conception et la mise en œuvre du programme expliquent la situation. Le rapport du commissaire à l’environnement pointe notamment le manque de partenariats noués avec les porteurs de projets, ainsi que l’absence d’un mécanisme de surveillance pour évaluer la santé et la survie des arbres mis en terre.
Christian Messier est professeur en aménagement forestier et biodiversité à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université du Québec en Outaouais.
En outre, Jerry V. DeMarco constate que Ressources naturelles Canada n’a «toujours pas signé d’accords de projet à long terme avec les provinces et les territoires». Ottawa s’attendait pourtant à ce que 67,5 % de tous les fonds du programme soient utilisés par ces derniers, pour planter 1,34 milliard d’arbres, détaille-t-il dans son rapport.
«On se perd dans beaucoup de discussions inutiles pour essayer de satisfaire tout le monde autour de la table et pendant ce temps-là, on ne plante pas», regrette Christian Messier, qui a été pendant un an membre du Comité consultatif pour les solutions climatiques fondées sur la nature qui conseille les ministères sur le programme.
Le 5 juillet dernier, Ottawa a fini par signer un accord de neuf ans avec le Manitoba en vue de planter jusqu’à un million d’arbres supplémentaires par an, notamment sur des terres forestières ravagées par des feux.
À lire aussi : Feux de forêt : comment s’adapter?
Pénurie d’arbres à l’horizon
L’absence d’entente avec les pépinières inquiète également les spécialistes. «Les pépinières n’ont pas la capacité de produire autant d’arbres du jour au lendemain. Il risque de ne pas y avoir assez de semis», alerte Christian Messier.
Gregory Paradis explique que les pépinières ont besoin d’en moyenne deux ans de préparation avant de pouvoir planter des semences, et de un à huit ans de plus avant que les semis ne soient prêts à être plantés en forêt.
«Ça représente un défi logistique et demande de gros investissements. Les producteurs ont besoin de garanties sur l’achat de leurs semis», poursuit l’ingénieur forestier.
Ces fausses notes sont d’autant plus préoccupantes que le gouvernement fédéral compte sur le programme pour réduire de 40 à 45 % les émissions de gaz à effet de serre au Canada.
Car les forêts constituent ce qu’on appelle des puits de carbone. Autrement dit, les arbres captent le CO2 émis dans l’atmosphère par les activités humaines, conservent le carbone et rejettent l’oxygène. Les spécimens en pleine croissance sont particulièrement efficaces pour séquestrer rapidement ce carbone.
Planter des arbres en ville est l’une des solutions pour éviter la montée des températures.
Arbres en ville
En milieu urbain, les arbres sont des alliés de taille. Ils rafraichissent l’air des villes et luttent contre les ilots de chaleur tout en réduisant la pollution. Ils diminuent également l’imperméabilité des sols et préviennent le risque d’inondation.
«Là où vous plantez un arbre, vous êtes obligé de remplacer le béton par de la terre, où l’eau va pouvoir entrer et favoriser la biodiversité», observe Christian Messier, professeur en aménagement forestier et biodiversité à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université du Québec en Outaouais.
Maria Strack appelle de son côté à ne pas négliger le potentiel des forêts anciennes : «On doit aussi les protéger. Elles stockent beaucoup de carbone accumulé dans le passé et certaines en absorbent encore beaucoup dans le sol et dans les arbres.»
Puits de carbone à sec
Quel que soit leur âge, les forêts canadiennes sont des puits de carbone en péril. Depuis dix ans, elles sont devenues émettrices de carbone à cause de la multiplication des sècheresses, des incendies et des attaques de ravageurs, rapporte Christian Messier.
Maria Strack est professeure au département de géographie et de gestion de l’environnement de l’Université de Waterloo et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les écosystèmes et le climat.
Par ailleurs, toujours selon le professeur, le bilan carbone de ce projet gouvernemental ne sera pas positif à court terme. Les travaux de plantation vont émettre plus de CO2 dans l’atmosphère que les arbres ne vont en absorber.
«Mais dans 50 ans, le bilan sera très positif, c’est pourquoi il faut pérenniser le dispositif. Le plus important est de laisser les arbres en terre et de ne pas les couper pour une exploitation commerciale», insiste-t-il.
Si les bénéfices du programme sont indéniables, les plantations ne suffiront pas à elles seules à régler la crise climatique. «C’est un outil parmi d’autres pour fixer le carbone. Ça doit aller de pair avec une réduction rapide de la production et de l’utilisation des combustibles fossiles», résume Maria Strack.
Plus sur la francophonie
L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a déposé lundi un mémoire sur le postsecondaire dans lequel elle formule sept recommandations pour l’éducation postsecondaire en français en Ontario. L’organisme demande notamment une formule de financement exclusive à l’éducation supérieure francophone.
Le mémoire a été déposé quelques jours après le refus du gouvernement ontarien de financer le projet de l’Université de Sudbury. À la suite de ce choc pour la communauté franco-ontarienne, l’AFO a demandé une réunion d’urgence à la ministre des Collèges et Universités de l’Ontario, Jill Dunlop.
Les sept recommandations ont été transmises à un groupe d’experts, formé par le ministère de Dunlop, qui conseillera le gouvernement sur la marche à suivre pour assurer la stabilité du secteur postsecondaire en français.
Université de Sudbury, en Ontario.
Les Franco-Albertains attendent toujours les résultats découlant de l’accord de principe de 3 milliards, conclu en février entre le fédéral et la province, en vue d’améliorer les services de santé. Cette somme provient d’une entente de 24,18 milliards sur 10 ans pour les soins de santé en Alberta.
Les francophones s’attendent surtout à une amélioration de l’accès aux services de santé en français. L’entente bilatérale contient notamment un principe d’appui envers la communauté francophone, selon un rapport de Réseau Santé Alberta (RSA).
Nouvelle plateforme de médias sociaux et conseil des ministres
Le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, étudie la possibilité d’inclure l’application Threads sous C-18.
Le ministre de Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, n’est pas fermé à l’idée de règlementer la nouvelle plateforme de médias sociaux de Meta. Threads, une application de microblogage similaire à Twitter, pourrait donc être soumis à la Loi sur les nouvelles en ligne (le projet de loi C-18).
Le ministre s’est prononcé mercredi, soit près d’une semaine après avoir annoncé le retrait des publicités du gouvernement fédéral de Facebook et Instagram.
C’est à Winnipeg que les premiers ministres des provinces et des territoires se sont réunis pour la rencontre annuelle du Conseil de la fédération. Il s’agissait de la première rencontre en personne depuis 2019.
En plus de l’économie, le sujet de l’immigration a été sous les projecteurs. Un consensus des premiers ministres sur le besoin d’accélérer l’arrivée et l’intégration de travailleurs étrangers dans le secteur de la santé a vu le jour.
À lire aussi : Un processus d’immigration facilité pour les francophones hors Québec
Les premiers ministres en ont profité pour réitérer leur besoin d’une aide supplémentaire du fédéral dans ce domaine.
En février, Justin Trudeau avait proposé 46 milliards de dollars supplémentaires en échange de réformes ciblées par les provinces et territoires. Toutes avaient accepté, sauf le Québec.
La Banque du Canada a annoncé mercredi la hausse de son taux directeur d’un quart de point le portant désormais à 5 %, le plus élevé depuis 2001. Il s’agit de la dixième hausse consécutive du taux directeur depuis mars 2022.
La prochaine révision du taux directeur aura lieu le 6 septembre 2023.
Affaires autochtones
Le ministre de la Justice et procureur général du Canada, David Lametti.
Le 7 juillet, le Congrès des peuples autochtones (CPA) a déposé une action en justice contre le programme Service aux Autochtones Canada et contre le procureur général du Canada, David Lametti.
Le CPA souhaite mettre fin à l’exclusion discriminatoire des Indiens non inscrits des prestations d’éducation postsecondaires, administrées par Service aux Autochtones Canada.
Le CPA demande également aux tribunaux fédéraux de veiller à ce que les ministres respectent leurs obligations au titre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en matière d’accès à l’éducation postsecondaire.
Le gouvernement du Manitoba a affirmé que la recherche des restes de deux femmes autochtones, présumées avoir été assassinées par un tueur en série, est trop dangereuse. Ces restes se trouvent dans une décharge de la région de Winnipeg qui contiendrait de l’amiante et des gaz toxiques comme de l’ammoniac.
Brenda Lucki, ancienne commissaire de la GRC, a pris sa retraite le 17 mars dernier.
Ces dangers faisaient partie des avertissements formulés à l’intention des responsables fédéraux par l’ancienne commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Brenda Lucki, dans des documents obtenus par La Presse canadienne.
En décembre, l’ancienne cheffe de la GRC avait déclaré que la police n’était pas équipée pour faire face à la complexité de cette recherche.
Le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, qualifie la décision du gouvernement manitobain de «sans cœur».
Selon l’Alliance nationale de l’industrie musicale (ANIM), la révision de la licence de Sirius XM en 2012 a mené à une réduction des contributions à Musicaction, une organisation qui redistribue les redevances à l’industrie musicale francophone au pays.
Clotilde Heibing, directrice générale de l’ANIM, est fière du travail accompli, peu importe ce qui arrivera en Cour fédérale.
C’était la première fois que le CRTC renouvelait des licences sans consulter l’ANIM. «Ça nous a empêchés de pouvoir réagir et ç’a eu une incidence monétaire sur l’ensemble de l’industrie musicale», déclare Clotilde Heibing, directrice générale de l’Alliance nationale de l’industrie musicale (ANIM).
Ce renouvèlement a fait en sorte que les artisans de l’industrie francophone (incluant le Québec) reçoivent deux fois moins de financement de Sirius XM que leurs homologues anglophones.
«Quand on voit nos droits acquis remis en cause, on sait qu’au lieu de les voir s’améliorer, on va passer plusieurs années à revenir au niveau initial. C’est vraiment frustrant», lâche Clotilde Heibing.
«Jusqu’en 2012, les contributions étaient égales entre Musicaction et Factor, qui finance des projets anglophones», assure Audrey Mayrand, l’avocate chez Juriste Power qui représente l’ANIM.
Un premier mur
L’ANIM a porté plainte auprès du Commissariat aux langues officielles (CLO) en 2013 en accusant le CRTC d’avoir contrevenu à la Loi sur les langues officielles (LLO) en omettant la consultation.
Dans un rapport de 2018, le CLO a donné raison à l’ANIM avant de revenir sur sa décision en février 2019, à la suite d’un jugement de la Cour fédérale dans l’affaire opposant la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral. Ce jugement, qui affectait l’interprétation de la LLO, a été partiellement infirmé par la Cour d’appel fédérale en janvier 2022, sans toutefois modifier la décision du CLO.
Le cas des centres d’aide à l’emploi
En 2008, le gouvernement fédéral a signé une entente qui permettait le transfert des services d’aide à l’emploi aux provinces. La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) a contesté l’entente, mais ses arguments ont été rejetés par le juge Denis Gascon en 2018.
La question de compétences entre les paliers de gouvernement a donc eu une incidence dans le dossier de l’ANIM qui accusait une instance fédérale de ne pas avoir respecté ses obligations.
Une seconde déception
La décision de la Cour d’appel fédérale de ne pas imposer une compensation financière au CRTC est finale.
Selon des calculs de l’ANIM, l’inégalité dans les contributions de Sirius XM représente un manque à gagner d’environ 2,3 millions de dollars pour l’industrie musicale francophone en situation minoritaire, entre 2013 et 2019.
L’ANIM a décidé de porter l’affaire en Cour suprême. Le 29 juin dernier, le plus haut tribunal du pays a refusé d’entendre la cause qui avait pour objet une compensation pour les dommages et intérêts.
«La décision de la Cour suprême nous déçoit, mais s’entend quand on sait que de très nombreux dossiers sont présentés en comparaison de ceux qui sont entendus, concède Clotilde Heibing. Cela n’enlève en rien que le dommage est réel pour notre industrie.»
C–11 : «On a déjà gagné»
Mais la directrice générale de l’ANIM se veut optimiste depuis l’adoption du projet de loi C-11 sur la radiodiffusion, qui a reçu la sanction royale le 27 avril 2023. «Quelle que soit l’issue, on a déjà gagné. Ça, c’est un gain essentiel et tout le monde le reconnait.»
L’article 5 de la Loi sur la diffusion continue en ligne oblige le CRTC à consulter les communautés de langue officielle en situation minoritaire «lorsqu’il prend toute décision susceptible d’avoir sur elles un effet préjudiciable».
Concrètement, le CRTC ne pourra donc plus renouveler une licence de Sirius XM sans consulter l’ANIM. «Le CRTC ne peut plus utiliser l’excuse que “la LLO n’est pas claire si la Partie VII oblige la consultation”, affirme Audrey Mayrand. Maintenant, c’est très explicite.»
L’ANIM a d’ailleurs comparu devant le Sénat dans le cadre de l’étude du projet de loi C-11. C’est pour cette raison que, selon Clotilde Heibing, cette affaire a un impact qui va «au-delà de l’ANIM».
Prochaine étape
Mais l’affaire n’est pas close. «On continue à demander une reconnaissance de l’obligation de consulter [et] de l’obligation de réparer le tort pour rectifier les contributions à l’avenir», assure Audrey Mayrand.
Il n’y aura pas de compensation pour le passé, mais il pourrait y avoir une rectification du tir pour l’avenir, et c’est ce que demande désormais l’ANIM.
«L’enjeu pour ce litige est par rapport aux contributions pour le développement de contenu canadien, explique l’avocate. Est-ce que le CRTC va devoir le rectifier pour qu’il y ait des contributions égales aux industriels francophones et anglophones? À date, on ne connait pas leur position.»
«Si le CRTC souhaite, maintenant que C-11 est adopté, approcher l’ANIM avec des propositions, c’est sûr qu’on serait très ouvertes à ça», ajoute-t-elle.
Le CRTC a refusé nos demandes d’entrevue tant que l’affaire est devant la Cour fédérale.
Peu importe le dénouement, Clotilde Heibing est heureuse d’avoir poursuivi la lutte : «Sans contestation judiciaire, l’ANIM envoyait le message que le CRTC peut ne pas communiquer les informations essentielles au milieu de la musique et de tout ce qui est concerné par le CRTC, ce qui nous privait d’une capacité très importante de pouvoir réagir.»
Quelques chiffres pour situer le débat
Depuis longtemps, les chercheurs et les organismes dans le domaine de l’immigration tirent la sonnette d’alarme sur les problèmes de logement vécus par les nouveaux arrivants.
Le logement est pourtant l’élément incontournable, premier, à la réussite du parcours d’immigration.
Sans logement, il est impossible d’avoir accès aux services d’aide à l’emploi ou aux services de formation linguistique. Sans adresse, pas de carte santé, pas d’inscription possible pour les enfants à l’école. Tout cela va de soi.
En 2022, le Canada a accueilli 437 180 immigrants. À ce nombre, il faut ajouter 607 782 résidents non permanents, qui incluent les demandeurs d’asile, les travailleurs temporaires et les étudiants étrangers.
L’année dernière toujours, le Canada a recensé l’achèvement de 219 942 nouvelles unités de logement en tout genre.
On se retrouve donc avec un rapport d’un logement pour 4,75 immigrants toutes catégories confondues. Inutile donc de préciser que l’on est loin du compte.
Et pour le gouvernement fédéral, il faut continuer à augmenter les niveaux d’immigration. La cible fixée pour 2024 est de 451 000 immigrants.
En attendant, dans les rues de Toronto, des demandeurs d’asile sont obligés de dormir dans la rue et les centres d’accueil débordent.
Dans tout le pays, les centres d’accueil pour personnes itinérantes manquent de places. Le sans-abrisme (aux multiples causes) se retrouve aujourd’hui dans toutes les villes du Canada, même les petites villes en régions éloignées.
Les mises en chantier ne suivent absolument pas les niveaux d’immigration décrétés par le gouvernement fédéral.
La crise du logement n’est pas qu’un problème de grandes villes
Dans les communautés francophones en situation minoritaire, éparpillées un peu partout au Canada, souvent dans des régions éloignées et des petites et moyennes villes, on sait très bien que la crise du logement sévit également.
En 2022, le taux d’inoccupation était par exemple de 1,6 (la situation est jugée alarmante quand ce taux est inférieur à 3) dans le Grand Sudbury en Ontario, de 1,7 à Moncton au Nouveau-Brunswick, de 0,9 à Vancouver en Colombie-Britannique et de 2,7 à Winnipeg au Manitoba.
La situation du logement n’a rien d’enviable non plus dans les plus petites villes où se trouvent des communautés francophones. Le taux d’inoccupation s’établit par exemple à 1,9 à Bathurst au Nouveau-Brunswick et à 0,2 à Hawkesbury en Ontario.
Alors, tous les efforts des organismes pour attirer des immigrants ne servent à rien s’il n’y a pas de logement.
Les organismes se sont battus auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour obtenir des programmes cibles (par exemple, l’initiative des Communautés francophones accueillantes, le projet pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord), mais toutes ces énergies sont réduites à néant s’il n’y a pas de logement.
Toutes les recherches s’accordent à dire qu’il faut régionaliser l’immigration pour éviter, entre autres, la ghettoïsation, mais comment y arriver quand il n’y a quasiment rien à louer ou à acheter dans une ville comme Hearst ou Kapuskasing en Ontario?
Cela a également une incidence sur nos institutions postsecondaires, qui sont pourtant le moteur de notre économie à maints égards (réflexions nécessaires sur nos communautés, étudiants consommateurs, formation de la main-d’œuvre, futurs citoyens participant et contribuant pleinement à la vie communautaire).
S’il n’y avait pas de problème de logement, l’Université de Hearst en Ontario pourrait accueillir un bien plus grand nombre d’étudiants ; de même pour l’Université de l’Ontario français si les prix du logement n’étaient pas exorbitants à Toronto.
Et ne cherchez pas de logement à louer à Pointe-de-l’Église, en Nouvelle-Écosse, si vous étudiez à l’Université Sainte-Anne. Selon Kijiji, il n’y en a pas!
Les dangers liés à la crise du logement et aux perceptions de l’immigration
Les dangers sont nombreux. Tout d’abord, il a déjà été établi que l’intégration sociale et économique des nouveaux arrivants ne peut débuter s’ils n’ont pas de logement à leur arrivée. Cela les fragilise grandement.
Ensuite, c’est désagréable à dire, mais c’est mathématique : l’arrivée d’un si grand nombre de nouvelles personnes chaque année met forcément une pression à la hausse sur le prix des loyers et des maisons.
Il y a une logique économique évidente : cela crée plus de demandes et contribue donc à l’augmentation des prix.
Par conséquent, on peut supposer que cette situation crée des perceptions négatives envers les immigrants et l’immigration en général. On passe du «ils viennent nous voler nos jobs» au «ils viennent nous voler nos logements», les deux pour les racistes endurcis.
D’autant que les recherches montrent qu’un nombre significatif d’immigrants arrivent avec des économies et sont donc en mesure d’acheter un logement. De quoi alimenter les discours populistes voulant que les Chinois et les «maudits Français» soient responsables, à eux seuls, de la pression sur les prix de l’immobilier.
Il est grand temps que le gouvernement fédéral arrête de mettre la charrue devant les bœufs.
Oui, le Canada est un immense pays à la densité dérisoirement basse ; oui, le Canada connait une importante pénurie de main-d’œuvre ; oui, le Canada a une population vieillissante. Pour toutes ces raisons, nous avons besoin d’une immigration forte.
Mais il faut avant tout s’assurer de pouvoir accueillir convenablement ces futurs citoyens.
Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des facultés de Sciences humaines et de Philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.
Une photo de l’un des camps sport et plein air de 2022.
«La pandémie a illustré à quel point le sport ou l’activité physique sont essentiels pour la santé physique et psychologique, a déclaré la ministre des Sports, Pascale St-Onge, en entrevue avec Francopresse. On sait très bien qu’il y a des barrières à la pratique du sport dans quelques communautés que ce soit à cause des couts, des frais, de l’équipement.»
Parmi les obstacles, la pratique d’un sport dans sa langue se démarque. «Que ce soit dans les sports ou dans d’autres domaines, on a toujours plus à faire pour que les communautés en situation minoritaire aient accès à tous les services. Ça inclut le sport», poursuit-elle.
«La demande est tellement plus grande que l’offre»
Chantal Young, directrice générale de Sports en français au Manitoba, voit le sport comme un outil de rassemblement.
«La demande est tellement plus grande que l’offre», observe Chantal Young, directrice générale de Sports en français au Manitoba. Avec sa programmation, l’organisme veut créer des espaces où les gens peuvent parler en français en faisant du sport.
«C’est dans une province où la plupart du sport se fait en anglais, souligne la directrice. Notre mission est d’améliorer l’accès aux sports et à l’activité physique ici au Manitoba.»
En tant que mère, Chantal Young a personnellement ressenti le besoin d’offrir des activités sportives en français à ses enfants : «Mes filles ont d’abord fait du sport en français, parce qu’on ne parlait qu’en français à la maison. Dans les premières années de la vie de mon ainée, faire du sport en anglais n’était pas une option.»
À lire aussi : La pratique sportive chez les jeunes francophones : un enjeu communautaire
Parler français hors de l’école
Pour Céline Dumay, directrice générale de la Fédération du sport francophone de l’Alberta (FSFA), le sport reste «un moyen de parler sa langue maternelle dans un contexte hors-scolaire pour les jeunes, même pour les adultes […] de parler sa langue en ayant du plaisir».
La FSFA organise notamment les Jeux francophones de l’Alberta, dont la dernière édition a réuni plus de 315 participants et 150 bénévoles. L’organisme a aussi participé à la campagne de sensibilisation #ELLEBOUGE et organisé des formations sur les ainés afin de vaincre l’isolement linguistique.
À lire aussi : La ringuette, tout feu tout femmes
Manque de financement
Céline Dumay insiste malgré tout sur le manque de financement : «Il y a des barrières, c’est certain. De notre côté, on est une petite équipe […] on ne peut pas aller beaucoup plus loin que notre programmation actuelle. En Alberta en général, ce n’est pas toujours possible de s’entrainer et de pratiquer dans sa langue.»
Pour Céline Dumay, directrice générale de la Fédération du sport francophone de l’Alberta (FSFA), le financement fédéral n’est toujours pas suffisant de manière générale.
En 2020, des organismes francophones ont participé à une table ronde avec Sport Canada où ils ont soulevé le problème des couts associés à la participation au sport. Ils avaient alors recommandé à l’agence du gouvernement fédéral de dédier du financement aux communautés francophones afin d’inciter la pratique du sport en français.
Après le dépôt du budget fédéral de 2021, la ministre des Sports a lancé l’initiative Le sport communautaire pour tous.
Ce volet du Programme de soutien au sport a pour objectif d’appuyer la participation des groupes sous-représentés et représente 80 millions de dollars sur une période de deux ans.
Parmi les groupes concernés : les communautés noires, autochtones, racisées, 2ELGBTQI+, les personnes à faible revenu et les nouveaux arrivants.
Du canoë pour tous
La ministre des Sports a annoncé le 21 juin que Canoe Kayak Canada fait désormais partie de la liste des bénéficiaires de l’initiative Le sport communautaire pour tous.
Canoe Kayak Canada recevra jusqu’à 404 700 dollars d’Ottawa qui pourront être redistribués dans des clubs de kayak.
La ministre des Sports, Pascale St-Onge. Photo : Marianne Dépelteau
Le travail n’est pas terminé
«Dans la population, on sait que des groupes communautaires qui desservent des communautés de langue officielle en situation minoritaire ont besoin de ressources pour élargir l’accessibilité de façon générale à leurs services, incluant le sport. Ça fait partie des réalités sur lesquelles on continue de travailler», indique Pascale St-Onge.
La ministre des Sports dévoilera bientôt un plan pour le sport sécuritaire et assure que la langue fait partie des réflexions.
«Tout ce qui concerne la discrimination, que ce soit par rapport à la langue, la religion, l’orientation sexuelle ou la race, ça n’a pas sa place dans le sport. Des efforts doivent être faits par toutes les organisations pour éliminer la discrimination dans le sport.»
Dans sa réforme visant à mettre fin à la culture toxique des sports, une clause appuie «l’importance d’avoir des conseils d’administration qui sont diversifiés. Avoir des personnes qui parlent les deux langues officielles, ça fait partie de la solution pour avoir de meilleures pratiques, gouvernance et décisions pour desservir les personnes francophones ou anglophones.»
Manifestation devant le Parlement canadien, conférences de presse virulentes, déclarations publiques acérées, le torchon brule entre les Premières Nations et les Métis de l’Ontario.
Au cœur des tensions, le projet de loi fédéral C-53 qui reconnait officiellement le droit à l’autogouvernance de la Nation métisse de l’Ontario (NMO).
Autrement dit, les communautés métisses ontariennes sont en voie d’obtenir le droit de choisir leurs représentants, d’écrire leurs propres lois et de se doter d’une constitution.
Le texte du projet de loi a d’ores et déjà été adopté à l’unanimité en deuxième lecture à la Chambre des communes. S’il est adopté en troisième lecture par les deux chambres, il gravera dans le marbre une entente relative à l’autonomie gouvernementale signée en 2019 entre la NMO et Ottawa.
L’accord, mis à jour en février dernier, identifie formellement la Nation métisse de l’Ontario comme la représentante des communautés métisses vivant sur le territoire ontarien.
«L’entente porte atteinte à nos droits fonciers»
Margaret Froh est présidente de la Nation métisse de l’Ontario.
«C’est le résultat d’un travail pour lequel notre peuple s’est battu pendant quelque 200 ans. Il s’agit d’une réconciliation pour des dizaines de milliers de Métis», salue Margaret Froh, présidente de la NMO.
Dans un communiqué de presse, Marc Miller, ministre des Relations Couronne-Autochtones, considère que cette entente et les ententes similaires conclues avec les Nations métisses de la Saskatchewan et de l’Alberta «jettent les fondements nécessaires au renouvèlement des relations entre le Canada et chacun de ces gouvernements métis» et créent «de nouvelles occasions de bâtir avec eux un avenir meilleur».
Qui sont les Métis?
La Constitution canadienne de 1982 reconnait trois groupes autochtones au pays : les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Être Métis signifie plus que de posséder un héritage familial mixte autochtone et européen.
Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, paru en 1996, affirme que «bon nombre de Canadiens ont des ancêtres autochtones et non autochtones, mais que cela n’en fait pas des Métis ou même des Autochtones. […] Ce qui distingue les Métis, c’est qu’ils s’associent à une culture typiquement métisse».
En 2003, dans l’arrêt Powley, la Cour suprême a établi une liste de 10 critères, dont les liens ancestraux et l’appartenance à une communauté, afin de déterminer si une personne peut bénéficier des droits accordés aux Métis.
Les 133 Premières Nations de l’Ontario, représentées par les Chefs de l’Ontario, dénoncent, elles, une menace pour leurs terres.
«L’entente porte atteinte à nos droits fonciers et à nos titres ancestraux», critique Veldon Coburn, membre de la Première Nation des Algonquins de Pikwakanagan et professeur adjoint à l’Institut de recherche et d’études autochtones de l’Université d’Ottawa.
Jason Batise est directeur général du Conseil tribal Wabun, composé de six Premières Nations situées dans le Nord de l’Ontario.
«Nous rejetons la présence de Métis sur nos territoires ancestraux. C’est nous et nous seuls qui sommes ici depuis des temps immémoriaux», poursuit Jason Batise, directeur général du Conseil tribal Wabun, composé de six Premières Nations situées dans le Nord de l’Ontario.
Le Conseil tribal Wabun a soumis une demande de révision judiciaire à la Cour fédérale pour faire annuler l’entente conclue en février de cette année.
«Nous n’avons jamais été consultés ou invités à discuter. Ce manque de collaboration du gouvernement nous laisse perplexes», relève Jason Batise.
À ses yeux, certaines communautés représentées par la NMO n’existaient pas historiquement et n’attestent pas d’une présence continue sur le territoire. De ce fait, elles ne peuvent pas être titulaires de droits en vertu de l’article 35 de la Constitution, lequel reconnait les droits ancestraux ou issus de traités.
«Ils revendiquent près des deux tiers de la province. Ils n’ont aucune terre, alors ils essaient de s’approprier les nôtres», s’inquiète le directeur général.
Identité métisse controversée
Face à ces accusations, la NMO assure que l’entente concerne uniquement la gestion des affaires internes.
«L’accord est très clair. Il n’aura aucune incidence sur les droits des Premières Nations. Il ne porte ni sur les terres ni sur les ressources. Il s’intéresse seulement à notre capacité à élire nos dirigeants, à gouverner et à prendre soin de nos enfants», insiste Margaret Froh.
L’entente stipule que la NMO a la compétence pour exercer des «pouvoirs internes et de base», comme pour les questions liées à la citoyenneté, aux élections et à l’administration. La NMO devient également responsable de l’application de la Loi fédérale concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Un document mis en ligne par le ministère des Relations Couronne-Autochtones précise que «si d’autres domaines de compétence ou enjeux susceptibles d’avoir une incidence sur d’autres groupes autochtones étaient négociés à l’avenir, des consultations appropriées seront entreprises par la Couronne».
Cette controverse cache un débat sur l’authenticité de certaines communautés métisses. En 2017, le gouvernement de l’Ontario en a identifié six nouvelles, étendant le territoire métis jusqu’à la frontière provinciale avec le Québec.
Deux nouvelles communautés métisses ont notamment été reconnues sur le territoire du Conseil tribal Wabun et sur celui de la Première Nation des Algonquins de Pikwakanagan.
Dialogue au point mort
Veldon Coburn est membre de la Première Nation des Algonquins de Pikwakanagan et professeur adjoint à l’Institut de recherche et d’études autochtones de l’Université d’Ottawa.
«Ça n’a rien à voir avec la reconnaissance du peuple métis dont le statut autochtone est validé depuis 1982, mais selon tous nos experts, rapports et recherches, il n’y a jamais eu de groupes métis qui ont vécu sur nos terres», assène Veldon Coburn.
«La nation métisse de l’Ontario n’a pas de patrie et d’assise territoriale traditionnelle», ajoute Jason Batise.
Margaret Froh de la NMO conteste vivement cette position : «D’un point de vue juridique et factuel, c’est totalement faux de dire que ces communautés n’existaient pas. On doit arrêter de dénier l’identité métisse et de hiérarchiser les droits.»
Les positions semblent irréconciliables. Si Margaret Froh se dit prête à poursuivre un «dialogue respectueux», Jason Batise assure que les Premières Nations vont continuer à se battre devant les tribunaux.
«Quand il s’agit de nos terres, nous ne pouvons pas faire de compromis. J’ai du mal à voir comment on pourrait arriver à un consensus», estime-t-il.
Sur la colline du Parlement, le projet de loi a été renvoyé devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord. Il reviendra sur les bancs de la Chambre des communes à l’automne pour une troisième lecture, avant d’être examiné par le Sénat.
En attendant, les Premières Nations de l’Ontario sont plus que jamais mobilisées. Elles viennent même de mettre en ligne un site Internet dédié à la lutte contre le projet de loi C-53.
Inquiétudes autour du Cercle de feu
Les Premières Nations craignent que le projet de loi C-53 n’ouvre la porte à l’exploitation minière dans la région dite du Cercle de feu, à 500 kilomètres au nord de Thunder Bay, en Ontario.
Jason Batise, directeur général du Conseil tribal Wabun, s’interroge sur les motifs réels de l’entente : «Serait-ce aussi un moyen de faire progresser l’exploitation minière dans des endroits où les gouvernements sont confrontés à l’opposition des communautés autochtones existantes?»
Jusqu’alors, la Première Nation Nishnawbe Aski s’opposait à l’exploitation d’un gisement minier présent sur ses terres ancestrales. Mais une communauté métisse y revendique également des territoires.
«Il y a un léger chevauchement. Métis et Premières Nations coexistent dans une petite partie de cette région», reconnait Margaret Froh, présidente de la Nation métisse de l’Ontario.
La cheffe de file métisse se veut néanmoins rassurante : «Nous serons toujours aux côtés des Premières Nations pour veiller à ce que la Couronne respecte son obligation de consultation lorsque les droits des peuples autochtones sont susceptibles d’être touchés.»
Avec des informations de Mélanie Tremblay
Le fédéral retire ses publicités de Facebook et Instagram
Jugeant la réaction de Meta de bloquer l’accès aux nouvelles canadiennes «déraisonnable et irresponsable», le gouvernement fédéral suspend la publicité sur Facebook et Instagram. Le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, en a fait l’annonce lors d’une conférence de presse conjointe avec le Bloc québécois et le NPD, mercredi.
Le député bloquiste Martin Champoux était aux côtés du ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, et du député néodémocrate Peter Julian pour annoncer le retrait de la publicité fédérale sur Meta.
En 2021-2022, le gouvernement fédéral a dépensé 11,4 millions de dollars en publicité sur les plateformes de Meta. «On va réinvestir cet argent-là au niveau des médias, a indiqué le ministre. Les détails seront communiqués dès que possible.»
Ne voyant pas de résolution dans le processus de règlementation de la loi, Google a à son tour annoncé son intention de retirer les liens vers les nouvelles canadiennes de ses produits lors de l’entrée en vigueur de la loi, ce qui se fera en décembre prochain.
Le ministre Rodriguez demeure cependant convaincu de trouver un terrain d’entente avec Google. «Nous sommes convaincus, au sein du gouvernement, que ce que Google demande actuellement peut être fait et le sera par le biais de règlementations».
Le député bloquiste, Martin Champoux soutient que «le seul moyen de les faire plier, ça va être de montrer une solidarité, une unanimité». Après l’annonce gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec, les Villes de Québec et de Montréal ainsi que plusieurs organismes médiatiques ont annoncé le retrait de leurs publicités sur Meta.
Le gouvernement veut aider les Canadiens à payer leur épicerie
Mercredi, 11 millions de personnes et de familles à revenu faible ou modeste ont commencé à recevoir un remboursement fédéral unique pour l’épicerie.
Cette aide financière peut atteindre «467 $ pour les couples admissibles ayant deux enfants, 234 $ pour les Canadiennes et les Canadiens célibataires sans enfant et 225 $ pour les personnes âgées, en moyenne», a confirmé le ministère des Finances par communiqué.
En conférence de presse, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a avoué les limites de la mesure : «Je sais que ça ne compensera pas tout l’impact de l’inflation, mais pour ceux qui en ont vraiment besoin […] le remboursement apportera un répit important»
Analyse du cout des ingrédients dans un contexte inflationniste.
La Maison de la francophonie de Victoria devient réalité
La ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, a annoncé mardi l’octroi de plus d’un million de dollars à la Société francophone de Victoria (SFV). Cet argent lui permettra d’acquérir et de rénover la Maison de la francophonie de Victoria, un espace de rencontre et de partage.
Le projet a pour but de favoriser la collaboration entre la SFV et les organismes partenaires de la région en centralisant les activités et services à la communauté francophone au même endroit.
«Je n’étais même pas encore au monde lorsque ce projet germait dans l’esprit des membres de la communauté francophone de Victoria», a indiqué la présidente de la SVF par voie de communiqué. «Cette journée, un grand nombre d’entre nous l’ont attendue avec impatience, et nous y sommes!»
La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) va entendre la Nation Wet’suwet’en
L’audience virtuelle qui permettra d’examiner le traitement du Canada et de la Colombie-Britannique envers cette Première Nation dans le cadre de la construction du gazoduc de Coastal GasLink aura lieu le 10 juillet.
Des représentants de la Nation Wet’suwet’en, opposés à ce projet depuis 2019, parleront notamment d’interactions avec le Groupe d’intervention pour la sécurité de la collectivité et de l’industrie (GISCI) de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
En 2020, l’opposition à la construction du gazoduc s’est manifestée partout à travers le pays alors que divers groupes ont bloqué des chemins de fer. La même année, la GRC avait déployé la GISCI afin d’empêcher tout blocage de l’accès à la route lors de la construction du gazoduc et avait procédé à des arrestations.
Affaire Paul Bernardo : Marco Mendicino encore dans l’eau chaude
Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino.
La loi sur l’accès à l’information a permis à La Presse canadienne d’obtenir des courriels démontrant que la commissaire du Service correctionnel du Canada, Anne Kelly, a avisé le bureau du ministre de la Sécurité publique du transfert du criminel Paul Bernardo
Une semaine avant le transfert du criminel, Anne Kelly a envoyé des courriels à la sous-ministre déléguée, Tricia Geddes et au sous-ministre, Shawn Tupper, qui a accusé réception.
Quand la nouvelle a fait surface, le 2 juin, le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a affirmé ne pas avoir été mis au courant. Quelques jours plus tard, les médias dévoilaient que son personnel avait été informé du transfert. Des membres du Parti conservateur du Canada ont alors réclamé sa démission.
Une première femme à la tête de Hockey Canada
Hockey Canada a confirmé mardi la nomination de Katherine Henderson au poste de présidente et cheffe de la direction. L’ancienne directrice générale de Curling Canada est la première femme à diriger la fédération. Elle succède à Scott Smith.
Aux prises avec des scandales sexuels et financiers, l’ensemble du conseil d’administration et la direction générale avaient remis leur démission. L’équipementier Bauer Hockey, qui avait suspendu son partenariat avec Hockey Canada, est revenu sur sa décision suite à l’annonce de mardi.
Denise Bombardier s’est éteinte
La journaliste, essayiste et chroniqueuse s’est éteinte mardi des suites d’un cancer. En 2018, elle avait provoqué de vives réactions dans la francophonie canadienne en affirmant à l’émission Tout le monde en parle que les francophones «avaient à peu près disparu». Propos qu’elle a tenus après un séjour en Ontario et au Manitoba.
À lire aussi : Parler ou ne pas parler de Denise Bombardier?
Aryel Maharaj, coordinateur chargé des activités de vulgarisation et de sensibilisation au Centre national d’information sur les troubles de l’alimentation.
Le gouvernement fédéral s’est penché sur la question des troubles alimentaires en 2014, puis à nouveau cette année sommairement dans un rapport sur la santé mentale des filles et des jeunes femmes. Force est de constater qu’entre 2014 et 2023, presque rien n’a changé dans l’offre de soins.
«Nous n’avons noté aucune augmentation des ressources», regrette Aryel Maharaj, coordinateur chargé des activités de vulgarisation et de sensibilisation au Centre national d’information sur les troubles de l’alimentation (NEDIC).
«Il y a un intérêt accru et plus de financement depuis la pandémie. Nous avons vu plus d’annonces de financement au cours des trois dernières années, mais il s’agit généralement de programmes pilotes de financement. Rien à long terme.»
Selon des calculs de l’Association des troubles alimentaires du Canada (ATAC), près d’un million de personnes au pays répondent aux critères correspondant à un diagnostic de troubles alimentaires. Ce sont les troubles mentaux qui causent le plus de décès.
À lire aussi : Santé mentale : les filles au centre d’un rapport fédéral
Manque de ressources
Shaleen Jones, directrice générale de l’organisme Eating Disorders Nova Scotia, déplore elle aussi le sous-financement chronique du système de santé.
Selon Shaleen Jones, directrice générale de l’organisme Eating Disorders Nova Scotia, «la clé est d’intervenir rapidement».
«Les ressources sont dispersées et n’ont pas été adaptées à la gravité et à l’ampleur des besoins, dit-elle. Généralement, les ressources se concentrent dans les zones urbaines. Si vous vivez dans une grande ville et si vous avez de l’argent, vous avez beaucoup plus d’options que quelqu’un qui n’a pas de moyens financiers.»
Au Nouveau-Brunswick, à l’Île-du-Prince-Édouard et dans les territoires, il n’existe aucun programme financé publiquement qui est spécialisé dans les troubles de l’alimentation.
«Les patients très malades sont soit hospitalisés dans un lit de psychiatrie générale, ou alors la province paie leur transfert vers une autre province où il y a un lit de soins spécialisés», rapporte Aryel Maharaj.
Selon lui, dans l’ensemble du pays, il faut attendre entre 6 mois et 2 ans pour obtenir des soins publics contre les troubles de l’alimentation. «Dans tout le pays, des personnes sont mortes pendant qu’elles étaient sur la liste d’attente.»
Aryel Maharaj explique que l’attente allonge la durée nécessaire de traitement : «Si le cerveau n’est pas nourri, il est très difficile d’effectuer le travail de traitement psychologique. Plus le temps passe, plus il faut passer de temps [en traitement].»
À 12 ans, Kira McCarthy a développé ce qui sera plus tard diagnostiqué comme un autre trouble spécifié de l’alimentation et des conduites alimentaires (ATSACA). C’est à 40 ans qu’elle est allée chercher de l’aide pour la première fois.
Kira McCarthy est enseignante et a une compagnie d’art dont les profits sont versés à l’organisme torontois Sheena’s Place.
Elle s’est d’abord tournée vers Sheena’s Place, un organisme torontois qui offre du soutien sans diagnostic aux personnes atteintes d’un trouble alimentaire. Quatre ans plus tard, après un rendez-vous chez le médecin, elle s’est retrouvée sur une liste d’attente de deux ans avant d’avoir droit à une évaluation de son état.
Frôler la mort pour être enfin pris en charge
D’après Kira McCarthy, les chiffres sur le pèse-personne et la quantité de calories consommées avaient plus d’importance pour les équipes médicales que ses comportements. «Sur papier, j’avais l’air en bonne santé. Je n’avais pas besoin d’aller aux urgences.»
«Les listes d’attente pour accéder à un programme public de traitement sont si longues que les patients se retrouvent aux urgences tellement ils sont malades», souligne April Elliott, pédiatre pour adolescents et accompagnatrice personnelle.
«Souvent, une personne est médicalement compromise, mais pas suffisamment pour être hospitalisée», affirme-t-elle.
Quant aux personnes admises, elles se voient généralement renvoyées de l’hôpital trop tôt, explique Aryel Maharaj. Faute de ressources, «les gens sortent de l’hôpital et n’ont pas le temps de résoudre quoi que ce soit.»
Sterling Renzoni est étudiant en biochimie à l’Université Trent, à Peterborough, en Ontario, et conseille le ministère de la Santé de l’Ontario sur les soins aux patients.
Sterling Renzoni l’a vécu plus d’une fois. Après une consultation chez son médecin de famille, il a été hospitalisé puis renvoyé chez lui.
«Après deux semaines, j’ai atteint le poids magique qu’ils considèrent comme suffisamment stable, mais mentalement, je n’étais pas assez bien pour prendre soin de moi en dehors de l’hôpital, raconte-t-il. J’ai eu mon congé de l’hôpital et j’ai été suivi aux soins ambulatoires [pendant un an].»
«Tout a bien commencé […], mais mon état a fini par se dégrader.»
Ce qui l’a mené à vivre le même cycle une deuxième fois : consultation aux urgences, admission à l’hôpital local, transfert vers un plus grand hôpital pédiatrique, obtention du congé de l’hôpital dès l’atteinte d’un certain poids pour poursuivre en clinique ambulatoire.
Sterling Renzoni estime que les soins qu’il a reçus étaient inadéquats : «Les soins ambulatoires n’ont pas fonctionné la première fois. Ça ne me convenait pas d’y retourner et d’essayer la même chose, mais c’était ma seule option.»
Agir de manière précoce
April Elliott, pédiatre pour adolescents et accompagnatrice personnelle, espère voir plus de financement à différentes échelles de soins.
«La clé est d’intervenir hâtivement. Si l’on peut détecter la maladie dès l’apparition des symptômes, les chances de guérison précoce et de réduction de la douleur et de la souffrance augmentent considérablement», indique Shaleen Jones.
Pour April Elliott, «il faut plus de financement pour soutenir les personnes à divers stades de la maladie, comme des efforts pour réduire les listes d’attente, des groupes de soutien en personne et en virtuel».
«Nous savons tous que le traitement au sein de la communauté est bien plus responsable sur le plan financier que l’hospitalisation ou les programmes intensifs», ajoute-t-elle.
Aryel Maharaj relate que le virtuel, qui diminuait les séjours dans les hôpitaux, a permis d’aider plusieurs personnes pendant la pandémie.
Mais aujourd’hui, «plusieurs provinces» n’offrent plus ces services pour lutter contre les troubles de l’alimentation. «Imaginez les personnes qui avaient finalement accès à des services grâce à ça et qui soudainement n’y ont plus accès», se désole-t-il.
Si le Comité permanent de la condition féminine s’est attardé à la santé mentale de ce groupe de la population, ce n’est pas par hasard. Déjà en 2013, Statistique Canada rapportait que les jeunes âgés de 15 à 24 ans étaient plus susceptibles de développer des troubles de santé mentale que n’importe quelle autre tranche d’âge.
Dans son rapport de mars dernier, le Comité souligne que ces troubles ne se manifestent pas de la même façon selon le sexe.
Un groupe à risque
Leora Simon est présidente du Conseil national des personnes ayant une expérience vécue.
«Pour bien des problèmes de santé mentale, comme les troubles alimentaires, la dépression et les troubles anxieux, les filles présentent des taux plus élevés que les garçons, et cet écart s’accentue au fil du temps», peut-on lire dans le document.
Leora Simon est présidente du Conseil national des personnes ayant une expérience vécue, un comité consultatif de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM). Ayant elle-même lutté contre des troubles alimentaires dans sa jeunesse, elle reconnait que «c’est une période très spécifique […] où tu peux vraiment changer la vie [d’une personne]».
Pour les jeunes filles et femmes, le Comité s’est penché sur cinq grands aspects : les troubles alimentaires, les troubles anxieux, la consommation de substances et la toxicomanie, le suicide et les idées suicidaires, ainsi que la santé mentale périnatale.
À lire aussi : L’itinérance au féminin : rendre visible l’invisible
Des lacunes dans les services
L’accessibilité aux services en santé mentale reste aussi un enjeu important.
Dans un mémoire présenté au Comité, l’organisme sans but lucratif Les enfants d’abord note que les délais d’attente pour obtenir des services spécialisés dépassent parfois les limites acceptables d’un point de vue clinique. En Ontario par exemple, ces délais peuvent aller jusqu’à deux ans et demi.
Mais pour Leora Simon, l’accessibilité va au-delà de la simple présence de services : «Les jeunes ne sont pas nécessairement à l’aise d’accepter des services à l’hôpital ou au centre médical. On conseille des programmes dans les communautés, particulièrement dans les carrefours jeunesse.»
Peu de traitements adéquats
D’après la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), 1,2 million d’enfants et de jeunes Canadiens ont des troubles de santé mentale suffisamment graves pour perturber leur fonctionnement et leur développement, mais moins de 20 % d’entre eux reçoivent un traitement adéquat.
À lire aussi : Les provinces et les territoires responsables d’offrir des soins de santé en français
S’attaquer à la racine du problème
Le Comité permanent de la condition féminine a formulé 18 recommandations au gouvernement fédéral dans son rapport, telles que soutenir la recherche et la collecte de données, investir dans la prévention et la sensibilisation, mais aussi s’attaquer à des questions sociales.
En ce sens, il recommande notamment de réduire la pauvreté, d’améliorer l’accès au logement, de financer des services communautaires de transition ainsi que d’appuyer la formation à la fois des professionnels et dans les écoles.
Leora Simon se réjouit que le Comité parle de la «racine» de plusieurs problèmes de santé mentale.
Si tu peux intervenir plus tôt dans la vie, si tu peux fournir du logement abordable, du soutien alimentaire, des choses comme ça, ça peut améliorer la santé des jeunes. C’est une question de prévention et d’intervention précoce. Tu as vraiment la chance de changer la vie de la personne et d’éviter des crises.
À lire aussi : Santé mentale chez les jeunes : la prévention fait défaut (Acadie Nouvelle)
Le rapport fait aussi ressortir des facteurs influant sur la santé mentale des filles : stéréotypes sexistes, normes sociales, violence sexuelle, Internet, médias sociaux, cyberintimidation et pandémie de COVID-19.
Toujours selon le document, les filles sont beaucoup plus susceptibles que les garçons «d’avoir une utilisation plus problématique des médias sociaux», entre autres à cause de l’hypersexualisation.
«C’est aussi important d’informer les gens sur les effets des réseaux sociaux», commente Leora Simon. Le Comité recommande d’ailleurs que le gouvernement fasse de la sensibilisation aux méfaits en ligne et qu’il légifère pour contrer la cyberintimidation et l’exploitation sexuelle en ligne.
Nour Enayeh, présidente de l’Alliance des femmes francophones du Canada, est «choquée» que la prestation de services en français dans le domaine de la santé mentale ne soit pas incluse dans le rapport du Comité permanent de la condition féminine.
Et les francophones?
Malgré les 18 recommandations du Comité, aucune ne porte explicitement sur la prestation de services de santé mentale en français.
«C’est assez choquant que le français en tant que langue officielle ne soit pas du tout mentionné», déclare Nour Enayeh présidente de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC).
Une étude universitaire de 2019 sur les barrières linguistiques en santé dans les communautés francophones en situation minoritaire a pourtant déjà montré que l’absence de services dans sa langue peut «nuire aux soins, les retarder ou entrainer un mauvais diagnostic».
«Quand on parle de santé mentale, c’est beaucoup les émotions, remarque Nour Enayeh. Déjà c’est compliqué d’expliquer ses émotions, mais si en plus on ne peut pas le faire dans notre propre langue, c’est très compliqué. Le pire, c’est de comprendre les diagnostics.»
L’incompréhension d’un diagnostic peut en effet mener les patients francophones à commettre des erreurs dans les soins à la maison, confirme l’étude.
L’intersectionnalité de la santé mentale
Le fait d’être francophone n’est pas le seul obstacle à l’obtention de soins et de services d’aide en santé mentale.
Les victimes de marginalisation ou de discrimination, que ce soit en raison de leur identité de genre, de leur situation de handicap ou de leur appartenance ethnique sont aussi souvent négligées.
C’est le cas notamment des jeunes issus des communautés 2ELGBTQI+ pour qui «seulement 20 % des prestataires de services de santé mentale au Canada offrent des services adaptés», selon le rapport du Comité permanent de la condition féminine.
Les peuples autochtones n’échappent pas non plus à la pénurie de services. Pour cette raison, le rapport leur accorde une importance particulière dans presque toutes ses recommandations. Il faut dire que les taux de troubles mentaux et de suicide chez les jeunes autochtones demeurent inquiétants.
Le rapport souligne également qu’il «existe très peu de services pour répondre» aux besoins des femmes immigrantes et réfugiées, qui se retrouvent parfois socialement et linguistiquement isolées.
Pourtant, Nour Enayeh, souligne que «l’accès à des soins de santé en français était la priorité pour [plusieurs] femmes» selon une étude menée par son organisme sur les besoins des femmes immigrantes francophones en situation minoritaire.
À lire aussi : Être femme ou être francophone en situation minoritaire
La présidente est d’avis que la langue fait partie de l’intersectionnalité : «On peut avoir des femmes ou des filles qui ont des problèmes de santé mentale, qui en plus sont racisées, en plus sont issues de l’immigration, qui ont des traumatismes reliés à l’immigration, en plus sont francophones […] c’est tout interrelié.»