Le 31 mars restera gravé dans l’Histoire comme le jour du premier contact entre les peuples autochtones du Canada et le chef de l’Église catholique.
Au terme de la rencontre, de ses deux doigts, le leadeur de la délégation et chef national déné, Gerald Antoine, s’est inspiré de l’œuvre de Michel-Ange, peinte au 14e siècle sur le plafond de la chapelle Sixtine, pour illustrer l’évènement.
Désignant d’abord le doigt de Dieu, le chef a évoqué le discours imposé aux victimes jusqu’à maintenant. «Cet autre doigt, c’est notre voix. Nous vous confions que nous sommes toujours ici malgré toutes les choses que nous avons subies. Nous n’avons jamais abandonné», a-t-il résumé en conférence de presse suivant cette première rencontre avec le pape.
Une rencontre publique a ensuite eu lieu le 1er avril, en présence de dizaines de survivants des pensionnats, de dirigeants, de gardiens du savoir et de jeunes autochtones, qui ont pris part au voyage avec la délégation.
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Des témoignages et des présents
En plus de leurs attentes et témoignages, les représentants ont confié au pape François plusieurs cadeaux symboliques, incluant un berceau.
«C’est le symbole de chacun des enfants autochtones qui sont allés aux pensionnats, ceux qui ont survécu et, plus important encore, ceux qui ne sont pas retournés à la maison», a expliqué la grande cheffe de la nation crie Eeyou Istchee, Mandy Gull-Masty.
«Le Saint-Père s’est vu confier la responsabilité de veiller sur ce berceau la nuit prochaine, et de réfléchir au message que nous lui avons livré», a-t-elle ajouté.
Devant les victimes des pensionnats indiens, le pape s’est engagé à venir présenter ses excuses au Canada en 2022. Bien que plusieurs étapes restent à franchir vers la réconciliation, le chef Gerald Antoine parle de sa récente rencontre comme d’un moment décisif.

La reconnaissance d’un génocide et les excuses offertes par le pape François représentent un geste significatif et une étape historique vers une réponse aux requêtes des anciens élèves des pensionnats indiens.
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a livré une déclaration dans laquelle il mentionne espérer voir «Sa Sainteté le pape François présenter des excuses lors d’une visite au Canada, conformément à la demande des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Le gouvernement du Canada tient résolument à mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation» (CVR).
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Transformer la colère et la douleur
La grande cheffe Mandy Gull-Masty a partagé à la presse le sens que prennent les concepts du pardon et des excuses dans le processus de guérison.
«Nous pensons sept générations à l’avance, a-t-elle indiqué. Nous espérons que nos actions bénéficieront aux enfants de nos enfants. Nos enfants ont besoin de grandir dans une société où leur culture et leur spiritualité autochtones ne sont pas seulement tolérées, mais également accueillies et encouragées par la même institution qui a tenté de les éliminer.»

Le pardon est un choix personnel, mais nous ne pouvons nier le pouvoir des excuses. Le pardon est un acte de compassion à travers lequel nous sommes capables de démontrer que nous transformons la colère et la douleur en un processus de guérison de paix, d’amour et de liberté.
«Des excuses sont nécessaires pour réparer la relation entre les gens des Premières Nations et l’Église catholique, a-t-elle poursuivi. Nous espérons que l’Église appuiera ce processus de transformation dans sa relation avec les Premières Nations, et que, dans une première étape, offriront au monde des excuses, pour que plusieurs puissent entendre les mots “Je suis désolé”.»
Les autres membres de la délégation de treize représentants ont également pris la parole, pour témoigner des sévices subis dans les pensionnats. L’ainé et conseiller spirituel Fred Kelly, présenté comme l’un des instigateurs de la délégation, a confié avoir vu sa langue, sa culture et ses parents réduits par les religieux.
Les autres membres de la délégation de treize représentants ont également pris la parole, pour témoigner des sévices subis dans les pensionnats. L’ainé et conseiller spirituel Fred Kelly, présenté comme l’un des instigateurs de la délégation, a confié avoir vu sa langue, sa culture et ses parents réduits par les religieux.
«On vous apprend que votre croyance envers le Créateur est l’œuvre du démon, que votre collectivité est le chemin de l’enfer, que votre langue ne mérite pas d’être parlée, que vous devez en apprendre une autre», a-t-il partagé.
Ce dernier dit avoir invité le pape à l’Ile de la Tortue — nom désignant l’Amérique du Nord chez certains peuples autochtones — pour un festin, dans le cadre d’une cérémonie spirituelle.
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