Le 27 janvier, Samy Khalid, héraut d’armes du Canada et directeur de l’Autorité héraldique du Canada (AHC), a livré une conférence virtuelle, organisée par la Société d’histoire de Toronto (SHT), qui a attiré beaucoup d’intéressés désireux d’en apprendre davantage sur l’héraldique… mais aussi discuter de leurs propres armoiries, médailles et emblèmes familiaux.
L’héraldique est une science ouverte à tous, mais qui reste pourtant méconnue du grand public, selon Samy Khalid. Au départ, elle a été créée pour distinguer les chevaliers en cotte de mailles sur un champ de bataille. Au fil du temps, elle est devenue une sorte de «langue» paneuropéenne, au système héréditaire.
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Une discipline encore méconnue du grand public
Les armoiries, drapeaux, insignes sont des emblèmes riches en couleurs et en histoire. Parallèlement aux traditions emblématiques millénaires des Premières Nations, le système héraldique, apparu au Moyen-Âge en Europe de l’Ouest, a connu un essor en Amérique du Nord au cours des quatre derniers siècles.
Avec ses règles, son langage et son esthétisme particuliers, cette science n’a cessé de piquer la curiosité.

Samy Khalid, héraut d’armes du Canada.
L’AHC joue aujourd’hui un rôle central dans cette discipline au Canada. Créée en 1988, avec la mission de promouvoir le patrimoine canadien et la connaissance héraldique, pour tous les citoyens ou organismes canadiens, l’AHC est le service gouvernemental chargé de créer des armoiries, drapeaux et insignes au pays.
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Le rôle de l’Autorité héraldique aujourd’hui
Samy Khalid, titulaire d’un doctorat en histoire et en études canadiennes de l’Université d’Ottawa, explique la diversité du travail de l’AHC.
En plus de l’enregistrement d’emblèmes historiques, l’AHC est notamment chargée de l’approbation des insignes et drapeaux des Forces armées canadiennes. Elle s’occupe aussi de l’enregistrement d’emblèmes autochtones et de la promotion de l’héraldique canadienne.
Samy Khalid veut en finir avec les clichés entourant sa profession. «Aujourd’hui comme hier, l’héraldique n’est pas réservée qu’aux nobles! Dès le 12e siècle, les villes, les ecclésiastiques, bourgeois ou artisans en font usage.»
Bien que l’héraldique existe depuis plus de 900 ans, son rôle est toujours d’actualité, insiste-t-il.
Elle est omniprésente dans la vie quotidienne, que ce soit dans l’espace public (armoiries ornant un immeuble), dans la vie privée (armoiries et emblèmes familiaux) ou dans les marques (logos de Canada Dry, Porsche, etc.).

Armoiries de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario.
En 2018, l’AHC a dévoilé les armoiries de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario. Elles montrent notamment le drapeau franco-ontarien et la caravelle de Samuel de Champlain, qui a exploré l’Ontario en 1615, représentant aussi les vagues d’immigration en Ontario. Elles comptent aussi d’autres symboles évoquant les arts et la culture ainsi que le travail de la terre et du sous-sol.
Créer ses armoiries familiales
Aujourd’hui, au Canada, 5 % des armoiries sont officielles, c’est-à-dire créées par des hérauts professionnels et approuvées par un document juridique.
Les 95 % restantes sont des armoiries «de libre adoption», c’est-à-dire qu’elles ont été créées ou sont créées par des personnes, un comité, l’Institut généalogique Drouin, le Collège canadien des armoiries… Ce qui rend la qualité et la valeur juridique des armoiries «variables».
Samy Khalid déconseille ce genre de pratique : «Pour éviter le plagiat et une qualité suspecte, il vaut mieux faire appel à l’Autorité héraldique du Canada.»
Tout citoyen canadien peut demander à l’AHC de créer des armoiries pour lui ou sa famille afin d’illustrer et raconter son histoire, son identité.
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Un processus alliant art et histoire
Créer des armoiries peut prendre plusieurs mois, voire des années. Chaque demandeur est pris en charge par l’un des cinq hérauts de l’AHC.
Le héraut commence notamment par évaluer l’admissibilité, c’est-à-dire le sérieux, de la demande. En consultation avec le demandeur, il mène ensuite l’étape de la création, où se mêlent histoire, art et symbolisme.

Exemples d’armoiries produites par l’Autorité héraldique du Canada pour des particuliers.
Tout ce travail coute entre 2 000 et 3 500 $ au Canada. Contrairement à ce qui se fait dans d’autres pays, l’AHC a choisi de rendre publics les armoiries, emblèmes et drapeaux qu’elle crée ou enregistre. Tout se trouve dans le Registre public des armoiries, drapeaux et insignes du Canada, ainsi que sur la page Facebook de l’AHC.
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La reconnaissance des armoiries autochtones
«La création et l’enregistrement d’armoiries constituent un vrai symbole de la réalité canadienne», explique Samy Khalid.
Dès sa création, l’AHC a accordé une place aux communautés autochtones dans le Registre public des armoiries. Quelques-unes ont fait appel à l’AHC pour faire inscrire leurs armoiries au registre, comme la nation huronne-wendat et la nation des Siksika.
Des particuliers d’origine autochtone, souvent des lieutenants-gouverneurs ou des commissaires des territoires, ont aussi demandé leurs propres armoiries.