Nous avons constaté que les actes raciaux et discriminatoires restent pris dans des racines et des préjugés qui résistent au temps. Il faut donc continuer d’informer et de sensibiliser la jeunesse pour qu’ils puissent agir et réagir, qu’ils soient victimes ou témoins», exprime Mireille Bizimana, directrice de la Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan (CAFS).
L’atelier proposait une session d’information sur les droits de la personne animée par l’Association des juristes d’expression française de la Saskatchewan (AJEFS), une conférence des experts Abdoulaye Yoh et Mamadou Ka ainsi qu’une discussion autour des mécanismes de lutte contre le racisme.
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Une histoire de racisme
En ne reconnaissant pas l’égalité des groupes humains, le racisme s’oppose aux idées de justice, de fraternité et de dignité. Pour lutter contre ces maux, il faut les comprendre et en connaitre les sources, souligne Céline Desrosiers, directrice de l’AJEFS.
«On entend tellement de choses sur le racisme, le harcèlement ou la discrimination qu’il est important de revenir aux définitions et d’en expliquer les origines», dit-elle.
Au travers d’une présentation très complète, l’AJEFS a tenu à rappeler que le racisme s’est manifesté de différentes manières au travers de l’Histoire. Esclavage, colonialisme, antisémitisme, génocides, Apartheid, ségrégation ou encore épurations ethniques ont ainsi été mentionnés.
La vingtaine de participants à l’atelier a notamment appris que le chercheur Marcel Trudel avait recensé 4 185 esclaves dans la deuxième moitié du 17e siècle sur un territoire s’étendant de la Gaspésie à Détroit, sous les régimes français et anglais.
Tous n’étaient cependant pas esclaves. Les données historiques décrivent Mathieu da Costa comme un Africain ayant offert, en tant qu’homme libre, ses services d’interprète pour des commerçants et des explorateurs français et hollandais. Dans la même période, on retiendra également le nom d’Olivier Le Jeune, premier enfant noir scolarisé en Nouvelle-France.
De l’esclavagisme des Africains ou au rejet des Asiatiques, le carrousel des lois discriminatoires n’a cessé de tourner pendant des décennies : «Il y avait une loi qui interdisait d’engager ou de permettre à des femmes ou filles blanches de résider, loger ou travailler dans un établissement commercial ou de divertissement tenu ou dirigé par un Japonais, un Chinois ou toute autre personne orientale», rappelle Hofa Comlan, agente de développement à l’AJEFS.
C’est ainsi qu’elle a présenté le cas de Quong Wing et Quong Sing, des Canadiens d’origine chinoise qui tenaient deux restaurants et une maison de chambres à Moose Jaw, et qui furent accusés en 1912 d’avoir embauché trois femmes blanches.
Impossible d’aborder le thème des lois punitives sans parler de la Loi sur les Indiens adoptée en 1876. Principale loi canadienne portant sur l’enregistrement des individus issus des Premières Nations et du système des réserves, elle donne encore aujourd’hui au gouvernement canadien l’autorité exclusive de légiférer sur «les Indiens et les terres réservées pour les Indiens».
De l’ONU à la Déclaration universelle des droits de l’homme
L’horreur de la guerre et de l’Holocauste qui frappa le monde en 1939-1945 aboutira finalement, le 24 octobre 1945, à la création de l’Organisation des Nations Unies (ONU) afin de faire respecter les droits de l’Homme et les libertés fondamentales partout sur la planète.
Selon la définition proposée par la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948, «le concept de discrimination raciale est entendu comme un traitement inégal, une remarque ou un acte de violence commis dans l’intention de rabaisser une personne sur la base de son apparence physique, de sa “race” ou de son appartenance à une ethnie, une nationalité ou encore une religion».
Les multiples identités du racisme
Souvent confondu avec la xénophobie ou l’ethnocentrisme, le racisme revêt donc plusieurs formes et caractéristiques. Lorsqu’on fait référence aux Autochtones, aux gens de couleur ou d’origines ethniques diverses comme étant «inférieurs», «sauvages», «primitifs» ou «mauvais», on parle de racisme culturel.
Le racisme institutionnel, lui, se traduit davantage par l’assimilation ou encore le dénigrement d’une culture et de traditions, comme avec l’épisode douloureux des pensionnats au Canada.
Plus proche du quotidien, plus insidieux et silencieux, se dessine le racisme systémique. Toujours présent dans la communauté fransaskoise selon la CAFS, ce dernier se manifeste de manière indirecte et voilée par des politiques et des pratiques préjudiciables à certains groupes.

Abdoulaye Yoh occupe depuis aout 2020 le poste de directeur administratif au Conseil des écoles fransaskoises.
«Le racisme systémique peut passer par des actes isolés, comme le harcèlement psychologique en milieu de travail», avance Abdoulaye Yoh, qui occupe depuis aout 2020 le poste de directeur administratif au Conseil des écoles fransaskoises (CÉF).
Enfin, le profilage racial, ou racialisation, est un autre type de manifestation du racisme. «Un parfait exemple de profilage racial est celui de Samwel Uko. Ce jeune homme noir de 20 ans avait été expulsé en mai 2020 de l’Hôpital général de Regina par des gardes de sécurité alors qu’il venait parce qu’il avait besoin d’aide en santé mentale. Il a fini par mettre fin à ses jours dans le lac Wascana le jour suivant», déplore M. Yoh.
Mamadou Ka, politologue et professeur associé à l’Université de Saint-Boniface, au Manitoba, est pour sa part revenu sur la notion de «le privilège blanc», ces préjugés inconscients et stéréotypes entourant le phénomène de racialisation.

De nos jours, la notion de race est principalement utilisée pour établir des différences entre les groupes, avec le résultat d’en marginaliser certains par rapport à la société. On y englobe aussi les préjugés comme le préjugé d’affinités, le préjugé de noms, le préjugé d’accents, le préjugé d’attribution et celui de confirmation.
Pour la CAFS, le mot d’ordre reste donc la mobilisation. Les mécanismes de défense et de protection continuent d’évoluer et c’est en appelant la jeunesse à s’informer que l’organisme tente de mettre fin au racisme et à la discrimination.