Le projet de Communautés francophones accueillantes (CFA), une initiative menée par Immigration Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), a pour but de faciliter l’arrivée de nouveaux arrivants dans la francophonie canadienne.
Les représentants du secteur de l’immigration ont pu d’ailleurs en discuter dans le cadre du 14e Symposium annuel sur l’immigration francophone de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA).
Le gouvernement fédéral consacre 12,6 millions $ provenant du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir. En tout, ce sont 14 CFA qui mènent des projets, à travers des activités diverses, pour que les immigrants d’expression française trouvent non seulement les services dont ils ont besoin pour s’établir, mais ressentent aussi l’appartenance à la communauté francophone, où qu’ils soient.
Des défis préexistants
Néné Oularé, coordonnatrice du Réseau immigration francophone de Terre-Neuve-et-Labrador (FFTNL) et de la CFA de Labrador City – Wabush, souligne que l’initiative permet de surmonter plusieurs défis.
Parmi ceux-ci, le «plus flagrant» est le sempiternel problème «d’amener aux tables de discussion les besoins des francophones.» Celle qui a coordonné la CFA de Labrador City explique : «La communauté francophone au Labrador est encore plus minoritaire qu’en Ontario. Pour accueillir des immigrants dans de bonnes conditions, il fallait que la communauté francophone identifie quels étaient les manques de services, dans une optique de se dire : “Ce dont moi je manque en tant que francophone, les nouveaux arrivants vont en manquer encore plus!”»

Néné Oularé poursuit : «C’est simple. Nous n’avons pas les mêmes services que les anglophones, mais nous payons les mêmes taxes. Je l’ai expliqué comme ça lorsque j’ai rencontré un maire [dans le cadre d’un projet de la CFA] c’était tout de suite plus concret», explique-t-elle en riant.
Verbaliser le manque amène les francophones de Terre-Neuve à se responsabiliser et à signifier lorsqu’il y a un manque quelque part, quel qu’il soit.
Lorsque la CFA de Labrador City a été choisie, la coordinatrice de la FFTNL a eu plus de facilité à créer des partenariats ou des collaborations pour toutes sortes d’activités quotidiennes comme faire traduire un formulaire en français à l’hôpital, créer un lien vers un service en santé mentale ou juridique en français, etc.
Les échos sont similaires au Manitoba. Anna Diallo, agente de liaison communautaire pour le CFA de Rivière-Seine au Manitoba considère que le défi d’amélioration du transport en commun offre une opportunité de partenariat communautaire grâce à l’initiative des CFA.
Même si sa communauté est proche de Winnipeg, elle se situe néanmoins en région rurale. L’initiative des CFA aide à renforcer voire à créer des partenariats avec des acteurs communautaires (organismes en immigration, politiques communautaires, provinciaux…) pour pallier le défi du transport en commun.

L’approche inédite «par et pour» la communauté francophone
La gestion du projet reposant sur le principe « par et pour » les communautés francophones permet développer des projets qui correspondent spécifiquement aux besoins des nouveaux arrivants.
Depuis le début de l’initiative, «la participation au conseil consultatif communautaire [dans le cadre de la CFA] a changé, illustre Anna Diallo.
Les membres, issus d’organismes en immigration, sont devenus beaucoup plus actifs et nous aident vraiment à mettre en place des services pour les francophones et pour les nouveaux arrivants. Ils donnent leurs idées.
Anna Diallo ajoute: «Le RIF du Manitoba est un partenaire venant en appui pour favoriser la mise en œuvre de l’initiative auprès des trois collectivités désignées. C’est un projet développé en collaboration et en partenariat avec les communautés , et c’est ensuite le Réseau en immigration francophone qui appuie et développe [le projet].»
Même écho du côté de Terre-Neuve-et-Labrador : «En exposant des exemples de manques de services qui nous parviennent du terrain, on ne va pas vers une communauté en disant : “Vous avez besoin de tel ou tel outil”. Non! Pour la première fois, c’est la communauté elle-même qui formule ses besoins. Les réseaux d’organismes sont là pour les mettre en œuvre. Nous ne sommes pas là pour dire qui est telle communauté francophone. Nous sommes là pour les servir, point.»
Selon Anna Diallo et Nabila Sissaoui, agente de projet de l’initiative CFA et coordonnatrice d’évènements spéciaux au RIF Centre-Sud-Ouest en Ontario, la création des CFA leur a d’ailleurs ouvert les yeux sur «des [manques] dans certains secteurs, des choses à améliorer».
Par exemple, à Hamilton, c’est un incubateur en entrepreneuriat. À Labrador City, un guide en français pour les nouveaux arrivants est en cours de création. À Rivière-Seine (au Manitoba), ce sont les transports en commun. Autant d’exemples qui se multiplient selon les secteurs et les services à mettre en place.
Manque de visibilité des CFA et COVID-19 : des freins notables
Une contrainte non négligeable pour les CFA est bien sûr la COVID-19, qui a porté un coup d’arrêt à toutes les activités de rassemblement et donc, de rencontres entre communauté établie et nouveaux arrivants. Tout s’est donc transposé au virtuel.
Selon Néné Oularé, la communauté francophone de Terre-Neuve-et-Labrador, plutôt concentrée dans la région de Labrador City, est dynamique et tissée serrée. «Vous pouvez imaginer que le virtuel n’est pas leur tasse de thé», remarque-t-elle.
Pour Nabila Sissaoui, dans la région de Hamilton, la difficulté est surtout de mettre en lien les nouveaux arrivants et les employeurs.
Pour l’instant, nous maintenons les contacts en virtuel, nous faisons une grande campagne auprès des employeurs en faveur des immigrants francophones, mais nous espérons très fort pouvoir faire cela dès septembre.

Les trois agentes se retrouvent aussi sur le manque de visibilité des CFA : il arrive encore que de nouveaux arrivants ne sachent même pas que des structures et services bien définis soient présents pour les orienter, les aider à s’établir, à trouver un emploi, des écoles, à rencontrer des francophones de la région, etc. Une faille qu’un travail de communication, qui est présentement en cours, devrait venir combler dans les 14 CFA.
Malgré tout, les trois agentes sont unanimes : ces défis passés ou actuels pour un meilleur accueil des nouveaux arrivants francophones sont en train de se muer en opportunités.
Surtout, selon Néné Oularé, «à travers les CFA, les francophones se sont rendu compte qu’ils avaient le pouvoir d’identifier leurs besoins, de les faire remonter et de travailler, parfois avec la communauté anglophone, pour mettre en place des services qu’ils ont et que nous n’avons pas encore. Les francophones sont en train de s’apercevoir qu’ils peuvent dire “Nous sommes là”».