le Samedi 19 avril 2025
le Vendredi 2 octobre 2020 12:45 Société

Découvrir le feu sacré : parcours d’un pompier volontaire de Vancouver

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
Le pompier volontaire Elie Dewulf devant sa caserne de rattachement de Comox. — Photo : Gratianne Daum
Le pompier volontaire Elie Dewulf devant sa caserne de rattachement de Comox.
Photo : Gratianne Daum
FRANCOPRESSE – Son regard ne trompe pas, encore moins en temps de pandémie. Le port du masque met en exergue le reflet de l’âme. Les yeux du pompier volontaire de la caserne de Comox Elie Dewulf affichent les qualités inhérentes au métier : posé, attentif et tourné vers les autres. Portrait du parcours singulier de ce jeune Français de 33 ans qui, de son propre aveu, «n’avait jamais pensé devenir pompier».
Découvrir le feu sacré : parcours d’un pompier volontaire de Vancouver
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«Il a beaucoup révisé et s’en sort bien dans la formation, avec l’esprit d’équipe ; jusqu’à présent, Elie est une très bonne recrue pour Comox Fire Rescue et on espère qu’il restera pour un bout de temps.» C’est ainsi que le chef adjoint de la caserne, Rick Shelton, décrit l’apprenti.

C’est pourtant un hasard si le jeune Français s’est retrouvé devant lui. Dewulf est originaire d’un petit village d’environ 2200 âmes dans les Flandres françaises, Boeschèpe. Fait amusant, ce nom pourrait signifier la bergerie (shepe) du bois (bosch) : prémonitoire pour un futur pompier?

Venu au Canada il y a quatre ans, il s’est installé avec sa compagne dans la vallée de Comox il y a deux ans. «On est tombés amoureux de l’endroit», confie Elie Dewulf.

Le pompier volontaire Elie Dewulf décrit les appareils des camions d’intervention.

Photo : Gratianne Daum

L’étincelle

Après avoir trouvé un travail, le jeune homme cherchait un complément de salaire et une manière de rencontrer du monde.

J’ai entendu à la radio que Comox avait ouvert les recrutements pour intégrer la caserne en tant que volontaire, je me suis dit “pourquoi pas?” J’y suis allé et j’ai été très bien accueilli par les pompiers qui m’ont motivé, m’ont fait visiter la caserne et monter dans les camions, c’était cool!

— Elie Dewulf, pompier volontaire

«J’ai rempli le formulaire et la semaine suivante j’avais une interview avec les chefs. Et quelques jours plus tard, j’ai été pris.»

Lors de la visite de la caserne pour Francopresse, le «rookie» décrit à son tour toute l’organisation et les procédures avec enthousiasme : les différents véhicules, les instruments qui s’y trouvent ou encore le matériel sportif mis à disposition par l’association de la caserne, comme des vélos ou des planches à pagaie.

Il explique également toutes les spécificités propres à la caserne, de sa réputation provinciale en tant que centre de formation aux différentes astuces mises en place par les encadrants en temps de pandémie. «Nos chefs et capitaines sont venus avec des idées et solutions pour pouvoir garantir la protection et sécurité des pompiers lors des interventions».

Par exemple, des autocollants indiquant le statut «propre» ont été apposés sur les poignées des camions. «On a été les premiers à faire ça et d’autres font maintenant la même chose», confie-t-il humblement.

Les astuces des capitaines pour lutter contre la propagation du virus au sein de l’équipe d’intervention.

Photo : Gratianne Daum

Le suivre et l’écouter, c’est comme être avec un enfant dans un parc de jeux, mais au comportement encalminé et qui possède tout le sens des responsabilités d’un monde adulte.

Au moment de passer devant les tenues, il propose presque avec gêne de passer la sienne pour les besoins photos, et l’on devine tout le respect qu’il porte à l’uniforme dans cette attitude effacée qui semble le caractériser. On perçoit également la personnalité type des intervenants de première ligne à sa façon de ramener la conversation au groupe et à la communauté. 

Je cherchais aussi à rencontrer du monde, me faire des amis, et c’est devenu une famille. C’est aussi un excellent moyen de pouvoir aider ma communauté.

— Elie Dewulf, pompier volontaire

À l’extérieur, devant les bâtiments d’entrainement, il s’arrête devant la tour où, il y a quelques jours, et comme chaque année, les pompiers de Comox ont grimpé autant d’étages que de frères américains tombés le 11 septembre 2001 : 343.

Il revient souvent sur cet aspect communautaire de la caserne, mentionnant notamment lorsqu’il regrette que la pandémie modifie son rôle. «La COVID-19 a impacté considérablement la caserne. Le niveau de réponse a été diminué, les entrainements et formations ont été annulés pour plusieurs semaines. La caserne, qui était ouverte au public, a fermé. On a dû s’adapter.»

À la fin de la rencontre, devant les portes du garage d’où sortent habituellement les camions, qui sont closes pour le moment, il souligne à nouveau à quel point il aime quand elles sont ouvertes et que le public peut entrer et poser des questions, tel un repère dans la vie collective locale, mise sous cloche à l’heure actuelle.

L’accent français, pas facile à comprendre!

«Évidemment, la communication est un aspect primordial pour les services d’incendie. En particulier les communications radio», rappelle pour commencer le chef adjoint lorsqu’on lui demande quelles sont les qualités nécessaires pour être recruté.

«Il faut être conscient de cette réalité, que tout le monde puisse comprendre les messages passés. Et cela a fait partie de l’entretien d’embauche et l’anglais d’Elie s’améliore chaque jour un peu plus. Mais il est vrai que nous en avons discuté au sein du comité des membres», continue-t-il sans s’encombrer des conventions.

«Et en fin de compte, nous avons décidé que nous pouvions comprendre 99 % de ce qu’il nous disait. Parfois, on a encore des difficultés et on doit lui demander de répéter, mais rien qui n’a eu de répercussions sur sa performance ici.»

Le nordiste est le premier Français à intégrer la caserne et un grand nombre de Canadiens français ont fait partie des rangs depuis des années. Actuellement, ils sont 3 francophones sur 50.

Le pompier volontaire Elie Dewulf devant l’un des camions d’intervention.

Photo : Gratianne Daum

Entre peur et reconnaissance

Questionné sur ses motivations, Elie Dewulf répond sans hésitation : «Toute l’intervention me plait. À partir du moment où le pager sonne, il y a une montée d’adrénaline. On se prépare mentalement à ce que l’on va devoir faire.»

Il enchaine : «L’entraide entre pompiers est l’une des grandes ressources, il n’y a pas de jugement […] Et la satisfaction du travail accompli.»

Avant de conclure «Je pense que la motivation principale est le fait que j’aime faire ça. Je suis content de venir m’entrainer. C’est aussi un nouveau challenge qui me pousse à me dépasser tant physique que mentalement.»

À savoir quelle est sa plus grande peur en intervention, bien qu’il n’en compte pas encore beaucoup à son actif, il cite sa toute première : «C’était une voiture en feu entre deux habitations, c’était très impressionnant. Voir les flammes monter assez haut et voir les murs des maisons commencer à bruler et ressentir la chaleur, même avec tout l’équipement que l’on a, c’est impressionnant.»

Sa plus grande satisfaction jusqu’ici est la reconnaissance, illustrée lors d’une intervention médicale :

Un homme âgé avait eu un malaise et était tombé. On est intervenus. Tout s’est bien passé. Et au moment de partir, son épouse est venue nous voir, m’a pris la main et m’a remercié. À ce moment-là je me suis dit, “j’ai fait quelque chose de bien aujourd’hui”.

— Elie Dewulf, pompier volontaire

Si rien ne le prédestinait à devenir pompier, une vocation semble rougeoyer dans le cœur et l’esprit du Français, attisée par l’envie de redonner à sa communauté d’adoption.

«Avant d’intégrer le Comox Fire Department, je n’avais jamais pensé devenir pompier. Maintenant, j’aime vraiment. Et je me dis que s’il y avait une place ici à Comox, pourquoi pas.»