le Lundi 1 septembre 2025
le Lundi 1 septembre 2025 6:30 Sciences et environnement

Feux de forêt au Canada : l’angoisse des anciens évacués persiste

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Face à des saisons des feux de plus en plus intenses et précoces, de nombreux habitants, vivent dans la crainte de vivre de nouvelles évacuations.  — Photo : CC0 Domaine public, Pxhere
Face à des saisons des feux de plus en plus intenses et précoces, de nombreux habitants, vivent dans la crainte de vivre de nouvelles évacuations.
Photo : CC0 Domaine public, Pxhere
FRANCOPRESSE – Tandis que les saisons de feux de forêt catastrophiques se succèdent, les Canadiens et Canadiennes qui ont vécu des évacuations au cours des dernières années ont encore en tête leur expérience traumatisante. L’inquiétude de revivre le cauchemar ne les quitte pas et teinte leur quotidien.
Feux de forêt au Canada : l’angoisse des anciens évacués persiste
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«Je regarde mon téléphone tous les matins en me réveillant et tous les soirs en me couchant pour checker l’avancée des feux. Ce n’est pas toujours facile de s’endormir», confie Mafily Mae Diabagate, résidente de Fort McMurray, en Alberta.

Mafily Mae Diabagate avait bénéficié d’un accompagnement psychologique après l’incendie qui avait ravagé Fort McMurray en 2016. 

Photo : Courtoisie

En mai 2024, un feu de forêt se déchainait à une quinzaine de kilomètres de cette ville du nord-ouest de la province, située en pleine forêt boréale. Les habitants se préparaient à une éventuelle évacuation. 

Huit ans plutôt, les flammes avaient déjà ravagé Fort McMurray, forçant les 90 000 habitants à quitter précipitamment la région.

À l’époque, Mafily Mae Diabagate avait fait partie des premières équipes de bénévoles venues nettoyer l’agglomération. Elle se souvient encore du choc à son arrivée dans une «ville fantôme» aux façades fondues et brulées. 

Depuis, la jeune femme a dû apprendre à vivre «sur le qui-vive», avec cette peur constante, «ce quelque chose de pesant derrière la tête», qui s’est instillé dans son quotidien. 

«Mais en même temps, la communauté est aussi plus unie et solidaire. On se comprend, on a les mêmes traumatismes», nuance-t-elle.

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«Est-ce qu’on aura encore une maison, une ville à notre retour»

Dans les Territoires du Nord-Ouest, Angélique Ruzindana Umunyana était parmi les 20 000 habitants qui ont fui Yellowknife en aout 2023. La capitale des Territoires du Nord-Ouest était alors menacée par un important brasier non maitrisé.

Angélique Ruzindana Umunyana se souvient de la peur qui l’habitait lorsque sa ville de Yellowknife était menacée par les flammes en aout 2023. 

Photo : Courtoisie

«La fumée était tellement forte, l’air tellement irrespirable, on n’avait pas d’autre choix, il fallait se mettre à l’abri, loin, juste pour respirer», se remémore-t-elle. 

Pendant trois semaines, elle a vécu avec sa famille dans un hôtel de Rivière-la-Paix, une petite ville d’Alberta, à plus de 1000 kilomètres de son domicile. 

Angélique Ruzindana Umunyana se souvient de l’inquiétude qui l’habitait, de cette peur de l’inconnu qui ne la lâchait pas : «Est-ce qu’on aura encore une maison, une ville à notre retour? Quand est-ce qu’on pourra même rentrer chez nous?»

De nombreux éléments préoccupent toujours la mère de famille, au premier rang desquels figurent le manque d’argent du gouvernement territorial pour faire face à de tels évènements et l’accompagnement des sans-abris en cas de nouveau départ.

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Stress prétraumatique 

Les mégafeux représentent un évènement traumatique indéniable, en particulier pour celles et ceux qui ont dû fuir face à l’avancée des flammes, qui ont craint pour leur vie et celles de leurs proches. 

Dans le cadre d’une étude menée à Fort McMurray en 2016, Geneviève Belleville, professeure de psychologie à l’Université Laval à Québec, a constaté qu’environ 15 % de la population souffrait d’un trouble de stress posttraumatique à la suite de l’incendie dévastateur. 

Un grand nombre de symptômes caractérisent ce trouble : la personne revit l’évènement en permanence, fait des cauchemars et des insomnies, elle se sent déconnectée de son entourage, son humeur est altérée, etc.

«Cela peut apparaitre à retardement, des semaines ou des mois après, relève Geneviève Belleville. Les personnes qui souffrent déjà de problèmes de santé mentale ou qui ont moins de soutien social sont plus à risque.» 

À l’approche d’une nouvelle saison des feux, la psychologue explique qu’il est normal d’éprouver une «inquiétude excessive et d’envisager le pire». «Le plus important, c’est la manière dont on gère ce stress. Il faut le verbaliser le plus possible.» 

«Les changements s’emballent, mais que faire?»

À l’autre bout du pays, la Nouvelle-Écosse a connu un imposant feu de forêt en juin 2023. Le brasier avait détruit 150 maisons près de Halifax et contraint 16 000 personnes à fuir leur domicile.

Selon Geneviève Belleville, professeure de psychologie à l’Université Laval, les ressources disponibles sont insuffisantes pour prendre en charge les personnes qui souffrent de stress posttraumatique à la suite d’un incendie. 

Photo : Courtoisie

«Avec le changement climatique, ça ne va pas s’arranger. Notre environnement est beaucoup plus vulnérable. Il faut qu’on investisse davantage pour s’assurer qu’on soit prêt», insiste le président de la Société canadienne de météorologie et d’océanographie, Serge Desjardins, qui réside en banlieue de la capitale de la province.

À Yellowknife, Angélique Ruzindana Umunyana est consciente que les situations catastrophiques risquent de devenir la norme : «Les changements s’emballent, mais que faire? Je n’ai qu’un gros point d’interrogation en guise de réponse. En attendant, j’essaie de faire mon bout de chemin dans ma communauté.»

En dépit de la multiplication des catastrophes naturelles, Mafily Mae Diabagate compte elle aussi rester à Fort McMurray. Elle envisage même de s’acheter une maison. «Après tout ce qu’on a traversé, que peut-il arriver de pire?», lâche-t-elle.

Elle se tient cependant prête à toute éventualité. Elle dispose d’un sac d’évacuation chez elle, d’un autre sur son lieu de travail, sans oublier des bouteilles d’eau dans sa voiture. 

Mafily Mae Diabagate salue à cet égard la qualité du travail de prévention et de sensibilisation des autorités : «On est traumatisés, mais ça ne nous empêche pas de fonctionner, on le supporte, car on fait confiance aux secours pour gérer la situation.»

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Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Données de parution:

Charlottetown

Marine Ernoult

Journaliste

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