le Dimanche 10 août 2025
le Samedi 9 août 2025 6:30 Sciences et environnement

Pollution des lacs au Canada : l’impact des embarcations de plaisance

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Environ 13 millions de Canadiens et Canadiennes s’adonnent chaque année à la navigation de plaisance, soit plus de 50 % de la population adulte.
Environ 13 millions de Canadiens et Canadiennes s’adonnent chaque année à la navigation de plaisance, soit plus de 50 % de la population adulte.
FRANCOPRESSE – L’été venu, bateaux à moteur et motomarines affluent sur les lacs canadiens. Mais derrière leur sillage, ces embarcations laissent plus que des vagues : elles contribuent à la pollution des plans d’eau. Si l’industrie nautique prend conscience du problème, les plaisanciers ont, eux aussi, un rôle à jouer.
Pollution des lacs au Canada : l’impact des embarcations de plaisance
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«Pendant la pandémie, le nombre de personnes ayant acheté un bateau a considérablement augmenté, notamment de grosses embarcations de loisirs pour le ski nautique, la bouée tractée ou le wakeboard», amorce Chris Houser, professeur au département des sciences de la terre et de l’environnement de l’Université de Waterloo, en Ontario.

Par temps de guerre commerciale avec les États-Unis, l’heure est de nouveau au repli : «Beaucoup de gens restent dans leur région et, s’ils ont une motomarine, un bateau, ou la possibilité d’en louer un, ils vont en profiter», poursuit-il. Avec, au bout de l’hélice, des effets néfastes sur l’environnement.

Une activité qui a le vent en poupe

Le Conseil canadien de la sécurité nautique estime que plus de 16 millions de personnes pratiquent la navigation de plaisance au pays en 2025.

Un engouement qui s’est amplifié lors de la pandémie, alors que les ventes de bateaux au Canada ont bondi d’environ 40 %.

Qualité de l’eau et espèces envahissantes

Chris Houser évoque notamment les fuites accidentelles de lubrifiant gazeux – au moment de remplir le réservoir à quai ou au démarrage – qui peuvent nuire à la qualité de l’eau. «De nombreux bateaux ne sont pas économes en carburant et rejettent beaucoup de gaz d’échappement, ce qui entraine aussi une pollution de l’air», ajoute-t-il.

Chris Houser croit que la situation actuelle avec les États-Unis pousse beaucoup de Canadiens et de Canadiennes à rester au pays et à profiter des activités nautiques locales. 

Photo : Courtoisie

«Par conséquent, si l’on considère la production de dioxyde de carbone (CO2) à long terme, ce n’est pas un sport respectueux de l’environnement. En plus de cela, il y a les bateaux qui créent des remous à l’arrière de leur hélice, ainsi que des sillages.»

En brassant le fond des lacs, les remous peuvent remettre en suspension dans l’eau des matières qui y reposaient depuis longtemps. Or, ces sédiments peuvent contenir des polluants issus d’anciennes activités nautiques ou industrielles. Résultat : dans les lacs peu profonds et boueux, la qualité de l’eau peut se détériorer et nuire à la faune.

Le transport d’un plan d’eau à un autre d’espèces exotiques envahissantes – comme la moule zébrée, le myriophylle en épi (une herbe d’eau douce), la châtaigne d’eau ou le cladocère épineux (un petit crustacé) – fragilise également les habitats aquatiques, explique Olivier Morissette, professeur en biologie à l’Université du Québec à Chicoutimi.

D’où l’importance de bien vider, nettoyer et sécher son embarcation entre chaque destination. «Il y a de plus en plus d’aides aux citoyens pour diminuer les risques. Il y a notamment des stations de lavage ou de nettoyage qui sont installées en bordure des lacs.»

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Une industrie engagée?

«Les bateaux de plaisance représentent moins de 0,01 % des émissions mondiales de GES», affirme la directrice générale de la National Marine Manufacturers Association (NMMA) Canada, Marie-France MacKinnon.

«La navigation de plaisance fait partie intégrante de la vie canadienne et joue un rôle essentiel dans notre économie», soutient Marie-France MacKinnon. 

Photo : Courtoisie

Elle assure que depuis 20 ans, «les fabricants ont réduit les émissions d’échappement de plus de 90 % et amélioré l’efficacité énergétique de plus de 40 %».

L’industrie soutient des campagnes d’éducation pour prévenir la propagation des espèces aquatiques envahissantes et investit dans l’innovation pour réduire son impact environnemental, garantit la porte-parole.

La NMMA collabore en outre avec Environnement Canada, l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis et la Commission européenne pour développer des carburants à faible teneur en carbone, évaluer le cycle de vie des bateaux et intégrer des matériaux recyclés dans la conception des embarcations.

Des embarcations électriques moins polluantes?

L’électrification est l’une des solutions explorées pour réduire les émissions des embarcations nautiques dans une étude commandée par l’International Council of Marine Industry Associations (ICOMIA).

Néanmoins, celle-ci n’est pas tout le temps viable, nuance Marie-France MacKinnon. «Les bateaux de plaisance sont utilisés en moyenne entre 35 et 48 heures par an. Cette faible utilisation signifie que les systèmes à batterie n’offrent pas nécessairement une réduction significative des émissions comparées aux moteurs thermiques, surtout si l’on tient compte de la durée de vie et des cycles de recharge des batteries.»

Les carburants durables, comme le diésel renouvelable, le biogaz, l’hydrogène, sont particulièrement prometteurs, estime-t-elle.

Sensibilisation et responsabilité individuelle

«L’industrie nautique cherche à trouver des moyens plus efficaces et efficients pour ses moteurs et à réduire leur impact. Elle est donc consciente du problème. La plupart du temps, le problème ne vient pas nécessairement du bateau, mais plutôt de l’utilisateur», constate Chris Houser.

Olivier Morisette rappelle que la mise en œuvre de solutions dépend de la bonne volonté des utilisateurs. 

Photo : Courtoisie

«Il y a beaucoup de lacs où des associations de riverains ou des organismes viennent gérer les activités», observe Olivier Morissette.

Ils mettent en place, par exemple, des limites de vitesse ou interdisent l’accès à certaines zones, notamment celles pour la baignade. Certains n’hésitent pas à rendre payant l’accès aux rampes de mise à l’eau, notamment pour les utilisateurs externes.

Il est aussi recommandé de ne pas naviguer à moins de 300 mètres de la rive et dans une zone d’au moins 7 mètres de profondeur, détaille le professeur.

Mais, comme le souligne Chris Houser, cela dépend aussi du type et de la forme des cours d’eau : «Si vous avez un grand lac ouvert, il y a beaucoup de possibilités pour changer les comportements. Mais si le lac est long et étroit, il n’y a peu d’espace pour les modifier.»

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Pollution sonore et cohabitation

La pollution sonore reste aussi un problème majeur, surtout quand le bruit des moteurs s’accompagne de musique crachée par des hautparleurs, remarque Chris Houser. Sans oublier la pollution visuelle.

Certaines de nos recherches ont montré qu’il existe deux types de personnes qui se rendent au chalet : celles qui y vont pour les loisirs, profiter de l’eau, et celles qui y vont pour admirer le lever et le coucher du soleil.

— Chris Houser

La cohabitation entre les deux peut parfois s’avérer compliquée. «Il y a ceux qui considèrent la navigation de plaisance comme un droit […] et ceux qui disent : “Pas dans mon jardin, pas à mon quai”.»

Pour régler les conflits, certaines associations lacustres essaient de revoir les règlements et faire de la prévention, dit-il.

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Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Montréal

Camille Langlade

Cheffe de pupitre

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