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le Vendredi 1 mars 2024 13:00 Sciences et environnement

Plusieurs appels pour une meilleure gestion des sébastes

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Sébaste-chèvre (Helicolenus dactylopterus). — Photo : IFREMER (2011)
Sébaste-chèvre (Helicolenus dactylopterus).
Photo : IFREMER (2011)
IJL – RÉSEAU.PRESSE – LE GABOTEUR (Terre-Neuve-et-Labrador) – Si le syndicat des pêcheurs FFAW-Unifor a rapporté une rencontre positive avec la ministre Lebouthillier lors de sa visite en janvier dernier, l’annonce de la réouverture de la pêcherie des sébastes, qui a suivi la visite dans la capitale, a en fait remis la confiance en question.
Plusieurs appels pour une meilleure gestion des sébastes
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Dans sa dernière édition, Le Gaboteur a rapporté une rencontre positive entre les pêcheurs et la ministre Lebouthillier lors de sa visite en janvier dernier. Fait décevant, car le lendemain de la mise sous presse, le syndicat de pêcheurs, la Fish and Food Allied Workers-Unifor (FFAW-Unifor) a tenu une manifestation à Corner Brook pour dénoncer les quotas alloués de la pêche au sébaste, dont la majeure partie est destinée à la flotte extraterritoriale basée en Nouvelle-Écosse.

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«Arrêtez de tuer les régions rurales de Terre-Neuve-et-Labrador», pouvait-on lire sur certaines des pancartes qui s’alignaient devant les bureaux du ministère des Pêches et des Océans de la ville le 8 février dernier. Les manifestants demandent un quota plus élevé quant à la nouvelle pêche au sébaste. Près de 60% des quotas iront aux flottes extraterritoriales.

En divisant le total parmi les provinces, Terre-Neuve-et-Labrador en recevra 19%, tandis que la Nouvelle-Écosse en recevra 33%. Le Québec recevra 32%, le Nouveau-Brunswick 11% et l’Île-du-Prince-Édouard 5%.

La réouverture s’effectuera en deux phases, explique la ministre fédérale. La première phase, transitoire de deux ans, comprendra une récolte de données et une période de préparation pour les pêcheurs et l’industrie. La seconde phase, celle de développement à long terme, établira une pêche au sébaste avec une clé d’allocation modernisée.

Le syndicat FFAW-Unifor qualifie la décision comme «mauvaise gestion des ressources de pêche», un avis partagé parmi plusieurs qui sont impliqués dans l’industrie.

Réactions politiques

«Une faillite intellectuelle et morale», a déclaré Gerry Byrne, le député provincial libéral de Corner Brook.

Tony Wakeham, député de la circonscription provinciale de Port au Port-Stephenville et chef du Parti progressiste-conservateur, a pris le micro lors de la manifestation pour reprocher au ministère fédéral d’avoir pris une décision fondée sur la politique plutôt que sur les données concrètes.

10% du total est alloué aux peuples autochtones, mais la Première Nation Qalipu s’annonce également «choquée» par la décision de la ministre. «Cette décision met gravement en péril les moyens de subsistance d’innombrables pêcheurs autochtones et sape la confiance dans l’engagement du gouvernement en faveur de la réconciliation autochtone. La Première nation Qalipu demande avec insistance au gouvernement de reconsidérer son annonce et d’accorder la priorité à une approche côtière et autochtone de la politique d’attribution du sébaste», dit la cheffe intérimaire du groupe, Jennifer Brake, dans un communiqué de presse publié le 7 février dernier.

Les deux partis provinciaux sont d’accord sur cette décision fédérale et une communication a déjà été envoyée à Ottawa pour la dénoncer.

Dans une lettre adressée au ministre Lebouthillier au début du mois de février, le ministre provincial des Pêches, Elvis Loveless, se dit «très déçu» par cette décision. Il propose également une solution possible.

Compte tenu du nombre de pêcheurs qui détiennent des licences pour la zone 8 de pêche de la crevette, je vous demande d’envisager immédiatement une augmentation supplémentaire de l’allocation affectée par le déclin de la ressource en crevettes, complétée par un programme de rachat pour les pêcheurs qui sont en mesure de quitter l’industrie. Cela présente un avantage supplémentaire pour les pêcheurs restants qui auraient accès à une plus grande part du quota restant.

— Elvis Loveless — Ministre provincial des Pêches

Le quota de crevettes dans la zone 8, qui se trouve le long de la côte ouest de l’île, a été réduit à 1757 tonnes cette année, soit une diminution de presque 2500 tonnes.

Avant que la pêche au sébaste s’arrête en 1995, le quota pour la province était fixé à 17%. Aujourd’hui, avec une légère augmentation de 2%, le ministre provincial a déclaré à la CBC qu’il préférerait voir un quota de 30%.

Si la ministre Lebouthillier a également annoncé son intention de prolonger le Fonds des pêches du Québec et de l’Atlantique jusqu’en 2026, les détails font encore l’objet de discussions entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.

Observations scientifiques

La semaine qui a suivi l’annonce de la réouverture, les scientifiques d’Oceana Canada ont appelé au gouvernement fédéral d’élaborer un plan de gestion du sébaste, et ce, «afin d’éviter la même surpêche que celle qui a conduit à son effondrement il y a 30 ans», explique Rebecca Schijns dans un communiqué de presse.

La zone rouverte à la pêche contient deux espèces de sébastes: Le sébaste d’eau profonde et le sébaste acadien. Pour éviter la population plus délicate de sébastes d’Acadie, l’organisation caritative des océans suggère de pêcher à moins de 300 mètres de profondeur pour cibler les sébastes d’eau profonde.

Avant la réouverture de la pêche, des chercheurs ont déjà tiré la sonnette d’alarme sur les «lacunes de gestion» des deux espèces de sébastes dans la région. Dans la revue scientifique Evolutionary Applications, Laura Benestan, Quentin Rougemont, Caroline Senay, Eric Normandeau et Eric Parent ont constaté en 2021 que la restauration des stocks dans le golfe du Saint-Laurent «peut fortement influencer les zones adjacentes» par exemple.

Si l’équipe explique que «les sébastes adultes ont rarement été observés dans les eaux peu profondes du détroit de Belle-Isle», elle suggère qu’une migration des sébastes a lieu vers le plateau du Labrador par «dérive larvaire». Ils citent également des études qui font état d’une dispersion similaire pour le crabe des neiges et le capelan.

S’inquiétant de la valeur écologique et économique du sébaste, les chercheurs et les terre-neuviens et labradoriens qui travaillent directement dans l’industrie suivent attentivement la gestion de cette réouverture de pêche.