le Samedi 19 avril 2025
le Jeudi 20 avril 2023 11:00 Sciences et environnement

L’éternité a un nom : le proton

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  PHOTO : THOM GONZALEZ-PEXELS - MONTAGE FRANCOPRESSE
PHOTO : THOM GONZALEZ-PEXELS - MONTAGE FRANCOPRESSE
FRANCOPRESSE – La vie éternelle… un rêve de bien des humains depuis la nuit des temps. Dans cette course contre la mort encore inachevée, l’un des éléments de base de notre existence et de celle de l’univers défie l’usure du temps : le proton.
L’éternité a un nom : le proton
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Dans les années 1940, le géant sud-africain du diamant De Beers avait adopté le slogan «les diamants sont éternels.» L’expression est restée, surtout qu’elle a été par la suite consacrée en devenant le titre du septième volet de la saga James Bond.

Toute vérité n’est pas bonne à dire…

Même si le diamant est l’un des matériaux les plus durs de la planète (les scientifiques ont découvert un minéral encore plus dur, le lonsdaléite) et qu’il est extrêmement résistant, le diamant peut être détruit en le brulant.

Mais pour le faire disparaitre complètement, il faudrait le chauffer à une température d’environ 1 400 degrés Celsius pendant deux ou trois heures. Faut le vouloir!

Avec le temps va, tout s’en va. Tout? Pas vraiment.

Au commencement, il y avait le proton. Il va s’avérer être le champion toutes catégories de longévité et, pour ainsi dire, éternel. Le diamant peut aller se rassoir.

Mais… qu’est-ce qu’un proton?

Permettez que l’on prenne un peu de recul. Disons, jusqu’au Ve siècle av. J.-C.

Rien ne se perd, rien ne se crée

Cette maxime bien connue est la version simplifiée d’une notion exprimée en 1789 par le mathématicien et chimiste français Antoine de Lavoisier (c’est aussi lui qui a décelé la présence de l’oxygène — et qui lui a donné son nom — dans l’air et dans l’eau).

En fait, le principe est simple : lors d’une réaction, la nature de la matière change, mais non la quantité (sauf lors de réactions nucléaires). C’est la base de la loi de la conservation de la masse. Et si la masse demeure la même, c’est que le nombre d’atomes dans la matière transformée reste le même.

Le philosophe grec Anaxogore de Clazomènes est à l’origine de la notion du «rien ne se perd, rien ne se crée».

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Or… encore une fois, les Grecs y avaient pensé avant! Eh oui, au Ve siècle av. J.-C., le philosophe Anaxogore de Clazomènes, considéré comme l’un des grands penseurs de son temps, «l’avait vu venir». Anaxogore (à retenir pour les parents qui cherchent un prénom original) a passé sa vie à la recherche et à l’explication des phénomènes naturels.

Dans son ouvrage Fragments, il écrit : «Aucune chose ne devient ni ne périt, mais elle se mêle ou se sépare de choses qui sont.» Quand même. Un collant à son cahier.

Les savants grecs — sans pouvoir évidemment l’observer — énonceront le principe voulant que toute la matière soit formée de «grains invisibles» qui ne peuvent être divisés. Ce grain, ils le nomment atomos, signifiant «qu’on ne peut couper» ou «insécable».

Cette notion de l’atome comme étant la particule «élémentaire» ou «fondamentale» de toute chose, c’est-à-dire une particule qui n’est pas constituée d’autres particules, a perduré jusqu’au XXe siècle.

Et dans l’atome, il y a…

En 1919, le physicien néozélandais Ernest Rutherford montre que l’atome n’est pas vide ; il existe à l’intérieur une sous-particule, le proton.

Un peu plus tard, on découvrira que le proton a un colocataire : le neutron.

 Le proton est composé de trois sous-particules nommées des quarks.

Photo : Wikimedia Commons, Share-Alike 4.0

Donc, proton et neutron forment le noyau de l’atome, autour duquel les électrons orbitent et en assurent la stabilité. Le nombre d’électrons est toujours égal à celui des protons, mais la quantité de neutrons varie.

Le proton joue un rôle fondamental dans la matière puisque sa quantité dans l’atome définit la nature même des éléments. Un atome constitué d’un seul proton forme l’hydrogène, qui porte le numéro 1 dans le tableau périodique.

L’atome d’hydrogène est le seul à n’avoir qu’un proton, sans neutron. C’est donc l’élément le plus simple, mais aussi — et de loin — le plus courant dans l’univers ; il constitue 92 % de tous les atomes. C’est un one-man-show qui domine le monde, depuis le début de l’univers.

Mais oh, attention! Le proton n’est pas la plus petite particule pour autant. Les scientifiques ont découvert, comme dans une poupée russe, qu’à l’intérieur du proton (et aussi du neutron) se trouvent des «entités vibratoires» nommées des quarks. Trois quarks, pour être précis.

Et selon une théorie, dans les quarks… il y aurait des préons. Où cela s’arrêtera-t-il?

Du bigbang jusqu’à nos jours.

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Tout s’est joué dans les premières minutes du bigbang. Presque immédiatement, les quarks tentent de se regrouper. Ça se passe mal. Ils s’anéantissent presque tous, tout comme les électrons.

Mais peu après, miracle! Des quarks réussissent à se souder en forme de triangle pour créer des protons et neutrons assez stables. Puis, les protons et les électrons commencent à former les premiers atomes. L’hydrogène. Un quart d’heure après le bigbang, deux électrons et deux protons s’unissent pour créer l’hélium. Et c’est parti.

Comme le dirait Charles Tisseyre… fascinant.

De ces premiers atomes et premiers éléments naissent tous les autres, un proton de plus à la fois.

L’uranium est l’élément que l’on retrouve à l’état naturel avec le plus de protons, soit 92. Plusieurs autres éléments en ont davantage, mais ils ont été créés artificiellement.

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos protons.

L’immortalité existe…

L’atome, base de toute matière dans l’univers, avec en son centre les protons et les neutrons, autour desquels tournent les électrons.

Photo : Wikimedia Commons, Share-Alike 4.0

Un atome ne perd jamais de proton. La désintégration spontanée d’un proton n’a jamais été observée. Idem pour les électrons. Ceux-ci peuvent parfois s’échapper d’un atome, mais un autre composé les capte automatiquement. L’«électron libre» n’existe pas vraiment.

Rien ne se perd, rien ne se crée…

Les meilleures estimations actuelles de la durée de vie d’un proton s’élèvent à au moins 1033 années, soit un milliard de milliards de milliards de milliards d’années (d’autres disent 1034, mais n’ergotons pas pour si peu). Les protons pourraient donc facilement se dire : l’infini ne nous effraie pas.

L’électron, lui, pourrait mourir un peu plus jeune, soit à l’âge de 660 000 000 000 000 000 000 000 000 000 années (ou, si vous préférez, 6,6×1028).

Quand on sait que l’univers a environ 14 milliards d’années de vie, on peut dire sans se tromper que le proton et son complice l’électron vont tous nous enterrer.

Comme l’a dit Woody Allen, «l’éternité, c’est long… surtout vers la fin».

D’ici là, un bon conseil : si vous voulez impressionner l’être aimé, oubliez les diamants. Un collier de protons éternels, c’est bien mieux. Toujours.

Marc Poirier

Journaliste

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