Le 1er avril, la taxe sur le carbone imposée sur l’essence est passée de 8,84 cents à 11,05 cents le litre au Nouveau-Brunswick, soit une hausse d’environ 1,10 $ pour un plein de 50 litres.
Le mois dernier, le premier ministre néobrunswickois Blaine Higgs a proposé à Ottawa de suspendre pendant trois mois la tarification sur le carbone pour soulager temporairement les propriétaires d’un véhicule à essence. Sa requête, similaire à celle des premiers ministres des Prairies, a été rapidement rejetée par le gouvernement Trudeau.
«La vérité est que 94 % du prix de l’essence n’a rien à voir avec le prix de la pollution», a notamment fait valoir le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson.
«La grande majorité de l’augmentation du prix que les Canadiens voient à la pompe en ce moment est due à l’augmentation du prix du pétrole brut, en grande partie causée par l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie.»
Ventilation des sommes de taxe perçues
Le gouvernement néobrunswickois n’entend pas pour autant imiter l’Alberta. Il s’est abstenu de suspendre la taxe sur l’essence et les carburants pour ne pas se priver des 202 millions $ qu’elle devait lui rapporter.
Il prévoit également que les recettes tirées de la taxe sur les produits émetteurs de carbone atteindront 206 millions $ en 2022-2023, soit 40 millions $ de plus que l’année précédente.
Il bénéficiera en plus des 11 millions $ envoyés par le gouvernement fédéral, un montant prélevé par Ottawa avant l’instauration du système de tarification provincial en avril 2020.

Dépense des revenus de la taxe sur le carbone 2022-2023.
L’équipe de Blaine Higgs consacrera d’abord la plus grosse part de ces revenus (81 millions $) à réduire la taxe sur l’essence et les carburants.
Ensuite, un total de 68 millions $ sera redistribué aux contribuables par le biais de baisses du taux d’imposition sur le revenu des particuliers, décrétées lors des deux derniers budgets.
Un montant de 14 millions $ servira à réduire le prix du gaz naturel. Le gouvernement souhaite ainsi éviter que le consommateur ne subisse une augmentation du prix du gaz, qui coute déjà plus cher au Nouveau-Brunswick que dans d’autres provinces.
Une somme de 11 millions $ ira également aux Premières Nations, en vertu d’une entente de partage des recettes.
Enfin, le Nouveau-Brunswick transfèrera 47 millions $ vers le Fonds pour les changements climatiques. Cela signifie que seulement 21,6 % des revenus de la taxe sur le carbone iront au financement d’initiatives environnementales.
En 2021, ce Fonds pour les changements climatiques a notamment servi à financer le programme d’efficacité énergétique des logements d’Énergie NB, des incitatifs à l’achat d’un véhicule électrique, l’installation d’éclairage DEL pour les bâtiments publics, des analyses des risques d’érosion et d’inondation, un projet de recherche sur les réseaux intelligents, ou encore des activités de sensibilisation à l’environnement en milieu scolaire.
Ce Fonds avait aussi versé 5 millions $ pour le développement des petits réacteurs nucléaires, ce qui avait suscité la réprobation de plusieurs groupes de défense de l’environnement.

Seulement 21,6 % des revenus de la taxe sur le carbone iront au financement d’initiatives environnementales.
La bonne approche?
Dans les provinces ayant adhéré au modèle fédéral, 90 % des revenus issus de la taxe sont reversés aux ménages, ce qui fait que les citoyens à plus faible revenu reçoivent davantage qu’ils ne dépensent. En 2021, le montant du chèque qui leur était remis variait entre 600 $ en Ontario et 1000 $ en Saskatchewan pour une famille de quatre personnes.
Le premier ministre Higgs, qui avait d’abord critiqué la mise en place de la tarification du carbone, a finalement accepté une partie de ses principes fondateurs en privilégiant une approche lui laissant une plus grande latitude.
Le mois dernier, le député conservateur fédéral de Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, John Williamson, a lancé un pavé dans la mare en suggérant que la province revienne au programme fédéral. S’il s’oppose toujours au principe de la tarification du carbone, le politicien avance que la formule d’Ottawa reste «la moins mauvaise solution» et «le moyen plus rapide d’offrir un allègement fiscal aux électeurs».
Une taxe efficace?
Les députés libéraux provinciaux souhaiteraient surtout voir le gouvernement conservateur de Blaine Higgs consacrer une plus grande part des recettes à la transition écologique.
Même son de cloche du côté du chef du Parti vert du Nouveau-Brunswick, David Coon, qui réclame par exemple l’octroi de prêts sans intérêt pour remplacer les systèmes de chauffage par des thermopompes, et un soutien accru au développement d’un réseau de transport en commun.
À ses yeux, l’affectation de la majorité des revenus à la diminution du prix de l’essence et du gaz va à l’encontre de l’objectif initial de la tarification du carbone, soit d’encourager toujours plus les utilisateurs à trouver des solutions de rechange aux pratiques polluantes.
De son côté, l’association Atlantica Centre for Energy, qui regroupe des acteurs du secteur de l’énergie de l’Est du pays, s’inquiète plutôt du maintien d’un prix sur la pollution dans le contexte d’inflation actuel.
Sa directrice, Michelle Robichaud, estime que «les flambées spectaculaires des prix du carburant observées récemment réduisent la nécessité et l’efficacité d’une taxe sur le carbone». Cette taxe atteindra d’ailleurs 170 $ la tonne en 2030, contre 50 $ actuellement.
«L’un des principes fondamentaux d’une politique efficace de tarification du carbone consiste à augmenter progressivement et régulièrement le cout des sources d’énergie émettrices de carbone au fil du temps. Alors que les couts plus élevés du carburant sont une réalité de notre avenir, les résidents et les entreprises ont besoin de temps pour s’adapter», souligne Michelle Robichaud
Le débat sur l’avenir de la taxe est loin d’être clos, plusieurs candidats à la direction du Parti conservateur du Canada promettant de la supprimer complètement si leur parti forme le gouvernement après les prochaines élections.

Le prix de l’essence a grimpé au Nouveau-Brunswick au cours des 12 derniers mois.