Lors du comité permanent des langues officielles du 18 novembre, les témoins semblaient fatiguées de répéter qu’il est difficile d’enseigner en français dans les provinces et territoires en dehors du Québec.
Marie-Pierre Lavoie, présidente du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSFCB), a présenté un mémoire qui retrace l’inégalité des fonds attribués par le gouvernement fédéral et celui de leur province entre l’enseignement en français langue première et l’immersion.
En marge du comité des langues officielles, Marie-Pierre Lavoie raconte s’être fait dire en 2016 par un conseil scolaire anglophone qu’il n’était pas si important que ça d’avoir des écoles secondaires francophones, parce que les francophones allaient être «assimilés de toute façon». «Ça vient nous chercher», affirme-t-elle.
Un manque de 6 millions $ par an
Elle a affirmé aux députés du comité que le conseil scolaire ne recevait pas une contribution équitable de la province, malgré la clause dite de «matching». Cette clause, présente dans l’entente entre le fédéral et la Colombie-Britannique, stipule que la province devait remettre la même somme que le fédéral au CSFCB, soit environ 6 millions de dollars par année.
Mais ce n’est pas toujours possible de connaitre le montant exact, car la reddition de compte des provinces auprès de Patrimoine canadien est quasi-inexistante, fait valoir le Conseil.
«On reçoit 38 % de ce que la province reçoit dans le cadre du Programme de langue officielle pour l’enseignement (PLOÉ). Rien n’est clair. On pose des questions et on ne nous répond jamais clairement», déplore Marie-Pierre Lavoie en comité.
«On attend les règlements», résume-t-elle. Tout comme la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), également témoin ce jour-là en comité.
Et leur attente se focalise en particulier sur le règlement la partie VII de la Loi sur les langues officielles modernisée en 2023. Les organismes soutiennent que le règlement devrait exiger une reddition de compte financière précise de la part des province en ce qui concerne l’attribution de l’argent du fédéral aux conseils scolaires francophones.
PCH manque chroniquement à ses obligations
Patrimoine canadien (PCH) signe et administre les ententes du Programme de langue officielle pour l’enseignement avec les provinces et territoires et distribue les fonds.
Selon le CSFCB et le commissaire, le ministère n’a pas été en mesure de démontrer qu’il a effectué une analyse d’impact pour déterminer si ses actions ou ses oublis, dans le cadre des ententes, avaient causé un préjudice ou non. Ni s’il avait analysé les besoins de mesures positives pour l’épanouissement de la communauté francophone concernée.
Une situation similaire se déroule actuellement à Terre-Neuve-et-Labrador. Le conseil scolaire francophone de cette province attend un jugement de la Cour fédérale.
Le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique a déposé une plainte auprès du Commissaire aux langues officielles pour cette raison. Ce dernier a conclu, dans un récent rapport obtenu par Francopresse, que PCH ne s’était pas acquitté pleinement de ses obligations de consultation et d’étude d’impact.
PCH a bien donné la responsabilité à la Colombie-Britannique de consulter les communautés francophones sur ses besoins en termes de financement à l’éducation en français. Cependant, il n’a pas exercé un contrôle suffisant pour s’assurer que la province s’acquitte de cette tâche en bonne et due forme, conclut le commissaire.
Il recommande l’intégration de mesures positives pour soutenir les engagements énoncés dans les paragraphes qui touchent à l’appui du développement des minorités linguistiques à la protection du français dans la loi.
Enfin, le commissaire demande d’adopter, au besoin, des mesures d’atténuation qui permettront de réduire «tout impact négatif» sur ces engagements.
Travailler avec les conseils scolaires directement
La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, également témoin en comité le 18 novembre, a demandé par la voie de sa présidente, Nicole Arseneau-Sluyter, de permettre d’établir des ententes directes entre le gouvernement fédéral et les conseils scolaires de langue française.
Ces derniers ont «les mêmes compétences d’administrer l’argent que n’importe quelle institution dans la province!», a-t-elle rappelé.
Ce serait une façon de supprimer un intermédiaire qui n’assure pas la distribution des fonds correctement, selon la présidente de l’organisme.
Cette dernière a aussi affirmé que dans la ville de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, 1000 francophones ont été recensés comme ayants droit, mais leurs enfants n’ont pas accès à l’enseignement dans leur langue.
«Je peux vous assurer que le français sera en dessous de 30 % au prochain recensement au Nouveau-Brunswick.»
Cette dernière fait référence au 30 % de la population de la province qui parle français au moins régulièrement à la maison selon le recensement de 2021.
Le bât blesse d’autant plus que la petite enfance ne fait pas partie de la loi sur l’éducation au Nouveau-Brunswick, rappelle-t-elle. Il y a donc un risque de les perdre avant même que les enfants commencent l’école.
«Est-ce que nos services de garde vont continuer à franciser nos enfants avec le financement du fédéral? Quels sont les contrôles à ce niveau? Il faut utiliser l’article 23 [de la Charte canadienne, NDLR]», a-t-elle souligné, avec force, devant les députés.
Ces derniers devraient déposer un rapport sur le continuum en éducation en français à la Chambre des Communes avant le printemps prochain.
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