«Nous voulons avant tout favoriser le maintien à domicile des personnes âgées pour qu’elles continuent à vivre en français et à recevoir des soins et des services dans leur langue», affirme le président de l’Association des Francophones de l’âge d’or de l’Île-du-Prince-Édouard (FAOÎPÉ), Claude Blaquière.

En Ontario, Michel Tremblay aimerait que davantage de fonds fédéraux soient alloués aux associations d’âge d’or.
L’organisme insulaire est l’une des onze associations membres de la Fédération des ainées et ainés francophones du Canada (FAAFC). À l’occasion de l’élection fédérale, la FAAFC a publié un document de 12 pages intitulé Agissons maintenant!, qui présente les revendications des 50 ans et plus.
La FAAFC réclame notamment la mise en place d’une politique nationale sur le vieillissement. En mai, des États généraux sur le vieillissement auront lieu à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Plus de 250 ainés francophones seront consultés pour identifier les éléments à inclure dans cette politique. Un livre blanc sera alors rédigé et présenté au gouvernement fédéral.
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«Changer d’approche»
«Ça prend une politique intersectorielle pour garder les ainés en santé chez eux, avec des relations sociales», assure le directeur général de la Fédération des ainés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO), Michel Tremblay.
Ça nous donnera un cadre législatif important. À partir de là, d’autres lois et règlements pourront être promulgués, et ça permettra d’exercer plus de pression pour obtenir des services et des programmes en français.
L’Acadien insiste sur le besoin de «changer d’approche» afin de répondre adéquatement au défi du vieillissement. Depuis 2016, la population âgée de 65 ans et plus dépasse celle des enfants de moins de 14 ans. En 2023, près de 19 % de la population canadienne avait 65 ans ou plus, et ce chiffre pourrait atteindre plus de 23 % d’ici 2030.
Les soins à domicile, «ça coute beaucoup moins cher»
«Plutôt que d’envoyer les plus âgés dans des foyers ou des hôpitaux anglophones, il faut investir dans les soins à domicile, estime Claude Blaquière. C’est moins de stress pour les ainés, et ça coute beaucoup moins cher.»

Éric Lefol dénonce l’absence de maison de retraite francophone en Saskatchewan et plaide pour la construction de petites unités pouvant accueillir une dizaine de personnes exclusivement en français.
Aujourd’hui, d’après la FAAFC, seulement 17 % du budget fédéral de la santé est consacré aux soins à domicile, contre par exemple 80 % dans les pays scandinaves.
«Nos ainés se retrouvent dans des maisons de retraite anglophones et on les perd, poursuit le directeur général de l’organisme Vitalité 55+ en Saskatchewan, Éric Lefol. À cause de ça, pas mal d’entre eux se sentent isolés et intimidés et développent des problèmes de santé mentale.»
Le Fransaskois exige par ailleurs plus de financements pour les services d’aide à domicile : «S’occuper des soins de santé, c’est essentiel, mais c’est insuffisant. Si l’on veut qu’une personne en perte de mobilité reste chez elle, il faut l’aider à faire le ménage, la cuisine, à tondre le gazon, à pelleter la neige.»
Quelle que soit la province, les responsables dénoncent le manque criant de services en français, en particulier dans le domaine de la santé.
C’est de compétence provinciale, mais le fédéral transfère de l’argent aux provinces. Ottawa doit donc augmenter les sommes réservées aux soins de santé en français et préserver les clauses linguistiques lorsque les ententes de financement bilatérales sont négociées.
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Besoin de logements adaptés
Pouvoir être soigné chez soi implique également de vivre dans un logement adapté à ses besoins. À cet égard, la majorité des ainés habite dans des maisons «trop grandes à étage qui ne sont plus fonctionnelles», selon Michel Tremblay.
À l’Île-du-Prince-Édouard, Claude Blaquière constate de la même manière que la plupart des personnes âgées avec des problèmes de mobilité demeurent «souvent seules et isolées, en milieu rural, loin des grands centres».
«Mais elles ne peuvent malheureusement pas déménager, car elles ne trouvent pas de logements plus petits à des prix abordables», déplore Éric Lefol.
La FAAFC demande ainsi la construction de davantage de logements abordables adaptés. Pour les représentants du secteur, encourager les ainés à retourner sur le marché du travail constitue un autre enjeu clé.
Prendre sa retraite ne veut pas dire nécessairement arrêter de travailler ou de s’engager, on a besoin de se sentir utiles à la société. Il faut rester occupés mentalement et physiquement, avoir des projets, continuer à sociabiliser, c’est ce qui nous maintient en vie quand on vieillit.
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Silence radio au national
Favoriser l’employabilité des ainés, «ne serait-ce que quelques heures par semaine», reste également une manière de «pallier l’actuelle pénurie de main-d’œuvre dans les communautés francophones en situation minoritaire», considère Claude Blaquière.

À l’Île-du-Prince-Édouard, Claude Blaquière assure que «des emplois à temps partiel» intéressent les ainés, à condition de ne pas être «pénalisés au niveau des impôts».
«Ça doit néanmoins se faire selon des conditions précises et flexibles, au rythme des ainés, en fonction de leur emploi du temps, de leurs compétences, de leurs envies», précise-t-il, avant d’évoquer des postes de suppléants dans l’enseignement.
La FAAFC suggère notamment la mise en place d’un programme «Ainés Canada au travail», sur le modèle de Jeunesse Canada au travail.
Michel Tremblay appelle pour sa part à inciter financièrement les employeurs à embaucher des personnes âgées : «Avec leur expérience, les plus vieux peuvent aussi devenir des mentors pour les plus jeunes, c’est un atout pour une entreprise.»
Les enjeux des ainés francophones en situation minoritaire étant «complètement invisibles» durant cette campagne électorale, selon les mots d’Éric Lefol, les organismes tentent d’agir au niveau local et de sensibiliser les candidats dans leur province respective.
«On multiplie les rencontres, on leur envoie des sondages», détaille Claude Blaquière.
Le Fransaskois Éric LeFol dénote, lui, «un manque d’intérêt des candidats» : «On sent de l’impatience quand en on parle, ça ne semble pas une question d’importance pour eux.»
Pour le moment, seul le Bloc Québécois a proposé des incitatifs fiscaux pour les ainés qui choisissent de rester sur le marché du travail. De son côté, le Parti conservateur du Canada a annoncé que les ainés pourraient gagner jusqu’à 34 000 dollars non imposables.