«La guerre commerciale avec les États-Unis est inquiétante pour beaucoup de monde, y compris pour moi-même, mais les autres enjeux deviennent trop invisibles», déplore Geneviève Stacey, à Toronto, en Ontario.
Bien que l’étudiante franco-ontarienne comprenne «le focus» mis sur les relations avec le voisin du Sud pendant cette campagne, elle aimerait des «plateformes électorales plus claires», afin de mieux connaitre «les plans des partis».
J’aimerais qu’on parle de tous les autres enjeux plutôt que du tête-à-tête avec Donald Trump. Les États-Unis ont beaucoup d’influence, mais ça ne doit plus être le centre de gravité du monde.
Le trentenaire se dit conscient du caractère «historique» de ce scrutin et de l’importance de «la représentation du Canada sur la scène internationale». «Mais maintenant, il est aussi temps de s’occuper de nous plutôt que du reste du monde», plaide le Néoécossais.
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«Mieux protéger notre économie contre le protectionnisme sauvage»
Il mentionne notamment les investissements dans les infrastructures de transport, en vue de faciliter les déplacements avec de meilleures routes et de nouvelles lignes de train à grande vitesse.

La Franco-Ontarienne Geneviève Stacey explique que de nombreux étudiants qu’elle connait «appliquent pour des centaines de jobs ces derniers mois et ne reçoivent pas d’offres».
Les relations entre le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux, responsables de l’éducation et de la santé, sont un autre sujet capital selon lui.
«On doit parler de l’argent qu’Ottawa donne aux provinces et de la façon dont elles le gèrent, ça nous affecte beaucoup au jour le jour, souligne-t-il. Je veux un premier ministre qui ait de bonnes relations et de meilleures discussions avec les provinces.»
En Saskatchewan, le retraité James MacGregor aura, au contraire, les droits de douane en tête lorsqu’il glissera son bulletin dans l’urne : «Avec la bourse qui fait des montagnes russes, j’ai perdu beaucoup d’économies pour ma retraite. Ici, au Canada, on doit mieux protéger notre économie contre le protectionnisme sauvage des Américains.»
Geneviève Stacey et Samou se disent, eux, préoccupés par les récentes annonces de relance d’oléoducs et de mines. «Les partis pourraient avoir une réaction plus verte pour répondre au bras de fer avec l’administration Trump et améliorer la situation économique», estime Samou.
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«Tarifs ou non, chaque été, la planète devient de plus en plus chaude»
L’angoisse climatique est bien présente chez Samou : «L’extinction de la biodiversité, la montée des eaux vont au-delà de ce qui se passe aux États-Unis. Tarifs ou non, chaque été, la planète devient de plus en plus chaude.»
Je comprends pourquoi les candidats pensent aux projets miniers, aux pipelines, mais ça m’angoisse. Ils devraient plutôt proposer plus de recherches pour développer les énergies renouvelables et résoudre le problème du changement climatique.
James MacGregor se montre pour sa part moins sensible aux arguments écologiques. «Ce n’est pas la priorité du moment, on a besoin de nos ressources naturelles pour résister. Et on doit le faire de façon intelligente.»
Au regard de la situation des droits de l’homme aux États-Unis, Geneviève Stacey aimerait de son côté voir plus d’annonces sur la protection des droits des femmes et de la communauté 2SLGBTQIA+ : «Il y a un retour en arrière en ce moment dans le monde sur ces questions, le Canada peut jouer un rôle de leadeur.»
L’employabilité des jeunes et le manque de logement abordable constituent deux autres préoccupations majeures pour la Franco-Ontarienne, qui se dit «inquiète» pour son avenir.
La jeune femme habite encore chez ses parents, mais planifie de travailler dans le secteur des arts : «La paie n’est pas idéale, alors je suis nerveuse de ce qui va se passer après mes études. Vu le prix des logements dans la région de Toronto, j’ai peur de ne jamais trouver à me loger.»
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Choix encore indécis
Quelles que soient leurs priorités et leurs craintes, les trois électeurs se retrouvent sur la nécessité de continuer à défendre la francophonie à l’extérieur du Québec.
«C’est important que des francophones soient représentés dans le prochain cabinet ministériel pour que les enjeux des francophones en situation minoritaire soient adressés», appuie Samou.
«Améliorer l’accès aux services en français, dans la santé, le postsecondaire, mieux partager la culture et la langue dans les écoles francophones, tout ça me tient à cœur», poursuit Geneviève Stacey.
En revanche, le niveau de français des candidats n’est pas une source d’inquiétude à leurs yeux.
Ce n’est pas la plus grande affaire pour moi et je n’aime pas la rhétorique sur l’accent anglophone. Si t’apprends le français, si tu es capable de faire un débat, tu as des capacités linguistiques bilingues et faut le respecter.
«On a besoin de quelqu’un qui puisse communiquer raisonnablement en français, mais on en fait un enjeu plus grand que c’est», renchérit Samou.
Pour James MacGregor, «ce n’est pas la question de l’urne» : «Je suis moi-même un anglophone qui parle français, ce qui compte, c’est de faire l’effort.»
Dans l’Est, Geneviève Stacey et Samou n’ont pas encore décidé à qui ils donneraient leur vote. «C’est la première fois que je sens que mon vote pourra faire une différence», observe Samou Mais le trentenaire s’interroge encore : «Est-ce que je vais voter pour le candidat qui sera le meilleur premier ministre ou pour celui qui représentera le mieux ma circonscription?»