En plus d’un plan qui place «Le Canada d’abord» dans la guerre commerciale qui oppose le pays avec les États-Unis, le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, martèle depuis plusieurs semaines qu’il faut rappeler le Parlement à Ottawa, prorogé jusqu’au 24 mars.
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, exhorte lui aussi le gouvernement libéral à réunir les parlementaires afin de mettre en place un plan pour soutenir les travailleurs et les entreprises.
Guerre commerciale
Les tarifs de 25 % sur les produits canadiens importés aux États-Unis et de 10 % sur le secteur de l’énergie, qui devaient entrer en vigueur le 4 février, ont été suspendus après que Justin Trudeau et Donald Trump se sont entretenus le 3 février.
Le Canada s’apprêtait à riposter en taxant également à 25 % une liste de produits américains.
D’après la procédure de la Chambre des communes, ce ne sont pas les chefs de parti, mais bien le gouvernement qui décide de rappeler le Parlement. Néanmoins, le Canada a-t-il besoin de débats en chambre à un moment crucial de son histoire avec les États-Unis? Pas forcément, répond Frédéric Boily, professeur en science politique au Campus Saint-Jean, à Edmonton, en Alberta.
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À la recherche d’une tribune
Pour le politologue, le gouvernement dispose d’outils de riposte assez forts pour se passer de l’intervention du Parlement.

Le chef de l’opposition, Pierre Poilievre, a présenté son plan «Le Canada d’abord» pour montrer aux États-Unis qu’il veut lui aussi plus de contrôle à la frontière, tout en ripostant «dollar pour dollar».
«Il faut bien comprendre que la demande des partis d’opposition de le rappeler [le Parlement, NDLR], c’est aussi pour avoir une tribune. Là, présentement, ils n’en ont pas. C’est très difficile pour M. Poilievre et encore plus pour M. Singh», analyse-t-il.
Selon le professeur, sans Parlement, «le gouvernement n’est pas obligé de parler avec Pierre Poilievre ni avec Jagmeet Singh. Donc, dans ce contexte, les partis d’opposition se trouvent marginalisés».
Il souligne que la demande du chef conservateur d’abandonner la Loi d’évaluation d’impact (anciennement projet de loi C-69), qui a reçu la sanction royale en 2019, n’est pour l’instant pas pertinente.
Avec cette loi, le gouvernement libéral est accusé par les conservateurs d’avoir voulu freiner tous les nouveaux projets de développements énergétiques, liés notamment au pétrole, au gaz et à l’électricité.
«En principe, Pierre Poilievre aurait pu en discuter au Parlement. Il sait très bien que cette demande ne sera pas acceptée [mais] il devait montrer qu’il était capable de se mettre au-dessus de la mêlée.»
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Des plans provinciaux inégaux
Si le Canada propose une réponse forte, ce ne seront pas les «plans provinciaux» qui feront reculer Donald Trump, si les tarifs douaniers s’appliquent au bout d’un mois, estime Frédéric Boily.

Frédéric Boily pense que le gouvernement a déjà «présentement certains outils» pour riposter contre les États-Unis, sans avoir besoin de rappeler le Parlement.
La première – et presque la seule – action de plusieurs provinces a été d’interdire la vente d’alcool provenant des États-Unis. Une mesure mise de l’avant par la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec, l’Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique.
La Nouvelle-Écosse avait aussi proposé de limiter l’accès des entreprises américaines aux marchés publics provinciaux.
De son côté, l’Alberta, qui en janvier ne s’est pas affichée aux côtés de ses homologues lors de la réunion des premiers ministres à Ottawa en prévision d’une éventuelle riposte à ces tarifs, est «en mode attente», relève Frédéric Boily.
La première ministre albertaine, Danielle Smith, a bien affirmé sa «déception» face à l’application des tarifs.
Rejoignant certaines paroles de ministres fédéraux, elle a affirmé sur X, en anglais, que cette décision «portera préjudice aux Canadiens comme aux Américains, et mettra à mal les relations et l’alliance importantes entre nos deux nations».
(1/2) I am disappointed with U.S. President Donald Trump’s @realDonaldTrump decision to place tariffs on all Canadian goods. This decision will harm Canadians and Americans alike, and strain the important relationship and alliance between our two nations.
— Danielle Smith (@ABDanielleSmith) February 1, 2025
Alberta will do… pic.twitter.com/2oUT0tO4kd
Pour le professeur Boily, Danielle Smith – qui a tenté de négocier directement avec les États-Unis pour protéger les exportation de pétrole canadien, se dit surement que les tarifs douaniers pour cette ressource étaient seulement de 10 %, qu’ils n’étaient prévus que pour le 18 février et qu’il ne faut «peut-être pas réagir trop fortement pour éviter d’empirer la situation».
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