le Samedi 19 avril 2025
le Lundi 26 août 2024 6:30 Politique

Le député acadien René Arseneault n’a pas composé sa dernière chanson

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La francophonie hors Québec perdra un deuxième allié après la prochaine élection fédérale. Après le Franco-Ontarien Francis Drouin, c’est au tour de l’Acadien René Arseneault d’annoncer son départ de la vie politique.  — Photo : Courtoisie page Facebook
La francophonie hors Québec perdra un deuxième allié après la prochaine élection fédérale. Après le Franco-Ontarien Francis Drouin, c’est au tour de l’Acadien René Arseneault d’annoncer son départ de la vie politique.
Photo : Courtoisie page Facebook
ENTRETIEN – Le député libéral du Nouveau-Brunswick, René Arseneault, a annoncé qu’il ne se représenterait pas aux prochaines élections fédérales. Tout en restant fier du travail accompli, il envisage de remettre son chapeau d’avocat, mais surtout de revenir vers ceux qu’il estime avoir négligés.
Le député acadien René Arseneault n’a pas composé sa dernière chanson
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René Arseneault est devenu député fédéral libéral de Madawaska–Restigouche, au Nouveau-Brunswick, en 2015.

De 2019 à 2021, il a occupé la fonction de secrétaire parlementaire de la ministre du Développement économique et des Langues officielles de l’époque, Mélanie Joly. Il est membre du Comité permanent des langues officielles depuis septembre 2016 et en assume la présidence depuis décembre 2021.

Il a notamment déposé, en 2024, le projet de loi C-347, qui visait à rendre optionnel le serment d’allégeance à la Couronne britannique pour les élus canadiens. Un serment «humiliant», selon lui.

Son projet a été défait, à 197 voix contre 113, notamment parce qu’une majorité de ses collègues libéraux ont voté contre. À l’issue du vote, l’hymne national britannique God Save the King avait éclaté en Chambre des communes.

Aujourd’hui, le député acadien est prêt à mettre un terme à son aventure politique. Après presque dix ans de service public, il rentrera chez lui pour amorcer un nouveau chapitre de sa vie.

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Francopresse : Pourquoi quittez-vous la politique?

René Arseneault : Pour des raisons [familiales]. Ça fait cliché, mais c’est la réalité. À un moment donné, il n’y a plus la passion de faire de la politique.

J’ai le privilège de le faire, de travailler pour nos organismes à but non lucratif, avec nos municipalités, avec nos PME, mais tout ça, ça apporte un sacrifice qui est la négligence, si on veut, de sa propre famille. Le poids de ce sacrifice commence à être aussi lourd ou même un peu plus lourd que la passion.

Et puis, en région rurale, les avions ne sont pas vraiment commodes par rapport aux horaires qu’on a. Si je prends un train, c’est dix-sept heures de route [pour me rendre à Ottawa depuis ma circonscription]. La plupart du temps, je conduis. C’est neuf heures et demie ou dix heures de route : aller dix heures, retour dix heures. Ça devient épuisant.

Donc le poids de ça fait en sorte qu’on se néglige, qu’on néglige sa famille immédiate, ses parents, son réseau d’amis qu’on a depuis toujours.

Je suis devenu grand-père récemment et je tiens à être là avec ma petite fille et mes futurs petits-enfants qui, espérons-le, vont venir en quantité.

Quel bilan dressez-vous pour les langues officielles, après presque dix ans de gouvernement libéral?

La modernisation de notre Loi sur les langues officielles (C-13), ç’a été une expérience extraordinaire, et je pense qu’on a fait du bon boulot. Espérons que dans les cinq prochaines années, on verra quel effet ça va donner.

Le Commissaire aux langues officielles, par exemple, a des dents pour sévir, ce qui n’existait pas au cours des 52 dernières années.

Le fait que l’immigration fait maintenant partie de cette loi quasi constitutionnelle comme étant une solution pour ramener la proportion francophone hors Québec à ce qu’elle était en 1971, c’est extraordinaire.

Ce ne sont que des exemples.

Aussi, il y a quelques années, le Parti libéral a demandé à Statistique Canada qu’on fasse parvenir [à la population] le formulaire court sur les ayants droit. Et le dernier recensement, celui de 2021, nous donne des données extraordinaires de qui sont ces ayants droit, où ils sont situés.

Avant, c’était des luttes de 10, 12, 15 ans pour faire construire des écoles, parce qu’il fallait que le nombre [d’ayants droit le] justifie. Maintenant, avec le recensement de 2021, on sait exactement combien il y en a par quartier, par rue, par code postal.

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René Arseneault (à droite), à côté du député acadien libéral Darrell Samson, lors de la sanction royale du projet de loi C-13. Le sénateur acadien René Cormier est au micro, avec derrière lui Ginette Petitpas Taylor (en rouge) et Monia Fortier (en blanc). 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Êtes-vous optimiste par rapport à l’avenir de la francophonie hors Québec?

Quand j’étais jeune [dans les années 1970], René Lévesque avait dit des francophones hors Québec que nous étions des canards morts. En anglais, des dead ducks. Dans les années 1990, Yves Beauchemin, un auteur bien connu, nous avait traités de cadavres encore chauds.

Je peux vous dire que les cadavres sont toujours assez fringants. […] Et on est toujours là parce qu’il faut toujours se battre. La francophonie hors Québec, comme le dit l’adage, c’est un combat continuel, c’est le combat d’une vie.

Le latin est tombé, le grec est tombé. Il y a des pays comme la Finlande et la Suède qui sont des petits pays qui doivent aussi se battre contre la marée anglophone et qui sont bien plus petits que nous, les francophones hors Québec. Et nous, on a l’avantage d’être [la cinquième] langue la plus parlée [au monde], la deuxième en Occident.

Mais il ne faut pas être naïf, il faut toujours garder l’œil ouvert et il faut se lever plus tôt, puis se coucher plus tard que les autres pour faire valoir nos droits.

Comment interprétez-vous le fait que certains libéraux aient voté contre le projet de loi C-347?

Il y avait beaucoup d’incompréhension. C’était un vote libre. Évidemment, quand on ne sait pas quel côté voter, on regarde comment va voter notre gouvernement.

Mon projet de loi était tout simple. Je regrette que mon gouvernement n’ait même pas pris le temps de me parler à ce sujet-là et de s’assoir pour avoir un dialogue académique sur le côté juridique de cette modification constitutionnelle qui, je le répète, est mineure, n’a aucun effet sur les provinces, n’a aucun effet sur l’architecture constitutionnelle du Canada et ne concerne que les futurs députés et sénateurs à être assermentés.

J’ai des regrets, ça laisse une petite cicatrice à mon cœur d’Acadien et de francophone hors Québec, mais ce n’est pas la raison pour laquelle je ne me représente pas en politique. C’était une goutte parmi tant d’autres.

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Parlons de votre propre avenir. Avez-vous des projets?

C’est certain que je retourne dans le secteur privé. […] Ça se pourrait très bien que je retourne au droit, que je devienne un avocat consultant… tout est possible.

Puis si je suis chanceux, je vais faire de la musique! C’est une blague, parce que je suis musicien, mais on peut dire que je n’ai pas composé ma dernière chanson. Il en reste encore beaucoup à composer.

Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.

Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Montréal

Marianne Dépelteau

Journaliste

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