Le lancement d’une enquête publique cogérée et menée par les Premières Nations figure parmi les recommandations présentées par la nouvelle commissaire sur le racisme systémique, Manju Varma, dans une ébauche de son rapport d’étape.
«Aucune politique, programme ou service touchant les Premières Nations ne devrait être décidé par le gouvernement sans la participation pleine et directe des nations concernées», estime-t-elle.
Produit en avril 2022, ce rapport préliminaire a été partagé le 20 juin par le groupe Mi’gmawe’l Tplu’taqnn Inc (MTI), qui représente les chefs des neuf communautés mi’kmaques de la province.
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Nommée par le gouvernement provincial à la fin septembre, Manju Varma a reçu le mandat de mener une consultation publique et de produire – d’ici le mois d’octobre – un rapport final traitant des obstacles à l’égalité des chances et à un accès équitable aux programmes et aux services, touchant aussi bien les soins de santé, l’éducation, le développement social, le logement, l’emploi et la justice pénale.
Son rapport provisoire recommande notamment de remplacer tous les noms de lieux contenant une terminologie raciste à l’égard des peuples autochtones par leurs noms d’origine Wabanaki, ou des noms recommandés par les Premières Nations, au plus tard le 21 juin 2023. Il pointe en particulier les noms «Squaw Cap Mountain», «Squaw Lake» et autre «Squaw Mountain».
«Ces noms sont une honte pour le Nouveau-Brunswick et ça ne devrait pas prendre plus d’une année pour qu’ils soient rectifiés», souligne la commissaire.
Mme Varma demande également la création d’un bureau permanent pour lutter contre le racisme systémique au Nouveau-Brunswick, proposant que l’annonce soit faite cet automne lors du discours du Trône. Elle suggère que ce bureau soit créé par l’Assemblée législative de façon à lui garantir «la possibilité de critiquer le pouvoir exécutif».
Les chefs des communautés mi’kmaques s’insurgent du fait que le document n’ait pas été rendu public, et avancent que la commissaire a renoncé à le diffuser après avoir rencontré des représentants du gouvernement le 13 avril.
«Nous sommes inquiets du fait que le gouvernement semble entraver le travail de la commissaire et dicter quelles recommandations la commissaire peut faire», peut-on lire dans un communiqué publié par MTI.
Les chefs ajoutent qu’ils ne participeront plus aux travaux de la commissaire Varma, estimant que le processus «n’est pas indépendant» et déplorant qu’aucun groupe autochtone n’ait pris part au processus de sélection et à la définition du mandat de la commissaire.
«Nous croyons que le travail de la commissaire continuera d’être contrôlé pour servir les besoins du premier ministre et de ses ministres plutôt que les personnes autochtones et les autres groupes racisés de cette province.»
Questionnée par les journalistes, la ministre responsable des affaires autochtones, Arlene Dunn, affirme que le gouvernement n’a pas demandé à la commissaire de s’abstenir de publier son rapport préliminaire.
La ministre explique avoir plutôt profité de la rencontre pour exprimer sa préoccupation quant à un «manque de communication avec les différents ministères».
Elle fait valoir que le gouvernement doit être impliqué dans la discussion pour que la commissaire puisse déterminer les «bonnes politiques».
«Qu’elle produise un rapport et sans parler aux ministères ou sans qu’eux collaborent avec elle concernant le travail qui est fait, pour moi, ce serait en deçà ce qui était dans son mandat, qui est de pour déterminer s’il existe à travers tous ces ministères des possibilités d’identifier des lacunes et d’améliorer les processus.»
Arlene Dunn indique par ailleurs qu’un travail visant à renommer des lieux dont la dénomination est jugée offensante est mené par le ministère du Tourisme, du Patrimoine et de la Culture en collaboration avec des représentants des Premières Nations.
La commissaire a elle aussi réagi à la polémique par le biais d’un communiqué.
«En tant que commissaire indépendante, je me suis efforcée d’être aussi transparente que possible dans mon travail. Pour ce faire, j’ai partagé des mises à jour de mes réflexions préliminaires avec les parties prenantes, et à partir de là, j’accueille leurs commentaires», souligne-t-elle.
La Première Nation Wolastoqey a refusé de prendre part à la consultation. Elle réclame depuis deux ans la tenue d’une enquête publique sur le racisme touchant spécifiquement le système justice et les services policiers, mais le gouvernement Higgs s’y est opposé.
Mme Varma précise avoir discuté avec les représentants de plus de 50 organisations et réalisé 52 entrevues avec divers groupes et individus à travers la province au cours des six premiers mois de son mandat.
«Ces discussions ont permis d’identifier les effets dévastateurs du racisme, tels que des problèmes de santé mentale, la marginalisation des jeunes, le chômage et dans certains cas le départ de ces personnes du Nouveau-Brunswick», note-t-elle.
«Au fur et à mesure de mes consultations, je m’attends à ce que mes conclusions continuent d’évoluer jusqu’à ce que mon rapport final soit préparé et publié à la fin de mon mandat. Ce rapport final contiendra mes recommandations finales, et toute suggestion selon laquelle l’une ou l’autre des propositions contenues dans une mise à jour publiée avant cela sont mes recommandations finales, est pure spéculation.»