le Mercredi 16 avril 2025
le Lundi 17 juillet 2023 6:30 Libre opinion

Arrêter d’investir dans Meta, mais comment faire mieux?

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Le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, lors de l’annonce du retrait des publicités fédérales des plateformes de Meta le 6 juillet.  — Photo : Marianne Dépelteau - Francopresse
Le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, lors de l’annonce du retrait des publicités fédérales des plateformes de Meta le 6 juillet.
Photo : Marianne Dépelteau - Francopresse
LIBRE OPINION — La nouvelle entourant la décision du gouvernement fédéral d’arrêter les investissements publicitaires, qui a été suivie par le gouvernement québécois et par des gouvernements municipaux, dans Meta (Facebook et Instagram), a été bien reçue par le public, mais il n’en demeure pas moins que si le ministre Pablo Rodriguez veut vraiment améliorer les investissements publicitaires du gouvernement canadien, le travail ne fait que commencer. Tant mieux si plusieurs paliers de gouvernements ont vu l’occasion de réfléchir sur leurs dépenses publicitaires, mais la réelle question, est celle de leur imputabilité dans le domaine.
Arrêter d’investir dans Meta, mais comment faire mieux?
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La publicité est vue en politique comme un produit de luxe, une façon de promouvoir, de mettre en valeur les actions du gouvernement, mais dans l’écosystème médiatique canadien, la réalité est toute autre.

L’investissement publicitaire incombe aux gouvernements afin de s’assurer de livrer des messages au plus grand nombre de citoyens possible, de garantir un accès équitable à tous, peu importe la situation géographique, et d’investir de manière responsable dans des entreprises d’ici. Chaque dollar, investi dans une entreprise qui n’a pas de retombées dans une collectivité au pays, est un pas dans la mauvaise direction et n’atteint pas la cible.

La publicité nécessaire

En 2022, la station de radio FM 103,3 sur la Rive Sud de Montréal et l’Association des radios communautaires du Québec (ARCQ), avaient publié deux études démontrant la corrélation entre l’investissement publicitaire au sein d’un média et la croissance du nombre d’articles produits au sein de ses organisations.

Que ce soit Le Devoir, les Coops de l’information, nos radios communautaires, les membres de Réseau.Presse, tous les médias misant avant tout sur leur mission d’informer, investir des montants publicitaires dans ses entreprises, souvent à but non lucratif, est un des meilleurs moyens pour les gouvernements de créer des retombées économiques positives sur chaque dollar injecté. Sans compter que dans ce type de média, où l’indépendance des travailleurs de l’information est respectée, la démocratie ne fait que mieux s’en porter. Ce qui n’a pas toujours été le cas avec Meta, où son rôle dans la démocratie a souvent été mis en cause.

Peu ou pas d’investissement publicitaire fédéral

Ayant accès au placement publicitaire dans les radios communautaires québécoises, j’ai comptabilisé les investissements publicitaires du gouvernement fédéral dans la dernière année. À vrai dire, le calcul a été rapide à faire chez certains, le montant étant de 0 $ depuis le but de l’année et la somme totale pour les 37 radios membres est d’environ 20 000 $ depuis janvier 2023. On est loin des 11 millions que recevait Facebook annuellement, soit 916 000 $ chaque mois, sans nécessairement avoir de retour sur l’investissement.

À l’ARCQ, ce sont 250 employés qui payent des impôts, sans compter les nombreuses retombées économiques dans diverses communautés au Québec. Si le gouvernement fédéral ne se donne pas de directive et de cible, on aura ce même constat année après année.

S’inspirer du modèle québécois

Il n’y a rien de parfait, mais le modèle que le Québec a adopté en février 1995, soit d’investir un minimum de 4 % dans les médias communautaires (incluant la radio, la télé et les imprimés), peut inspirer le gouvernement canadien. Cette mesure doit être mise à jour au Québec étant donné la transformation des médias depuis 30 ans, et le pourcentage revu à la hausse dans les prochains mois, surtout que la cible a rarement été atteinte. Cette directive politique a traversé les décennies et les gouvernements successifs, et a permis de mesurer les progrès, et de rappeler au gouvernement du Québec ses responsabilités.

L’équité du territoire demeure un enjeu primordial en la matière et les intervenants politiques, peu importe le palier, doivent être plus attentifs. Trop souvent, des messages, qui doivent s’adresser aux régions, ne sont disponibles que dans un certain type de média.

On a d’ailleurs même vu des campagnes sur la sécurité en motoneige, sur des postes à pourvoir durant les élections municipales, ou encore sur la chasse, ne pas être diffusées dans certains marchés comme Maniwaki, Amos, le Bas-St-Laurent, la Côte-Nord, la Gaspésie et plusieurs autres, mais être accessibles à plusieurs reprises dans des marchés urbains et sur les plateformes de Meta.

Entendons-nous, les gens des grands centres font aussi de la motoneige, chassent et vont voter, mais en toute logique, ces messages ciblent une réalité régionale, la moindre des choses serait de les inclure.

Lorsque des campagnes publicitaires du gouvernement manquent leurs cibles, c’est le contribuable qui écope. Si les gouvernements se donnent des objectifs, cela leur permettrait aussi d’avoir un meilleur contrôle sur le placement sélectionné par les agences publicitaires. Les gouvernements transmettent des campagnes à des agences qui doivent être redevables et sélectionner le placement publicitaire de manière équitable et éthique.

L’annonce du ministre Rodriguez et de ses collègues bloquistes et néodémocrates a beau être courageuse, mais si elle s’arrête ici, elle n’aura pas eu le résultat escompté. Ces mesures doivent être inclusives, non seulement pour les médias, mais pour les Canadiens. Ce n’est pas une mince tâche, mais elle est nécessaire. De plus, il s’agit d’un autre moyen de maintenir la démocratie, puisqu’on ne parle pas de nouvelles dépenses, mais de mieux investir.

Si le gouvernement canadien veut réellement avoir un impact positif, il sera primordial qu’il agisse dans les prochaines semaines.

Type: Opinion

Opinion: Contenu qui avance des idées et qui tire des conclusions fondées sur une interprétation des faits ou des données émanant de l’auteur.