Depuis la réélection du gouvernement libéral fédéral sous la gouverne du nouveau chef Mark Carney, les souverainistes albertains s’activent. Et la première ministre, Danielle Smith, ne fait rien pour étouffer le mouvement. Bien au contraire.
Bien qu’elle ait écarté la tenue d’un référendum sur la séparation de l’Alberta, Danielle Smith a fait adopter par son gouvernement une loi en mai dernier qui, parmi d’autres mesures reliées aux élections, facilitera une démarche populaire en ce sens.
La loi, intitulée Election Statutes Amendment Act, modifie les critères pouvant mener à ce genre de consultation. Notamment, elle réduit nettement le nombre de signatures nécessaires à la tenue d’un référendum; ce nombre passerait de 600 000 à 177 000, soit 3,5 % de la population de l’Alberta.
Ces changements donnent des ailes aux personnes qui militent pour l’indépendance de l’Alberta, à commencer par le groupe Alberta Prosperity Project for Sovereignty (Projet pour la souveraineté de l’Alberta).
Fondé il y a trois ans, ce mouvement travaille depuis un moment à obtenir des appuis pour la tenue d’un référendum. Sa direction affirme déjà pouvoir compter sur le soutien de 250 000 électeurs et électrices.
Lors d’un rallye à Calgary, en mai, le groupe a dévoilé la question potentielle qui serait posée lors du référendum souhaité : «Do you agree that the province of Alberta shall become a sovereign country and cease to be a province of Canada?» (Êtes-vous d’accord que l’Alberta devienne un pays souverain et cesse d’être une province canadienne?)
À suivre…
Déjà il y a près de 100 ans
Comme au Québec, l’idée de souveraineté en Alberta ne date pas d’hier. Dans les années 1930, des conflits entre le gouvernement créditiste de la province et le premier ministre canadien William Lyon Mackenzie King ont suscité de forts sentiments antifédéraux et proséparation au sein de la population albertaine.
L’idée en est restée là jusqu’à la fin des années 1970, alors que les succès du mouvement souverainiste québécois ont redonné un souffle au mouvement séparatiste albertain.
En 2000, l’Alberta Independance Party voit le jour, mais est dissout l’année suivante. La formation reprend vie en 2017 sous un nouveau nom : The Independance Party of Alberta.
Après avoir obtenu le statut de parti politique, cette formation a présenté des candidats et candidates aux élections provinciales de 2019 et de 2023, mais sans grand succès; Katherine Kowalchuk, cheffe du parti, est celle qui a récolté le plus de votes, avec 4,71 % des suffrages.
Du côté fédéral, un parti militant pour la séparation des quatre provinces de l’Ouest et des trois territoires a vu le jour en 2020. S’inspirant du Bloc québécois, le Parti Wexit (une contraction de West et exit), rapidement renommé le Parti Maverick, a présenté en vain des candidats et candidates dans ces provinces et territoires lors des élections fédérales de 2021.
Il prévoyait participer aux élections fédérales d’avril dernier, mais il a perdu le droit de le faire parce qu’il ne s’est pas conformé à l’obligation de soumettre ses rapports financiers.
L’année de sa fondation, le Parti Wexit a mis sur pied une formation provinciale en Alberta qui s’est rapidement fusionnée avec le Wildrose Independant Party. Le Wildrose a présenté deux candidats aux élections de 2021 qui ont récolté tous deux moins de 1 % des voix. Le parti est aux prises avec plusieurs conflits internes.
Autres rêves d’autonomie
Au milieu des années 1960, les régions ontariennes et québécoises bordant le lac Témiscamingue ont connu une montée souverainiste. Le mouvement a pris naissance à Val-d’Or, du côté québécois.

La une du journal anglais de Val-d’Or, The Star, traite de l’idée de créer une onzième province canadienne.
Accusant le gouvernement provincial de négliger leur région, des hommes d’affaires de l’endroit, avec l’appui de représentants des municipalités des environs, lancent l’idée de la création d’une onzième province canadienne.
Plusieurs réunions ont lieu dans des sous-sols d’église. Mais ce mouvement sera éphémère; l’affaire n’est pas prise au sérieux par la population et fait même l’objet de moqueries. Le tout meurt de sa belle mort.
Quelques années plus tard, en 1977, un nouveau parti politique reprend le flambeau pour défendre l’idée de faire du Nord de l’Ontario une province distincte. Le Northern Heritage Party subsistera jusqu’en 1985, avant d’être réanimé en 2010 sous le nom de Parti de l’Ontario Nord.
Se faisant peu d’illusion, la formation admettait avoir comme objectif d’influencer les décisions du gouvernement ontarien afin qu’elles favorisent davantage la région. La formation a laissé tomber son projet d’indépendance en cours de route. Ses appuis lors des élections de 2011 et les suivantes ont été minimes.
Le flirt acadien avec l’indépendance
Le Nouveau-Brunswick a pour sa part déjà été le théâtre d’un mouvement autonomiste porté par le Parti acadien. Fondée en 1972, la formation s’était donné comme raison d’être l’amélioration de la situation économique et sociale de la population francophone de la province.

Résultats du vote lors de la Convention d’orientation nationale acadienne de 1979. L’option de former une «province acadienne» a récolté la majorité des voix.
Dans la foulée du mouvement souverainiste québécois, les membres du Parti acadien adoptent par la suite un programme sécessionniste visant à créer une onzième province en détachant du Nouveau-Brunswick les régions francophones du nord et de l’est de la province.
Lors de la quatrième élection à laquelle il participe, en 1978, le Parti acadien obtient de bons résultats avec environ 12 % des suffrages à l’échelle de la province. Le chef, Armand Plourde, arrive même à 170 voix d’être élu dans sa circonscription.
L’année suivante, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick organise une grande Convention d’orientation nationale acadienne (CONA), afin de discuter de l’avenir politique de la communauté acadienne de la province. Plusieurs membres du Parti acadien sont parmi les personnes déléguées à cette convention.
Parmi les options «idéales» qui y sont présentées, c’est celle de former une province acadienne qui récolte le plus d’appui avec un peu plus de 53 % des votes. Environ 48 % des participants et participantes estiment qu’il s’agit même d’une option «réalisable».
L’effervescence – pour ne pas dire l’euphorie – qui gagne l’assemblée n’aura cependant pas de suite. Après avoir atteint cette étape importante, l’idée d’une province acadienne s’éteindra cependant très rapidement. À la suite de piètres résultats aux élections de 1982, le Parti acadien disparait, et le rêve d’une province acadienne avec lui.