le Vendredi 18 avril 2025
le Mardi 5 novembre 2024 6:30 Chroniques et éditoriaux

Prix Nobel d’économie 2024 : l’importance des institutions pour la prospérité

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Les lauréats du prix Nobel d’économie 2024 montrent que, sans des institutions inclusives, ce qui comprend la démocratie, les espoirs d’une réelle prospérité risquent de ne pas se concrétiser.  — Photo : João Marcelo Martins – Unsplash
Les lauréats du prix Nobel d’économie 2024 montrent que, sans des institutions inclusives, ce qui comprend la démocratie, les espoirs d’une réelle prospérité risquent de ne pas se concrétiser.
Photo : João Marcelo Martins – Unsplash
CHRONIQUE – Daron Acemoglu, Simon Johnson et James A. Robinson ont remporté le prix Nobel d’économie 2024 pour avoir montré que les pays avec des institutions inclusives et démocratiques créaient plus de prospérité. Une analyse qui tombe à point, alors que les institutions sont remises en cause dans plusieurs démocraties.
Prix Nobel d’économie 2024 : l’importance des institutions pour la prospérité
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On a souvent expliqué les différences de niveaux de développement des pays par les différences géographiques ou les différences culturelles. 

Le philosophe français Montesquieu et l’économiste britannique Alfred Marshall, par exemple, argumentaient que le climat tropical diminuait l’ardeur au travail. Le sociologue allemand Max Weber, pour sa part, prétendait que les «valeurs protestantes» accroissaient l’ardeur au travail.

Pour les trois économistes américains nouvellement nobélisés, ce sont plutôt les institutions mises en place par les gens au pouvoir qui sont principalement responsables des différences de prospérité entre les pays. 

Ils utilisent le concept d’«institutions inclusives» pour décrire des institutions qui agissent pour que le fruit de la croissance soit partagé par l’ensemble de la population. Ces institutions économiques et politiques font en sorte que le droit de vote est favorisé. Leurs contraires sont des «institutions extractives», qui profitent plutôt à la minorité au pouvoir. 

Les institutions inclusives peuvent comprendre, par exemple, un régime politique démocratique, un système judiciaire impartial et des emplois gouvernementaux ouverts à tous, pas seulement aux amis du pouvoir. Le respect des droits de propriété privés est aussi important, afin que l’on ne puisse pas confisquer unilatéralement et sans fondement les avoirs d’un particulier.

La récente élection au Nouveau-Brunswick, où il y a eu un changement de gouvernement reflétant le souhait de la majorité de la population, est un exemple d’institution inclusive en action.

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Moins de liberté, moins de prospérité

Les lauréats du Nobel ont attribué le revers de fortune de nombreux pays et régions à la colonisation. 

Les structures imposées par les puissances coloniales variaient. Les régions qui connaissaient une prospérité impressionnante avant la colonisation, mais qui se sont vu imposer des institutions qui minimisaient les bénéfices pour les populations locales ont généralement connu un déclin de leur prospérité.

Par contre, les régions où ont été mises en place des institutions de redistribution de la richesse ont connu une croissance de leur niveau de prospérité.

Un exemple tiré de l’histoire récente présenté par les lauréats est celui de la Corée du Nord et de la Corée du Sud. Ces deux pays ont une géographie similaire, soit la péninsule coréenne. Ils partagent une culture commune. La grande différence entre les deux pays est au niveau des institutions créées à la suite de la guerre de Corée. 

La Corée du Nord a choisi un régime dictatorial, sans démocratie et ne permettant pas l’existence d’un secteur privé «indépendant». 

La Corée du Sud, bien qu’elle ait connu certains régimes militaires, est une démocratie avec un secteur privé dynamique. Plusieurs compagnies de la Corée du Sud sont d’ailleurs des leadeurs mondiaux, tels que Kia, Samsung et Hyundai. 

La différence du niveau de vie entre ces deux pays est, selon les lauréats du Nobel, la démonstration que les institutions inclusives jouent un rôle fondamental dans le développement économique.

Les menaces actuelles

Il n’est probablement pas anodin que la Fondation Nobel ait décerné le prix 2024 aux économistes Acemoglu, Johnson et Robinson. Nous pouvons argumenter que les institutions qui assurent une certaine égalité des chances sont menacées dans de nombreux pays démocratiques. 

Les modèles russe ou chinois sont souvent présentés comme des solutions de rechange crédibles. Or, les travaux de ces économistes montrent qu’en l’absence d’institutions inclusives, les perspectives de développement ne sont pas reluisantes.

Les exemples de régions dans le monde où les institutions sont mises à rude épreuve abondent.

Aux États-Unis, Donald Trump a mis en doute la pertinence de certaines institutions américaines et semble avoir une admiration pour les façons de faire de certains dictateurs. 

Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement Higgs a tenté de réduire le rôle des conseils d’administration élus des régies régionales de la santé. 

Au Brésil, l’ancien président Jair Bolsonaro a également mis à mal les institutions de son pays. 

Et en Haïti, aujourd’hui, les institutions ne peuvent simplement plus jouer pleinement leur rôle. 

Dans les efforts de développement économique, on peut penser que l’aide internationale, des investissements importants ou des transferts technologiques peuvent changer le cours des choses. Cela est incontestablement vrai.

Néanmoins, Acemoglu, Johnson et Robinson nous enseignent qu’en l’absence d’institutions inclusives, incluant la démocratie, les espoirs d’une réelle prospérité risquent de ne pas se concrétiser.

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Pierre-Marcel Desjardins est titulaire d’un doctorat en économie de l’University of Texas (Austin). Il a obtenu un baccalauréat et une maitrise en science économique de l’Université de Moncton, où il enseigne l’économie depuis 1990. Ses recherches portent sur le développement économique régional et rural, les politiques publiques ainsi que la langue et l’économie. Il conseille gouvernements et organismes, en plus de faire partie de plusieurs conseils d’administration.

Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

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