le Mardi 29 avril 2025
le Samedi 16 mars 2024 6:30 Chroniques et éditoriaux

La religion du soccer cherche encore ses adeptes en Amérique du Nord

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À l’approche de la Coupe du monde 2026 en Amérique du Nord, le terreau est fertile pour faire passer le soccer dans une autre dimension de ce côté de l’Atlantique. — Photo : Tareq Ismail – Unsplash
À l’approche de la Coupe du monde 2026 en Amérique du Nord, le terreau est fertile pour faire passer le soccer dans une autre dimension de ce côté de l’Atlantique.
Photo : Tareq Ismail – Unsplash
CHRONIQUE – Sport le plus populaire sur la planète, le soccer peine à susciter le même engouement partout sur le continent nord-américain. Les choses pourraient bien changer grâce à la Coupe du monde 2026.
La religion du soccer cherche encore ses adeptes en Amérique du Nord
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Je vais mieux. Non pas parce que le printemps commence à pointer le bout de son nez, bien au contraire (j’aime l’hiver!), mais parce que l’équipe française de soccer que j’encourage, l’Olympique lyonnais, enchaine les victoires et s’éloigne d’une relégation en deuxième division française qui lui pendait au nez après une fin d’année 2023 catastrophique.

Car, oui, le supporteur de soccer en Europe vit rarement dans l’indifférence. Les matchs «pour du beurre» sont rares. Si dans les ligues sportives nord-américaines l’excitation monte en cas de qualification pour les séries, par exemple, les championnats de soccer européens sont beaucoup plus punitifs en cas de mauvais résultats.

Pas de prix de consolation avec des choix de repêchage, non, non! C’est le déclassement qui vous attend. Une année de purgatoire dans une division inférieure avec l’espoir, si vous le méritez sportivement, d’une résurrection l’année suivante, qui se traduit par une «remontée» dans la division supérieure.

Il n’y a donc rien d’étonnant à voir les spectateurs en tribune prier lorsque tout va mal. Pour certains, le soccer est une forme de religion. Pas seulement en Europe, le berceau de ce sport, mais aussi en Afrique et en Amérique du Sud. Surtout en Afrique et en Amérique du Sud, devrais-je dire.

Le Brésil, terre sacrée du soccer

Je me souviens que, lors d’un voyage de plusieurs mois en Amérique latine, le moyen le plus efficace que j’ai eu pour apprendre l’espagnol a été d’engager la conversation avec les chauffeurs de taxi en parlant de soccer. Tous avaient un club préféré, un avis à donner sur le départ ou non de Kylian Mbappé au Real Madrid ou sur les chances de leur équipe nationale de bien figurer à la Coupe du monde 2022, au Qatar.

Je pense aussi au Brésil, où le soccer forme, avec le christianisme et le carnaval, une sorte de Sainte Trinité culturelle nationale. La religion – la vraie cette fois – a même largement pénétré les rangs de l’équipe nationale, dont les joueurs affichent librement leur foi. À l’image de la star Neymar, qui avait arboré un bandeau «100 % Jesus» après la victoire du Brésil aux Jeux olympiques de Rio, en 2016.

Plus récemment, la Coupe d’Afrique des nations disputée en février a été un franc succès, battant des records d’audience, avec près de 2 milliards de téléspectateurs cumulés. Le parcours de la Côte d’Ivoire, pays hôte et vainqueur de la compétition, miraculée après être passée près d’une élimination au premier tour, a rappelé à tous qu’il fallait garder la foi en son équipe. Contre vents et marées.

En arrivant au Canada, j’ai rapidement constaté que les adeptes de ma «religion» étaient bien plus rares.

Difficile d’engager une discussion sur le CF Montréal avec un Québécois. Même la présence du Canada à la Coupe du monde 2022 n’a pas vraiment soulevé les passions.

En fait, depuis les années 1970 où quelques stars du ballon rond comme Pelé ou Franz Beckenbauer ont posé leurs valises dans des clubs des États-Unis, on ne peut pas vraiment dire que le soccer se soit imposé comme un sport majeur en Amérique du Nord. Et ce en dépit des très bons résultats des équipes féminines des États-Unis et du Canada au cours des dernières années.

La Coupe du monde 1994, disputée au sud de la frontière canadienne, se voulait un accélérateur à la pratique et a d’ailleurs coïncidé avec la création de la Major League Soccer (MLS) en 1993.

Reste que, trois décennies plus tard, la MLS est considérée comme une ligue mineure dans le monde, tout juste bonne, aux yeux des Européens, à prolonger les carrières de quelques anciens grands joueurs en préretraite.

La Coupe du monde 2026 sera-t-elle décisive?

Pourtant, je pense que le terreau est fertile pour faire passer le soccer dans une autre dimension de ce côté de l’Atlantique. La population nord-américaine n’est pas totalement indifférente à ce sport, preuve en est l’arrivée l’an dernier à l’Inter Miami de Leo Messi, la superstar argentine qui peut être considérée comme le meilleur joueur du XXIe siècle.

À Montréal, la visite du «Dieu du soccer» est attendue le 11 mai prochain. Il faut être prêt à payer un minimum de 450 $ pour assister à la rencontre. Pourtant, il ne fait aucun doute que les 19 000 places du stade Saputo trouveront preneur.

Autre tendance intéressante : le soccer est désormais le sport le plus pratiqué par les jeunes au Canada. Soccer Canada revendique près d’un million de personnes actives inscrites dans 1200 clubs. À titre comparatif, Hockey Canada rapportait 521 300 joueurs et joueuses de tout âge en 2021-2022.

La Coupe du monde 2026, organisée conjointement par les États-Unis, le Mexique et le Canada, arrive donc à point nommé pour transformer ce frémissement indéniable en véritable passion, même si le Canada n’accueillera finalement que 13 matchs, partagés entre Toronto et Vancouver.

Si le Mondial de 1994 voulait faire connaitre le soccer en Amérique du Nord, l’édition 2026 doit lui permettre de se faire adorer.

Je rêve personnellement de voir une démocratisation de la ferveur. S’installer dans un bar avec des supporteurs du CF Montréal, arborer fièrement ses couleurs, siroter une bonne bière, disserter avec plus ou moins de mauvaise foi des choix tactiques de l’entraineur : c’est ça la vraie messe du fan de soccer.

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.

Type: Opinion

Opinion: Contenu qui avance des idées et qui tire des conclusions fondées sur une interprétation des faits ou des données émanant de l’auteur.