Ce programme d’assurance médicaments faisait partie des principales exigences formulées par le Nouveau Parti démocratique (NPD) pour maintenir son alliance avec le Parti libéral.
Mais ce programme coute cher.
Le directeur parlementaire du budget avait estimé l’automne passé qu’un régime universel d’assurance médicaments couterait plus de 11 milliards de dollars dès la première année.
Par ailleurs, la plupart des provinces n’en veulent pas, jugeant plus important d’augmenter les budgets consacrés aux services de santé actuels que d’en financer de nouveaux.
On est cependant parvenu à un accord. La perspective d’un déclenchement d’élections fédérales anticipées semble être évitée pour le moment.
Mais c’est en théorie seulement, car rien n’empêche l’un des deux partis de mettre fin à l’entente de façon unilatérale quand bon lui semble. C’est d’ailleurs la menace qu’avait brandie le chef néodémocrate, Jagmeet Singh, il y a quelques semaines à peine devant la lenteur des négociations au sujet de l’assurance médicaments.
Mais maintenant que le dossier de l’assurance médicaments est en voie d’être réglé, quelles seront les prochaines étapes pour le NPD?
Une entente peut-être vaine
Le gouvernement libéral a répondu à la plupart des demandes des néodémocrates.
Il a adopté une loi antibriseurs de grève, a fourni de l’aide financière pour aider la population canadienne à faire face à l’inflation, a créé un programme national de garderies à 10 dollars par jour ainsi qu’un programme national de soins dentaires, s’est engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, a annoncé la fin des subventions au secteur des combustibles fossiles, a imposé une surtaxe aux banques et aux compagnies d’assurance, et finance actuellement la construction accélérée de logements, notamment des logements sociaux.
Il reste donc maintenant bien peu d’éléments de l’entente à mettre en œuvre.
On devrait sans doute voir le NPD revenir à la charge pour faire pression sur le gouvernement pour qu’une loi sur les soins de longue durée soit adoptée.
Mais les libéraux ont déjà annoncé qu’ils appuyaient une telle initiative. Le NPD pourrait aussi se montrer impatient envers la lenteur des progrès obtenus en matière de réconciliation et d’aide aux communautés autochtones. Par contre, ils n’ont pas vraiment de solutions à offrir pour régler ce problème.
Il sera donc difficile pour les néodémocrates de mettre de la pression sur les libéraux pendant les quelque 18 mois restants avant la prochaine élection, puisque la plupart de leurs demandes ont maintenant été satisfaites.
Il y aura ainsi peu d’occasions pour faire la démonstration aux électeurs que le NPD parvient à accomplir de nombreuses choses.
Une situation problématique?
Mais en même temps, on peut se demander si cette situation ne pourrait pas être avantageuse pour les néodémocrates.
Ceux-ci pourraient se démarquer davantage des libéraux et présenter leurs propres initiatives. Ils pourraient aussi être plus critiques vis-à-vis des actions du gouvernement, ce qui est difficile à faire quand celui-ci répond à nos demandes.
On l’oublie souvent, mais le rôle des partis d’opposition est non seulement d’exiger que le gouvernement rende des comptes sur ses actions, mais aussi d’offrir à l’électorat une solution de rechange au parti politique actuellement au pouvoir.
À en croire les récents sondages, la population canadienne serait justement à la recherche d’une autre voie que celle des libéraux de Justin Trudeau.
Cependant, la plupart des électeurs canadiens ne perçoivent pas le NPD comme étant cette solution de rechange.
Les sondages les plus récents montrent que le NPD demeure toujours au troisième rang des intentions de vote, recevant près de 20 % des appuis, derrière les libéraux qui, eux, en obtiennent autour de 25 % et les conservateurs plus de 40 %.
Rappelons qu’aux dernières élections fédérales, les néodémocrates avaient obtenu 18 % des votes, les libéraux 33 % et les conservateurs 34 %.
Que faire en 2024?
Cependant, il reste encore passablement de temps avant les prochaines élections. L’année 2024 pourrait donc être l’occasion pour le NPD de se redéfinir.
La tâche ne sera pas facile, car il lui faudra à la fois se démarquer des libéraux, qui ont pris l’habitude ces dernières années de s’inspirer des idées proposées par les néodémocrates, et convaincre les électeurs de ne pas appuyer le Parti conservateur.
Plusieurs électeurs qui ont voté pour les libéraux en 2019 et en 2021 semblent maintenant prêts à soutenir les conservateurs de Pierre Poilievre. Ce dernier cependant espère aussi attirer les travailleurs, notamment ceux des milieux manufacturiers.
Il faut dire que plusieurs syndicats, mais pas tous, ont appuyé le conservateur Doug Ford lors des élections provinciales ontariennes de 2022. Cet appui n’a certainement pas échappé à Pierre Poilievre. Le NPD devra aussi y prêter attention.
Comment le NPD peut-il donc se distinguer à la fois des libéraux et des conservateurs? La réponse se trouve sans doute dans le dossier de l’environnement.
Les changements climatiques sont réels et bien des Canadiens en sont maintenant conscients. Pourtant, peu de propositions intéressantes ont été avancées par les libéraux et par les conservateurs jusqu’à présent. Avec un Parti vert qui ne parvient pas à séduire l’électorat canadien, le NPD pourrait devenir le parti de la cause environnementale.
En somme, l’année 2024 pourrait bien profiter au NPD. Au lieu de devoir défendre constamment l’entente qu’il a conclue avec les libéraux, le NPD pourra se concentrer sur ses propres idées et monter sa propre stratégie pour la prochaine élection. En commençant avec l’enjeu des changements climatiques.
Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.