le Samedi 19 avril 2025
le Jeudi 4 janvier 2024 6:30 Chroniques et éditoriaux

2023, une année bien morose sur la scène internationale

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La chroniqueuse Aurélie Lacassagne revient sur les enjeux de politique internationale de l’année 2023.  — Photo : Ehmitrich - Unsplash
La chroniqueuse Aurélie Lacassagne revient sur les enjeux de politique internationale de l’année 2023.
Photo : Ehmitrich - Unsplash
CHRONIQUE – L’année 2023 aura été marquée par l’accumulation de mauvaises nouvelles avec une augmentation des conflits armés dans le monde, une polarisation accrue des scènes politiques nationales et des tensions socioéconomiques qui accroissent la pauvreté. Ces trois éléments sont bien sûr entremêlés, la pauvreté et le désespoir étant un terreau fertile pour les populismes de tout poil et le recours aux armes.
2023, une année bien morose sur la scène internationale
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Accroissement du nombre de conflits dans le monde

Retenons en premier lieu l’éclatement d’un nouveau conflit au Soudan qui, comme bien souvent dans le cas des conflits en Afrique, est largement passé sous le radar de la communauté internationale.

Or, cette guerre fait des ravages parmi une population civile déjà l’une des plus pauvres au monde. Les probabilités d’un nouveau génocide au Darfour sont par ailleurs élevées.

Et malheureusement, je ne vois pas de piste de sortie du conflit de si tôt.

Premièrement parce que les généraux qui se font la guerre ont trop à perdre.

Deuxièmement parce que les interférences étrangères, les enjeux autour des ressources du Soudan et le fait que tout le monde vend allègrement des armes aux deux parties font en sorte qu’en fin de compte peu de monde a intérêt à ce que cette guerre s’arrête.

C’est donc un conflit qui risque de s’enliser, comme vont continuer à s’enliser les conflits dans la région du Sahel. Maintenant que les juntes militaires sont bien installées au Mali, au Burkina Faso et au Niger, on s’aperçoit qu’elles se trouvent fort dépourvues dans leur lutte contre les groupes terroristes djihadistes.

En second lieu, la guerre menée par Israël contre la population gazaouie a ouvert un deuxième grand front. Jamais depuis 1945, le monde n’avait connu autant de guerres interétatiques. Et des guerres qui sont menées en faisant fi des conventions internationales, que ce soit à Gaza ou en Ukraine.

Ce manque de respect pour le droit international n’est pas sans lien avec l’affaissement de la démocratie.

Polarisation et populismes

Cela semble inéluctable, année après année, on assiste à la montée des partis d’extrême droite, désormais aux manettes du pouvoir dans des pays comme l’Italie, la Finlande et la Suède.

Mais l’on voit aussi et surtout, des partis de droite traditionnels qui se droitisent à la vitesse grand V, pensant ainsi éviter la casse, même si depuis 20 ans, tous les cas de figure ont démontré que c’était une tactique perdante.

Ce recul marqué de la démocratie, en Europe en particulier, a deux effets majeurs sur le vieux continent. Tout d’abord, ces partis sont tous eurosceptiques et cela pose un véritable défi pour l’avenir de l’Union européenne.

Ensuite, ce sont des partis qui sont proches de la Russie, puisqu’ils sont financés par celle-ci, et donc qui rechignent à soutenir l’Ukraine dans sa résistance à l’envahisseur russe.

Cette frilosité des Européens à appuyer militairement et financièrement l’Ukraine est en grande partie responsable de l’échec de la controffensive ukrainienne cet été.

En attendant, la Russie a réussi à reconstituer ses stocks de munitions et donc à marquer des points sur le terrain. Elle a également réussi à diviser durablement les scènes politiques des États européens et à réactiver en sous-main les tensions dans l’ancien espace yougoslave qui est de nouveau au bord de l’implosion.

Cette polarisation et cette montée des populismes affectent également les Amériques, que ce soit chez nous au Canada, chez nos voisins du Sud ou encore en Argentine.

Si les alternances politiques qui ont eu lieu dans plusieurs pays sud-américains signifient bel et bien un enracinement d’un principe démocratique de base, ces sociétés n’en demeurent pas moins profondément divisées.

Pour s’en convaincre, il suffit de prendre le Chili qui, après avoir élu pour la première fois un président de gauche, Gabriel Boric, a élu une nouvelle assemblée constituante à majorité de droite nostalgique de Pinochet.

Dans ces conditions, il s’avère bien difficile de gouverner et d’entamer des réformes permettant de régler les problèmes socioéconomiques. Comme un effet d’engrenage, cela crée du ressentiment et donc des divisions et des votes désespérés pour des hurluberlus du type Javier Milei.

Montée de la pauvreté et incertitudes économiques

Même la Chine dont tout le monde annonçait que 2023 serait la grande année se trouve engluée dans des problèmes économiques structurels notamment concernant son marché immobilier (eh oui, il n’y a pas qu’au Canada!).

Les États, tous aux prises avec des taux d’inflation élevés ont mis en place des politiques monétaires et économiques pour lutter contre la hausse des prix. Or, avant d’éventuellement porter des fruits, ces politiques ralentissent l’économie et font mal aux portemonnaies des citoyens.

Et là encore, on observe un effet d’engrenage : des taux de croissance en berne signifient moins d’emplois et donc moins de personnes qui sortent de la pauvreté, moins d’enfants iront à l’école, ce qui fait qu’ils ne pourront donc pas améliorer le sort économique de leur famille. Ils seront plus vulnérables aux tactiques de recrutement des groupes armés, ce qui favorisera la multiplication des conflits. 

Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des Facultés de sciences humaines et de philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.

Type: Opinion

Opinion: Contenu qui avance des idées et qui tire des conclusions fondées sur une interprétation des faits ou des données émanant de l’auteur.

Ottawa

Aurélie Lacassagne

Chroniqueuse