L’inflation et une croissance en berne accentuent les crises sociales et l’insécurité alimentaire partout sur la planète, provoquant un mécontentement populaire qui pourrait mener à des renversements de régime ici et une flambée des populismes et de l’extrême droite ailleurs.
Une montée des tensions au Moyen-Orient
L’effet combiné de plusieurs éléments risque fort de remettre l’actualité du Moyen-Orient au premier plan en 2023.
Dans un premier temps, il va falloir surveiller de près comment Benjamin Netanyahu, de retour au pouvoir, pourra gouverner avec ses alliés tumultueux de l’extrême droite. Cela risque fort bien de le pousser à mener une politique belliqueuse et une politique sécuritaire dramatique.
Or, au Liban voisin, on n’entrevoit aucune porte de sortie, le pays étant une fois encore incapable de se trouver un président. La crise qui y perdure contribue à assoir la légitimité du Hezbollah, qui dispose d’un soutien croissant parmi les Libanais, chiites ou autres.
Par ailleurs, le régime iranien a perdu des plumes lors des grandes manifestations populaires qui ont secoué le pays ces derniers mois. Les Iraniens ont la mémoire longue et surtout plus grand-chose à perdre. On n’a jamais senti le régime des mollahs aussi fébrile et délégitimé. Dans ces conditions, on peut craindre qu’il joue la seule carte qui lui reste en dehors de la répression : un discours nationaliste exacerbé.

Manifestations en l’honneur de Mahsa Amini, jeune femme de 22 ans tuée par la police des mœurs iranienne pour «port de vêtements inappropriés» en septembre 2022. Sa mort a entrainé ces derniers mois des confrontations violentes avec la police iranienne, qui ont fait des centaines de victimes.
Le retour en grâce des Saoudiens, la volonté d’une administration américaine qui aurait bien besoin d’un grand coup sur la scène internationale pour tenter de remporter les élections de 2024, l’instabilité chronique en Syrie qui bénéficie et aux Russes et à Daech sont autant de raisons qui représentent un contexte tout à fait favorable à une intervention en Iran.
Il n’est nullement besoin de préciser que cela serait une erreur monumentale, mais les Américains nous ont habitués à ne pas retenir les leçons du passé.
Cela sans compter que les élections législatives et présidentielles en Turquie scelleront le sort de la démocratie turque mise à mal ces dernières années par Erdogan.
Guerre en Ukraine : un hiver décisif
Sans un soutien massif matériel comme financier, l’Ukraine aura bien du mal à se défaire du joug russe.
Sur le plan militaire, on peut s’attendre à une guerre de position pendant l’hiver, mais cela va laisser le temps à la Russie de refaire son arsenal pour relancer son offensive au printemps.
Il y a donc une fenêtre à ne pas rater du côté ukrainien : les mois d’hiver devraient servir à une charge massive contre les positions-clés tenues par les Russes. Cela présuppose bien sûr que les Occidentaux redoublent leurs efforts en matière de transfert de matériel militaire de haute pointe.
Si toute l’Europe s’attend à avoir froid à cause des pénuries de gaz et d’électricité, la situation est bien sûr catastrophique pour la population civile ukrainienne. Là encore, l’Union européenne et ses alliés vont devoir mettre la main au portemonnaie et continuer leurs efforts en matière d’accueil des personnes déplacées.

L’Agence des Nations unies pour les réfugiés a compté plus de 7,8 millions de réfugiés ukrainiens enregistrés dans d’autres pays européens au 6 décembre. Au Canada, IRCC en dénombre plus de 132 000 au 11 décembre.
Le problème pour ces gouvernements est de justifier de telles dépenses et de tels efforts dans un contexte économique plus qu’incertain et où l’on demande aux populations de se serrer la ceinture. Cela risque fort bien d’entrainer des formes de rejet de la solidarité et de donner du grain à moudre aux extrémistes.
Une guerre ouverte dans la région des Grands Lacs africains?
L’année 2022 aura été marquée par le retour en force de la rébellion du M23 dans l’est de la République démocratique du Congo.
Si les pays occidentaux ont, depuis deux bonnes décennies, apporté un appui sans faille au régime rwandais pourtant extrêmement autoritaire du président Kagamé en raison de leur sentiment de culpabilité face à leur (in)action lors des génocides de 1994, le ton commence enfin à changer.
Il semble que les chancelleries prennent désormais conscience des ambitions belliqueuses du régime de Kigali et des dangers que cela présente pour toute la région. En effet, il y a un véritable risque qu’une guerre interétatique ouverte se déclare. Les autorités congolaises devront bien un jour réagir face à cet interventionniste rwandais qui ne se cache plus.
Le président ougandais Museveni, désormais le plus vieux dictateur du continent, n’attend bien sûr que ce moment pour intervenir encore un peu plus militairement et s’affirmer en force d’interposition. Politiquement, il aurait bien besoin de cette guerre, lui qui est tellement contesté à l’interne depuis les élections truquées de 2021.
Deux éléments viennent assombrir davantage l’horizon.
Premièrement, les efforts diplomatiques menés par le Kenya et la Communauté des États d’Afrique de l’Est ne peuvent avoir que des effets limités, en raison des partis pris anticongolais des pays de la région. En outre, les récentes promesses, sous pressions américaines, des rebelles du M23 de se retirer des territoires occupés au Kivu ne peuvent pas être prises au sérieux.
Deuxièmement, en décembre 2023, des élections présidentielles devraient enfin se tenir en République démocratique du Congo, et le président sortant, Félix Tshisekedi, est candidat à sa propre succession. Une campagne électorale dans un tel climat d’insécurité ne laisse rien présager de bon. Le fait que Tshisekedi, qui a échoué sur tous les plans, soit candidat, n’est pas non plus une bonne nouvelle pour l’avenir du plus grand et du plus riche pays d’Afrique.
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La Chine passera-t-elle à l’acte en 2023?
Il y a une sorte de constante dans les dictatures. Elles ont tendance à se lancer dans des aventures guerrières quand elles sont fortement contestées à l’interne (les démocraties ont tendance à faire de même quand elles doivent relancer leurs économies).
Les tensions entre la Chine et Taiwan sont allées en crescendo tout au long de 2022. Les autorités chinoises savent pertinemment que les Occidentaux sont tout accaparés par le sort de l’Ukraine ou plus précisément par leur guerre larvée contre le régime de Poutine.
En aucun cas les Occidentaux ne peuvent fournir un appui matériel, militaire et financier et à l’Ukraine et à Taiwan. Entre les deux, les Occidentaux choisiront l’Ukraine, car la sécurité de l’Europe dans son ensemble est en jeu et parce qu’ils sont encore coincés dans une lecture du monde centré sur l’Atlantique et non l’Asie.
Au demeurant, ils n’ont pas tort si l’on considère qu’une attaque de la Chine contre Taïwan n’aurait absolument pas les mêmes conséquences économiques que la guerre menée par Poutine contre l’Ukraine.
Les autorités chinoises savent également qu’un régime de sanction contre leur pays est inimaginable étant donné que la Chine est l’usine du monde et que les pénuries conséquentes seraient incommensurables.
Autrement dit, si Beijing avait l’intention de passer à l’acte, le moment ne serait pas trop mal choisi. Une attaque servirait surtout à raffermir son pouvoir sur sa population qui a montré une résistance têtue à la politique « zéro COVID » et qui a osé défier le gouvernement avec une vigueur qui a surpris le régime en place. En prime pour la Chine, une guerre servirait à relancer son économie et à redonner au pays une croissance appréciable.