
«Ce n’est pas juste un message qu’on lance dans les airs pour faire valoir qu’on a besoin de plus. C’est vraiment une réalité», souligne Maryne Dumaine au sujet du financement des médias locaux.
«Encore cette semaine, il y a un [journal] qui nous a appelés pour nous indiquer que, faute de publicité et faute d’avoir le financement nécessaire, en début d’année financière, il pensait mettre la clé sous la porte», raconte la présidente de Réseau.Presse, Maryne Dumaine. Réseau.Presse est l’éditeur de Francopresse.
«Il y a quand même beaucoup de journaux qui ne vont pas super bien financièrement, dit-elle. On fait de plus en plus face à ce défi-là.»
Les médias francophones en situation minoritaire peinent à tirer leur coin de la couverture des publicités fédérales. Les financements des médias communautaires n’ont pas été révisés depuis quelques années, malgré l’inflation, explique la présidente du réseau des médias écrits franco-canadiens.
Parmi les demandes électorales formulées par Réseau.Presse, on retrouve :
- un «financement stable, durable et adapté»;
- une révision des pratiques de placements publicitaires gouvernementaux;
- le maintien et le renforcement des programmes de soutien;
- un développement de politiques en matière de découvrabilité des contenus;
- des «mesures ciblées» pour contrer la pénurie de main-d’œuvre journalistique.
À lire aussi : Élections fédérales : incertitude sur le financement des médias francophones
Du côté de l’Alliance des radios communautaires du Canada (ARC), le directeur général Louis Béland affirme par courriel que «dans bien des cas, nos radios font déjà des miracles avec très peu de moyens».
Du financement stable et durable, une facilitation de l’accès à des ressources techniques et humaines, les demandes sont similaires dans le monde de la radio.
«Si le gouvernement fédéral appliquait scrupuleusement une politique claire et précise d’investissements publicitaires dans nos médias locaux canadiens plutôt que sur les plateformes numériques étrangères qui contournent nos lois et nos règles fiscales, on franchirait un grand pas dans la bonne direction», écrit-il.
-
Bloc québécois (BQ)
Dans sa plateforme électorale, le Bloc québécois assure qu’il exigera du «soutien» pour la distribution des journaux locaux. Il soutiendra aussi la reconduction des mesures d’aide à la presse écrite, ce qui comprend le partage des revenus publicitaires avec les géants du Web et «le soutien à la salle de nouvelles».
Ces suggestions ne sont pas exclusives aux journaux québécois. Dans une réponse écrite, un porte-parole du BQ rappelle que la plateforme exige que «les communautés francophones minoritaires bénéficient des mêmes droits et des mêmes services dans leur langue que ceux dont bénéficient les Québécois d’expression anglaise».
Sur le plan fiscal, le parti propose de retirer les crédits d’impôt aux entreprises qui placent de la publicité sur les médias sociaux «au détriment des médias traditionnels».
Il propose également de réviser la règlementation des médias traditionnels, qui peinent à jouer du coude avec les multinationales «ne respectant aucune règlementation locale».
Le Bloc propose depuis quelque temps la création d’un fonds de redevances spécial pour les hebdomadaires locaux.
En 2024, le député porte-parole du parti en matière de Patrimoine canadien, Martin Champoux, avait expliqué qu’il était ouvert à relancer cette idée au besoin, notamment si l’Entente avec Google échouait.
Par courriel, un porte-parole du parti confirme que c’est toujours dans les plans. Le fonds serait aussi dédié au milieu culturel, serait constitué des sommes perçues par la taxe sur les services numériques.
-
Parti conservateur du Canada (PCC)
En conférence de presse le 7 avril, le chef conservateur Pierre Poilievre a promis de doubler les fonds de l’Initiative de journalisme local (IJL). Tous les journaux membres de Réseau.Presse bénéficient de ce programme.

Pierre Poilievre veut assurer le libre marché des médias d’information afin que les Canadiens et les Canadiennes puissent choisir : «Ça va nous permettre d’avoir plus de voix, plus de liberté, surtout pour nos médias francophones à travers le Canada.»
«Ça va favoriser les médias indépendants», a expliqué M. Poilievre. «On va aussi assurer que les médias indépendants aient leur juste part de publicité gouvernementale.»
Il a également assuré, quelques jours plus tôt, qu’il renforcera les services locaux Radio-Canada en milieu minoritaire, puisqu’il promet toujours d’éliminer la CBC.
À lire aussi : Renouvèlement de l’IJL : une francophonie plus riche
Un gouvernement conservateur abolirait aussi la Loi sur les nouvelles en ligne, qui a mené Ottawa à signer une entente avec Google et qui oblige le géant du Web à verser 100 millions de dollars par année aux médias canadiens.
Parmi les médias communautaires de langue officielle en situation minoritaire, 90 % d’entre eux ne sont pas admissibles à une part du gâteau, selon le Consortium des médias communautaires de langue officielle en situation minoritaire.
À travers ses demandes électorales, Réseau.Presse demande notamment d’assurer que les critères d’éligibilité aux programmes de soutien aux médias soient adaptés à la réalité des plus petits médias.
À lire aussi : Les angles morts de l’Entente Google
-
Parti libéral du Canada (PLC)

Mark Carney entend augmenter le financement gouvernemental de CBC/Radio-Canada, tout en gardant les publicités sur ses plateformes.
Le chef libéral Mark Carney «comprend l’importance de la langue française et du dynamisme des communautés francophones à travers le pays» et «reconnait également le rôle essentiel des médias francophones pour assurer leur croissance et leur vitalité», écrit un porte-parole du PLC, Guillaume Bertrand, dans une réponse par courriel.
Bertrand assure que, si réélus, les libéraux renforceraient les initiatives qui favorisent le «développement» des communautés francophones en situation minoritaire, sans préciser lesquelles.
«Nous protègerons l’identité canadienne en renforçant Radio-Canada et CBC en renforçant les salles de nouvelles locales avec plus de bureaux et de journalistes afin que tous les Canadiens et Canadiennes aient accès à des nouvelles pertinentes et fiables», ajoute Guillaume Bertrand.
Mark Carney a annoncé le 4 avril sa volonté d’augmenter de 150 millions de dollars le financement de CBC/Radio-Canada.
Le PLC n’a pas encore dévoilé la manière exacte dont il soutiendra les autres médias francophones et locaux.

«Assurer la vitalité de nos communautés francophones au pays est nécessaire pour la pérennité de l’identité canadienne», affirme le NPD.
-
Nouveau parti démocratique (NPD)
Le soutien des médias francophones en situation minoritaire est un enjeu «extrêmement important pour le NPD», répond le parti dans un courriel à Francopresse.
S’il remporte les élections, le NPD «réinvestirait de manière importante» dans ces médias. «Cela s’inscrit en adéquation avec notre désir d’accroitre le financement dans l’éducation francophone en situation minoritaire via des transferts directs aux universités de communautés francophones», lit-on.
Le NPD considère également augmenter l’achat de publicités par le gouvernement auprès de ces médias, car, pour le moment, «les annonceurs désertent les médias traditionnels».
-
Parti vert du Canada (PVC)
«Nous souhaitons bonifier le financement aux organismes et médias francophones hors Québec», affirme le co-chef du PVC, Jonathan Pedneault, dans une réponse par courriel.

Les «réseaux sociaux» doivent payer leur juste part «pour assurer le maintien de la diversité et de la santé de notre environnement médiatique», estime Jonathan Pedneault.
Cette «stratégie» inclut les dépenses publicitaires et «d’autres programmes d’aide en appui aux langues officielles et aux médias de manière générale».
Pedneault veut aussi obliger les plateformes de réseaux sociaux à respecter les lois établies par le Parlement canadien, une référence à la Loi sur les nouvelles en ligne à laquelle Meta a répliqué par un blocage des médias canadiens sur ses plateformes.
Lors d’un débat en Chambre des communes sur la Loi sur les nouvelles en ligne en 2023, la co-cheffe du PVC, Elizabeth May accusait les plateformes telles que Google et Facebook d’avoir «éviscéré» les médias d’information canadiens.
«Pas parce qu’ils se servent du contenu [des médias d’information] sans payer, mais parce qu’ils ont détruit le modèle d’affaires sur lequel nos journaux s’appuyaient. Les petites annonces, par exemple. Auparavant, les journaux pouvaient se fier à cette source de revenus. Celle-ci n’existe plus parce que des entreprises étrangères ont créé un marché différent», avait-elle expliqué.