Selon un sondage Léger publié le 20 mars, le Parti québécois (PQ) serait en tête des intentions de vote si des élections étaient déclenchées ce printemps, avec 34 %, contre 22 % pour la Coalition Avenir Québec (CAQ), actuellement au pouvoir.
Sur la souveraineté du Québec, le sondage suggère que 36 % des Québécois voteraient «OUI», 53 % «NON» tandis que 11 % sont «incertains/refus de répondre».
Le même jour, Paul St-Pierre Plamondon a affirmé que cette question sera au centre de la prochaine campagne électorale.
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Francopresse : En cas d’indépendance, qu’arriverait-il selon vous aux francophones hors Québec?
Paul St-Pierre Plamondon : Le Québec ne pourra pas freiner l’érosion du français dans le reste du Canada seulement parce qu’il demeure dans le Canada, ce n’est pas vrai.
La vérité, en ce moment, c’est que le Québec n’est même pas capable de freiner l’érosion du français au sein de son territoire. La conclusion, c’est que l’indépendance du Québec permet de donner une pérennité au français dans ce territoire-là.
Une fois que l’indépendance est faite, je pense que le Québec a une responsabilité envers chaque communauté francophone à travers le Canada de les soutenir, de tous les moyens possibles.
Ça veut dire une diplomatie de soutien aux francophones à tous les niveaux.
Moi, j’en viens à la conclusion qu’il y a pas mal plus de possibilités si le Québec se donne l’entièreté des pouvoirs et commence une diplomatie très active dans chaque province au soutien des francophones, qu’il y a des possibilités dans la posture de déclin et de défense dans laquelle le Québec se trouve en ce moment.
Vous dites par «tous les moyens», mais y a-t-il une limite?
Si moi je donne un budget de soutien aux communautés francophones, qui peut arrêter le Québec de ce point de vue-là?
Vous êtes prêt à prendre un tel engagement?
Oui. […] Une fois que l’on conclut que [le gouvernement fédéral] ne sera jamais de bonne foi et qu’il y a des siècles d’histoire pour nous le confirmer, la seule option que je vois c’est de créer un État francophone et de lui donner la responsabilité de soutien.
On pourrait mettre nos leviers financiers et une espèce de soutien interprovincial, interculturel sur le plan linguistique, pour maximiser la vitalité de chaque communauté dans chaque province.
Mais je suis sûr qu’on va faire ça. Et je n’ai pas d’intérêt électoral à le dire. Je ne pense pas que ça va changer le résultat d’une consultation populaire sur l’indépendance du Québec. C’est une question de justice dans l’histoire.
Vous avez été avocat. Que se passe-t-il juridiquement en cas d’indépendance du Québec? Qu’advient-il de la posture de bilinguisme du fédéral?

«Brian Mulroney est le dernier à avoir essayé avec sérieux et crédibilité de donner une justice ou une forme d’équité aux francophones à travers le Canada. Ça a échoué et on n’est plus jamais revenu», dit Paul St-Pierre Plamondon.
Les communautés francophones, comme n’importe quelle communauté linguistique dans le monde, ont très peu de chance de pérennité s’ils n’ont pas un territoire dans le cadre duquel leur langue est commune.
La doctrine du bilinguisme institutionnel est une fraude intellectuelle. C’est ça l’héritage de Pierre Elliott Trudeau. C’est que ça n’a fonctionné nulle part pour les francophones, y compris au Québec où il y avait historiquement 83 % de francophones. Là c’est en train de reculer.
Donc qu’est-ce qu’un Québec indépendant peut faire? C’est de voir comment, à l’intérieur des provinces actuelles, ils peuvent se créer des endroits avec le soutien financier nécessaire.
On l’a vu pour l’Université [de Sudbury] qui s’est fait couper les vivres pour ses programmes francophones. Je vois un Québec indépendant intervenir, mais ça prend des endroits où territorialement c’est clair que la langue d’usage, la langue commune et la langue officielle, ce n’est que le français.
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Est-ce que les francophones en situation minoritaire peuvent être des modèles pour le Québec?
C’est un modèle de courage. En même temps, ça devrait réveiller certains Québécois, parce que souvent je trouve que le traitement antifrancophone est intolérable.
Mais les Québécois ont un sentiment de sécurité, surtout depuis la Loi 101. Je pense qu’ils ne se sont jamais imaginés faire l’objet d’un mépris simplement en raison de leur langue maternelle. Là, ils commencent à l’expérimenter.
Donc non seulement c’est une leçon de courage, mais c’est aussi un avertissement d’à quel point ce régime canadien peut manquer de considération envers les francophones, encore aujourd’hui comme dans tout le reste de son histoire.
C’est pour ça que je [le] dis, même si je n’ai aucun intérêt électoral, pour des questions de justice et de solidarité. Ce que je pourrais faire avec les leviers d’un État indépendant qui double son budget ou presque, je vais le faire juste par principe et j’aurai l’appui de la vaste majorité des Québécois.
En ce qui concerne vos engagements et votre vision de la relation entre le Québec et les autres francophones, qu’est-ce qui garantit que votre parti poursuivra sur la même lancée si un jour vous n’êtes plus chef du PQ?
C’est un peu naturel. […] Je crois que les concepts de justice, la quête de sens, unissent les gens. Donc tu n’as pas besoin de contraintes ou de garanties, ça va de soi. Donc non, ça ne m’inquiète pas.
Si ce n’est pas moi, d’autres continueront cette œuvre-là, simplement parce que c’est une question de justice et d’équité à l’échelle d’un empire colonial britannique qui a déporté, interdit l’éducation, fait plein de choses et continue de prendre des initiatives ouvertement antifrancophones.
Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.