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le Samedi 13 août 2022 15:00 Francophonie

Le Manitoba : une province accueillante, mais pas si bilingue

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Jean Robert Noel et Anne Sonie Joseph Noel avec leurs enfants, Élodie Anah Noel et Noah Jonathan Noel. — Photo : Raphaël Boutroy
Jean Robert Noel et Anne Sonie Joseph Noel avec leurs enfants, Élodie Anah Noel et Noah Jonathan Noel.
Photo : Raphaël Boutroy
IJL – RÉSEAU.PRESSE – LA LIBERTÉ (Manitoba) – Jean Robert Noel est arrivé au Manitoba avec sa famille le 28 décembre 2021. Six mois plus tard, il fait le point sur son intégration dans la province qui lui a ouvert les bras. Bienveillance et optimisme sont les maitres mots.
Le Manitoba : une province accueillante, mais pas si bilingue
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Originaires d’Haïti, Jean Robert et sa femme, Anne Sonie Joseph Noel, ont choisi de déménager pour offrir une vie meilleure à leurs enfants, comme le raconte le père de famille : «Il y a beaucoup de raisons qui nous ont poussés à partir. La plus fondamentale, c’est certainement l’insécurité qui fait rage dans le pays.»

«Cette situation fait qu’on n’a pas la tête froide pour planifier l’avenir de nos enfants. La période scolaire n’est jamais respectée dès qu’il y a des manifestations ou des grèves. C’est très compliqué», ajoute Jean Robert Noel.

De janvier à fin juin, l’ONU a recensé 934 meurtres, 684 blessés et 680 enlèvements dans la capitale haïtienne Port-au-Prince.

Jean Robert Noel concevait ainsi le Canada comme un eldorado pour sa famille. «Depuis tout petit, j’aime le Canada, en tout cas ce que j’en vois! J’aime l’esprit du Canada. Un pays bilingue était nécessaire pour nous qui venons aussi d’un pays bilingue.», précise-t-il.

Le Canada était un rêve. Il existe vraiment beaucoup d’informations pour permettre de se projeter. Je me suis donc renseigné sur tous les programmes d’immigration qui existaient. Je suis tombé sur le Manitoba qui a un programme assez rapide, contrairement aux autres provinces.

— Jean Robert Noel

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Besoin de l’anglais

La famille a posé ses valises au Manitoba le 28 décembre, quelques jours à peine avant la naissance de la petite Élodie Annah Noel.

Depuis, ils doivent faire face à quelques obstacles. Jean Robert Noel a vite constaté la réalité de la langue française au Manitoba : «J’ai eu beaucoup d’entrevues pour des emplois, de très bonnes entrevues. Mais ce qui bloque dans ces entrevues, c’est l’anglais.»

«J’avais compris que l’anglais ne serait pas un obstacle tant que je peux comprendre et avoir une conversation basique. Sur le terrain, la réalité est différente. L’anglais doit être solide pour pouvoir intégrer une entreprise dans le domaine financier. J’ai un emploi actuellement, mais ce n’est pas dans mon domaine.»

«On m’avait prévenu lors des différentes étapes de l’immigration, mais comme dans ma tête c’était bilingue, les deux langues avaient le même poids. Je vois bien maintenant que ce n’est pas le cas», déplore-t-il.

D’autres difficultés se présentent au quotidien, notamment pour l’obtention de papiers importants.

Je dois repasser mon permis de conduire et je vois la difficulté d’avoir des dates pour avoir des instructeurs en français pour passer l’examen. Le français est toujours au second plan, il faut être patient. Mais pour moi, je n’ai pas le choix, je veux le faire en français.

— Jean Noel Robert

Sa conjointe, Anne Sonie Joseph Noel, a également expérimenté cette barrière linguistique à l’hôpital lors de son accouchement : «J’ai accouché au HSC Women’s Hospital et il n’y avait personne qui parlait français. Le stress ne fait qu’amplifier dans des situations où la santé est en jeu.»

Elle souligne toutefois la patience des employés qui ont pris le temps de répondre à ses questions : «On disait un mot et les gens comprenaient. C’était agréable de sentir cette bienveillance.»

«Notre pédiatre aussi est anglophone. Elle comprend notre situation, elle parle doucement, elle est à l’écoute. Ce sont des petites choses qui rendent la vie plus facile», nuance Anne Sonie Joseph Noel.

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Soutien et bienveillance

Depuis quelques semaines, le couple suit des cours d’anglais au Red River College. «On progresse tout doucement. C’est une étape à la fois. Mais c’est ce qu’on voulait pour nos enfants, ils vont être élevés dans un environnement trilingue : français, anglais et le créole», s’enthousiasme Jean Robert Noel.

«On se sent comme chez nous au Manitoba. On est venu avec l’esprit ouvert d’aller vers l’autre, vers de nouvelles expériences. L’anglais, c’est quelque chose qui se travaille.»

L’anglais est effectivement une composante importante pour pouvoir vivre au Manitoba, rappelle Bintou Sacko, directrice de l’Accueil francophone.

Nous, on dit à nos clients que la réalité, c’est que le Manitoba est une province anglophone, même si le français a sa place. Souvent, ce sont des immigrants qui viennent dans le cadre économique alors ils ont besoin de parler anglais, surtout dans le cadre du travail.

— Bintou Sacko, directrice de l'Accueil francophone

Malgré la barrière linguistique, le mot «bienveillance» revient fréquemment dans les propos de Jean Robert Noel et de sa femme. «Le friendly Manitoba, ce n’est pas un mythe! L’accueil qu’on trouve ici c’est quelque chose d’extraordinaire», se réjouit-il.

«On a la chance d’être accompagné par des Haïtiens qui sont au Manitoba depuis longtemps, alors ils nous guident énormément dans la vie de chaque jour. L’Accueil francophone, Pluri-elles, les organismes sont très présents pour nous aider dans notre intégration au Manitoba. Nous avons de la chance.»