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le Vendredi 29 juillet 2022 7:30 Francophonie

Santé : la barrière linguistique a un impact sur la qualité des soins

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  Photo : MART PRODUCTION – Pexels
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ACADIE NOUVELLE (Nouveau-Brunswick) – Une nouvelle étude suggère que les soins de santé sont plus sécuritaires et de meilleure qualité lorsque les médecins parlent la langue de leurs patients.
Santé : la barrière linguistique a un impact sur la qualité des soins
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L’étude, parue dans le Journal de l’Association médicale canadienne (CMAJ), a été menée auprès de 190 000 Ontariens recevant des soins à domicile et ayant été hospitalisés entre 2010 et 2018.

Les analyses effectuées dans le cadre de l’étude suggèrent que les patients francophones et allophones ayant été soignés par des médecins capables de parler leur langue pendant la majorité de leur séjour à l’hôpital ont reçu des soins plus sécuritaires et de meilleure qualité que ceux reçus par les personnes n’ayant pas été soignées dans leur langue.

Le Dr Michael Reaume.

Photo : LinkedIn Michael Reaume

Le Dr Michael Reaume, qui vient de commencer sa résidence en médecine, est l’un des principaux auteurs de la nouvelle recherche.

«Je travaille en milieu hospitalier et je vois tous les jours des patients qui font face à des barrières linguistiques ayant un impact sur la qualité et la sécurité des soins qu’ils reçoivent. Je ne suis donc pas surpris par les résultats», explique-t-il.

Il y a deux ans, une étude publiée par le Dr Reaume et ses collègues établissait déjà un lien entre les hôpitaux capables d’offrir des soins de santé en français et un risque de préjudices moins grand lors de l’hospitalisation de patients franco-ontariens.

L’étude publiée cette semaine est toutefois la première à établir une corrélation entre les langues parlées par les médecins et la qualité et la sécurité des soins offerts aux patients.

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Problèmes de communication

D’après le Dr Denis Prud’homme, l’un des auteurs de la nouvelle étude, le fait de pouvoir difficilement communiquer avec la personne qui nous soigne rend l’établissement d’un diagnostic plus complexe.

Le Dr Denis Prud’homme.

Photo : Pascal Raiche-Nogue – Acadie Nouvelle

«Si on est dans un contexte de discordance linguistique, c’est-à-dire que le patient ne parle pas la même langue que la personne qui le soigne, le médecin va souvent être obligé de faire plus d’investigations, ce qui peut retarder le diagnostic ou en affecter la qualité», explique M. Prud’homme, qui est aussi recteur de l’Université de Moncton.

M. Prud’homme, qui s’intéresse aux liens entre la langue et la qualité des soins médicaux depuis une vingtaine d’années, est d’avis que cette nouvelle étude a de quoi faire réfléchir tant les administrateurs des systèmes de santé que les médecins et les patients.

«Les professionnels de la santé doivent être conscients qu’ils exposent leurs patients à plus de risques s’ils ne mettent pas en place les conditions favorables afin d’avoir une discussion dans leur langue maternelle. Du côté des patients, ils surestiment parfois leurs compétences linguistiques en anglais et ça peut leur jouer des tours lorsqu’ils arrivent dans des situations où ils ressentent de la douleur ou lorsqu’il y a du jargon médical», avertit le Dr Prud’homme.

Les gens ont parfois du mal à trouver les bons mots pour décrire leurs symptômes et ce qu’ils ressentent. Demander des services en français, ce n’est donc pas un caprice.

— Dr Denis Prud’homme

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Favoriser l’offre de services en français

Michael Reaume note pour sa part qu’il serait important de mettre en place des mécanismes afin de favoriser l’offre de services dans la langue du patient.

«C’est assez simple, mais ce n’est pas toujours quelque chose que l’on fait, précise-t-il. Souvent, on va référer le patient au médecin avec la liste d’attente la plus courte ou qui a son bureau dans la région du patient. On va très rarement prendre en considération la langue.»

Le Dr Reaume encourage le personnel soignant à offrir des services dans la langue du patient.

Photo : MART PRODUCTION – Pexels

Faire appel aux membres de la famille du patient afin de jouer les interprètes devrait toutefois être évité, prévient le Dr Reaume, puisque «ce genre d’approche donne des résultats inférieurs à ceux obtenus lorsque l’on a recours à un interprète ayant reçu une formation professionnelle».

D’ailleurs, la question de la langue de soins n’est pas qu’une affaire de francophones puisque le phénomène est aussi observable chez les anglophones en milieu minoritaire ou chez les personnes qui ne maitrisent aucune des deux langues officielles, rappelle Denis Prud’homme.

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Des leçons pour le Nouveau-Brunswick?

Le Dr Prud’homme et ses collaborateurs ont déjà approché quelques chercheurs de l’Université de Moncton afin de voir s’il serait possible de répéter l’étude avec des données du Nouveau-Brunswick.

Bien qu’il soit pour l’instant impossible de transposer les observations effectuées en Ontario, il croit que ces nouvelles données peuvent servir de piste de réflexion.

Puisque la question de fusionner les réseaux de santé rebondit souvent dans l’actualité et les débats politiques du Nouveau-Brunswick, ce genre d’analyse pourrait permettre de prendre des décisions en toute connaissance de cause, croit-il.

«Par rapport à l’offre de service en français des gouvernements, on dit souvent qu’il faut prendre des décisions à partir de données probantes, rappelle le Dr Prud’homme. On n’en avait pas beaucoup sur l’impact réel de la barrière linguistique, mais là on en a, même s’il faudra bien sûr répéter les études au Nouveau-Brunswick parce qu’on est dans un environnement différent qu’en Ontario.»