Sur les prochaines cartes, des noms de municipalités anglophones ou à consonance colonialiste comme Dalhousie, Balmoral, Eel River Dundee ou Beresford seront remplacés par des noms à saveur plus francophone.
Le mercredi 25 mai, le ministre Allain a révélé la liste des noms choisis, tout en précisant que les municipalités pourront modifier ces appellations grâce à l’article 60 de la Loi sur la gouvernance locale.
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«C’est quand même historique»
Le président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), Alexandre Cédric Doucet, aime ce qu’il a vu. Sans s’attarder à commenter chacun des noms, il estime que les comités de transition en place ont réussi à livrer la marchandise.
«Force est d’admettre que les noms que l’on a vus ressurgir sont très intéressants. Ce que l’on vit en ce moment, c’est quand même historique», souligne-t-il.
Ce qu’il aime notamment, c’est cette volonté de bâtir les nouvelles appellations autour de l’aspect francophone.

Ce que l’on voit ne peut être que positif, car l’une des nombreuses manières de combattre l’assimilation est de s’assurer qu’une langue se reflète dans le paysage linguistique. Pour qu’une langue perdure et grandisse, on doit être en mesure de la voir dans notre quotidien, et ça commence par les bons noms des lieux. De voir des comités de citoyens opter pour des noms de langue française, c’est donc très encourageant!
Les noms de personnes et l’Église catholique absents
Historien au Village historique acadien, Philippe Basque a participé à titre de consultant au processus de sélection du nom de trois entités dans le nord de la province, celles connues bientôt comme Belle-Baie, Rivière-du-Nord et Hautes-Terre. Son rôle : demeurer neutre tout en offrant ses conseils basés sur ses connaissances en histoire.
Comme le président de la SANB, il estime que les noms sélectionnés ne nuiront certainement pas aux efforts de francisation, bien que les anciens noms demeureront tout de même en place.

L’historien au Village historique acadien Philippe Basque.
«Les anciens noms vont continuer d’exister, car on le dit depuis le début que les gens n’auront pas à changer d’adresse, que les nouveaux noms ne reflèteront que l’identité municipale. Ce qui sera intéressant d’observer maintenant, c’est comment les gens et les organisations — comme l’industrie touristique par exemple — s’approprieront ces noms, ce qu’ils en feront», indique-t-il.
Signe des temps, Philippe Basque fait remarquer que le choix des noms reflète leur époque, plusieurs faisant abstraction de deux éléments qui ont façonné la toponymie de nombreux emplacements en Acadie : les noms de personnes et la référence à l’Église catholique (via «saint» ou «sainte»).
«Renommer un endroit existant, ce n’est pas facile, et encore moins dans un aussi court délai, car tout ça s’est fait très rapidement! Cela dit, je crois que dans la majorité des cas, les gens ont pu participer au processus en soumettant des suggestions et je crois qu’ils ont beaucoup apprécié être consultés de la sorte», souligne M. Basque.
Le plus dur est à venir

La directrice des communications et gestion des partenariats de l’AFMNB, Eugénie Boudreau.
Porte-parole de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick (AFMNB), Eugénie Boudreau mentionne pour sa part qu’à la base, tous les choix actuels sont bons puisque sélectionnés localement, donc par les intervenants des communautés concernées.
«On n’a pas à commenter les noms, car ça appartient à ces communautés, mais on peut quand même dire que c’est très intéressant et que l’on est content de la tendance. On aime voir des noms français dans le paysage linguistique de la province et on voit que l’élément francophone était très important pour beaucoup de communautés, que ça leur tenait à cœur», avance-t-elle.
Maintenant que les deux premières étapes sont passées — celle de la conception des futurs conseils et celle de l’attribution d’un nouveau nom —, Mme Boudreau admet que c’est peut-être à la suivante que les choses vont commencer à se corser davantage. Sans dire que l’émotion n’était pas au rendez-vous lors des discussions précédentes, elle soutient que de grosses décisions restent à venir.
«On parle ici des services qui seront offerts, des budgets municipaux, de la formule de péréquation. C’est vraiment des questions névralgiques qui seront au menu pour les prochains mois», indique-t-elle.
À noter que ce ne sont pas toutes les entités qui ont décidé de se lancer dans un processus de changement de nom. Aussi, à certains endroits — comme pour Atholville, Campbellton et Tide Head au Restigouche — un nom existant a été sélectionné (dans ce cas-ci la communauté la plus populeuse, Campbellton).
Les nouveaux noms entreront en vigueur le 1er janvier 2023.
Avec des informations de Cédric Thévenin.