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le Lundi 1 novembre 2021 11:42 Francophonie

Au Nunavut, une campagne de sécurité se «perd dans la traduction» à la mine Agnico Eagle

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La mine Agnico Eagle est située au Nunavut. — Loulougrrl - Flickr
La mine Agnico Eagle est située au Nunavut.
Loulougrrl - Flickr
IJL LE NUNAVOIX (Nunavut) – La mine Agnico Eagle, dans la région du Kivalliq, au Nunavut, a récemment dû réagir aux nombreux commentaires reçus en lien avec l’utilisation d’affiches dans le cadre de sa campagne interne promouvant la sécurité au travail.
Au Nunavut, une campagne de sécurité se «perd dans la traduction» à la mine Agnico Eagle
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Bien qu’elle circulait depuis près d’un an sans avoir reçu aucune plainte formelle de la part d’employés, une campagne de sensibilisation favorisant la sécurité au travail par l’utilisation de l’anglais comme langue de fonctionnement, à la mine Agnico Eagle, a récemment pris une tout autre tournure après avoir été publiée sur les médias sociaux.

De nombreuses personnes ont soulevé des préoccupations quant à la nature du message qui était véhiculé. Les affiches, qui ont depuis été retirées, indiquaient la mention «L’anglais en premier» en utilisant un jeu de mots avec «atii», qui signifie «allons-y» en inuktitut et qui pourrait être mal compris par les travailleurs anglophones.

La campagne se voulait un rappel quant à l’importance d’utiliser une seule langue pour les communications et instructions liées aux opérations dans un contexte de travail multilingue.

Le Bureau du commissaire aux langues du Nunavut, qui utilise le mot «préoccupation» plutôt que «plainte» dans le cadre de son mandat, confirme avoir débuté une enquête concernant ce dossier.

Courtoisie Agnico Eagle

Un mauvais choix de mots

Dans un communiqué de presse publié le 29 septembre, la compagnie Agnico Eagle a reconnu ses torts et a qualifié l’affiche d’«offensante et mauvaise».

Nous nous excusons sans réserve auprès de notre personnel nunavummiut, des communautés dans lesquelles nous opérons et des dirigeants inuits avec lesquels nous travaillons si étroitement, et nous nous engageons à faire mieux.

— Communiqué d'Agnico Eagle

La compagnie Agnico Eagle affirme avoir la responsabilité d’assurer un environnement de travail inclusif et sécuritaire pour tous ses employés, ses entrepreneurs et ses visiteurs, ainsi que de respecter les collectivités dans lesquelles elle exerce ses activités.

«À cet effet, en consultation avec l’Association inuite du Kivalliq (AIK), Agnico Eagle a établi une politique pour fournir des directives sur l’utilisation de l’anglais, de l’inuktitut, du français ou de toute autre langue sur le site et hors site pour nos activités au Nunavut. Conformément à cette politique, la langue de travail utilisée pendant les heures de travail aux sites d’Agnico Eagle du Nunavut est l’anglais», explique Carl Charest, superviseur général des communications pour les opérations minières d’Agnico Eagle.

Il spécifie que cela comprend les communications verbales quotidiennes pendant les heures de travail, le partage d’informations en matière de sécurité, l’environnement de formation et les publications relatives à la sécurité.

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Protéger la langue inuite

Conformément à la Loi sur la protection de la langue inuite, Agnico Eagle a établi des directives concernant l’utilisation des langues sur ses emplacements. Ainsi, la signalisation en matière de santé et de sécurité nécessitant du texte, et toute autre signalisation publique sur le site fournissant des directives ou des instructions aux employés et visiteurs doivent être affichées en anglais et en inuktitut.

De plus, Agnico Eagle veille à ce que des conseillers en ressources humaines inuits parlant l’inuktitut et l’anglais soient disponibles pour les employés inuits.

De ses 1606 employés actifs équivalents temps plein au complexe Meadowbank et à la mine Meliadine, 324 sont des travailleurs inuits et la compagnie affirme leur accorder une place importante.

Agnico Eagle soutient et encourage fortement la promotion de la culture et de la langue inuites par le biais de diverses activités interculturelles sur le site et hors site. En dehors des communications liées au travail et aux opérations, les gens peuvent parler la langue de leur choix. Nous voyons même souvent des employés nunavummiuts enseigner des mots en inuktitut à d’autres.

— Carl Charest, superviseur général des communications pour les opérations minières d’Agnico Eagle

L’AIK n’a également pas tardé à réagir face à la situation en déclarant le 1er octobre dernier ne pas avoir participé à l’élaboration ou à l’approbation de l’affiche utilisée.

«L’Association inuite du Kivalliq convient qu’Agnico Eagle doit faire mieux pour favoriser un lieu de travail inclusif et communiquer son message “la sécurité d’abord”», peut-on lire dans un communiqué, qui spécifie du même coup que l’AIK continuera de travailler avec Agnico Eagle afin d’améliorer les pratiques d’emploi et de créer un milieu de travail sain et inclusif pour les Inuits du Kivalliq.

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Se pencher sur les préoccupations de la population

Le Nunavut dispose de deux lois sur les langues, soit la Loi sur les langues officielles ainsi que la Loi sur la protection de la langue inuite.

«Les préoccupations que nous traitons doivent concerner des articles de loi bien précis en matière de droits et obligations linguistiques pour être admissibles, puis considérées comme fondées», explique Francine Lantin, directrice de la planification stratégique et des politiques au Bureau du commissaire aux langues du Nunavut.

Lorsqu’une enquête débute à la suite d’une préoccupation déposée au Bureau, un avis d’intention afin d’en informer l’organisme ciblé est transmis.

Ensuite, plusieurs étapes se succèdent dont l’examen préliminaire qui permet de vérifier si la préoccupation est recevable.

Au total, ce sont 121 préoccupations qui ont été déposées au Bureau entre 2000 et 2019 dont 69 (57 %) étaient recevables et 52 (43 %) ne l’étaient pas : «Lorsque l’enquête concernant le dossier Agnico Eagle sera terminée, nous pourrons en parler. Aucune information ne sera divulguée d’ici là», précise Francine Lantin.